AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE R.G : 01/01392 SA LABORATOIRES CAIR LGL C/ GIRARDI APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 30 Janvier 2001 RG : 200001850 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2004 APPELANTE : SA LABORATOIRES CAIR LGL représentée par la SCP JOSEPH AGUERA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON substituée par Me BOISADAM, avocat au barreau de LYON INTIMÉE : Madame Valérie X... épouse Y... comparant en personne, assistée de M. Z... (Délégué syndical ouvrier)
PARTIES CONVOQUÉES LE : 16 AVRIL 2004 DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Septembre 2004 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. Didier JOLY, Président M. Dominique DEFRASNE, Conseiller Madame Aude LEFEBVRE, Conseiller Assistés pendant les débats de Madame Yolène A..., Greffier. ARRÊT : CONTRADICTOIRE Prononcé à l'audience publique du 26 Octobre 2004 par M. Didier JOLY, Président, en présence de Madame Yolène A..., Greffier, qui ont signé la minute. [*************]
LA COUR,
Statuant sur l'appel interjeté le 20 février 2001 par la société CAIR L.G.L. d'un jugement rendu le 30 janvier 2001 par le Conseil de Prud'hommes de LYON (section industrie) qui : 1°) a dit que le licenciement de Valérie X... ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, 2°) a condamné, en conséquence, la société CAIR L.G.L. à verser à Valérie X... les sommes suivantes : - dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
41 280, 00 F avec exécution provisoire pour moitié, - indemnité de préavis
13 762, 00 F - congés payés afférents
1 376, 00 F - indemnité de licenciement
3 440, 00 F - rappel de salaire sur mise à pied conservatoire
2 858, 54 F - congés payés afférents
285, 85 F 3°) a ordonné le remboursement par la société CAIR L.G.L. aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Valérie X... du jour de son licenciement au jour du présent jugement dans la limite de trois mois d'indemnités, 4°) s'est déclaré incompétent sur la demande de Valérie X... à titre de dommages-intérêts pour préjudice physique et moral lié à des conditions de travail dangereuses, au profit du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Lyon, 5°) a condamné la société CAIR L.G.L. à verser à Valérie X... la somme de 2 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, 6°) a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 28 septembre 2004 par la société CAIR L.G.L. qui demande à la Cour de réformer le jugement entrepris et de débouter Valérie X... de l'intégralité de ses demandes ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par Valérie X... épouse Y... qui demande à la Cour de : 1°) confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société CAIR L.G.L. à verser à Valérie X... les sommes suivantes : - indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
6 293, 10 - indemnité de préavis
2 098, 00 - congés payés afférents
209, 80 - indemnité de licenciement
524, 42 - rappel de salaire sur mise à pied conservatoire
435, 78 - congés payés afférents
43, 57 2°) y ajoutant, condamner la société CAIR L.G.L. au paiement
de la somme de 52, 44 à titre de congés payés sur l'indemnité de licenciement, 3°) réformer pour le surplus le jugement entrepris ; 4°) condamner, en conséquence, la société CAIR L.G.L. à payer à Valérie X... la somme de 6 097, 96 à titre de dommages-intérêts pour préjudice physique et moral lié à des conditions de travail dangereuses pour la santé, 5°) condamner la société CAIR L.G.L. à payer à Valérie X... la somme de 39 343, 71 à titre de dommages-intérêts sur la base des articles 1382 à 1384 du code civil lié à son chômage et au rachat de cotisations pour sa retraite, 6°) ordonner le remboursement par la société CAIR L.G.L. aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Valérie X... du jour de son licenciement au jour de l'arrêt à intervenir dans la limite de six mois d'indemnités, 7°) condamner la société CAIR L.G.L. au paiement de la somme de 1 000 au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, 8°) faire application de l'article 32-1 du nouveau code de procédure civile, 9°) y adjoindre les intérêts légaux depuis la saisine du Conseil de Prud'hommes ainsi que tous les dépens y compris ceux de 314, 65 ;
Attendu que Valérie X... a été engagée par la société CAIR L.G.L. en qualité d'agent de production suivant contrat à durée déterminée du 1er septembre 1994 en remplacement d'une salariée en congé de maternité ; qu'elle a ensuite été engagée comme agent de production par contrat écrit à durée indéterminée du 1er décembre 1994, moyennant un salaire mensuel brut de 6 009, 64 F pour 39 heures hebdomadaires de travail ; que la société CAIR L.G.L. exploite un laboratoire spécialisé dans la conception, la fabrication et la commercialisation de matériel médico-chirurgical ;
Que par lettre remise en main propre le 16 février 2000, la société CAIR L.G.L. a notifié à Valérie X... sa mise à pied à titre conservatoire ; que par lettre recommandée du même jour, elle a
convoqué la salariée le 23 février 2000 en vue d'un entretien préalable à son licenciement ; que par lettre recommandée du 28 février 2000, elle a notifié à Valérie X... son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :
Nous avons constaté qu'un lot de produits fabriqués par vos soins, à savoir des sondes médicales, dont vous deviez procéder à un test en étanchéité à 100% et que vous avez validé s'avère présenter des fuites après vérification complémentaire réalisée par notre service contrôle.
Ces fuites, qui constituent des défauts de conformité importants, auraient dû vous alerter, et vous conduire à écarter les produits incriminés, lors du contrôle d'étanchéité de ces produits dont vous aviez la charge et la responsabilité.
Vous ne pouvez ignorer les conséquences graves, tant sur le plan médical, que sur l'image et la crédibilité de notre Société, qui peuvent résulter de telles fautes, qui sont inadmissibles.
De plus, nous déplorons un non-respect important et renouvelé de votre part des temps de fabrication des produits, et ce malgré les nombreuses remarques de vos supérieurs hiérarchiques.
Votre comportement est constitutif de manquements graves et inacceptables à vos obligations contractuelles, et justifie la rupture immédiate de votre contrat de travail.
Que le 17 mars 2000, Valérie X... a saisi le Conseil de Prud'hommes qui a rendu le jugement entrepris ; Sur les pièces n°13 à 19 de l'appelante :
Attendu que les pièces versées aux débats par la société CAIR L.G.L. sous les numéros 13 à 19 ont été cancellées dans des proportions si considérables que quelques lignes seulement demeurent lisibles au milieu d'innombrables ratures ; que ce procédé, qui consiste à
extraire d'une pièce ce que le juge doit en retenir, sans lui permettre de replacer les passages sélectionnés dans leur contexte, n'est pas acceptable ; que s'ajoutant à l'incident auquel a déjà donné lieu la communication des pièces de l'employeur en première instance, il confirme la difficulté qu'éprouve la société intimée à se plier aux contraintes d'un débat judiciaire contradictoire et loyal ; que les pièces n°13 à 19 seront donc écartées ; Sur les motifs du licenciement :
Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles L 122-6, L 122-14-2 (alinéa 1) et L 122-14-3 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ;
Qu'en l'espèce, la société CAIR L.G.L. fait principalement grief à Valérie X... de ne pas s'être conformée le 29 décembre 1999 aux prescriptions contenues dans la fiche de procédure PP002, dans la fiche de fabrication n°9 et dans la fiche d'autocontrôle n°2, dont elle avait connaissance, et d'avoir ainsi validé comme conforme un lot n°99L31 de 100 sondes AS220 dont 26 présentaient une fuite en dérivation ; que sur ce premier grief, les seuls points qui peuvent être tenus pour établis sont d'une part la connaissance qui avait été donnée à la salariée des fiches susvisées en novembre 1996, d'autre part la non-conformité de 26 sondes constatée par le service de contrôle en janvier 2000 ; que la lecture de la lettre de licenciement fait apparaître qu'il n'est pas tant reproché à Valérie
X... d'avoir fabriqué des sondes défectueuses que d'avoir validé ces dernières ; que les faits de décembre 1999 sont intervenus à une époque où la salariée ne respectait pas, ou ne respectait plus, les temps de fabrication impartis, sans qu'on sache d'ailleurs comment ces derniers avaient été calculés et dans quelle mesure ils étaient observés au sein du laboratoire ; qu'en l'absence de tout élément démontrant le caractère récurrent des fautes imputées, que l'employeur n'aurait pas admises sur une longue période, et à défaut de toute autre explication, la Cour est conduite à s'interroger sur l'incidence que l'état de santé de Valérie X... était susceptible d'avoir sur son comportement professionnel ; qu'en effet, les 5 décembre 1996 et 29 juin 1999, le médecin du travail avait émis les avis suivants : apte, sauf travaux exposant habituellement et régulièrement au methylethylcetone, au cyclohexanone et au diméthylsulfoxide ; qu'il avait constaté le 3 juin 1999 que la salariée présentait une dermo-épidermite irritative (tableau 84 des maladies professionnelles) après une nouvelle exposition aux solvants ; que le 4 octobre 1999, le médecin du travail a d'ailleurs émis un avis d'inaptitude temporaire de Valérie X... qui a été absente pendant trois semaines au cours du mois considéré ; que le 16 décembre 1999, la salariée a été déclarée apte au poste avec les mêmes réserves que précédemment ; qu'elle a dû cependant suspendre à nouveau son activité professionnelle du 10 au 24 janvier 2001 ; que ses absences ont été évoquées par l'employeur au cours de l'entretien préalable ; que dans ce contexte et en l'absence de tout antécédent disciplinaire, les faits visés dans la lettre de rupture ne pouvaient constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement à l'égard d'une salariée ayant cinq ans et six mois d'ancienneté dans l'entreprise ; qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ; Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse :
Attendu que Valérie X... épouse Y... qui a été licenciée sans cause réelle et sérieuse, alors qu'elle avait plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise occupant habituellement plus de dix salariés, est en droit de prétendre, en application de l'article L 122-14-4 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que l'intimée a versé aux débats des avis de paiement des ASSEDIC qui démontrent qu'elle a subi un préjudice très supérieur au minimum légal défini alloué par le Conseil de Prud'hommes par une décision dont elle sollicite seulement la confirmation ; qu'elle est fondée à demander que le point de départ des intérêts de l'indemnité allouée soit reporté à une date antérieure à celle du jugement ; qu'en faisant application de l'article 1153-1 (alinéa 1er) du code civil, la Cour fixera au 23 mars 2000, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, contenant notification des demandes, le point de départ des intérêts légaux ;
Attendu en outre qu'en application des dispositions de l'article L 122-14-4 (alinéa 2) du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par la société CAIR L.G.L. à l'ASSEDIC concernée des indemnités de chômage payées à Valérie X... du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ; Sur les indemnités de rupture :
Attendu qu'aucune des parties ne remet en cause les bases sur lesquelles le Conseil de Prud'hommes a liquidé les droits de Valérie X... à l'indemnité légale de licenciement, à l'indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents ; que les premiers juges ont fait une exacte application des dispositions des articles L 122-6, L 122-8, L 122-9 et R 122-2 du code du travail, compte tenu de l'ancienneté et de la rémunération de la salariée ; Sur la mise à
pied conservatoire :
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L 122-41 du code du travail que seule une faute grave peut justifier le non-paiement du salaire pendant une mise à pied conservatoire ; que le jugement entrepris sera donc confirmé dans ses dispositions relatives au rappel de salaire et aux congés payés incidents ; Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice lié aux conditions de travail :
Attendu que, pour des raisons inconnues, le certificat médical de première constatation de la maladie professionnelle inscrite au tableau sous le numéro 84 n'a pas été transmis à la Caisse de Sécurité Sociale compétente pour instruire la déclaration prévue par l'article L 461-5 du code de la sécurité sociale ; que Valérie X... n'allègue pas devant la Cour un préjudice distinct de celui résultant de cette maladie ; que selon l'article L 451-1 du code de la sécurité sociale, aucune action en réparation des maladies professionnelles ne peut être exercée par la victime conformément aux droits communs ; que la présente demande de dommages-intérêts est donc irrecevable ;s ne peut être exercée par la victime conformément aux droits communs ; que la présente demande de dommages-intérêts est donc irrecevable ; Sur la demande de dommages-intérêts liée à la loi sur les rachats de cotisation :
Attendu que ce chef de préjudice, résultant de la nécessité dans laquelle serait Valérie X... de procéder au rachat des points de retraite correspondant à sa période de chômage, est futur et hypothétique ; que la salariée est en effet âgée de trente-deux ans ; qu'il est dès lors impossible de présager les règles de liquidation de sa pension de vieillesse qui seront en vigueur à la date à laquelle elle fera liquider ses droits ; Sur l'article 32-1 du nouveau code de procédure civile :
Attendu que s'il était loisible à Valérie X... de solliciter des
dommages-intérêts pour appel abusif, celle-ci est sans qualité pour requérir le prononcé d'une amende civile ; qu'au demeurant, la faute alléguée par l'intimée dans l'exercice par la société CAIR L.G.L. des voies de recours n'est pas caractérisée ; Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser Valérie X... supporter les frais qu'elle a dû exposer, tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'une somme de 695 lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en sus de celle déjà octroyée par les premiers juges ; Sur les frais d'exécution :
Attendu qu'aux termes de l'article 695 du nouveau code de procédure civile, les dépens comprennent les débours tarifés et les émoluments des officiers publics et ministériels ; que selon l'article 16 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, peuvent donner lieu à honoraires libres les travaux, diligences, formalités ou missions de la profession d'huissier de justice qui ne sont pas compris dans le tarif ; que pour obtenir l'exécution des condamnations exécutoires à titre provisoire, Valérie X... a dû verser à un huissier de justice des honoraires s'élevant à 314, 65 et non compris dans les dépens ; que la société CAIR L.G.L. sera donc condamnée à rembourser cette somme à la salariée ;
PAR CES MOTIFS,
Reçoit l'appel régulier en la forme ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement
de Valérie X... était sans cause réelle et sérieuse et condamné la société CAIR L.G.L. à verser à Valérie X... les sommes suivantes : - indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
41 280, 00 F - indemnité de préavis
13 762, 00 F - congés payés afférents
1 376, 00 F - indemnité de licenciement
3 440, 00 F - rappel de salaire sur mise à pied conservatoire
2 858, 54 F - congés payés afférents
285, 85 F
Fixe le point de départ des intérêts légaux des sommes allouées au 23 mars 2000, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation,
Confirme le jugement entrepris dans ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Le réforme pour le surplus,
Statuant à nouveau :
Ordonne le remboursement par la société CAIR L.G.L. à l'ASSEDIC concernée des indemnités de chômage payées à Valérie X... épouse Y... du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,
Condamne la société CAIR L.G.L. à rembourser à Valérie X... épouse Y... la somme de trois cent quatorze euros et soixante-cinq centimes (314, 65 ), montant des honoraires versés à Maître MANCIOPPI, huissier de justice,
Déclare irrecevable la demande de dommages-intérêts de Valérie X... épouse Y... pour préjudice lié aux conditions de travail,
La déboute du surplus de ses demandes,
Condamne la société CAIR L.G.L. à payer à Valérie X... épouse Y... la somme de six cent quatre-vingt-quinze euros (695 ) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour les frais exposés devant
la Cour et non compris dans les dépens,
Condamne la société CAIR L.G.L. aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT
Y...
A...
D. JOLY