AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE R.G : 02/05013 S.A. JACQUES LAURENCIN C/ X... APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes de LYON du 16 Juillet 2002 RG : 01/2053 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 11 MAI 2005 APPELANTE : S.A. JACQUES LAURENCIN représentée par Maître ARNAUD, avocat au barreau de LYON INTIME : Madame Hélène X... représentée par Maître GRATTARD, avocat au barreau de LYON substitué par Maître DUMOULIN, avocat au barreau de LYON PARTIES CONVOQUÉES LE : 26 août 2004 DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 30 mars 2005 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Didier JOLY, Président Monsieur Dominique DEFRASNE, Conseiller Madame Aude LEFEBVRE, Conseiller Assistés pendant les débats de Madame Ingrid Y..., Greffier ARRÊT : CONTRADICTOIRE Prononcé à l'audience publique du 11 mai 2005 par Monsieur Didier JOLY, Président, en présence de Madame Hélène Z..., Greffier, qui ont signé la minute. ************* LA COUR, Statuant sur l'appel interjeté le 14 août 2002 par la Société LAURENCIN TRAITEUR d'un jugement rendu le 16 juillet 2002 par le Conseil de Prud'hommes de LYON (section industrie) qui a : 1o) déclaré que la transaction signée entre les parties est nulle et de nul effet, 2o) dit et jugé que le licenciement de Hélène X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse, 3o) condamné la Société LAURENCIN TRAITEUR à payer à Hélène X... les sommes suivantes : - dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 4 573, 47 ç - article 700 du nouveau code de procédure civile. . . . . . .457, 35 ç 4o) débouté Hélène X... du surplus de ses demandes, 5o) débouté la Société LAURENCIN TRAITEUR de sa demande reconventionnelle ; Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 30 mars 2005 par la Société LAURENCIN TRAITEUR qui demande à la Cour de : - réformer le jugement entrepris, - vu les articles R 516-1 du code du travail, 384 du nouveau code de procédure civile et 2044 du code civil, rejeter comme irrecevables et
injustifiées les demandes de Hélène X... ; Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par Hélène X... qui demande à la Cour de : - confirmer le jugement entrepris, - y ajoutant, condamner la Société LAURENCIN TRAITEUR à verser à Hélène X... la somme de 15 879, 12 ç à titre de dommages-intérêts, outre intérêts de droit à compter de la décision, - condamner la Société LAURENCIN TRAITEUR à verser à Hélène X... la somme de 1 500 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en sus du montant déjà alloué à ce titre par les premiers juges ; Attendu que Hélène X... a été engagée en avril 1985 par la Société LAURENCIN TRAITEUR en qualité d'assistante commerciale ; que son contrat de travail était régi par la convention collective nationale pour les industries de la conserve ; qu'en dernier lieu, son salaire mensuel brut s'élevait à 8 680 F (1 323, 26 ç) ; Que des avertissements ont été notifiés à Hélène X... par lettres des 9 avril, 3 septembre et 30 décembre 1999, remises en main propre ; Que Hélène X... a dû cesser son travail en raison d'une dépression nerveuse ; Que par lettre recommandée du 28 avril 2000, la salariée a informé son employeur de son intention de réintégrer son poste le 10 mai 2000 ; qu'elle l'a invité à lui communiquer la date de la visite de reprise ; Que par lettre recommandée du 23 mai 2000, le conseil de la salariée a mis en demeure la Société LAURENCIN TRAITEUR de retirer l'avertissement du 30 décembre 1999 et de cesser immédiatement le harcèlement infligé à sa cliente ; que l'employeur lui a opposé une fin de non-recevoir par lettre du 29 mai 2000 ; que le 3 juillet 2000, Hélène X... a saisi le Conseil de Prud'hommes d'une demande d'annulation de l'avertissement contesté ; qu'un procès-verbal de non-conciliation a été établi le 5 septembre 2000 ; Que par lettre datée du 11 octobre 2000, la Société LAURENCIN TRAITEUR a convoqué Hélène X... le 16 octobre en vue d'un entretien préalable à son
licenciement; que par lettre datée du 18 octobre 2000, elle lui a notifié son licenciement pour le motif suivant : La prolongation de votre maladie rend malheureusement impossible la poursuite de votre contrat de travail. En effet, nous ne pouvons pas attendre plus longtemps votre retour, car votre absence désorganise gravement le fonctionnement normal de votre service. Que les parties ont conclu un protocole d'accord transactionnel dont l'exemplaire de l'employeur porte la date du 30 octobre 2000, celui de la salariée n'étant pas daté ; qu'aux termes de ce protocole valant transaction, la Société LAURENCIN TRAITEUR versait à Hélène X... d'une part le préavis, le solde des congés payés et l'indemnité de licenciement s'élevant à 26 396, 87 F, d'autre part une indemnité forfaitaire et transactionnelle de 26 000 F nette de charges sociales ; qu'en contrepartie, la salariée a renoncé à toute instance ou action contre son employeur ; Que par lettre du 30 octobre 2000, le conseil de Hélène X... a informé le greffe du Conseil de Prud'hommes de ce que sa cliente se désistait tant de l'instance engagée que de l'action ; qu'une décision de radiation a été rendue le 6 mars 2001 ; Que le 17 mai 2001, Hélène X..., qui avait changé de conseil, a demandé le rétablissement de l'affaire au rôle du Conseil de Prud'hommes ; qu'ainsi est intervenue la décision entreprise le 16 juillet 2002 ; Sur le désistement : Attendu d'abord que si, aux termes de l'article 384 du nouveau code de procédure civile l'instance s'éteint accessoirement à l'action par l'effet du désistement d'action, le désistement notifié au greffe du Conseil de Prud'hommes le 30 octobre 2000 ne pouvait valoir renonciation à des demandes que Hélène X... n'avait pas formées à cette date ; Sur la règle de l'unicité de l'instance : Attendu que la décision de radiation est une mesure d'administration judiciaire qui nefait pas obstacle à la poursuite de l'instance, après rétablissement de l'affaire, s'il n'y a par ailleurs péremption ; que la règle de l'unicité de l'instance
ne fait pas obstacle à ce qu'une nouvelle demande soit introduite devant le conseil de prud'hommes qui connaît déjà d'une instance relative au même contrat de travail entre les mêmes parties tant qu'il reste saisi de celle-ci ; Sur la transaction : Attendu que la transaction ayant pour objet de mettre fin au litige résultant d'un licenciement ne peut valablement être conclue qu'une fois la rupture intervenue et définitive; que cette condition n'est pas remplie en l'absence de notification du licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, conformément à l'article L 122-14-1 du code du travail, le licenciement n'ayant alors pas de date certaine ; Qu'en l'espèce, ni la lettre de licenciement ni le protocole d'accord transactionnel n'ont date certaine, contrairement à ce que fait valoir la Société LAURENCIN TRAITEUR ; que la date à laquelle la première a été remise en main propre à Hélène X... ne peut être déterminée ; que la date de conclusion de l'accord transactionnel demeure hypothétique ; Qu'en conséquence, la transaction intervenue entre la Société LAURENCIN TRAITEUR et Hélène X... est nulle ; que la salariée devra restituer l'indemnité transactionnelle de 26 000 F qu'elle a perçue en exécution du protocole annulé ; Sur le motif du licenciement : Attendu que si l'article L 122-45 du code du travail, qui fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II de ce même code, ne s'oppose pas à son licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé, celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif ; Qu'en l'espèce, la lettre de licenciement ne vise pas la nécessité du
remplacement de Hélène X... ; que la Société LAURENCIN TRAITEUR ne rapporte pas la preuve de ce que celle-ci a été effectivement remplacée ; Attendu en outre que l'article 38 de la convention collective nationale applicable contient les dispositions suivantes : Les absences motivées par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident et notifiées par l'intéressé dans les quarante-huit heures, sauf cas de force majeure, ne constituent pas une rupture du contrat de travail. Ces absences devront être justifiées par certificat médical ou par déclaration à la sécurité sociale. En dehors des absences dues à des accidents du travail et maladies professionnelles ayant eu leur origine dans l'entreprise, l'employeur serait fondé à rompre le contrat de travail en respectant la procédure de licenciement au cas où l'absence se prolongerait : - au-delà de six mois pour les salariés dont l'ancienneté dans l'entreprise est inférieure à cinq ans ; - au-delà de huit mois pour les salariés dont l'ancienneté dans l'entreprise est comprise entre cinq et dix ans ; - au-delà de dix mois pour les salariés dont l'ancienneté dans l'entreprise est comprise entre dix et quinze ans ; - au-delà d'un an pour les salariés dont l'ancienneté dans l'entreprise est supérieure à quinze ans. Qu'en l'espèce, la Société LAURENCIN TRAITEUR ne rapporte pas la preuve de ce que l'absence pour maladie non professionnelle de Hélène X..., qui avait quinze ans d'ancienneté dans l'entreprise, dépassait un an à la date de notification du licenciement ; Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ; Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : Attendu que Hélène X... qui a été licenciée sans cause réelle et sérieuse, alors qu'elle avait plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise occupant habituellement plus de dix salariés, est en droit de prétendre, en application de l'article L 122-14-4 du code du
travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que l'intimée ne démontre pas l'existence d'un préjudice justifiant l'octroi d'une indemnité supérieure au minimum légal défini qui s'élève, en l'espèce, à 7 939, 54 ç (52 080 F) ; Attendu en outre qu'en application des dispositions de l'article L 122-14-4 (alinéa 2) du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par la Société LAURENCIN TRAITEUR à l'ASSEDIC concernée des indemnités de chômage payées à Hélène X... du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage ; Sur les frais irrépétibles :
Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser Hélène X... supporter la totalité des frais qu'elle a dû exposer, tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'une somme de 1 500 ç lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS, Reçoit l'appel régulier en la forme, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a : 1o) déclaré que la transaction signée entre les parties était nulle et de nul effet, 2o) dit et jugé que le licenciement de Hélène X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, L'infirme pour le surplus, Statuant à nouveau : Condamne Hélène X... à restituer à la Société LAURENCIN TRAITEUR la somme de trois mille neuf cent soixante-trois euros et soixante-sept centimes (3 963, 67 ç) perçue en exécution du protocole annulé, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2002, Condamne la Société LAURENCIN TRAITEUR à payer à Hélène X... la somme de sept mille neuf cent trente-neuf euros et cinquante-quatre centimes (7 939, 54 ç) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2002, date du jugement, Ordonne la compensation des créances réciproques des parties, Ordonne le remboursement par la Société LAURENCIN TRAITEUR à l'ASSEDIC concernée des indemnités de chômage
payées à Hélène X... du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, Condamne la Société LAURENCIN TRAITEUR à payer à Hélène X... la somme de mille cinq cents euros (1 500 ç) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Condamne la Société LAURENCIN TRAITEUR aux entiers dépens, de première instance et d'appel. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT H. Z... D. JOLY