COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 20 Janvier 2005
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 14 avril 2003 - N° rôle : 2002/2360 N° R.G. : 03/03271
Nature du recours : Appel
APPELANTE : S.A. CONITE, venant aux droits de la société NIKO 1 rue des Vergers Bât. Silic 5 Allée C 69760 LIMONEST représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour assistée de Me HALPERN, avocat au barreau de LYON
INTIMEE : S.A.R.L. CLERC 10 quai Victor Augagneur 69003 LYON 03 représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assistée de Me Christelle NEYRET, avocat au barreau de PARIS
Instruction clôturée le 14 Septembre 2004 Audience publique du 27 Octobre 2004 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, DÉBATS en audience publique du 27 octobre 2004 tenue par Madame MARTIN, Président, et par Monsieur SANTELLI, Conseiller, chargés de faire rapport, sans opposition des Avocats dûment avisés, qui en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : Madame MARTIN, Président Monsieur SIMON, Conseiller, Monsieur SANTELLI, Conseiller, GREFFIER : la Cour était assistée de Mademoiselle X..., Greffier, lors des débats et du prononcé de l'arrêt, ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 20 janvier 2005 Par Madame MARTIN, Président, qui a signé la minute avec
Mademoiselle X..., Greffier.
EXPOSE DU LITIGE - PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par déclaration du 27 mai 2003 la société CONITE a relevé appel d'un jugement rendu le 14 avril 2003 par le Tribunal de Commerce de LYON qui l'a condamnée à payer à la société CLERC une indemnité de préavis de 7024,32 euros et une indemnité de rupture d'un contrat d'agent commercial de 31.159,20 euros, ces sommes étant majorées de l'intérêt légal à compter du 18 avril 2002, ainsi que 1000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile - qui a rejeté ses demandes ainsi que celles formées par la société CLERC en dommages et intérêts.
Vu l'article 455 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et les moyens développés par la société CONITE dans ses conclusions du 26 septembre 2003 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faire juger que la société CLERC a commis à son égard une faute grave en ne l'informant pas, comme elle s'y était obligée envers elle aux termes du contrat d'agent commercial qui les liait depuis le 15 décembre 1995, qu'elle distribuait des produits Yokis concurrents des siens, alors qu'elle devait obtenir, s'agissant des produits qui avaient les mêmes caractéristiques et les mêmes fonctions, puisqu'ils servent l'un et l'autre à asservir une installation électrique, une autorisation préalable de sa part, autorisation qu'elle n'a jamais sollicité - qu'il appartient à la société CLERC de démontrer, en tant que demandeur à l'instance, qu'elle a respecté le contrat, ce qu'elle ne fait pas - qu'en conséquence cette faute dispense le mandant d'avoir à verser une indemnité de rupture au mandataire, la résiliation du
contrat à son initiative étant imputable à la société CLERC à raison de ses manquements - qu'ainsi la société CLERC doit être déboutée de ses demandes - qu'elle doit être condamnée à lui verser des dommages et intérêts pour le préjudice qu'elle lui a fait subir.
Vu les prétentions et les moyens développés par la société CLERC dans ses conclusions du 24 février 2004 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faire juger que les produits incriminés ne sont pas concurrents de ceux diffusés par la société CONITE puisqu'ils n'ont pas les mêmes fonctions, et ne répondent pas aux mêmes besoins - qu'elle n'avait pas en conséquence à demander à la société CONITE une autorisation pour représenter les produits Yokis ni à l'informer de cette représentation - qu'elle ne peut donc lui faire grief de manquements aux obligations du contrat d'agent commercial qu'elle avait conclu avec la société CONITE et qu'ainsi, en l'absence de faute grave, elle a droit à une indemnité de rupture du contrat, après sa résiliation par la société CONITE ainsi qu'une indemnité de préavis - que c'est à la société CONITE d'apporter les preuves d'une faute grave, ce qu'elle ne fait pas - que l'indemnité allouée doit être fixée en fonction de la perte qu'elle a subie du fait que le contrat ne s'est pas poursuivi - qu'il convient de faire droit à son appel incident en lui accordant deux années de commissions, soit 62.318,41 euros - que la rupture a été brutale et abusive justifiant sa demande de 15.400 euros en dommages et intérêts et en outre l'attribution de 5000 euros pour résistance abusive - que le jugement doit être réformé de ces chefs, mais confirmé sur l'indemnité du préavis. MOTIFS ET DECISION :
I/ Sur les conséquences de la résiliation par la société CONITE du contrat d'agent commercial conclu avec la société CLERC :
Attendu que la résiliation unilatérale du contrat d'agent commercial par le mandant ouvre droit au profit de l'agent, nonobstant toute
clause contraire aux intérêts de l'agent, à une indemnité en réparation du préjudice résultant de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune et de celle qu'il a apportée au mandant ;
Attendu pour échapper au paiement de cette indemnité consécutivement à la rupture du contrat intervenue à son initiative, la société CONITE fait état de fautes graves que la société CLERC a commises dans l'exécution du contrat en ne respectant pas les engagements qu'elle avait pris envers elle de ne pas représenter des produits directement concurrents aux produits Niko et, pour le cas où ils ne seraient pas concurrents, d'informer toutefois son mandant des nouvelles représentations qu'elle prendrait et de lui communiquer la liste certifiée des produits que, directement ou indirectement, elle représenterait ;
Attendu que contrairement à ce que soutient la société CONITE, c'est à elle qui invoque ce moyen, d'apporter la preuve de l'existence d'une activité concurrente de la part de son mandataire et non à la société CLERC de démontrer qu'elle a exécuté loyalement le contrat - qu'à cette fin l'appelante incrimine la société CLERC de représenter un produit Yokis qui, selon elle, concurrence directement celui dont elle a confié la représentation à la société CLERC, le produit Niko - que l'argument décisif permettant de trancher cette difficulté consiste à examiner en quoi ces deux produits se différencient ou s'apparentent par leurs fonctions respectives et en quoi les besoins qu'ils ont pour objet de satisfaire répondent ou non à la même finalité à l'égard des utilisateurs - que selon la documentation se rapportant à chacun de ces produits, le produit Nikobus se présente comme un système intelligent de gestion de toute une installation électrique aux multiples fonctions permettant une centralisation de la distribution électrique et un pilotage de ces fonctions par une
seule action sur l'organe de commande, alors que le produit Yokis est un module à installer derrière le bouton pressoir dans le boîtier d'appareillage électrique qui permet la commande individuelle de l'éclairage d'une pièce, sans qu'il y ait de possibilité pour chacun de ces modules de communiquer entre eux - qu'il se déduit de cette description que les produits Niko et Yokis n'ont ni les mêmes caractéristiques ni le même objet - qu'en écrivant en page 3 de ses conclusions : "Il est clair que si CLERC propose un produit moins cher que celui fabriqué par Niko (même si leurs caractéristiques techniques sont totalement différentes) c'est le produit Yokis qui l'emportera"- la société CONITE par une formule surprenante de sa part admet ainsi que les produits sont différents, différence qui justifierait précisément qu'ils ne sont pas proposés au même prix ;
Attendu qu'à raison de ce qui précède, il convient de retenir que la société CLERC en proposant le produit Yokis à la clientèle n'a pas offert un système directement concurrent ni même concurrent au système Niko et qu'elle n'a pas de ce fait commis de faute grave à l'égard de la société CONITE, qui la priverait d'une indemnité de rupture ;
Attendu qu'en conséquence la société CLERC a naturellement droit à une telle indemnité de la part de la société CONITE qui a pris l'initiative de résilier le contrat d'agent commercial qui la liait à la société CLERC - que cependant une faute de l'agent, pour autant qu'elle n'est pas considérée comme grave, serait susceptible d'atténuer le montant de l'indemnité à allouer - qu'en n'informant pas la société CONITE qu'elle représentait un autre produit que celui qui faisait l'objet de son contrat comme le contrat le prévoyait, la société CLERC n'a toutefois pas commis un manquement suffisant qui justifierait que l'indemnité à laquelle elle peut prétendre serait
réduite à proportion de la faute ;
Attendu qu'il est habituel d'allouer à l'agent une indemnité de rupture égale au montant de deux années de commissions calculée sur la moyenne des commissions brutes perçues par lui au cours des deux ou trois dernières années à laquelle s'ajoute une indemnité contractuelle de préavis correspondant à trois fois le montant de la commission du dernier mois du contrat - que la société CLERC produit le détail des commissions que la société CONITE lui a versées de mars 2000 à mars 2002 s'élevant à la somme de 62.318,41 euros - que la société CLERC ne discute pas, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire, le montant de cette réclamation - qu'il convient en conséquence de fixer cette indemnité à ce quantum et de condamner la société CONITE à la lui payer, réformant le jugement déféré, qui, bien qu'ayant fait une exacte appréciation des circonstances de la cause a, à tort, limité l'indemnité à la somme de 31.159,20 euros, mais le confirmant sur la condamnation prononcée au titre de l'indemnité de préavis pour un montant de 7024,32 euros ainsi que sur le point de départ des intérêts de retard au 18 avril 2002 ;
Attendu qu'il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts par année entière à compter de la demande du 1er juillet 2002, réformant le jugement déféré de ce chef qui l'a rejetée ;
II/ Sur la demande de la société CLERC en dommages et intérêts :
Attendu que la société CLERC ne justifie ni du caractère fautif et injurieux que comporterait la rupture du contrat ni d'un préjudice indemnisable qui s'y rapporterait - qu'elle doit être en conséquence déboutée de sa demande en dommages et intérêts à ce titre ;
Attendu qu'il n'est pas établi que la société CLERC ait subi un préjudice distinct des intérêts de retard alloués au titre des
condamnations, de sorte qu'elle doit être déboutée à ce titre de sa demande en dommages et intérêts ;
Attendu que le jugement déféré doit être ainsi confirmé de ces chefs ;
III/ Sur la demande de la société CONITE en dommages et intérêts :
Attendu que la société CONITE n'est pas fondée à raison de la décision prise à son encontre dans sa demande en dommages et intérêts - qu'elle doit en conséquence en être déboutée, confirmant de ce chef le jugement déféré ;
IV/ Sur les autres demandes :
Attendu qu'il serait inéquitable que la société CLERC supporte la charge de ses frais irrépétibles et qu'il convient ainsi de lui allouer une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile qui s'ajoutera à celle accordée par le premier juge ;
Attendu que la société CONITE, qui succombe, doit être condamnée aux dépens; PAR CES MOTIFS LA COUR,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société CONITE au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de 7024,32 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2002,
Le confirme encore en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société CLERC sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et sur les dépens,
Réformant pour le surplus,
Condamne la société CONITE à payer à la société CLERC à titre d'indemnité de rupture la somme de 62.318,41 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2002,
Dit que les intérêts dus au moins pour une année entière seront
capitalisés dans les conditions formées par l'article 1154 du Code Civil à compter du 1er juillet 2002,
Condamne la société CONITE à payer à la société CLERC la somme complémentaire de 1500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi que les dépens qui seront recouvrés par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER,
LE PRESIDENT,
M.P. X...
B. MARTIN