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21/10/2004 | FRANCE | N°02/03957

France | France, Cour d'appel de Lyon, 21 octobre 2004, 02/03957


AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR R.G : 02/03957 X... C/ SA LAFUMA APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNE du 22 Mai 2002 RG : 01/00746 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2004 APPELANT : Monsieur Serge X... représenté par Maître CHABANNES, avocat au barreau de SAINT ETIENNE INTIMEE : SA LAFUMA BP 60 26140 ANNEYRON représentée par Maître BROCHARD, avocat au barreau de LYON PARTIES CONVOQUEES LE : 18 Mai 2004 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Septembre 2004 Présidée par Madame PANTHOU-RENARD, Président, magistrat rapporteur, charg

ée de faire rapport et qui a tenu seule l'audience (sans opposi...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR R.G : 02/03957 X... C/ SA LAFUMA APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNE du 22 Mai 2002 RG : 01/00746 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2004 APPELANT : Monsieur Serge X... représenté par Maître CHABANNES, avocat au barreau de SAINT ETIENNE INTIMEE : SA LAFUMA BP 60 26140 ANNEYRON représentée par Maître BROCHARD, avocat au barreau de LYON PARTIES CONVOQUEES LE : 18 Mai 2004 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Septembre 2004 Présidée par Madame PANTHOU-RENARD, Président, magistrat rapporteur, chargée de faire rapport et qui a tenu seule l'audience (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Madame LE Y..., Greffier, COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame PANTHOU-RENARD, Président Madame DEVALETTE, Conseiller Monsieur CATHELIN, Conseiller ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé à l'audience publique du 21 Octobre 2004 par Madame PANTHOU-RENARD, Président, en présence de Mme Françoise LE Y..., Greffier, qui ont signé la minute.

[********************]

LA COUR Par acte du 21 Juillet 1997 les consorts X... et BRUN dont Monsieur Serge X... cédaient à la Société LAFUMA la totalité des actions, soit 42.500 actions, de la Société RIVORY JOANNY Industries qu'ils détenaient à la Société LAFUMA. L'entreprise a pour activité la fabrication et la vente de lacets, sangles et cordages pour l'industrie et le sport. Les parties convenaient dans l'article II de l'acte : qu'en cas de réalisation de la cession des actions . le contrat de travail (directeur commercial) de Monsieur Serge X... se poursuivra dans les conditions actuelles ; étant précisé que dans le cadre d'un avenant audit contrat que le cessionnaire s'engage à conclure avec Monsieur Serge X..., outre les indemnités prévues par la loi et la convention collective, une indemnité égale à une année de salaire lui sera garantie en cas de rupture de son contrat de travail pour quelque cause que ce soit . Monsieur Serge X... avait en effet été engagé par la Société RIVORY JOANNY Industries, dirigée par son père Alain X..., le 1er Mars 1991 en qualité de responsable des ventes montagne et suivant avenant du 1er Novembre 1993 à effet du 1er Octobre 1993 promu aux fonctions de Directeur commercial - France et Export -. Monsieur Serge X... percevait en dernier lieu un salaire annuel de 331.000 francs. Par avenant du 11 Septembre 1997, la Société RIVORY JOANNY et Monsieur Serge X... convenaient que le contrat de travail continuait à s'exécuter comme précédemment avec cette précision que sa fonction de directeur commercial pouvait être étendue à d'autres activités du groupe LAFUMA. Il était précisé par les parties qu' en cas de rupture du contrat de travail de Monsieur Serge X... pour quelque cause que ce soit, (la Société) s'engageait à

(lui) verser en plus des indemnités prévues par la loi et la convention collective, une indemnité égale à une année de salaire . Par courrier du 29 Avril 1999, Monsieur Y, Président du Conseil d'administration de la Société LAFUMA notifiait à Monsieur Serge X... que son contrat de travail, avec son avenant, en date du 11 Septembre 1997 , devait dans le cadre d'une réorganisation lui être transféré. Dans ce courrier, Monsieur Y demandait à renégocier l'avenant ci-dessus. Par acte signé le 3 Mai 1999, les fonctions de Monsieur Serge X... étaient redéfinies, de même par un article 10 les stipulations relatives à la rupture du contrat. Cet article précise : le contrat ne pourra être rompu qu'avec respect d'un préavis réciproque de trois mois. De plus, si la rupture du contrat de travail intervient avant le 1er Janvier 2002 pour quelque cause que ce soit, la société s'engage à verser à Monsieur Serge X..., en plus des indemnités prévues par la loi et la convention collective, une indemnité supplémentaire équivalente à une année de salaire . Par courrier du 13 Juillet 2001, Monsieur Serge X... confirmait sa décision de quitter l'entreprise LAFUMA. Il précisait qu'il effectuerait son préavis de trois mois tout en émettant le souhait d'être libre le 10 Août suivant. Par courrier du même jour, Monsieur Y confirmait son accord pour que Monsieur Serge X... quitte l'entreprise le 31 Juillet 2001. Par lettre du 1er Août 2001 à Monsieur Y, Monsieur Serge X... se déclarait surpris de ne pas avoir reçu son indemnité contractuelle équivalente à une année de salaire. En réponse, par courrier du 21 Août 2001, Monsieur Y soutenait que cette indemnité n'était pas due en cas de démission dès lors qu'elle était qualifiée d'indemnité supplémentaire . Monsieur X... saisissait le 13 Décembre 2001 le Conseil de Prud'hommes de SAINT ETIENNE aux fins de condamnation de la société LAFUMA au paiement de l'indemnité contractuelle de rupture. Il était débouté de ses prétentions par jugement du 22 Mai

2002.

SUR QUOI Vu les conclusions du 23 Septembre 2004 régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales de Monsieur X... qui demande à la Cour, par réformation du jugement déféré, de condamner la société LAFUMA à lui verser la somme de 50.460,42 euros à titre d'indemnité contractuelle de rupture, augmentée des intérêts légaux à compter du 31 Juillet 2001, et celle de 3.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, aux moyens essentiels que : -

son droit à paiement à l'indemnité contractuelle de rupture confirmé et simplement limité dans le temps par l'avenant du 3 Mai 1999, est ouvert quelque soit la cause de rupture et partant, même en cas de démission ; la prévision d'un préavis réciproque dans l'article 10 de cet avenant confirme un tel cas d'ouverture du droit, -

cet article 10 ne conditionne pas le versement de cette indemnité au versement d'une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, -

les termes clairs et précis de la clause révèlent la commune intention des parties, laquelle est corroborée par un courrier du 4 Avril 1997 antérieur à la cession de l'entreprise de Monsieur Y lui-même, -

la clause litigieuse ne s'analyse pas en une clause de garantie d'emploi ; elle n'emporte aucune interdiction de licencier ; elle a pour objet de garantir le salarié des aléas liés à la cession d'entreprise pouvant conduire l'une ou l'autre partie à rompre le contrat, au regard de la capacité à travailler et à réussir

ensemble selon les termes de Monsieur Y dans son courrier du 29 Avril 1999 ; la cause de l'obligation est la couverture du risque de rupture quelqu'en soit son auteur, -

l'obligation à paiement n'est pas une clause pénale car non liée à un manquement du débiteur, elle n'a rien d'excessif, Vu les conclusions du 22 Septembre 2004 régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales de la Société LAFUMA aux fins de confirmation du jugement déféré, subsidiairement de réduction du montant de l'indemnité réclamée par Monsieur Serge X..., de condamnation de ce dernier au paiement d'une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, aux moyens essentiels que : -

la commune intention des parties était d'ouvrir droit au paiement de l'indemnité contractuelle litigieuse qu'en cas de licenciement, -

-

la clause litigieuse ne peut s'interpréter qu'en ce sens dès lors qu'elle fait référence à un système indemnitaire et d'équivalence ; la démission d'un salarié ne lui permet pas de bénéficier d'indemnité ; l'indemnité ne peut s'analyser en un salaire supplémentaire, -

-

la clause litigieuse est dépourvue de cause licite dès lors qu'elle n'a pas pour objet de conforter la fidélité à l'entreprise du salarié ni de le protéger contre un licenciement ; elle ne peut s'analyser qu'en un supplément de prix de la cession d'actions, cause illicite, -

la clause a un caractère purement potestatif, Monsieur Serge X..., débiteur et créancier à la fois dans l'exercice synallagmatique du contrat de travail peut à loisir faire l'usage de la clause sans la moindre contrepartie pour son co-contractant ; le caractère potestatif n'existe pas au contraire dès lors que le droit à paiement

d'une indemnité supplémentaire n'est ouvert qu'en cas de licenciement pour quelque cause que ce soit , c'est à dire pour un motif réel et sérieux, une faute grave ou lourde et que la société ne se voit pas ainsi imposer du seul fait du bénéficiaire le paiement de l'indemnité contractuelle, -

il appartient à la Cour de déterminer l'objet, la cause et l'effet de l'engagement souscrit, le sens de la convention, au regard des dispositions des articles 1158 et 1160 du Code civil ; en cas de doute, celui-ci doit lui bénéficier, -

en tout état de cause, la clause litigieuse est une clause pénale susceptible de modération par le juge, Vu les articles 1101, 1131, 1152, 1168, 1170, 1172, 1174 et 1156 à 1162 du Code civil, Considérant d'abord que le contrat de travail peut être rompu d'un commun accord, à l'initiative de l'employeur pour une cause économique ou un motif inhérent à la personne du salarié, disciplinaire ou non disciplinaire, par démission ou résiliation judiciaire ; Que par suite les mentions rupture du contrat de travail pour quelque cause que ce soit ne peuvent concerner le seul licenciement, en l'absence de mention d'une rupture à l'initiative de l'employeur ; que d'ailleurs la clause litigieuse rappelle l'obligation des parties au respect d'un préavis réciproque de trois mois en cas de rupture, ce qui implique la commune intention des parties de ne pas exclure l'ouverture du droit à paiement de l'indemnité contractuelle en cas de démission ; Que les dispositions claires et sans équivoque de l'article 10 du contrat ne sont pas sujettes à interprétation ; qu'elle ressortent d'ailleurs de la volonté même du cessionnaire qui en la personne de son représentant, Monsieur Y, dans un courrier du 4 Avril 1997 offrait de garantir à Monsieur Serge X... une année de salaire en cas de rupture de son contrat de travail dans tous les cas ; Que les moyens de

l'intimée tirés de la commune intention des parties relativement à un cas unique d'ouverture du droit à paiement et de la nécessaire interprétation de la clause litigieuse dans son sens ne sont pas fondés ; Considérant ensuite, que contrairement à ce que soutient la société LAFUMA, la référence dans la clause contractuelle aux indemnités prévues par la loi et la convention collective n'emporte pas exclusion en cas de démission du droit à paiement de l'indemnité contractuelle d'un an de salaire, laquelle n'a pas même cause que les indemnités légales ou conventionnelles de rupture dues en cas de licenciement ; Qu'en effet, cette indemnité contractuelle en cas de rupture du contrat de travail trouve sa source dans l'acte du 21 Juillet 1997 de cession des actions de laQu'en effet, cette indemnité contractuelle en cas de rupture du contrat de travail trouve sa source dans l'acte du 21 Juillet 1997 de cession des actions de la société familiale que constituait alors la Société RIVORY JOANNY Industries ; Que cet acte prévoit qu'est garanti par le cessionnaire des actions le versement à Monsieur Serge X..., directeur commercial, membre de la famille cédante, d'une indemnité égale à une année de salaire en cas de rupture de son contrat de travail ; que ladite indemnité est en conséquence une indemnité compensatrice de salaires pendant un an en cas de rupture ; que la référence aux indemnités légales et conventionnelles ne constitue donc pas l'affirmation du principe de leur cumul avec l'indemnité contractuelle qui impliquerait un seul cas d'ouverture du droit, à savoir le licenciement ; Et considérant que l'indemnité contractuelle due à Monsieur Serge X... en cas de rupture de son contrat de travail, résulte de la vente de la totalité des actions de la société familiale RIVORY JOANNY Industries et a pour cause la garantie du risque inhérent à toute cession d'une société familiale, quant à la survie du contrat de travail d'un des membres de la famille cédante tant au regard de

l'affaiblissement des liens personnels entre les co-contractants qu'au regard des changements à intervenir dans la gestion de l'entreprise et des conditions de travail ; que la garantie d'un risque, peu important qu'elle ait été consentie lors de la vente d'actions et même si ce risque se réalise du fait de la volonté du salarié de ne pas poursuivre sa collaboration, constitue une cause licite ; de même son objet, à savoir le maintien pendant un an du niveau de revenus du salarié après la rupture ; Considérant enfin, que l'indemnité contractuelle portant compensation de salaires n'a pas le caractère de dommages-intérêts venant en réparation d'un préjudice résultant d'un manquement contractuel ; qu'elle ne constitue donc pas en conséquence une sanction susceptible de modération par le juge au sens de l'article 1152 du Code civil ; Considérant en conséquence, les moyens de l'intimée pour s'exonérer de son obligation à paiement ou la limiter n'étant pas fondés, que la demande doit être accueillie, les calculs de l'appelant n'étant pas par ailleurs contestés, Considérant que les intérêts moratoires au taux légal sont dus dans les conditions de l'article 1153 du Code civil ; Considérant que l'équité ne commande pas l'application au bénéfice de Monsieur X... de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ; Que la demande à ce titre de la Société LAFUMA, partie perdante, n'est pas fondée ;

PAR CES MOTIFS La Cour, Réformant le jugement déféré, CONDAMNE la Société LAFUMA à payer à Monsieur X... la somme de 50.460,6 euros (cinquante mille quatre cent soixante euros, six centimes) à titre d'indemnité contractuelle de rupture, augmentée des intérêts au taux

légal à compter du 31 Juillet 2001, CONDAMNE la Société LAFUMA aux dépens, DIT n'y avoir lieu d'appliquer l'article 700 du Nouveau code de procédure civile. Le Greffier

Le Président F. LE Y...

E. PANTHOU-RENARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 02/03957
Date de la décision : 21/10/2004
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2004-10-21;02.03957 ?
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