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04/11/2004 | FRANCE | N°2003/04935

France | France, Cour d'appel de Lyon, 04 novembre 2004, 2003/04935


R.G : 03/04935 décision du Tribunal de Grande Instance de LYON au fond du 18 juin 2003 RG N°1996/10309 X... Y.../ Y COUR D'APPEL DE LYON PREMIERE CHAMBRE CIVILE ARRET DU 04 NOVEMBRE 2004

APPELANT : Monsieur Roland X... représenté par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assisté de la SCP LUCCHIARI LE GAILLARD avocats au barreau de ROANNE

INTIME : Monsieur Bernard Y représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assisté de Me BERTIN, avocat au barreau de LYON

Instruction clôturée le 27 Août 2004

Audience de plaidoiries du 29 Septembre 20

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Les pièces de la procédure ont été régulièrement communiquées

à monsieur le pro...

R.G : 03/04935 décision du Tribunal de Grande Instance de LYON au fond du 18 juin 2003 RG N°1996/10309 X... Y.../ Y COUR D'APPEL DE LYON PREMIERE CHAMBRE CIVILE ARRET DU 04 NOVEMBRE 2004

APPELANT : Monsieur Roland X... représenté par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assisté de la SCP LUCCHIARI LE GAILLARD avocats au barreau de ROANNE

INTIME : Monsieur Bernard Y représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assisté de Me BERTIN, avocat au barreau de LYON

Instruction clôturée le 27 Août 2004

Audience de plaidoiries du 29 Septembre 2004

Les pièces de la procédure ont été régulièrement communiquées

à monsieur le procureur général. COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur JACQUET, président, Monsieur ROUX, conseiller, Madame BIOT, conseiller, en présence pendant les débats de madame JANKOV, greffier. ARRET : contradictoire prononcé à l'audience publique de ce jour par monsieur JACQUET, président, en présence de madame JANKOV, greffier, qui ont signé la minute. FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seings privés du 19 septembre 1993 Monsieur Alain Z... a cédé à Monsieur Roland X..., à titre personnel et au nom des autres actionnaires pour lesquels il se portait fort, 6948 parts sociales sur les 6960 constituant le capital social de la Société Anonyme des ETABLISSEMENTS MEUNIER etamp; COMPAGNIE pour le prix de 350.000 francs.

Il était stipulé que les ordres de mouvement d'actions devaient être remis à l'acquéreur dans un délai de dix jours et que le cédant s'engageait à présenter entre autres documents les rapports des commissaires aux comptes pour les trois derniers exercices.

La Société Anonyme des ETABLISSEMENTS MEUNIER déposait son bilan dès le 17 mai 1994.

Reprochant à Monsieur Y, commissaire aux comptes de la Société des ETABLISSEMENTS MEUNIER diverses fautes en particulier celle d'avoir certifié de faux bilans, Monsieur Roland X... a fait assigner celui-ci devant le Tribunal de Grande Instance de LYON pour qu'il soit déclaré responsable de l'intégralité de son préjudice correspondant au prix d'achat des parts sociales et au montant de ses engagements de

caution auprès de plusieurs banques soit au total la somme de 1.000.000 francs.

Par jugement du 15 janvier 1999 le tribunal, constatant qu'une procédure pénale était en cours du fait des détournements reprochés au comptable de la société a sursis à statuer jusqu'à l'issue de celle-ci.

Par jugement du 18 juin 2003, ce même tribunal, constatant que l'action engagée sur le fondement des articles L 225-242 et L 225-254 du Code de Commerce n'était pas prescrite mais retenant que la preuve d'une faute formelle du commissaire au compte n'était pas rapportée et que le demandeur ne démontrait pas que sa décision d'acquisition de la société avait été déterminée par l'affirmation de sincérité des bilans comptables, a débouté Monsieur X... de toutes ses prétentions et l'a condamné à payer à Monsieur Bernard Y une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Appelant, Monsieur X... conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté la fin de non recevoir tirée de la prescription mais à sa réformation pour le surplus.

Se fondant sur les conclusions de Monsieur A... expert comptable de la Société MEUNIER et sur les rapports d'expertises de Monsieur B... et de Monsieur Y... désignés dans l'instance pénale, Monsieur X... prie la Cour de dire que Monsieur Y a commis des fautes et négligences dans l'exercice de son mandat de commissaire aux comptes et que celles-ci ont été la cause directe de son préjudice.

Il demande en conséquence de condamner Monsieur Y à payer la somme de

280.506,19 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de 7.622 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

L'appelant maintient que deux anomalies importantes relatives au compte T.V.A. et au compte clients et trésorerie n'avaient pas été relevées par le commissaire au compte ce qui dénote le manque de sérieux de son contrôle.

Il conteste l'affirmation selon laquelle la décision d'achat de la société n'était pas subordonnée à la certitude des bilans mais avait été effectuée dans l'urgence à un moindre prix en raison des difficultés de trésorerie.

Monsieur Y conclut à l'irrecevabilité de la demande de Monsieur X... en raison de son défaut de qualité pour agir, de la prescription de l'action et de l'autorité de la chose jugée au pénal par le jugement du Tribunal Correctionnel de ROANNE du 25 septembre 2001 l'ayant relaxé des fins de la poursuite du chef de non révélation de faits délictueux et de confirmation d'informations inexactes.

Subsidiairement, il conclut à la confirmation du jugement ayant débouté Monsieur X... de son action en responsabilité.

Il réclame l'allocation d'une indemnité de 10.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

L'intimé prétend que Monsieur X... ne demande pas la réparation d'un préjudice personnel distinct de celui subi par la Société MEUNIER du fait de la liquidation judiciaire et considère donc que seul le liquidateur judiciaire pouvait agir contre le commissaire aux comptes.

Il soutient également qu'en l'absence de dissimulation le fait dommageable ouvrant l'action en responsabilité prévue par les articles L 225-242 et L 225-254 du Code de Commerce ne peut être antérieur au 3 février 1992.

Il affirme enfin qu'il a été définitivement jugé que la preuve de sa connaissance de malversations commises dans la société contrôlée n'était pas rapportée ni qu'un contrôle normal aurait du lui permettre de les détecter.

Au fond il observe qu'il n'était pas tenu en l'absence d'indice de contrôler les deux postes comptables sur lesquels portait la fraude du comptable de la société et insiste sur la négligence de Monsieur X... qui n'a pas pris suffisamment d'information avant de se décider et en particulier qui n'a pas demandé d'audit.

Il conteste en outre la réalité et l'importance du préjudice sachant que les engagements de caution ont été pris en février 1994 pour faire face aux difficultés de la Société à un moment où Monsieur X... avait eu connaissance des falsifications des comptes.

Monsieur le Procureur Général a visé la procédure sans présenter d'observations. MOTIFS ET DECISION

Attendu qu'en application de l'article 234 de la loi du 24 juillet 1966 devenue l'article L 225-241 du Code de Commerce les commissaires aux comptes sont responsables tant à l'égard de la société que des tiers des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l'exercice de leurs fonctions ;

Attendu que Monsieur X... est donc recevable à agir, fût-ce après la liquidation judiciaire de la Société des ETABLISSEMENTS MEUNIER, pour demander réparation d'un préjudice qu'il impute à la négligence du commissaire aux comptes chargé de certifier les bilans de cette Société ;

Attendu que par d'exacts motifs - adoptés par la Cour - le tribunal a justement écarté le moyen tiré de la prescription de l'action dès lors qu'en l'absence de dissimulation le délai de trois ans fixé par l'article L 225-254 a commencé à courir à compter de la certification de l'exercice clos le 31 décembre 1992 soit le 6 mai 1993 et que l'action a été engagée le 3 février 1995 ;

Attendu que le tribunal correctionnel de ROANNE pour relaxer Monsieur Y qui était poursuivi du chef de diffusion d'informations mensongères sur la situation de la Société des ETABLISSEMENTS MEUNIER a retenu

que le caractère intentionnel n'était pas établi ;

Attendu que dans ces conditions, le commissaire aux comptes ne peut invoquer l'autorité de la chose jugée s'attachant à cette décision pour s'opposer à l'examen par la juridiction civile de la bonne exécution de son obligation de contrôle des comptes selon les normes professionnelles ;

Attendu que cette fin de non recevoir proposée par l'intimé doit également être écartée;

Mais attendu qu'il résulte des deux rapports d'expertise judiciaire que le commissaire aux comptes n'a pas procédé à la vérification préalable de la fiabilité du système comptable et s'est borné à un examen superficiel des balances qui lui avaient été fournies alors qu'un examen du compte capital social lui aurait permis de constater aisément les malversations dès le premier exercice au cours duquel elles ont été commises ;

Attendu que selon les conclusions de ces deux experts Monsieur Y n'a pas exercé sa mission conformément aux normes de la profession en y consacrant un temps trop faible et en ne vérifiant pas les données par des tests limités ;

Attendu qu'en certifiant hâtivement les comptes annuels, les résultats des exercices écoulés et la situation financière du patrimoine de la Société des ETABLISSEMENTS MEUNIER, Monsieur Y a ainsi commis une faute professionnelle ;

Attendu cependant que pour engager la responsabilité de ce commissaire aux comptes Monsieur X... doit démontrer que cette faute est directement à l'origine du préjudice qu'il allègue ;

Attendu qu'en l'espèce cette preuve n'est pas rapportée dès lors que selon les termes du protocole d'accord de cessions d'actions du 19 septembre 1993 les parties s'étaient irrévocablement engagés avant même la remise des rapports du commissaire aux comptes et que le cessionnaire n'avait pas fait de la certification des trois derniers exercices une condition suspensive à son obligation d'achat;

Attendu que Monsieur X... ne peut donc valablement prétendre que la certification de la sincérité des comptes était un élément déterminant et que le préjudice financier subi ensuite du fait de la nécessité pour lui de faire des apports en compte courant pour améliorer la trésorerie de cette Société puis de respecter les cautionnements donnés après la liquidation judiciaire était la conséquence du vice de son consentement lors de l'acquisition ;

Attendu qu'il convient donc, confirmant le jugement, de le débouter de toutes ses prétentions ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ; que le jugement doit être réformé sur ce point ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté l'action en responsabilité professionnelle formée par Monsieur Roland X... contre le commissaire aux comptes de la Société des ETABLISSEMENTS MEUNIER,

Le réforme sur l'indemnité allouée en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Rejette les demandes présentées à ce titre,

Confirme le jugement pour le surplus,

Condamne Monsieur Roland X... aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la Société Civile Professionnelle BAUFUME-SOURBE, Société d'avoués. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2003/04935
Date de la décision : 04/11/2004

Analyses

SOCIETE ANONYME - Commissaire aux comptes - Responsabilité

En application de l'article L 225-241 du Code de commerce, les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l'égard de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l'exercice de leurs fonctions. La responsabilité du commissaire aux comptes est susceptible d'être engagée lorsqu'il ne procède pas à la vérification préalable de la fiabilité du système comptable et se borne à un examen superficiel des balances qui lui avaient été fournies, alors qu'un examen du compte du capital social lui aurait permis de constater aisément les malversations, dès le premier exercice au cours duquel elles ont été commises. Il commet une faute professionnelle en certifiant hâtivement les comptes annuels, les résultats des exercices écoulés et la situation financière du patrimoine de la société. Cependant, pour pouvoir engager la responsabilité du commissaire aux comptes, il faut démontrer que sa faute est directement à l'origine du préjudice allégué par le requérant. Tel n'est pas le cas lorsqu'il résulte des termes du protocole d'accord de cessions d'actions que les parties s'étaient irrévocablement engagées avant même la remise des rapports du commissaire aux comptes et que le cessionnaire n'avait pas fait de la certification des trois derniers exercices une condition suspensive à son obligation d'achat


Références :

Code de commerce, article L225-241

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2004-11-04;2003.04935 ?
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