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04/02/2005 | FRANCE | N°2002/04260

France | France, Cour d'appel de Lyon, 04 février 2005, 2002/04260


AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR R.G : 02/04260 S.A.R.L. REGAL ROOSEVELT C/ X APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 25 Juin 2002 RG :

01/686 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 04 FEVRIER 2005 APPELANTE : S.A.R.L. REGAL ROOSEVELT 12 rue des Frères Lumière 69120 VAULX EN VELIN représentée par Maître DE SAINT LEGER substituant Maître GERARD, avocat au barreau de LYON INTIMEE : Madame PATRICIA X représentée par Monsieur CARCELES, délégué syndical muni d'un pouvoir régulier PARTIES CONVOQUEES LE : 12 Juillet 2004 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE

DU : 17 Décembre 2004 Madame PANTHOU-RENARD, magistrat chargé d'instrui...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR R.G : 02/04260 S.A.R.L. REGAL ROOSEVELT C/ X APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 25 Juin 2002 RG :

01/686 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 04 FEVRIER 2005 APPELANTE : S.A.R.L. REGAL ROOSEVELT 12 rue des Frères Lumière 69120 VAULX EN VELIN représentée par Maître DE SAINT LEGER substituant Maître GERARD, avocat au barreau de LYON INTIMEE : Madame PATRICIA X représentée par Monsieur CARCELES, délégué syndical muni d'un pouvoir régulier PARTIES CONVOQUEES LE : 12 Juillet 2004 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Décembre 2004 Madame PANTHOU-RENARD, magistrat chargé d'instruire l'affaire assisté pendant les débats de Madame LE BRETON, greffier, a entendu les plaidoiries en présence de Madame DEVALETTE, Conseiller, les parties ou leur conseil ne s'y étant pas opposé. Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Président Madame Christine DEVALETTE, Conseiller Monsieur Georges CATHELIN, Conseiller ARRET :

CONTRADICTOIRE Prononcé à l'audience publique du 04 Février 2005 par Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Président en présence de Madame LE BRETON, greffier , qui ont signé la minute.

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LA COUR Mademoiselle Patricia X a été engagée par la SARL REGAL ROOSEVELT le 6 Juillet 1999 selon contrat à durée indéterminée en qualité de responsable d'un magasin de pâtisserie industrielle. Elle avait travaillé précédemment au sein de cette entreprise dans le cadre d'un contrat à durée déterminée en qualité d'intérimaire. Mademoiselle X était convoquée à un entretien préalable par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 Novembre 2000 et était mise à pied à titre conservatoire. Elle était licenciée le 15 Décembre 2000 pour faute grave. La lettre de licenciement est ainsi rédigée : En date du 13 Septembre 2000, nous avons tenu l'Assemblée Générale Ordinaire de notre société à laquelle vous avez assisté. Nous vous avons fait part de nos analyses sur les comptes de l'exercice et, notamment, de l'évolution des charges. Nous vous avons fait remarqué une hausse importante des charges de téléphone (+ 190,85% par rapport à l'exercice précédent) que vous n'avez pas justifié de façon cohérente. Nous avons parallèlement demandé à France TELECOM les deux dernières factures détaillées et nous avons reçu en date du 14 Septembre 2000 ces documents. Nous avons fait recherches des numéros d'appel par un convertisseur d'annuaire et nous avons constaté que vous émettiez des appels pour votre compte personnel : -

le 17 mars 2000 vers le 06.68.32.68.63, votre portable personnel, soit 6 minutes 37, -

le 18 mars 2000 vers le 04.72.31.62.63, vers Monsieur Y René, soit 14

minutes 47, -

le 5 avril 2000 vers le 04.72.08.91.35, vers Nadine Z, soit 1 heures 04, -

le 11 avril 2000 vers le 04.74.04.96.68, vers Monsieur Gérard X, soit 16 minutes 57, -

les 20, 21, 22, 28 et 29 janvier, les 3, 5, et 16 février vers le 06.86.04.62.49, appels répétés pour un total de 47 minutes, -

le 8 mars, vers le 04.72.08.91.35 vers Nadia Z. La conjonction de ce fait nouveau (utilisation de façon continuelle du téléphone de l'entreprise à des fins personnelles) et de nos courriers du 20 juillet 2000 à titre de premier avertissement, du 3 octobre 2000 pour un deuxième avertissement et du 20 octobre 2000 pour un troisième avertissement, nous conduisent à vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave . Par acte du 15 Février 2001, Mademoiselle X saisissait le Conseil de Prud'hommes de LYON. Par jugement du 25 Juin 2002, cette juridiction déclarait sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mademoiselle X et condamnait la SARL REGAL ROOSEVELT à lui payer les sommes suivantes : -

1.860,51 euros (somme brute) à titre de paiement de mise à pied conservatoire, -

186,05 euros (somme brute) à titre de congés payés sur la mise à pied conservatoire, -

1.594,79 euros (somme brute) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, -

159,46 euros (somme brute) à titre de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis, -

- 6.098,03 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, -

381,13 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile. Par acte du 10 Juillet 2002, la SARL REGAL ROOSEVELT

interjetait appel de ce jugement.

°°°°°°°°°° La SARL REGAL ROOSEVELT demande à la Cour de réformer le jugement entrepris, de dire que le licenciement pour faute grave de Mademoiselle X est parfaitement justifié, de débouter cette dernière de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui rembourser la somme de 3.066,23 euros payée ensuite de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré. Mademoiselle Patricia X demande à la Cour de confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions et de condamner l'appelante à lui payer la somme de 500 euros à titre d'indemnité procédurale.

°°°°°°°°°°

MOTIFS DE LA DECISION Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles L 122-6, L 122-14-2 (alinéa1) et L 122-14-3 du Code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de

travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ; Qu'en l'espèce l'employeur justifie le licenciement de Mademoiselle X pour faute grave par l'usage abusif du téléphone du magasin et cela à des fins étrangères au service les 20, 21, 22, 28, 29 janvier 2000, les 3, 5 et 16 février 2000, les 8, 17, 18 mars 2000 et les 5 et 11 avril 2000 ; Qu'il ressort des pièces produites par la SARL REGAL ROOSEVELT qu'elle a interrogé par fax France TELECOM le 11 septembre 2000, qu'elle a réceptionné la réponse au siège du Groupe le 14 septembre 2000, qu'elle n'a pu découvrir la surconsommation téléphonique imputée à sa salariée qu'à compter de cette date le 14 septembre 2000 en sorte qu'il est établi que l'employeur a eu connaissance de la faute reprochée à Mademoiselle X le 14 septembre 2000 et qu'il a initié la procédure de licenciement à son égard le 10 novembre 2000, en respectant le délai de deux mois prévu par l'article L 122-44 du Code du travail ; Que cependant les communications téléphoniques listées dans la lettre de licenciement et rappelées supra restent d'une durée limitée et sont dirigées vers un correspondant local, en sorte que le coût supporté par la société est minime, que cette dernière ne démontre d'ailleurs aucunement en quoi Mademoiselle X est responsable seule de la hausse importante des charges de téléphone qu'elle estime à 190,85% ; Que de surcroît c'est avec raison que Mademoiselle X soutient que son employeur aurait dû s'apercevoir plus tôt de l'usage du téléphone qu'elle pouvait faire et la mettre en garde contre une dérive possible ; Qu'en effet la SARL ROOSEVELT était destinataire de factures téléphoniques mensuelles ou au plus bi-mensuelles et aurait dû appréhender dès le mois de février ou mars les surconsommations téléphoniques reprochées à sa salariée ; Qu'ainsi une tolérance s'est progressivement organisée au bénéfice de Mademoiselle X pouvant autoriser cette

dernière à passer quelques communications téléphoniques locales à partir du poste téléphonique du magasin ; Qu'en conséquence de l'ensemble de ces éléments la SARL REGAL ROOSEVELT ne démontre pas que la surconsommation téléphonique reprochée à Mademoiselle X constitue une faute justifiant son licenciement ; Qu'au surplus la surconsommation téléphonique constatée par l'employeur entre le 15 mai 2000 et le 19 septembre 2000 (page 4 des conclusions) n'a pas été mentionnée dans la lettre de licenciement du 15 décembre 2000 et ne peut en conséquence être articulée par l'employeur au soutien de sa demande et sera écartée par la Cour ; Er attendu que la SARL REGAL ROOSEVELT fait état dans la lettre de licenciement des trois avertissements du 20 juillet 2000, 3 octobre 2000 et 20 octobre 2000 notifiés à Mademoiselle X qui contribueraient également à justifier son licenciement pour faute grave ; Que la Cour constate que ces trois avertissements sont relatifs à la bonne marche du magasin, aux dysfonctionnements constatés dans l'organisation du magasin et sont distincts de la surconsommation téléphonique reprochée à Mademoiselle X ; Que l'appelante ne justifie pas en quoi les faits ayant donné lieu à de tels avertissements seraient fautifs d'autant plus qu'ils ont été contestés par la salariée, laquelle a répondu à chaque question énoncée par l'employeur ; été contestés par la salariée, laquelle a répondu à chaque question énoncée par l'employeur ; Qu'au surplus le grief de surconsommation téléphonique ayant été mis à néant, il ne peut y avoir contrairement à l'énoncé de la lettre de licenciement cumul de sanctions ; Considérant qu'il échet en conséquence de ce qui précède que la Cour n'a pas la conviction au sens de l'article L 122-14-3 du code du travail précité que le licenciement pour les motifs articulés dans la lettre de licenciement procède d'une cause réelle et sérieuse ; Qu'il y a lieu de confirmer, mais par substitution des motifs, le jugement déféré en ce qu'il a

énoncé que le licenciement de Mademoiselle X ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse ; Attendu que le premier juge a apprécié de manière pertinente les demandes indemnitaires et de dommages-intérêts formulés par Mademoiselle X, qu'en cause d'appel la SARL REGAL ROOSEVELT ne présente aucune critique à titre subsidiaire sur les sommes allouées à Mademoiselle X ; Que la Cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour confirmer le jugement déféré à savoir : -

1.860,51 euros à titre de paiement suite à la mise à pied conservatoire, -

186,05 euros à titre de congés payés sur la mise à pied conservatoire, -

1.594,79 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, -

159,46 euros à titre de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis, -

6.098,03 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, -

381,13 euros à titre d'indemnité procédurale ; Attendu qu'il y a lieu de condamner l'appelante à payer à Mademoiselle X la somme de 300 euros à titre d'indemnité procédurale en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS La Cour, DECLARE l'appel recevable en la forme, CONFIRME le jugement rendu le 25 Juin 2002 par le Conseil de Prud'hommes de LYON en ce qu'il a dit que le licenciement de Mademoiselle X était dépourvu de cause réelle et sérieuse, par substitution de motifs et en ce qu'il a condamné la SARL REGAL ROOSEVELT à lui payer les sommes énoncées supra, CONDAMNE la SARL

REGAL ROOSEVELT à payer à Mademoiselle X la somme de 300 euros (trois cents euros) en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux dépens. Le Greffier

Le Président F. LE BRETON

E. PANTHOU-RENARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2002/04260
Date de la décision : 04/02/2005

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Formalités légales - Lettre de licenciement - Contenu - Mention des motifs du licenciement - Faute du salarié - /JDF

Aux termes des articles L 122-6, L 122-14-2 et L 122-14-3 du Code du travail, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave d'établir l'exactitude des faits qui lui sont imputés dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, et de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. La réalité de la faute justifiant un licenciement n'est pas démontrée, lorsque l'employeur invoque l'usage abusif par un salarié du téléphone professionnel, à des fins étrangères au service, lorsque, d'abord, les communications restent d'une durée limitée et sont dirigées vers un correspondant local, en sorte que le coût supporté par l'employeur reste minime, lorsque, ensuite, la société ne démontre aucunement en quoi le salarié est seule responsable de la hausse importante des charges de téléphone estimée à 190,85 %, et lorsque, enfin, il peut être reproché à l'employeur, destinataire de factures mensuelles ou bi-mensuelles, de ne pas avoir appréhendé plus tôt les surconsommations téléphoniques et ainsi mis le salarié en garde contre une dérive possible, et avoir laissé une tolérance s'organiser progressivement, pouvant autoriser l'intéressé à passer quelques communications téléphoniques locales


Références :

Code du travail, articles L122-6, L122-14-2 et L122-14-3

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2005-02-04;2002.04260 ?
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