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12/05/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006945887

France | France, Cour d'appel de Lyon, 12 mai 2005, JURITEXT000006945887


COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 12 Mai 2005

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 26 septembre 2003 - N° rôle : 2002/1732 N° R.G. : 03/06082

Nature du recours : Appel

APPELANTS : Monsieur Jean-Luc X..., représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assisté de Me Claude VANDENBOGAERDE, avocat au barreau de CHARTRES Madame Albine X... représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assistée de Me Claude VANDENBOGAERDE, avocat au barreau de CHARTRES Monsieur Luc X..., représenté

par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assisté de Me Claude VANDENBOGAERDE, avoca...

COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 12 Mai 2005

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 26 septembre 2003 - N° rôle : 2002/1732 N° R.G. : 03/06082

Nature du recours : Appel

APPELANTS : Monsieur Jean-Luc X..., représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assisté de Me Claude VANDENBOGAERDE, avocat au barreau de CHARTRES Madame Albine X... représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assistée de Me Claude VANDENBOGAERDE, avocat au barreau de CHARTRES Monsieur Luc X..., représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assisté de Me Claude VANDENBOGAERDE, avocat au barreau de CHARTRES S.A.R.L. PONY EXPRESS 21-23 Boulevard de la Muette 95145 GARGES LES GONESSES représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assistée de Me Claude VANDENBOGAERDE, avocat au barreau de CHARTRES

INTIME : Monsieur Thierry Y... représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assisté de Me Frédéric RENAUD, avocat au barreau de LYON Instruction clôturée le 04 Mars 2005 Audience publique du 23 Mars 2005 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame MARTIN, Président, Monsieur SIMON, Conseiller Monsieur SANTELLI, Conseiller DEBATS : à l'audience publique du 23 mars 2005 GREFFIER : la Cour était assistée de Mademoiselle Z..., Greffier, présent lors des débats et du prononcé de l'arrêt, ARRET : CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 12 mai 2005 par Madame MARTIN, Président, qui a signé la minute avec Mademoiselle

Z..., Greffier. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur Jean-Luc X..., gérant de la S.A.R.L. PONY Express, société spécialisée "dans l'importation d'accessoires des Etats Unis pour tous véhicules 4 X... 4" et Monsieur Thierry Y... sont entrés en relation, dans le courant du mois d'août 2001, en vue de la cession en "bloc" de l'entreprise constituée par la S.A.R.L. PONY Express à Monsieur Jean-Luc X... A... a été mis fin à la relation par Monsieur Jean-Luc X..., au début du mois de novembre 2001, dans des circonstances aujourd'hui controversées.

Par jugement rendu le 26 septembre 2003, le Tribunal de Commerce de LYON a débouté la S.A.R.L. PONY Express, Monsieur Jean-Luc X..., Monsieur Luc X... et Madame Albine X..., autres associés de leurs demandes tendant à voir, au principal, consacrer la vente réalisée dans tous ses éléments et, au subsidiaire, constater la rupture abusive et brutale des pourparlers par Monsieur Jean-Luc X... et les a condamnés à payer à ce dernier la somme de 3.000 euros pour procédure abusive et injustifiée et celle de 1.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La S.A.R.L. PONY Express, Monsieur Jean-Luc X..., Monsieur Luc X... et Madame Albine X... ont régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

Vu l'article 455 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret N° 98-1231 du 28 décembre 1998 ;

Vu les prétentions et les moyens développés par les appelants dans leurs conclusions récapitulatives en date du 17 janvier 2005 tendant à faire juger :

- tout d'abord qu'un accord était intervenu entre les parties quant

aux conditions de la cession de l'entreprise, ces conditions étant formalisées dans un protocole d'accord du 8 novembre 2001, après acceptation par les cédants des conditions posées par Monsieur Thierry Y... dans un e-mail du 31 octobre 2001 et après une étude approfondie de la comptabilité de la part du "repreneur",

- que Monsieur Thierry Y... a rompu cet accord le 10 novembre 2001, après l'échange des consentements, en renonçant par pure "inconstance" à son projet et pour de fallacieux motifs,

- subsidiairement que Monsieur Thierry Y... a engagé sa responsabilité quasi-délictuelle en rompant abusivement et sans motifs admissibles (tenant à une rentabilité prétendument estimée insuffisante), des négociations parvenues à un stade avancé,

- que le préjudice résultant de la rupture d'une relation contractuelle aboutie comprend le préjudice lié à la perte du chiffre d'affaires pendant la durée des pourparlers transactionnels qui se sont avérés sans objet (33.187 euros) et le préjudice commercial (38.122 euros) et que le préjudice résultant de la rupture des pourparlers (consistant en des perturbations apportées à l'exploitation de la S.A.R.L. PONY Express et en l'engagement de frais inutiles) s'établit à 33.187 euros ;

Vu les prétentions et les moyens développés par Monsieur Thierry Y... dans ses conclusions en date du 16 juin 2004 tendant à faire juger : - que les négociations ou pourparlers n'ont pas abouti, notamment qu'aucun prix n'a été déterminé de manière ferme et définitive, le

liant irrévocablement,

- qu'il n'a pas engagé sa responsabilité quasi-délictuelle dès lors que chaque partie restait libre de ne pas donner suite aux pourparlers engagés et qu'il les a rompus dans des conditions non critiquables et exclusives de toute mauvaise foi,

- que la communication des documents comptables de la S.A.R.L. PONY Express s'est effectuée tardivement au mois d'octobre 2001 et lui a permis de constater que le chiffre d'affaires escompté pour la viabilité de son projet ne pourrait être atteint ;

MOTIFS ET DÉCISION

Attendu que "les cédants" ont, après examen du projet qui leur avait été soumis, invité, par courrier en date du 22 octobre 2001, le notaire de Monsieur Thierry Y... à revoir l'ensemble des nombreuses observations qu'ils avaient formulées en réponse dans leur courrier; que "les cédants" ont indiqué, le 23 octobre 2001, par le biais de leur conseil que selon "la pratique habituelle en matière de cession de blocs de contrôle, il appartient au conseil du cessionnaire d'être le rédacteur du projet d'actes" et aux cédants "d'en accepter les termes ou non" ; que le notaire de Monsieur Thierry Y... a adressé, le 25 octobre 2001, au conseil des cédants des projets de "contrat de vente sous conditions suspensives, de contrat de concession PONY Express et de garantie de passif"; que ces projets se présentaient principalement comme des "trames" très imparfaitement renseignées notamment en ce qui concerne le contrat de concession entre la S.A.R.L. PONY Express et la société Plein Air Inc implantée aux Etats Unis, celle-ci exploitée et dirigée par "les cédants", fournissant "l'essentiel de l'approvisionnement" de la S.A.R.L. PONY Express ; que Monsieur Thierry Y... a adressé un e-mail, le 31 octobre 2001, à

Monsieur Jean-Luc X..., formulant "des précisions sur ses positions" relativement aux conditions de la cession : prix 1,5 M de francs, garantie de passif, ajustement du prix intitulé "stop à la baisse de 1,350 M de francs pour le vendeur et à la hausse de 1,650 M de francs pour l'acquéreur" ... ; que dès le 6 novembre 2001, Monsieur Thierry Y... adressait à Monsieur Jean-Luc X... un nouvel e-mail proposant de revoir le prix, celui offert de 1,5 M de francs "risquant fort de ne pas être viable pour lui" (le vendeur) et estimant qu'il serait inférieur à 1,350 M de francs, soit le prix plancher exigé par les cédants ; que Monsieur Thierry Y... dans cet e-mail indiquait encore "qu'il restait dans l'attente du protocole du conseil des cédants qu'il analyserait avec son conseil (notaire) dès réception" et "qu'il donnerait ou non son accord pour la signature dès vendredi" (le vendredi suivant) ;

Attendu que Monsieur Jean-Luc X... a transmis, par e-mail en date du 8 novembre 2001, à Monsieur Thierry Y... "un contrat de vente sous conditions suspensives" ; que par e-mail du 10 novembre 2001, Monsieur Thierry Y... faisait savoir à Monsieur Jean-Luc X... "qu'il abandonnait la transaction" eu égard à un prévisionnel qui, basé sur le chiffre d'affaires et une marge en baisse, ne garantissait pas la viabilité de l'opération ;

Attendu qu'il ne peut être soutenu qu'un accord est intervenu entre les parties sur toutes les conditions de la vente par la réunion des consentements résultant d'un échange de correspondances ou d'e-mails ; que d'une part, les cédants ont formulé leur acceptation des "offres" de Monsieur Thierry Y... par l'envoi, le 8 novembre 2001, d'un contrat les intégrant alors que ce dernier les avait déjà formellement rétractées par son e-mail du 6 novembre 2001 ; que d'autre part, les conditions du contrat de concession exclusive accordée à la S.A.R.L. PONY Express par la société Plein Air Inc pour

tous les produits fabriqués aux Etats Unis, n'avaient pas donné lieu à la rédaction d'un projet de contrat définissant les relations commerciales entre les deux sociétés alors qu'un projet de contrat "conforme" (à celui qui devait être signé) devait être annexé au contrat de cession ; qu'il ne peut être considéré que les parties s'étaient engagées de manière ferme et définitive sur toutes les conditions précises et déterminées de la cession de l'entreprise impliquant la réalisation de plusieurs engagements juridiques et notamment d'un contrat d'approvisionnement exclusif ;

Attendu que la rupture de pourparlers intervenue dans certaines conditions de légèreté blâmable ou de mauvaise foi est susceptible d'engager la responsabilité quasi-délictuelle de son auteur ; qu'en l'espèce, Monsieur Thierry Y... alors que les pourparlers étaient à un stade très avancé, qu'il avait obtenu tous les renseignements d'ordre comptable, social et autre qu'il avait sollicité de la part des cédants, qu'il s'était déjà entouré de conseils (notaire, expert-comptable, banquier...), qu'il avait participé à l'exploitation de la S.A.R.L. PONY Express en prenant part à un salon professionnel ("Equip'Auto") dans le courant du mois d'octobre 2001, en nouant des relations d'affaires avec certains clients de la S.A.R.L. PONY Express et en faisant savoir son souhait qu'un contrat de travail à durée déterminée d'un personnel de la S.A.R.L. PONY Express ne soit pas poursuivi à la fin du mois de septembre 2001 (souhait pris en compte par Monsieur Jean-Luc X...) et qu'il a formulé une offre d'acquisition relativement précise, le 31 octobre 2001, aussitôt rétractée le 6 novembre 2001 pour des motifs de pure opportunité (le chiffre d'affaires qu'il disait nécessaire à la réussite de son projet pour l'année 2001 ayant été atteint), a donné à croire qu'il s'engagerait à conclure l'opération projetée ; que Monsieur Thierry Y... a rompu les pourparlers sur le point d'aboutir

d'une manière brutale et unilatérale, et avec une légèreté blâmable, sans véritable justification, sinon que "ses arguments passionnels pour le milieu", selon sa propre formule, sont quelque peu retombés ; qu'il doit réparation à ses "potentiels cédants"pour sa faute commise à l'occasion de la rupture des pourparlers ;

Attendu que le préjudice subi par ces derniers s'analyse en perturbations de tous ordres apportées tant à la marche de la S.A.R.L. PONY Express et qu'à l'activité de son dirigeant social, Monsieur Jean-Luc X..., par le comportement de Monsieur Thierry Y... contraire à la bonne foi devant présider au déroulement de pourparlers ; que les autres appelants ne justifient pas de la réalité du préjudice personnel (moral ä) qu'ils invoquent ; que la Cour d'Appel de LYON trouve dans le dossier et les explications des parties des éléments suffisants pour fixer la réparation globale due à la S.A.R.L. PONY Express et à Monsieur Jean-Luc X... à la somme de 12.000 euros ;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre la somme de 1.500 ä au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; PAR CES MOTIFS, La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Reçoit l'appel de Monsieur Jean-Luc X..., la S.A.R.L. PONY Express , Monsieur Luc X... et Madame Albine X... comme régulier en la forme,

Au fond, réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau, condamne Monsieur Thierry Y... à porter et payer à la S.A.R.L. PONY Express et à Monsieur Jean-Luc X... la somme globale de 12.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et celle également globale de 1.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Condamne Monsieur Thierry Y... aux entiers dépens de l'instance, dont

distraction au profit de la S.C.P. d'Avoués Guillaume Baufumé et Gaùl Sourbé sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

M.P. Z...

B. MARTIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006945887
Date de la décision : 12/05/2005

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Pourparlers précontractuels - /JDF

La rupture de pourparlers, intervenue dans certaines conditions de légèreté blâmable ou de mauvaise foi, est susceptible d'engager la responsabilité quasi-délictuelle de son auteur. Lorsque les pourparlers étaient à un stade très avancé, que le négociateur en cause avait obtenu tous les renseignement qu'il avait sollicité d'ordre comptable, social et autre, qu'il s'était déjà entouré de conseils, qu'il avait participé à l'exploitation de la société cédée en prenant part à un salon professionnel de l'automobile, en nouant des relations d'affaires avec certains clients et en faisant savoir son souhait de ne pas voir reconduit un contrat de travail à durée déterminée au sein de la société, qu'il avait formulé une offre d'acquisition relativement précise, aussitôt rétractée pour des motifs de pure opportunité, le négociateur a donné à croire qu'il s'engageait à conclure l'opération projetée. En rompant les pourparlers sur le point d'aboutir d'une manière brutale et unilatérale, et avec une légèreté blâmable, sans véritable justification, sinon que " ses arguments passionnels pour le milieu ", selon sa propre formule, sont quelque peu retombés, le négociateur doit réparation à ses " potentiels cédants " pour sa faute commise à l'occasion de la rupture des pourparlers


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2005-05-12;juritext000006945887 ?
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