AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE R.G : 01/01397 SARL DARGAUD C/ MAKAROFF APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 26 Février 2001 RG : 199903025 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2004 APPELANTE : SARL DARGAUD représentée par Me Jean-Baptiste WECKERLIN, avocat au barreau de LYON
INTIME : Monsieur Nicolas X... comparant en personne, assisté de Me Pierre PALIX, avocat au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUEES LE : 16 AVRIL 2004 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Septembre 2004 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : M. Didier JOLY, Président M. Dominique DEFRASNE, Conseiller Madame Aude LEFEBVRE, Conseiller Assistés pendant les débats de Madame Yolène Y..., Greffier. ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé à l'audience publique du 26 Octobre 2004 par M. Didier JOLY, Président, en présence de Madame Yolène Y..., Greffier, qui ont signé la minute. [*************]
LA COUR,
Statuant sur l'appel interjeté le 12 mars 2001 par la société des Etablissements DARGAUD d'un jugement rendu le 26 février 2001 par le Conseil de Prud'hommes de LYON (section commerce) qui a : 1°) fixé la moyenne des salaires de Nicolas X... à 15 174 F, 2°) dit et jugé le licenciement de Nicolas X... sans cause réelle et sérieuse, 3°) condamné la société des Etablissements DARGAUD à payer à Nicolas X... les sommes suivantes : - indemnité de préavis
45 522, 00 F - congés payés sur préavis
4 552, 20 F - indemnité de licenciement
6 069, 60 F - indemnité pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse
95 000, 00 F - article 700 du nouveau code de procédure civile
2 000, 00 F 4°) ordonné la rectification des bulletins de paye et de l'attestation ASSEDIC, 5°) condamné la société des Etablissements DARGAUD au paiement des intérêts de droit ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 28 septembre 2004 par la société des Etablissements DARGAUD qui demande à la Cour de - dire que la fixation d'objectifs commerciaux et la modification du secteur géographique consenti constituent un simple changement des conditions de travail de Nicolas X..., décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction, - dire que le refus de Nicolas X... de continuer le travail après un changement de ses conditions de travail tel que décidé par l'employeur constitue une faute grave qu'il appartient à l'employeur de sanctionner par un licenciement, - dire que le refus de Nicolas X... est abusif, - constater que son licenciement pour faute grave est justifié, - débouter, en conséquence, Nicolas X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, y compris au titre des rappels de commissions, - constater que la société des Etablissements DARGAUD demeure en réalité redevable à son égard, après compensation et règlements intervenus depuis le licenciement, de la seule somme brute de 1 808 F, soit 275, 63 , que l'employeur consent à régler pour solde de tout compte, outre congés payés afférents, - condamner Nicolas X... à payer à la société des Etablissements DARGAUD la somme de 1 000 au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par Nicolas X... qui demande à la Cour de : 1°) ajoutant au jugement entrepris, condamner la société des Etablissements DARGAUD à verser à Nicolas X... : - la somme de 10 389,
10 à titre de rappel de commissions, - la somme de 1 038, 91 à titre de rappel de congés payés afférents, 2°) confirmant le jugement entrepris, - condamner la société des Etablissements DARGAUD à délivrer à Nicolas X... des bulletins de paie rectifiés de mai 1997 à juillet 1998 faisant mention des commissions non versées, le tout sous astreinte définitive de 100 par jour de retard, - dire que le licenciement de Nicolas X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse, 3°) le réformant partiellement, condamner la société des Etablissements DARGAUD à verser à Nicolas X... les sommes suivantes : - indemnité compensatrice de préavis
7 006, 56 - congés payés sur préavis
700, 65 - indemnité de licenciement
1 401, 31 - dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
35 063, 27 4°) condamner la société des Etablissements DARGAUD à délivrer des bulletins de paie pour les mois de juillet 1999 (rectifié), août 1999 et septembre 1999, une attestation ASSEDIC rectifiée, le tout sous astreinte définitive de 100 par jour de retard, 5°) condamner la société des Etablissements DARGAUD à verser à Nicolas X... la somme de 2 000 sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, 6°) dire que les condamnations à intervenir porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes ;
Attendu que Nicolas X... a été engagé par la société des Etablissements DARGAUD en qualité de prospecteur-vendeur (niveau 3, coefficient 225) suivant contrat écrit à durée indéterminée du 15 mai 1995, régi par la convention collective nationale n°3131 "commerce et réparation matériel travaux publics" ; que le secteur géographique attribué à Nicolas X... se limitait aux départements suivants : - pour le matériel DAEWOO : la rive gauche du Rhône, l'Ain (01) et la Loire (42), - pour
tractopelle et mini pelle FIAT HITACHI : le Rhône (69), l'Ain (01) et le nord de l'Isère (38) ;
Que sa rémunération comprenait d'une part un salaire mensuel brut de 7 500 F sur douze mois, d'autre part un intéressement de 2% sur le chiffre d'affaires réalisé par lui sur son secteur et encaissé par la société ;
Que le 1er février 1999, la société des Etablissements DARGAUD a été reprise par la S.N.C. BILLET ;
Que l'objectif cumulé de chiffre d'affaires de Nicolas X... a été fixé à 3 900 000 F pour la période de février à juin 1999 ; que par lettre recommandée du 28 avril 1999, l'employeur a demandé à Nicolas X... de réaliser un chiffre d'affaires de 3 000 000 F sur les mois de mai et juin 1999 afin de rattraper son retard ;
Que par lettre recommandée du 21 mai 1999, la société des Etablissements DARGAUD a soumis à Nicolas X... les termes d'un nouveau contrat de travail réduisant le secteur géographique du salarié aux départements de l'Ain, du Jura et de la Saône-et-Loire, compte tenu de l'embauche d'un second commercial ; que ce contrat comportait l'engagement de Nicolas X... de réaliser l'objectif suivant : 8 000 000 F sur douze mois ;
Que le salarié a fait connaître son refus par lettre du 7 juin 1999 ; Que par lettre recommandée du 17 juin 1999, la société des Etablissements DARGAUD l'a convoqué le 25 juin en vue d'un entretien préalable à son licenciement ; qu'elle lui a transmis le nouveau contrat de travail, non joint au courrier du 21 mai ; que par lettre recommandée du 2 juillet 1999, la société des Etablissements DARGAUD a notifié à Nicolas X... son licenciement pour faute grave, en l'espèce :
Refus injustifié d'une modification de vos conditions de travail qui
vous a été notifiée suivant courrier en date du 21 mai 1999 et lors d'entretiens ultérieurs ;
Que le 19 juillet 1999, Nicolas X... a saisi le Conseil de Prud'hommes qui a rendu le jugement entrepris ; Sur la demande de rappel de commissions :
Attendu que Nicolas X... présente une liste de 18 commandes échelonnées du 29 avril 1997 au 8 juin 1999 sur lesquelles il soutient qu'il n'a pas été rempli de ses droits à commissions ; que la société des Etablissements DARGAUD, qui a déjà versé à l'intimé la somme de 33 000 F à titre de commissions le 29 juillet 1999, reconnaît devoir encore la somme de 9 808 F pour les affaires suivantes :
- Moulin
600, 00 F
- Loumat
1 000, 00 F
- Locoisans
1 500, 00 F
- Carcel
3 800, 00 F
- Tracto Service
900, 00 F
- Escoffier
1 464, 00 F
- Petitjean
500, 00 F
- A.M.S.E.
44, 00 F
Que les commissions dues sur les commandes des sociétés Perenon, Valette, T.P.B.A., Dumon et Gialouras étaient incluses dans la somme de 33 000 F réglée avec le solde de tout compte ;
Qu'une partie des 18 commandes visées par l'intimé ont donné lieu à la reprise d'un matériel ancien destiné à être revendu par la société des Etablissements DARGAUD, la commission de Nicolas X... étant calculée alors sur la soulte versée par le client ; que l'imputation de la valeur de reprise sur le prix du nouveau matériel ne saurait cependant avoir pour résultat de priver le salarié de sa commission sur le prix de vente hors taxes initial ; que les bons de commande communiqués démontrent que Nicolas X... a reçu l'ensemble des commandes restant en litige ; qu'il n'importe dans ces conditions que les matériels repris aient été revendus après son licenciement ou par un autre salarié ou même à perte ; que l'employeur s'oppose donc à tort aux demandes formées par Nicolas X... dans les affaires Genitrans, "Environnement et Paysages Dauphinois", Da Costa et Société Batista ; que les commissions restant dues à l'intimé sur ces quatre marchés s'élèvent à 17 940 F ; que les avances sur commissions consenties à Nicolas X... en mai 1995 (1 000 F), juin 1995 (2 000 F) et juin 1997 (5 000 F) ont nécessairement été déduites du solde de tout compte ; que la société des Etablissements DARGAUD sera donc condamnée à verser un rappel de commissions de 4 230, 16 (27 748 F) outre 423, 02 (2 774, 80 F) de congés payés incidents ; Sur le motif du licenciement :
Attendu que si, dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur a la faculté de changer les conditions de travail du salarié, il ne peut imposer à ce dernier sans son accord la modification de son contrat de travail, en l'absence d'un des motifs économiques visés à l'article L 321-1 du code du travail et sauf en cas de modification disciplinaire justifiée ; que la rupture du contrat de travail résultant du refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail s'analyse en un licenciement ; que ne constitue pas un motif de licenciement le licenciement fondé sur le seul refus du salarié ;
Qu'en l'espèce, le contrat de travail prévoyait expressément que les objectifs de Nicolas X... seraient redéfinis par la direction après l'expiration de la période d'essai ; qu'il était donc loisible à la société des Etablissements DARGAUD de fixer unilatéralement au salarié en 1999 de nouveaux objectifs de chiffre d'affaires qu'il n'était pas en droit de refuser ; qu'en revanche, l'employeur ne pouvait, sans apporter au contrat de travail une modification nécessitant l'accord de Nicolas X..., redéfinir le secteur de prospection commerciale attribué au salarié ; que compte tenu des fonctions confiées à celui-ci, les caractéristiques géographiques et démographiques, et le potentiel commercial du secteur délimité dans le contrat de travail, étaient une conditions déterminantes de l'accord des parties ; que l'article 19 du contrat de travail, selon lequel les clauses de ce contrat seraient révisées en cas d'embauche d'un autre vendeur, n'avaient pas pour objet de permettre à l'une d'elles, et en particulier à l'employeur, de modifier sans l'accord de l'autre l'une quelconque des dispositions contractuelles sur lesquelles elles s'étaient accordées le 15 mai 1995 ; qu'il ouvrait seulement la voie à une renégociation du contrat à un terme dont l'échéance était à la discrétion de la société des Etablissements DARGAUD ; que loin d'avoir un caractère fautif, le refus par Nicolas X... du nouveau contrat de travail qui lui a été proposé par la société appelante en mai 1999 ne constituait que l'exercice d'un droit ; qu'en conséquence, le licenciement fondé sur ce seul refus est sans cause réelle et sérieuse; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ; Sur les dommages-intérêts pour rupture abusive :
Attendu que Nicolas X... qui était employé dans une entreprise occupant habituellement moins de onze salariés peut prétendre, en application de l'article L 122-14-5 du code du travail, à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi ; que le salarié, licencié à l'âge de
cinquante-trois ans, produit des avis de paiement des allocations des ASSEDIC pour la période d'août 1999 à avril 2004 ; que son préjudice s'est donc aggravé sensiblement depuis la décision frappée d'appel ; que sa demande est néanmoins excessive au regard de son ancienneté dans l'entreprise ; qu'au vu de l'ensemble des éléments que la Cour trouve en la cause, le montant des dommages-intérêts alloués par le Conseil de Prud'hommes sera porté à la somme de 23 000 (150 870, 11 F) ; Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
Attendu qu'aux termes de l'article L 122-8 du code du travail, l'inobservation du délai-congé ouvre droit, sauf faute grave, à une indemnité compensatrice égale aux salaires et avantages, y compris l'indemnité de congés payés, que le salarié aurait reçus s'il avait accompli son travail ; qu'en l'espèce, le calcul du Conseil de Prud'hommes repose sur des bases erronées ; qu'en effet, la rémunération du salarié étant composée d'une partie fixe et d'une partie proportionnelle aux résultats obtenus, il convient de se référer à la moyenne annuelle de sa rémunération, compte tenu du rappel de commissions précédemment alloué ; que le délai-congé étant de trois mois, la société des Etablissements DARGAUD sera condamnée à payer à Nicolas X... une indemnité compensatrice de 6 055, 58 (39 721, 99 F) outre 605, 56 de congés payés incidents ;
Sur l'indemnité de licenciement :Sur l'indemnité de licenciement :
Attendu qu'il résulte des dispositions des articles L 122-9 et R 122-2 du code du travail que Nicolas Xqui avait plus de deux ans d'ancienneté peut prétendre à une indemnité de licenciement égale à un dixième de mois de salaire par année de service dans l'entreprise, soit la somme de 874, 69 (5 737, 61 F) ; Sur la remise des documents :
Attendu qu'en application des articles L 143-3 et R 351-5 du code du travail, il convient d'ordonner à la société des Etablissements
DARGAUD de remettre à Nicolas X... des bulletins de paie et une attestation ASSEDIC, conformes au présent arrêt ; qu'en l'absence de résistance fautive de l'employeur, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ; Sur les frais irrépétibles :
Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser Nicolas X... supporter les frais qu'il a dû exposer, tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'une somme de 2 000 lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Reçoit l'appel régulier en la forme ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de Nicolas X... sans cause réelle et sérieuse ;
Le réforme dans ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau :
Condamne la société des Etablissements DARGAUD à payer à Nicolas X... la somme de vingt-trois mille euros (23 000 ) à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, avec intérêts au taux légal à compter du 26 février 2001 à concurrence de quatorze mille quatre cent quatre-vingt-deux euros et soixante-six centimes (14 482, 66 ) et à compter de la date du présent arrêt pour le surplus ;
Condamne la société des Etablissements DARGAUD à payer à Nicolas X... : 1°) la somme de quatre mille deux cent trente euros et seize centimes (4 230, 16 ) à titre de rappel de commissions, 2°) la somme de quatre cent vingt-trois euros et deux centimes (423, 02 ) au titre des congés payés incidents, 3°) la somme de six mille cinquante-cinq euros et cinquante-huit centimes (6 055, 58 ) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 4°) la somme de six cent cinq euros et
cinquante-six centimes (605, 56 ) au titre des congés payés incidents, 5°) la somme de huit cent soixante-quatorze euros et soixante-neuf centimes (874, 69 ) à titre d'indemnité légale de licenciement, lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 1999, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation ;
Ordonne à la société des Etablissements DARGAUD de remettre à Nicolas X... des bulletins de paie et une attestation ASSEDIC, conformes au présent arrêt;
Condamne la société des Etablissements DARGAUD à payer à Nicolas X... la somme de deux mille euros (2 000 ) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
La condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT
Y. Y...
D. JOLY