COUR D'APPEL DE LYON
SIXIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2004
Décision déférée : Décision du Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE du 04 novembre 2003 (R.G. : 2002/40) N° R.G. :
03/07125
Nature du recours : APPEL Affaire : Autres demandes relatives à la procédure de saisie immobilière APPELANTES : Madame Jocelyne X... 01170 GEX représentée par Maître LIGIER DE MAUROY, Avoué assistée par Maître BOUSCAMBERT, Avocat, (TOQUE 781) SCI JORY représentée par Maître LIGIER DE MAUROY, Avoué assistée par Maître BOUSCAMBERT, Avocat, (TOQUE 781) INTIMEE : CEPME représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, Avoués assistée par Maître DUMETIER, Avocat, (BOURG-EN-BRESSE) Instruction clôturée le 26 Avril 2004 Audience de plaidoiries du 07 Septembre 2004 LA SIXIEME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, composée lors des débats et du délibéré de :
. Monsieur LECOMTE, Président
. Madame DUMAS, Conseiller
. Monsieur CONSIGNY, Conseiller assistés lors des débats tenus en audience publique par Madame Y..., Greffier, a rendu l'ARRET contradictoire suivant prononcé à l'audience publique du 14 OCTOBRE 2004, par Monsieur LECOMTE, Président, qui a signé la minute avec Madame Y..., Greffier
EXPOSE DU LITIGE
Le 5 mars 2002, la société anonyme Crédit d'Equipement des Petites et Moyennes Entreprises (CEPME), subrogée dans les droits de la société PROCREDIT, a fait délivrer deux commandements aux fins de saisie immobilière :
- le premier à l'encontre de la SCI JORY et de Madame Jocelyne X... pour recouvrer la somme totale de 84.299,37 due au titre d'un prêt notarié consenti le 20 mars 1990 au profit de la SCI JORY et garanti notamment par deux hypothèques conventionnelles sur des immeubles appartenant à la SCI JORY et à Madame Jocelyne X... ;
- le second à l'encontre de Madame Jocelyne X... pour recouvrer une somme de 97.031,83 due au titre d'un prêt notarié consenti le 11 septembre 1990 au profit de la SARL DISTRIGEX et garanti par le cautionnement hypothécaire et solidaire de Madame Jocelyne X...
Devant la chambre des criées du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, la SCI JORY et Madame X... ont déposé le 8 août 2002 un dire tendant à l'annulation des commandements.
Au soutien de leur dire, les parties saisies ont invoqué l'absence de mention du taux effectif global dans les contrats de prêt et par
suite la nullité de la stipulation d'intérêts au taux conventionnel. Elles ont prétendu que la créance en principal augmentée des intérêts au taux légal étaient entièrement apurée.
Par jugement du 4 novembre 2003, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a retenu la validité des stipulations d'intérêts dans les contrats de prêts servant de base aux poursuites et rejeté le dire des parties saisies. Le tribunal a par ailleurs débouté toutes les parties de leurs demandes de dommages intérêts et de celles fondées sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. [**][**] [**]
Le 3 décembre 2003, Madame X... et la SCI JORY ont interjeté appel de ce jugement.
Elles demandent à la Cour de :
- dire et juger non conformes aux dispositions de l'article 1907 du Code civil et 4 de la loi du 28 décembre 1966 devenu l'article L.313-2 du Code de la consommation, les contrats de prêt consentis respectivement à la SCI JORY d'une part et à la société DISTRIGEX d'autre part ;
- en conséquence dire et juger que la stipulation des intérêts des contrats de prêt est nulle ;
- dire et juger que l'établissement de crédit ne peut dans ces conditions réclamer sa créance qu'assortie des intérêts au taux légal ;
- constater que la SCI JORY et la société DISTRIGEX se sont acquittées de l'intégralité de leur dette sur cette base ;
- annuler en conséquence les commandements de saisie régularisés par le CEPME selon acte du 5 mars 2002 ;
- ordonner en conséquence la radiation de la publication de ces commandements régularisée à la Conservation des hypothèques de Nantua le 8 juillet 2002 ;
- condamner le CEPME à payer à Madame X... la somme de 10.000 à titre de dommages et intérêts outre celle de 5.000 au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- à titre subsidiaire ordonner une expertise pour notamment procéder au calcul du TEG appliqué tant sur le prêt à la SCI JORY que sur le prêt à la société DISTRIGEX et dire si le TEG réellement appliqué correspond au TEG indiqué dans les actes de prêt ;
- à titre infiniment subsidiaire accorder à la SCI JORY et à Madame X... les plus larges délais de remise de l'adjudication pour le règlement du solde de leur dette ;
- condamner le CEPME aux entiers dépens ceux d'appel distraits au profit de Maître LIGIER DE MAUROY Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
En réponse à la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité prévue par l'article 1304 du Code civil, les appelantes indiquent que la prescription ne court pas lorsque la nullité est invoquée par voie d'exception.
Elles affirment que les actes de prêt des 20 mars 1990 et 11 septembre 1990 ne font pas mention du taux effectif global dont la détermination nécessite une opération d'addition
Qu'au surplus, à supposer cette stipulation valable, le TEG mentionné dans l'acte notarié (13,06 % + 0,40 %) est inexact car il ne comprend que les frais de sûreté et les frais d'huissier sans prendre en compte les frais d'assurance et d'adhésion au fond de garantie (3,5 %) mentionnés pourtant dans les conditions de tarification annexées à
l'acte et érigées en conditions particulières par l'article 10 de l'acte notarié.
Selon la SCI JORY et Madame X... le TEG réellement appliqué était de 16,96 % alors que celui mentionné dans l'acte notarié résultant d'une addition était de 13,46 % et celui mentionné dans le tableau d'amortissement de 13,06 %.
Elles soutiennent donc que la SCI JORY était donc fondée à compter de septembre 1996 à refuser de payer les intérêts conventionnels et à acquitter jusqu'en avril 2000 toutes les échéances restant dues avec intérêts au taux légal.
La SCI JORY et Madame X... reprennent les mêmes arguments à propos du prêt consenti le 11 septembre 1990 par la société DISTRIGEX. [**][**] [**] La société CEPME conclut à la confirmation du jugement mais forme un appel incident pour obtenir la condamnation des appelantes à lui payer 3.000 de dommages et intérêts pour procédure abusive outre 1.500 ä au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société CEPME se prévaut d'abord de la prescription quinquennale prévue par l'article 1304 du Code civil pour l'exercice de l'action en nullité.
Elle rappelle ensuite qu'à la suite des versements effectués les 3 avril 1997 et 19 juin 1997 par les sociétés DISTRIGEX et JORY pour couvrir les échéances du 19 mars 1997, ces sociétés ont été informées par courrier du 22 mai 1997 que les sommes reçues seraient imputées conformément aux dispositions de l'article 1254 du Code civil.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que les prêts litigieux consentis respectivement par actes
notariés des 20 mars 1990 et 11 septembre 1990 ont fait l'objet d'un commencement d'exécution tant pour le principal que pour les intérêts conventionnels ;
Que dans leurs écritures, la SCI JORY et Madame X... affirment que les échéances des deux prêts ont été honorées jusqu'en septembre 1996, date à partir de laquelle elles ont acquitté des échéances en remplaçant les intérêts au taux conventionnel par des intérêts au taux légal ;
Attendu que la société CEPME soulève la prescription quinquennale prévue par l'article 1304 du Code civil pour l'exercice de l'action en nullité tandis que la SCI JORY et Madame X... invoquent le fait que l'exception de nullité n'est pas soumise à la prescription mais présente au contraire un caractère perpétuel ;
Mais attendu que l'exception de nullité ne peut être invoquée que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté ;
Que s'agissant d'un contrat de prêt, contrat à exécution instantanée dont les échéances ne sont que le fractionnement d'une obligation unique de remboursement, le paiement d'une seule échéance comprenant des intérêts au taux conventionnel interdit à l'emprunteur de se prévaloir de l'exception de nullité de la stipulation de taux d'intérêt ;
Que les sociétés débitrices ayant payé les échéances des prêts, comprenant des intérêts au taux conventionnel, pendant plusieurs années, l'exception de nullité de la stipulation de taux d'intérêt n'est pas recevable ;
Attendu que l'exercice d'une voie de recours ne dégénère en abus que si elle révèle une intention de nuire, une légèreté blâmable ou une erreur équivalente au dol qui en l'espèce ne sont pas caractérisées ;
Que la demande de dommages et intérêts de la société CEPME doit donc être rejetée ;
Attendu qu'en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile la SCI JORY et Madame X... devront participer aux frais de défense exposés par la société CEPME et non compris dans les dépens à concurrence d'une somme qu'il est équitable de fixer à 1.250 ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Déclare recevable l'appel de la société civile immobilière JORY et de Madame Jocelyne X...,
Réforme le jugement du 4 novembre 2003,
Déclare la société civile immobilière JORY et Madame Jocelyne X... irrecevables à invoquer l'exception de nullité de la stipulation de taux d'intérêt dans les actes authentiques de prêt des 20 mars 1990 et 11 septembre 1990,
Déboute la société anonyme Le Crédit d'Equipement des Petites et Moyennes Entreprises de sa demande en paiement de dommages et intérêts,
Condamne la société civile immobilière JORY et Madame Jocelyne X... à payer à la société anonyme Le Crédit d'Equipement des Petites et Moyennes Entreprises la somme de mille deux cent cinquante euros (1.250 ) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne la société civile immobilière JORY et Madame Jocelyne X... aux entiers dépens, ces derniers distraits au profit de la SCP BRONDEL & TUDELA, Avoués, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRESIDENT