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20/10/2004 | FRANCE | N°01/03987

France | France, Cour d'appel de Lyon, 20 octobre 2004, 01/03987


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE R.G : 01/03987 GALLON C/ SA CHLORIDE FRANCE APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 19 Avril 2001 RG : 199904292 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2004 APPELANT : Monsieur Jean Philippe X... représenté par Me TROUCHET, avocat au barreau de PARIS substitué par Me DE GRAAF, avocat au barreau de PARIS INTIMÉE : SA CHLORIDE FRANCE représentée par Me DURAND, avocat au barreau de PARIS PARTIES CONVOQUÉES LE : 20 AVRIL 2004 DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Septembre 2004 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS E

T DU DÉLIBÉRÉ : M. Didier JOLY, Président M. Dominique DEFR...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE R.G : 01/03987 GALLON C/ SA CHLORIDE FRANCE APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 19 Avril 2001 RG : 199904292 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2004 APPELANT : Monsieur Jean Philippe X... représenté par Me TROUCHET, avocat au barreau de PARIS substitué par Me DE GRAAF, avocat au barreau de PARIS INTIMÉE : SA CHLORIDE FRANCE représentée par Me DURAND, avocat au barreau de PARIS PARTIES CONVOQUÉES LE : 20 AVRIL 2004 DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Septembre 2004 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. Didier JOLY, Président M. Dominique DEFRASNE, Conseiller Madame Aude LEFEBVRE, Conseiller Assistés pendant les débats de Madame Yolène Y..., Greffier. ARRÊT : CONTRADICTOIRE Prononcé à l'audience publique du 20 Octobre 2004 par M. Didier JOLY, Président, en présence de Madame Yolène Y..., Greffier, qui ont signé la minute. [*************]

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté le 4 mai 2001 par Jean-Philippe X... d'un jugement rendu le 19 avril 2001 par le Conseil de Prud'hommes de LYON (section encadrement) qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes contre la société CHLORIDE FRANCE ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 15 septembre 2004 par Jean-Philippe X... qui demande à la Cour de : 1°) réformer le jugement entrepris, 2°) dire que le licenciement de Jean-Philippe X... est dénué de cause réelle et sérieuse, 3°) condamner, en conséquence, la société CHLORIDE FRANCE à verser à Jean-Philippe X... les sommes suivantes : - indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

230 000, 00 Subsidiairement : - dommages-intérêts pour non respect de l'article L 321-1-1 du C.T.

230 000, 00 4°) constater que Jean-Philippe X... aurait dû bénéficier d'une ancienneté de 20 ans et 3 mois, 5°) condamner, en conséquence, la société CHLORIDE FRANCE à verser à Jean-Philippe X... les sommes suivantes : - complément d'indemnité conventionnelle de licenciement 66 147, 59 - indemnité contractuelle d'expatriation

6 768, 63 - indemnité compensatrice de clause de non-concurrence

86 569, 00 - article 700 du nouveau code de procédure civile

3 000, 00 6°) ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées par la société CHLORIDE FRANCE au soutien de ses observations orales tendant à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de Jean-Philippe X... au paiement de la somme de 4 500 au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que par délibération du 15 avril 1994, l'assemblée générale des associés de la S.A.R.L. FRANCE ONDULEURS ONDYNE, dont Jean-Philippe X... était gérant associé, a autorisé la cession à la société CHLORIDE FRANCE de 997 des 1 000 parts composant le capital social ; que Jean-Philippe X... est devenu co-gérant de la S.A.R.L. dont l'exercice 1993/1994 s'est clos sur une perte de 906 858 F ;

Que Jean-Philippe X... a été engagé par la société CHLORIDE FRANCE en qualité d'ingénieur d'études (position III B, coefficient 180) suivant contrat écrit à durée indéterminée du 1er mai 1994, régi par la convention collective nationale de la métallurgie et son avenant "cadres" ; que sa rémunération mensuelle brute a été fixée à 52 310 F sur treize mois ; qu'en cas de licenciement non motivé par une faute lourde, l'employeur s'est engagé à assurer à Jean-Philippe X... une

garantie de salaire d'un maximum équivalent à trois ans de rémunération ; que la durée du préavis a été fixée à six mois en cas de licenciement ; que le contrat de travail contenait une clause de non-concurrence applicable pendant deux ans sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne ;

Que par avenant du 1er juin 1996, Jean-Philippe X... a été détaché à MADRID au sein de la société O.D.N., filiale de la société CHLORIDE FRANCE, pour la période du 1er juin 1996 au 31 juillet 1998 ; que son employeur demeurait la société CHLORIDE FRANCE ; qu'une rémunération complémentaire mensuelle d'expatriation de 20 492 F sur treize mois a été allouée à Jean-Philippe X... pendant la durée de son détachement ; que le même avenant a prévu en faveur du salarié une indemnité contractuelle de licenciement égale à six mois de salaire, hormis en cas de faute grave ;

Que par lettre remise en main propre le 24 février 1998, la société CHLORIDE FRANCE a convoqué Jean-Philippe X... le 3 mars en vue d'un entretien préalable à son licenciement ; que par lettre recommandée du 27 mars 1998, elle lui a notifié son licenciement pour motif économique dans les termes suivants :

En effet, au cours de cet entretien, nous vous avons exposé que depuis votre détachement en Espagne, notre activité concernant les produits de bureau UPS connaît de très sérieuses difficultés. Il a alors été nécessaire de réduire nos coûts fixes dans divers départements et notamment celui de la Recherche et Développement. Comme vous le savez, notre entité espagnole a déjà procédé à plusieurs licenciements économiques parmi ses salariés et ne peut plus se permettre de faire face au coût induit par votre contrat de travail.

En ce qui vous concerne, nous vous avons proposé au cours de ce même entretien le poste de Engineering Manager UPS Office maintenu en

Espagne moyennant une rémunération annuelle plus faible de 10 millions de Ptas ; vous avez alors demandé des précisions sur cette proposition (fournies à vous par un courrier de notre part en date du 16 mars 1998) et nous avez demandé si ce poste pouvait vous être confié à raison de deux jours par semaine, ce qui n'est pas possible (ainsi que nous vous l'avons déjà indiqué).

Ainsi et à la lumière de notre ultime conversation d'aujourd'hui, il apparaît que vous refusez le poste proposé à vous le 3 mars 1998 et décrit précisément dans notre courrier ultérieur du 16 mars 1998.

Dans la mesure où aucun autre emploi n'est disponible pour vous tant en Espagne qu'à Avrainville (où l'activité de recherche développement pour laquelle vous avez travaillé pendant quatre ans n'existe plus) ou dans le reste du Groupe, nous n'avons pas d'autre choix que de procéder à votre licenciement pour motif économique.

Vous voudrez bien par ailleurs noter que nous n'entendons pas bénéficier de la clause de non-concurrence figurant dans votre contrat de travail dont vous êtes d'ores et déjà libéré.

Que le 8 novembre 1999, Jean-Philippe X... a saisi le Conseil de Prud'hommes qui a rendu le jugement entrepris ;

Attendu, d'abord, que la société mère CHLORIDE FRANCE a engagé Jean-Philippe X... par un contrat de travail conclu à son siège social et l'a affecté deux ans plus tard auprès de sa filiale espagnole pour une période limitée ; qu'elle a continué à exercer un pouvoir de direction et de contrôle à son égard et à lui verser sa rémunération ; que la société intimée était donc restée l'employeur de l'appelant ainsi que le spécifiait d'ailleurs l'avenant du 1er juin 1996 ; Sur l'ancienneté de Jean-Philippe X... :

Attendu qu'au sens de l'article L 121-1 du code du travail, le contrat de travail est celui par lequel une personne accepte de

fournir une prestation de travail au profit d'une autre, en se plaçant dans un état de subordination juridique vis-à-vis de cette dernière, moyennant une rémunération ; que la preuve de l'existence d'un tel contrat incombe, en l'absence d'écrit, à celui qui s'en prévaut ;

Qu'en l'espèce, Jean-Philippe X... verse aux débats des bulletins de paie qui lui ont été délivrés par la société FRANCE ONDULEURS ONDYNE et qui portent mention des emplois suivants :

- du 1er janvier 1986 au 31 mai 1987 : directeur commercial,

- du 1er juin 1987 au 31 décembre 1989 : gérant,

- du 1er février 1990 au 31 mars 1994 : directeur technique ;

Que rien n'indique cependant que Jean-Philippe X... avait perdu son mandat social le 1er février 1990 ; qu'en effet, il était encore gérant unique de la société en avril 1994 ; que les mentions successives des bulletins de paie sont purement aléatoires et ne rendent pas compte de changements dans la situation de l'appelant au sein de l'entreprise puisque ce dernier a conservé la même rémunération brute de juin 1987 à janvier 1992 inclus ; qu'il ne précise pas quelles fonctions techniques distinctes de son mandat social il remplissait au sein d'une société qu'il avait fondée et dont il était l'animateur ; qu'en outre, l'existence d'un lien de subordination entre Jean-Philippe X... et la société FRANCE ONDULEURS ONDYNE, dont il était l'un des associés, demeure à l'état d'hypothèse ; que dans le contrat de travail qu'il a conclu avec la société CHLORIDE FRANCE, Jean-Philippe X... a d'ailleurs déclaré formellement être libre de tout engagement hormis les fonctions de gérant non associé qu'il exerçait dans la société filiale ; qu'il n'a été fait mention d'aucune reprise d'ancienneté et d'aucun contrat de travail antérieur dont la société CHLORIDE FRANCE poursuivrait l'exécution ; qu'en conséquence, Jean-Philippe X... n'est pas fondé à se prévaloir

d'une ancienneté antérieure au 1er mai 1994 ; Sur le motif économique du licenciement :

Attendu qu'en application des dispositions combinées des articles L 122-14-2 (alinéa 2) et L 321-1 du code du travail, lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique, la lettre de licenciement doit énoncer le motif économique ou de changement technologique invoqué par l'employeur, à savoir des difficultés économiques, des changements technologiques, la cessation d'activité de l'entreprise ou sa réorganisation en vue de sauvegarder sa compétitivité et leur incidence sur l'emploi du salarié ;

Qu'en l'espèce, la lettre de licenciement qui a énoncé des difficultés et leur incidence sur l'emploi du salarié est suffisamment motivée ; que les pièces communiquées démontrent la réalité des difficultés économiques de la société CHLORIDE FRANCE et de sa filiale espagnole ; qu'en effet, au terme de l'exercice clos le 31 mars 1998, la société mère a enregistré un résultat d'exploitation déficitaire de 3 719 830 F ; que la perte de l'exercice a atteint 6 643 195 F contre 3 808 191 F au 31 mars 1997 ; que la société ONDULADORES DEL NORTE a elle-même perdu 80 909 000 pesetas au cours de l'exercice 1997 et 280 160 000 pesetas au cours de l'exercice 1998, avec des fonds propres négatifs de 245 millions de pesetas ; qu'elle a dû procéder à des licenciements économiques ;

Attendu, certes, qu'en cas de suppression d'emploi consécutive à des difficultés économiques, des changements technologiques ou à une réorganisation de l'entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité, l'employeur doit justifier de ses tentatives de reclassement du salarié avant la notification du licenciement pour motif économique ; qu'en l'espèce, la société CHLORIDE FRANCE a proposé à Jean-Philippe X..., au cours de l'entretien préalable et dans le cadre de son obligation de reclassement, un emploi de "engineering

atriation : office" au sein de la S.A. ONDULADORES DEL NORTE, moyennant une rémunération annuelle de dix millions de pesetas ; que le salarié, auquel la société CHLORIDE FRANCE n'était pas tenue de laisser le délai de réflexion prévu par l'article L 321-1-2 du code du travail, n'a pas donné suite à cette offre ; qu'il est vrai que l'appelant sollicitait en vain depuis avril 1997 une augmentation de sa rémunération mensuelle qui s'élevait en dernier lieu à 58 096, 52 F nets ; que les exigences financières irréalistes de Jean-Philippe X... rendaient toute perspective de reclassement illusoire ; qu'il ne saurait, dans ce contexte, être fait grief à l'employeur de ne pas avoir offert à l'appelant l'un des postes pourvus les 23 février et 1er avril 1998 ; que l'écart de qualification et de rémunération séparant ces emplois de celui occupé par Jean-Philippe X... était tel, en effet, que ceux-là ne constituaient pas une solution de reclassement crédible ;

Qu'en conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ; Sur la demande de dommages-intérêts fondée sur le non-respect de l'article L 321-1-1 :

Attendu que la notion de catégories professionnelles, qui sert de base à l'établissement de l'ordre des licenciements, concerne l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ; que Jean-Philippe X... étant le seul salarié de sa catégorie concerné par le projet de suppression d'emploi, il n'y avait pas lieu de définir des critères d'ordre de licenciement ; que l'appelant ne se livre d'ailleurs dans ses écritures à aucune comparaison de nature à contredire cette analyse ; qu'en conséquence, le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a débouté Jean-Philippe X... de sa demande subsidiaire ; Sur l'indemnité contractuelle d'expatriation

:Sur l'indemnité contractuelle d'expatriation :

Attendu que l'avenant du 1er juin 1996 au contrat de travail disposait d'une part que Jean-Philippe X... percevrait une indemnité d'expatriation pendant la seule durée de son détachement à Madrid, c'est-à-dire du 1er juin 1996 au 31 juillet 1998, d'autre part que le salarié serait dispensé de l'exécution de son préavis en cas de licenciement ; que Jean-Philippe X..., qui n'a pas exécuté son préavis et qui n'a pu demeurer en Espagne que par choix personnel après le 31 juillet 1998, ne peut prétendre à l'indemnité de 20 492 F sur août et septembre 1998 ; Sur l'indemnité compensatrice de l'obligation de non-concurrence :

Attendu que selon l'article 6 de l'avenant susvisé, la société CHLORIDE FRANCE pouvait libérer Jean-Philippe X... de l'interdiction de non-concurrence (sic) à condition de prévenir ce dernier d'une telle décision dans les délais prévus par la loi et/ou les dispositions conventionnelles éventuellement applicables ; qu'en signant cet avenant, le salarié avait nécessairement consenti à son employeur la faculté de renoncer unilatéralement au bénéfice de l'interdiction ; que s'agissant du délai de renonciation, le contrat de travail initial visait la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie selon laquelle l'employeur peut se décharger de la contrepartie financière de la clause en libérant par écrit l'ingénieur ou le cadre de l'interdiction de concurrence dans les huit jours qui suivent la notification de la rupture du contrat de travail ; que ce délai, dont le point de départ est la réception de la lettre de licenciement, avait commencé à courir lorsque Jean-Philippe X... a eu connaissance de ce que la société CHLORIDE FRANCE le libérait de l'obligation de non-concurrence ; qu'en conséquence, l'appelant ne peut prétendre à la contrepartie

financière qu'il sollicite ; Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser la société CHLORIDE FRANCE supporter la totalité des frais qu'elle a exposés en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'une somme de 3 000 lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Reçoit l'appel régulier en la forme ;

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Condamne Jean-Philippe X... à payer à la société CHLORIDE FRANCE la somme de trois mille euros (3 000 ) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour les frais exposés devant la Cour ;

Condamne Jean-Philippe X... aux dépens d'appel.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

Y. Y...

D. JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 01/03987
Date de la décision : 20/10/2004
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2004-10-20;01.03987 ?
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