COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 27 Janvier 2005
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du juge-commissaire du Tribunal de Commerce de LYON du 22 octobre 2003 - N° rôle : 03jc10759 N° R.G. : 03/06255
Nature du recours : Appel
APPELANTE : URSSAF DU LOIRET 45955 ORLEANS CEDEX 9 représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
INTIMES : Maître X, ès qualités de représentant des créanciers de la Société DATAMAG représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assisté de Me GUTTON, avocat au barreau de LYON Maître Bruno Y, ès qualités d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la Société DATAMAG, nommé à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de LYON du 9 octobre 2003 représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assisté de Me GUTTON, avocat au barreau de LYON Monsieur le PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE LYON Palais de justice Place Paul Duquaire 69005 LYON 05
Instruction clôturée le 01 Décembre 2004 Audience publique du 08 Décembre 2004
LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame MARTIN, Président,
Monsieur SIMON, Conseiller Monsieur SANTELLI, Conseiller DEBATS : à l'audience publique du 8 décembre 2004 GREFFIER : la Cour était assistée de Mademoiselle X..., Greffier, présent lors des débats et du prononcé de l'arrêt, ARRET :
CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 27 janvier 2005 par Madame MARTIN, Président, qui a signé la minute avec Mademoiselle X..., Greffier. FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES
Par jugement du 10 avril 2003, le tribunal de commerce de Lyon ouvrait le redressement judiciaire de la société DATAMAG en désignant Me Y comme administrateur et Me X comme représentant des créanciers. Le jugement était publié au BODACC le 13 mai 2003.
L'URSSAF du LOIRET procédait entre le 16 juin et le 26 décembre 2003 à huit déclarations de créances provisionnelles.
Par lettre du 7 août 2003, Me X informait l'URSSAF que sa déclaration du 24 juillet 2003 était tardive et qu'il ne pouvait l'accepter, lui indiquant que si elle souhaitait être relevée de la forclusion, il lui appartenait de saisir le juge-commissaire .
Suite à l'envoi d'une nouvelle déclaration de créance rectificative du 27 août 2003, Me X écrivait à l'URSSAF le 1er septembre 2003 que le délai de déclaration des créances expirait le 13 juillet 2003, qu'elle ne pouvait à ce jour que lui adresser une déclaration de créance définitive pour les cotisations dues au titre des périodes déjà déclarées, qu'il lui opposait la forclusion pour les cotisations dues au titre de l'année 2002.
Le 7 octobre 2003, l'URSSAF présentait une requête tendant à voir dire que les déclarations auxquelles elle avait procédé avaient été effectuées dans le délai de l'article L 621-103 du code de commerce et qu'aucune forclusion ne pouvait lui être opposée.
Par ordonnance du 22 octobre 2003, le juge-commissaire rejetait sa demande.
L'URSSAF du LOIRET a relevé appel de l'ordonnance.
Par conclusions n°3 déposées au greffe le 18 novembre 2004, elle demande à la Cour d'infirmer l'ordonnance entreprise, de la relever de la forclusion et de dire qu'elle doit être admise, définitivement et à titre privilégié, au passif de la société DATAMAG pour la somme de 18.545 euros. Elle sollicite la condamnation de Me X à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et la même somme en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .
Y... l'appui de ses demandes, elle se prévaut des dispositions de l'article L 621-43 du code de commerce, soutient qu'à la date du 17 juin 2003 le montant définitif de la créance ne pouvait être arrêté, qu'elle n'a pu régulariser sa créance qu'à réception des déclarations uniques de cotisations sociales de la société DATAMAG, soit courant juillet, août, septembre, octobre, novembre et décembre 2003, qu'elle a immédiatement actualisé sa créance par déclarations des 24 juillet, 27 août, 26 septembre, 21 octobre, et 26 décembre 2003.
La société DATAMAG ayant fait l'objet d'un plan de cession par jugement du 9 octobre 2003, Me Y est intervenu aux débats en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par conclusions déposées au greffe le 12 novembre 2004, Me X et Me Y ès qualités font valoir que la totalité des déclarations de créances qui ont été envoyées ne sont que des déclarations de créances provisionnelles et/ou rectificatives et que la Cour ne pourra que rejeter toutes créances de l'URSSAF déclarées au passif de la société DATAMAG, aucune déclaration définitive n'ayant jamais été adressée à Me X. Ils ajoutent que les déclarations qui ont été effectuées après le 24 juillet 2003 sont irrecevables comme tardives et que le relevé de forclusion ne peut être admis, l'URSSAF ne faisant pas la démonstration que sa défaillance n'est pas due à son fait. Ils
concluent à la confirmation de l'ordonnance entreprise et à la condamnation de l'appelante à payer à chacun la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile . Le Procureur Général à qui la procédure a été communiquée a visé celle-ci sans observation.
MOTIFS ET DECISION
Attendu que l'URSSAF du LOIRET a procédé aux déclarations de créances suivantes:
-le 16 juin 2003 pour 8.423 euros "sauf à parfaire ou à diminuer"
-le 30 juin 2003 déclaration de créance rectificative pour 8.378 euros "sauf à parfaire ou à diminuer"
-le 24 juillet 2003 déclaration de créance rectificative pour 8.410 euros "sauf à parfaire ou à diminuer"
-le 27 août 2003 déclaration de créance rectificative pour 10.564 euros "sauf à parfaire ou à diminuer"
-le 26 septembre 2003 déclaration de créance rectificative pour 12.104 euros "sauf à parfaire ou à diminuer"
-le 21 octobre 2003 déclaration de créance rectificative pour 13.009 euros "sauf à parfaire ou à diminuer"
-le 26 décembre 2003 déclaration de créance rectificative pour 18. 545 euros "sauf à parfaire ou à diminuer";
Attendu que la requête qui a donné lieu à l'ordonnance déférée à la Cour ayant été présentée le 7 octobre 2003, seules sont concernées les cinq premières déclarations (étant relevé que l'URSSAF du LOIRET a présenté une nouvelle requête au juge-commissaire le 13 janvier 2004 pour les déclarations suivantes et que le juge-commissaire par ordonnance du 2 mars 2004 a dit "s'en rapporter à la décision qui
sera rendue par la Cour d'Appel") ;
Attendu que Me X et Me Y ont soulevé le problème de la validité des déclarations de créances en l'absence de documents permettant de justifier de l'auteur de ces déclarations et du pouvoir qui a pu lui être attribué, ce qui a conduit l'URSSAF à verser aux débats deux délégations de signature et de procédure de la Directrice à Mme Y... et à Mme Z... ;
Attendu que l'objet de la présente instance étant limité au point de savoir si l'URSSAF du LOIRET a déclaré sa créance en temps utile et, dans la négative, si elle peut être relevée de la forclusion, la Cour n'examinera pas le problème de la validité des déclarations de créance (ce problème relevant de l'appréciation du juge-commissaire vérifiant la régularité et le bien-fondé des créances présentées) mais constatera toutefois que les deux délégations produites sont en date du 1er juin 2004 et prennent effet au 1er juin 2004 ;
Attendu que l'article L 621-43 du code de commerce dispose:
"Y... partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au représentant des créanciers. (...)
La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L 351-21 du Code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif
doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L 621-103;" ;
Attendu qu'en vertu de l'article L 621-46, à défaut de déclaration dans les délais fixés par décret en Conseil d'Etat, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ;
Attendu qu'aux termes de l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 les créances doivent être déclarées dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement ;
Attendu qu'il résulte de ces dispositions que les organismes de sécurité sociale ont l'obligation de déclarer l'ensemble des créances dont l'origine est antérieure à l'ouverture de la procédure collective dans le délai de deux mois, fût-ce à titre provisionnel ; que la réserve des "impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration" faite par l'article L 621-43 ci-dessus rapporté s'entend des créances qui n'ont pas fait l'objet d'un titre, mais qu'il ne peut s'agir des créances qui étaient déjà connues et pouvaient être évaluées provisoirement ; que les organes de la procédure soutiennent à juste titre qu'il appartenait à l'URSSAF d'effectuer une déclaration provisionnelle en fonction des paramètres qu'elle connaissait, pour un montant même supérieur aux sommes auxquelles elle aurait pu prétendre, et de diminuer ensuite cette créance au fur et à mesure des informations recueillies pour parvenir à une déclaration définitive dans le délai prévu à l'article L 621-103 (soit en l'espèce 10 mois) ; que les déclarations rectificatives et provisionnelles qui ont été effectuées par l'URSSAF à compter du 24 juillet 2003 sont tardives, ainsi celles des 27 août et 26 septembre 2003 relatives aux congés payés, car dépendant d'éléments connus de par les déclarations qui lui avaient été
adressées par la société DATAMAG ou de l'estimation qui pouvait être faite des congés payés dus aux salariés avant l'ouverture du redressement judiciaire ;
Attendu que l'URSSAF n'apportant pas la preuve que sa défaillance n'est pas due à son propre fait, il ne peut être fait droit à sa demande tendant à se voir relever de la forclusion;
Attendu que dans le cadre du présent débat il n'appartient pas à la Cour, saisie de l'appel d'une ordonnance ayant rejeté une requête en relevé de forclusion, de se prononcer sur une demande d'admission à titre définitif de la créance ; qu'il peut toutefois être relevé à la suite de Me X que l'URSSAF n'a procédé à aucune déclaration définitive puisque la totalité de ses déclarations (initiale et rectificatives) porte la mention "sauf à parfaire ou à diminuer" ;
Attendu que l'ordonnance entreprise sera, en conséquence, confirmée et les demandes de l'URSSAF rejetées ;
Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit des intimés ;
PAR CES MOTIFS LA COUR,
Confirme l'ordonnance entreprise.
Déboute l'URSSAF du LOIRET de l'ensemble de ses demandes.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit des intimés.
Condamne l'URSSAF du LOIRET aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET avoués.
LE GREFFIER,
LE PRESIDENT,
M.P. X...
B. MARTIN