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21/10/2004 | FRANCE | N°03/04692

France | France, Cour d'appel de Lyon, 21 octobre 2004, 03/04692


R.G : 03/04692 décision du Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE au fond du 28 mai 2003 RG N°2000/2779 COUR D'APPEL DE LYON PREMIERE CHAMBRE CIVILE ARRET DU 21 OCTOBRE 2004 APPELANT :

Maître Thierry X Notaire représenté par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assisté de Me CHA NE, avocat au barreau de LYON MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD (M.M.A.) 10 boulevard Alexandre Oyon 72030 LE MANS CEDEX 9 représentées par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour INTERVENANTS VOLONTAIRES INTIMES : Monsieur Dominique Y représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET avoués à

la Cour assisté de Me COMTE, avocat au barreau de LYON Madame Antoine...

R.G : 03/04692 décision du Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE au fond du 28 mai 2003 RG N°2000/2779 COUR D'APPEL DE LYON PREMIERE CHAMBRE CIVILE ARRET DU 21 OCTOBRE 2004 APPELANT :

Maître Thierry X Notaire représenté par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assisté de Me CHA NE, avocat au barreau de LYON MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD (M.M.A.) 10 boulevard Alexandre Oyon 72030 LE MANS CEDEX 9 représentées par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour INTERVENANTS VOLONTAIRES INTIMES : Monsieur Dominique Y représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET avoués à la Cour assisté de Me COMTE, avocat au barreau de LYON Madame Antoinette Z épouse Y représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET avoués à la Cour assistée de Me COMTE, avocat au barreau de LYON

Instruction clôturée le 20 Août 2004

Audience de plaidoiries du 16 Septembre 2004

Les pièces de la procédure ont été régulièrement communiquées

à monsieur le procureur général. COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré : - monsieur ROUX, conseiller, faisant fonction de président, - madame BIOT, conseiller, - monsieur GOURD,

conseiller, assistés pendant les débats de madame JANKOV, greffier. ARRET : contradictoire prononcé à l'audience publique par monsieur ROUX, conseiller, remplaçant le président légitimement empêché, en présence de madame JANKOV, greffier, qui sont signé la minute.

FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES

Le 26 mars 1991 les époux Y ont signé en faveur des époux A une promesse de vente du fonds de commerce de bar-restaurant qu'ils exploitaient à GRAND-CROIX (Loire) concurremment à un autre fonds de même nature situé à SAINT-MARTIN-LA-PLAINE (Loire).

Dans cette promesse de vente le vendeur déclarait les chiffres d'affaires hors taxes suivants :

- année 1988 : 800.458 Francs

- année 1989 : 865.897 Francs

- année 1990 : non fixé

- 1er janvier au 26 mars 1991 : non déterminé.

Les bénéfices commerciaux n'étaient pas indiqués.

Cette vente a été réitérée par acte authentique en date du 6 juin 1991 reçu par Maître Thierry X notaire à RIVE-DE-GIER (Loire). Le prix était fixé à 1.050.000 francs.

Dans le corps de l'acte le vendeur déclarait les résultats suivants :

- Sur le chiffre d'affaire (global avec le fonds de SAINT-MARTIN-LA-PLAINE)

- réalisé en 1987 : 805.791,00 Francs H.T.

- réalisé en 1988 : 1.217.233,00 Francs H.T.

- réalisé en 1989 : 1.457.637,00 Francs H.T. - Sur les bénéfices commerciaux (avec SAINT-MARTIN-LA-PLAINE)

- réalisé en 1987 : 64.429,00 Francs

- réalisé en 1988 : 148.414,00 Francs

- réalisé en 1989 : 303.427,00 Francs

Aucune indication n'était portée concernant les résultats des années 1990 et 1991.

Les époux A acquéreurs, se prévalant de l'absence d'indication des résultats pour les années 1990 et 1991 et de l'inexactitude des chiffres donnés pour les années 1987, 1988 et 1989 ont par acte en date du 16 mai 1992 assigné les époux Y devant le Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE en nullité de la vente sur le fondement de l'article 1116 du Code Civil et de l'article 12 de la loi du 29 juin 1935 devenu l'article L 141-1 du Code de Commerce, ou à défaut, en réparation du préjudice causé par la tromperie.

Par jugement en date du 24 juin 1994 le Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE a ordonné une expertise confiée à Monsieur BARRAL expert comptable avec pour mission d'établir pour le fonds vendu les chiffres d'affaires et les bénéfices commerciaux du 1er janvier 1988 au 6 juin 1991 et de dire si le prix de vente correspondait à la valeur du fonds de commerce.

L'expert concluait que les chiffres d'affaires déclarés dans la promesse de vente et l'acte de vente étaient inexacts, que les chiffres donnés dans l'acte de vente auraient dû être décomposés, et que les chiffres des années1990 et 1991 auraient dû être mentionnés. Par jugement en date du 29 mars 1996 le Tribunal de Commerce a condamné les époux Y à verser aux époux A la somme de 450.000 francs correspondant à leur préjudice global, lequel était jugé au moins

égal à la différence entre le prix payés pour les éléments incorporels du fonds soit 950.000 francs et leur estimation par l'expert soit 556.000 francs.

Les époux Y ont relevé appel de cette décision.

Maître B intervenu volontairement en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de Monsieur A, et Madame A ont sollicité une indemnité complémentaire de 200.000 francs en réparation du préjudice que l'excédent de prix avait engendré en provoquant le dépôt de bilan de leur entreprise par suite d'un endettement excessif.

Par arrêt en date du 6 février 1998 la Cour d'Appel de LYON a confirmé le jugement déféré et y ajoutant a condamné les époux Y à verser à Maître B pris en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de Monsieur A et à Madame A la somme de 150.000 francs à titre de dommages et intérêts. L'arrêt relevait en effet que les acquéreurs étaient en droit de soutenir que les erreurs et omission incriminées procédaient d'une intention dolosive leur ouvrant droit à ses dommages et intérêts, et qu'ils étaient fondés à faire valoir qu'en les trompant sur le potentiel de rentabilité de l'exploitation en considération duquel ils avaient évalué leurs facultés financières les vendeurs les avaient mis dans l'impossibilité de faire face au remboursement du prêt de 900.000 francs qu'ils avaient souscrit pour acquérir le fonds et avaient ainsi contribué à la mise en liquidation judiciaire de Monsieur A.

Par acte en date du 21 septembre 2000 Monsieur et Madame Y ont assigné Maître Thierry X notaire en responsabilité professionnelle sur le fondement des articles L 141-1 du Code de Commerce et 1382 du

Code Civil. Ils soutenaient que Maître X était tenu d'assurer la validité et l'efficacité de son acte et qu'il avait manqué à ses obligations en ne recueillant pas les informations légales indispensables auprès des vendeurs et de leur expert comptable, et en portant des indications incomplètes et erronées.

Maître X résistait à la demande en soutenant qu'il avait interrogé les vendeurs et leur expert comptable sur les chiffres d'affaires et les bénéfices de l'année 1990 mais n'avait pas pu les obtenir.

Par jugement en date du 28 mai 2003 le Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE, après avoir rappelé les dispositions de l'article L 141-1 du Code de Commerce a considéré que Maître X avait engagé sa responsabilité en se contentant d'une réponse donnée par l'expert comptable des vendeurs lui donnant les évaluations de l'activité fiscale pour les années 1987, 1988 et 1989.

Maître X était condamné à payer aux époux Y la somme de 45.734,70 euros à titre de dommages et intérêts outre intérêts au taux légal à compter de la décision, laquelle était assortie de l'exécution provisoire. Il était en outre condamné à payer 1.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Par déclaration en date du 21 juillet 2003 Maître X a relevé appel de cette décision.

Il expose que pour satisfaire aux dispositions de l'article 12 de la loi du 29 juin 1935 (article L 141-1 du Code de Commerce) il a pris attache avec l'expert comptable des époux Y qui lui a transmis les chiffres déterminés par un récent contrôle fiscal et l'a par ailleurs

informé qu'il n'était pas en mesure de fournir les chiffres afférents à l'année 1990.

Il précise qu'il a repris dans son acte les chiffres ainsi communiqués et a annexé audit acte le tableau fourni par l'expert comptable.

Il fait valoir que l'arrêt du 6 février 1998 a retenu un dol de la part des vendeurs qui étaient en possession des données comptables de l'année 1990 dès le 1er février 1991 et avaient volontairement surévalué les résultats de l'exercice précédent.

Il soutient qu'il n'a commis aucune faute en recueillant directement les renseignements comptables auprès de l'expert comptable du vendeur, que la condamnation à restitution du supplément de prix ne constitue pas un préjudice pour les vendeurs et que la condamnation à des dommages et intérêts résulte du dol qu'ils ont commis.

Il sollicite la réformation du jugement déféré dans le sens d'un rejet des demandes formées à son encontre, et la condamnation des époux Y à lui payer 15.000 euros à titre de dommages et intérêts et 4.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

La Société MUTUELLES DU MANS ASSURANCES (M.M.A.) IARD assureur responsabilité civile de Maître X intervient volontairement à l'instance en demandant la condamnation des époux Y à lui rembourser la somme de 45.734,70 euros versée au titre de l'exécution provisoire

outre intérêts au taux légal. Elle sollicite en outre 1.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Les époux Y sollicitent la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de Maître X mais demandent qu'il soit condamné au paiement des sommes suivantes : - 91.469,41 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier, - 30.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral, - 7.800,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, - 4.600,00 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Monsieur le Procureur Général auquel l'affaire a été communiquée n'a pas présenté d'observations. DISCUSSION

Attendu qu'aux termes de l'article L 141-1 du Code de Commerce tout acte de cession de fonds de commerce doit contenir l'indication du chiffre d'affaires et des bénéfices commerciaux réalisés au cours des trois dernières années d'exploitation ;

Or attendu que l'acte authentique du 6 juin 1991 ne comporte pas l'indication du chiffre d'affaires et des bénéfices de l'année 1990 ; qu'en outre les chiffres indiqués pour les années 1987, 1988 et 1989 concernent les fonds de commerce de SAINTE-CROIX et de SAINT-MARTIN-LA-PLAINE alors que seul le fonds de commerce de SAINTE-CROIX était vendu ;

Attendu qu'il ressort du rapport d'expertise de Monsieur BARRAL que le chiffre d'affaires indiqué de 865.897 francs pour l'année 1989 était erroné, le chiffre exact étant de 733.028 francs ;

Attendu qu'en présence de simples données fiscales communiquées par le comptable et en l'absence de chiffres concernant la période du 1er janvier 1990 au 19 mai 1991 Maître X aurait dû refuser de recevoir l'acte ; qu'en acceptant de le recevoir dans de telles conditions il a engagé sa responsabilité professionnelle ;

Attendu que les époux Y ont été condamnés à payer aux époux A la somme de 450.000 francs correspondant à la différence de prix augmentée des frais et droits payés sur cette différence ; que cette condamnation ne constitue pas pour eux un préjudice puisqu'elle ne fait que rétablir un juste prix ;

Attendu que par l'arrêt du 6 février 1998 ils ont par contre été condamnés à payer à Maître B et Madame A la somme de 150.000 francs à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'erreur sur les possibilités de rentabilité de l'exploitation, erreur qui a conduit les acheteurs à contracter un emprunt disproportionné par rapport à leurs facultés de remboursement ;

Attendu que Maître X devra relever et garantir Monsieur et Madame Y de cette dernière condamnation, et leur payer la somme de 22.900 euros outre intérêts au taux légal à compter de la date du jugement déféré ; que les époux Y devront restituer à la Compagnie M.M.A. le surplus de cette somme versé au titre de l'exécution provisoire ;

Attendu que les époux Y ne démontrent pas avoir subi un préjudice supplémentaire justifiant d'autres dommages et intérêts ; que

l'équité commande par contre de confirmer la condamnation de Maître X à leur payer 1.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Reçoit l'intervention de la Société MUTUELLES DU MANS ASSURANCES (M.M.A.),

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que Maître Thierry X n'avait pas rempli le devoir de conseil qui lui incombait, à l'occasion de la vente du fonds de commerce entre les époux Y et les époux A,

Réforme le jugement déféré sur le montant de la condamnation,

Condamne en conséquence Maître Thierry X à payer aux époux Y la somme de VINGT DEUX MILLE NEUF CENTS EUROS (22.900 EUROS) outre intérêts au taux légal à compter de la date du jugement déféré,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus au terme d'une année entière,

Condamne les époux Y à restituer à la Société MUTUELLES DU MANS ASSURANCES (M..M.A.) les sommes supplémentaires reçues au titre de l'exécution provisoire,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné Maître X à payer

MILLE EUROS (1.000 EUROS) aux époux Y en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne Maître Thierry X et la Société MUTUELLES DU MANS ASSURANCES (M.M.A.) aux dépens de l'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la Société Civile Professionnelle AGUIRAUD-NOUVELLET, Société d'avoués.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 03/04692
Date de la décision : 21/10/2004
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2004-10-21;03.04692 ?
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