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17/03/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006946831

France | France, Cour d'appel de Lyon, 17 mars 2005, JURITEXT000006946831


COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 17 Mars 2005

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE du 21 mars 2003 - N° rôle : 2000/1285 N° R.G. :

03/02417

Nature du recours : Appel

APPELANT : Monsieur Tayeb X..., né le 15 janvier 1971 à SAINT ETIENNE représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assisté de la SCP FURTOS-PEYCELON, avocats au barreau de SAINT ETIENNE

INTIMES : Société CHAZELLE, S.A. 7 rue Calixte Ploton 42000 SAINT-ETIENNE représentée par la SCP JUNILLON-WICKY

, avoués à la Cour assistée de Me Brigitte MANEVAL PASQUET, avocat au barreau de SAINT ETIENNE Mon...

COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 17 Mars 2005

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE du 21 mars 2003 - N° rôle : 2000/1285 N° R.G. :

03/02417

Nature du recours : Appel

APPELANT : Monsieur Tayeb X..., né le 15 janvier 1971 à SAINT ETIENNE représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assisté de la SCP FURTOS-PEYCELON, avocats au barreau de SAINT ETIENNE

INTIMES : Société CHAZELLE, S.A. 7 rue Calixte Ploton 42000 SAINT-ETIENNE représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour assistée de Me Brigitte MANEVAL PASQUET, avocat au barreau de SAINT ETIENNE Monsieur Faustin Y... défaillant Instruction clôturée le 21 Janvier 2005 Audience publique du 09 Février 2005 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame MARTIN, Président, Monsieur SIMON, Conseiller Monsieur SANTELLI, Conseiller DEBATS : à l'audience publique du 9 février 2005 GREFFIER : la Cour était assistée de Mademoiselle Z..., Greffier, présent lors des débats et du prononcé de l'arrêt, ARRET REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 17 mars 2004 par Madame MARTIN, Président, qui a signé la minute avec Mademoiselle Z..., Greffier. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur Faustin Y... a fait exécuter par la S.A. CHAZELLE des travaux de maçonnerie en vue de l'aménagement de locaux dans lesquels Monsieur Tayeb X... exploitait un fonds de commerce "de bar-restaurant

Licence IV" à l'enseigne "Le Beethoven" situé 9, rue Francis GARNIER à SAINT ETIENNE. Ces travaux ont fait l'objet d'une facture en date du 15 janvier 1999 à hauteur de 91.790,63 francs Ttc. Monsieur Tayeb X... a vendu son fonds de commerce à la S.A.R.L. "MANBO PUB"en cours de constitution, le 22 avril 1999, au prix de 180.000 francs. Le fonds de commerce a fait l'objet d'une seconde vente en date du 1er décembre 1999 à laquelle est intervenu Monsieur Faustin Y..., entre Monsieur Tayeb X... et Monsieur Abderrahim A... moyennant le prix de 180.000 francs, cet acte de vente précisant que du fait que Monsieur Faustin Y... n'a jamais accompli les démarches lui permettant de régulariser sa situation et de se faire immatriculer au registre du commerce et des sociétés, il était procédé, par l'acte de vente du 1er décembre 1999, à "la régularisation" d'un précédent acte de vente conclu le 22 septembre 1999 entre la société " MANBO PUB" et Monsieur Abderrahim A... qui se trouvait dépourvu de tous effets.

Par jugement rendu le 21 mars 2003, le Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE, sur le fondement de la théorie de l'enrichissement sans cause, a condamné in solidum Monsieur Tayeb X... et Monsieur Faustin Y... à payer à la S.A. CHAZELLE la somme de 13.993,39 euros ou 91.790,62 francs, avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2000 et celle de 2.300 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Tayeb X... a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

Vu l'article 455 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret N° 98-1231 du 28 décembre 1998 ;

Vu les prétentions et les moyens développés par Monsieur Tayeb X... dans ses conclusions en date du 5 juin 2003 tendant à faire juger :

- que seul Monsieur Faustin Y... est redevable de la somme de 13.993,39 euros correspondant au montant des travaux qu'il a commandés à la

S.A. CHAZELLE et que celle-ci a exécutés avant la cession du fonds de commerce,

- que les conditions de l'action "de in rem verso" ne sont pas réunies dès lors : 1 - que son patrimoine n'a pas été enrichi par les travaux de maçonnerie effectués (en effet il n'a pas été payé du prix de la vente consentie à Monsieur Abderrahim A... et ne le sera jamais, celui-ci faisant l'objet d'une liquidation judiciaire), 2 - que l'action en répétition de l'indu doit avoir un caractère subsidiaire et que la S.A. CHAZELLE dispose d'une action contre Monsieur Faustin Y... tirée du contrat d'entreprise conclu entre eux,

- subsidiairement qu'il serait fondé à exercer un recours contre Monsieur Faustin Y... pour obtenir le règlement du prix de cession, sous déduction de la somme acquittée par Monsieur Abderrahim A..., soit 5.000 francs ;

Vu les prétentions et les moyens développés par la S.A. CHAZELLE dans ses conclusions en date du 24 février 2004 tendant à faire juger :

- que Monsieur Faustin Y... qui a agi au nom d'une société en formation qui n'a jamais été constituée est tenu personnellement de l'engagement qu'il avait souscrit pour le compte de la société "Manbo Pub",

- que Monsieur Tayeb X... est également tenu au paiement des travaux qui ont été réalisés dans des locaux qu'il avait pris à bail commercial, et dont il a bénéficié,

- que les deux actes de vente des 22 avril 1999 et 22 septembre 1999 n'ont pas produits d'effets ou sont "fictifs" si bien que Monsieur Tayeb X... qui est resté propriétaire du fonds de commerce qu'il a vendu, le 1er décembre 1999, s'est trouvé enrichi de la valeur des travaux exécutés,

- que l'enrichissement résulte du simple fait de la réalisation des

travaux litigieux, peu important qu'ultérieurement Monsieur Tayeb X... n'en a pas tiré le profit escompté par suite de la déconfiture de son acquéreur,

- que son action "de in rem verso" est recevable contre Monsieur Tayeb X..., tiers enrichi, et après son appauvrissement corrélatif résultant de la fourniture à Monsieur Faustin Y... de la prestation contractuelle promise dès lors qu'il n'existe pas de rapports juridiques entre Monsieur Faustin Y... et Monsieur Tayeb X..., susceptible de constituer une cause juridique à l'enrichissement de ce dernier, tiers enrichi ;

MOTIFS ET DÉCISION

Attendu que la S.A. CHAZELLE ou Monsieur Tayeb X... n'ont pas régularisé la procédure vis-à-vis de Monsieur Faustin MONAMPASSI B... ; que celui-ci n'a pas formé appel de la décision le condamnant à payer à la S.A. CHAZELLE le montant du mémoire pour travaux de maçonnerie ; que dans les rapports entre la S.A. CHAZELLE et Monsieur Faustin Y... le jugement non remis en cause par quiconque doit être confirmé; que la S.A. CHAZELLE qui a exécuté des travaux de maçonnerie et d'aménagement à la demande de Monsieur Faustin Y... est créancière de ce dernier du montant desdits travaux dont la qualité n'est pas critiquée d'une quelconque manière ; que la S.A. CHAZELLE a déclaré sa créance auprès du liquidateur judiciaire désigné dans la procédure collective concernant Monsieur Faustin Y... ;

Attendu que Monsieur Tayeb X..., bien qu'ayant formé appel à l'encontre de Monsieur Faustin Y..., ne lui a pas fait délivrer d'assignation à comparaître conformément à l'article 908 du nouveau code de procédure civile ; qu'il s'ensuit que Monsieur Tayeb X... ne pourrait, le cas échéant, former aucune demande récursoire contre lui ;

Attendu que l'action fondée sur l'enrichissement sans cause n'est admise qu'à défaut de toute autre action ouverte à l'appauvri à

l'encontre de l'enrichi ; que l'insolvabilité avérée du débiteur contractuel qui rend vaine toute condamnation obtenue contre lui fondée sur le rapport contractuel ne fait pas obstacle à l'exercice par l'appauvri d'une action fondée sur l'enrichissement sans cause contre celui qui s'est enrichi au détriment du patrimoine de l'appauvri; qu'en l'espèce, la S.A. CHAZELLE ne dispose pas à l'encontre de Monsieur Tayeb X... d'une autre action que celle fondée sur l'enrichissement sans cause ; que le fait que la S.A. CHAZELLE a obtenu une condamnation de son débiteur contractuel, Monsieur Faustin Y... sur le fondement d'un contrat d'entreprise ne fait pas obstacle à l'exercice de la présente action ; que Monsieur Faustin Y... fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire en date du 28 mai 2003 au titre d'une autre activité exercée à titre personnel et d'une procédure pénale "pour banqueroute ; que son insolvabilité est patente ;

Attendu que l'action "de in rem verso" de la S.A. CHAZELLE contre Monsieur Tayeb X... n'est ouverte que si l'avantage indirectement procuré à Monsieur Tayeb X... (par "adjonction" de la valeur des travaux à celle de son fonds de commerce) et provenant de Monsieur Faustin Y..., constitutif de son enrichissement, n'a pas une cause légitime et si les prestations dont le paiement est demandé sont entrées dans le patrimoine de Monsieur Tayeb X... et l'ont enrichi ;

Attendu sur le premier point que l'accroissement du patrimoine de Monsieur Tayeb X... à le supposer établi, résulte de l'autorisation qu'il avait donnée à Monsieur Faustin Y... de prendre possession de manière anticipée des locaux commerciaux dans lesquels il exploitait le fonds de commerce qu'il se proposait de lui vendre ; que l'acte de cession en date du 22 avril 1999 mentionne expressément que Monsieur Faustin Y... avait, avec l'accord de son cédant, déjà pris possession des lieux pour y faire réaliser dans le courant des mois de décembre

1998 et janvier 1999 des travaux en vue de l'exploitation d'une nouvelle activité de spectacle qu'il projetait, (lui ou la société en cours de constitution), d'exercer dans les locaux pris à bail par Monsieur Tayeb X... et qui reviendraient à Monsieur Faustin Y... ou à la société en cours de constitution après la cession du fonds de commerce ; que la S.A. CHAZELLE ne peut obtenir de Monsieur Tayeb X... une indemnité pour enrichissement sans cause correspondant au coût des travaux réalisés dans le cadre d'une relation juridique nouée entre le tiers enrichi, Monsieur Tayeb X... et le tiers intermédiaire, Monsieur Faustin Y..., à l'occasion de la cession d'un fonds de commerce ; qu'il importe peu que par suite de manquements de Monsieur Faustin Y..., la cession du fonds de commerce comportant cet accord particulier n'a pas été ultérieurement suivie d'effets ;

Attendu sur le second point que la S.A. CHAZELLE ne dispose de l'action "de in rem verso" qu'autant que l'exécution des travaux litigieux a procuré à Monsieur Tayeb X... une plus-value certaine dont il a tiré profit notamment par la vente de son fonds de commerce à un meilleur prix ; que Monsieur Tayeb X... par suite de la carence de Monsieur Faustin Y... a été amené à céder son fonds de commerce à Monsieur Abderrahim A... ; que cette cession a été consentie au même prix (180.000 francs) que celui fixé dans l'acte de cession du 22 avril 1999 ; que Monsieur Tayeb X... n'a donc tiré aucun profit appréciable de la réalisation par la S.A. CHAZELLE des travaux de maçonnerie litigieux ; que la prétendue plus-value réalisée par Monsieur Tayeb X... n'a pas été répercutée dans le prix de cession du fonds de commerce consentie à Monsieur Abderrahim A... ;

Attendu que cette double considération exclut que la S.A. CHAZELLE puisse intenter une action en paiement d'indemnité, fondée sur l'enrichissement sans cause ;

Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de

l'article 7OO du nouveau code de procédure civile ; que les parties seront déboutées de leur demande présentée à ce titre ; PAR CES MOTIFS, La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Reçoit l'appel de Monsieur Tayeb X... comme régulier en la forme,

Au fond, confirme le jugement déféré en ses seules dispositions de principe, non remises en cause, condamnant Monsieur Faustin Y... à payer à la S.A. CHAZELLE diverses sommes, sauf à préciser que la S.A. CHAZELLE dispose désormais à l'encontre de Monsieur Faustin Y..., mis en liquidation judiciaire, d'une créance dont le montant est fixé à 13.993,39 euros à titre principal et à 2.300 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Réforme le jugement déféré en ses autres dispositions.

Statuant à nouveau, déboute la S.A. CHAZELLE de sa demande en paiement dirigée contre Monsieur Tayeb X... sur le fondement de l'article 1371 du code civil.

Condamne la S.A. CHAZELLE aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la S.C.P. d'Avoués Jacques AGUIRAUD etamp; Philippe NOUVELLET sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

M.P. Z...

B. MARTIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006946831
Date de la décision : 17/03/2005

Analyses

ENRICHISSEMENT SANS CAUSE - ACTION DE IN REM VERSO - Caractère subsidiaire - EXISTENCE D'UNE AUTRE ACTION - IMPOSSIBILITE DE L 'EXERCER.

L'action fondée sur l'enrichissement sans cause n'est admise qu'à défaut de toute autre action ouverte à l'appauvri à l'encontre de l'enrichi. L'insolvabilité avérée du débiteur contractuel, qui a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et d'une procédure pénale pour banqueroute, et qui rend vaine la condamnation obtenue contre lui, ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action fondée sur l'enrichissement sans cause

ENRICHISSEMENT SANS CAUSE - Conditions - APPAUVRISSEMENT DU DEMANDEUR - ENRICHISSEMENT CORRELATIF DU DEFENDEUR.

L'action de in rem verso n'est ouverte que si l'avantage indirectement procuré à l'enrichi n'a pas de cause légitime et si les prestations dont le paiement est demandé sont entrées dans le patrimoine de l'enrichi. Ne peut obtenir d'indemnité pour enrichissement sans cause, la société ayant effectué des travaux dans des locaux commerciaux pour lesquels elle n'a pas obtenu de paiement dès lors que ces travaux ont été réalisés dans le cadre d'une relation juridique nouée entre le tiers enrichi et le tiers intermédiaire, autorisé à commanditer par avance des travaux à l'occasion de la cession du fonds de commerce. Peu important que, par suite, de manquements de l'acquéreur, la cession du fonds de commerce comportant cet accord particulier n'ait pas été suivie d'effet. En outre, les travaux litigieux n'ont procuré aucune plus-value à l'enrichi à l'occasion de la vente de son fonds de commerce, auprès d'un autre acquéreur, la cession auprès du second acquéreur ayant été consentie au même prix que la première cession, il n'a donc tiré aucun profit appréciable des travaux, la prétendue plus-value réalisée par le cédant n'ayant pas été répercutée sur le prix de vente


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2005-03-17;juritext000006946831 ?
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