COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 14 Octobre 2004
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 04 mars 2003 - N° rôle : 2001/1081 N° R.G. : 03/02243
Nature du recours : Appel
APPELANTE : SA LYONNAISE DE BANQUE représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assistée de Me BOUSCAMBERT, avocat au barreau de LYON
INTIMES : Monsieur X...
Y..., exerçant sous l'enseigne "BUSINESS WORLD" représenté par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour assisté de Me Jean-Jacques PLANCHON, avocat au barreau de LYON Maître SABOURIN, pris en sa qualité de mandataire liquidateur de Monsieur Y...
X... exerçant sous l'enseigne BUSINESS WORLD. représenté par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour assisté de Me Jean-Jacques PLANCHON, avocat au barreau de LYON Instruction clôturée le 30 Juillet 2004 Audience publique du 09 Septembre 2004
LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur ROBERT, Président, Monsieur SANTELLI, Conseiller Madame MIRET, Conseiller DEBATS : à l'audience publique du 9 septembre 2004 GREFFIER : la Cour était assistée de Mademoiselle Z..., Greffier, présent lors des débats et du prononcé de l'arrêt, ARRET :
CONTRADICTOIRE prononcé à
l'audience publique du 14 octobre 2004 par Monsieur ROBERT, Président, qui a signé la minute avec Mademoiselle Z..., Greffier. EXPOSE DU LITIGE - PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE est appelante d'un jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 4 mars 2003 qui, saisi par X...
Y..., désormais représenté par son liquidateur Me Sabourin, a : - condamné cette banque à payer à Me Sabourin es-qualité la somme de 40
365,41 euros ;
- rejeté la demande relative à la marge commerciale de 10 % qui aurait été réalisée par X...
Y... avec la société TRAM Informatique, - dit qu'elle-même serait admise au passif de la liquidation judiciaire de X...
Y... pour la somme totale de 678
891,55 F soit 103
496,34 ,
- rejeté les demandes relatives à la compensation entre ces sommes, et celle fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Dans le dernier état de ses écritures, la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il l'a retenue comme responsable du préjudice subi par X...
Y...
Elle conteste avoir commis la faute que lui imputent ses adversaires dans la gestion du virement d'un montant de 455
789,88 F que X...
Y... lui avait donné ordre d'effectuer le 15 juillet 1999 en faveur d'une société anglaise dénommée Link the World ; elle considère en effet que cet ordre de virement désignant comme seule banque de la bénéficiaire la SMC a été rédigé de façon imprécise par X...
Y..., lui laissant croire que cette société anglaise dont le siège était à
Londres détenait très normalement un compte dans une banque également située en Angleterre; elle considère ainsi qu'elle ne pouvait déceler une quelconque anomalie dans cet ordre de virement, et qu'il était donc normal pour elle de l'exécuter vers la banque anglaise ayant les mêmes initiales. Elle souligne que pas davantage le numéro du compte mentionné par le donneur d'ordre ne pouvait permettre d'identifier la banque du destinataire.
À titre subsidiaire, la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE soutient que n'est pas rapportée la preuve d'un lien de causalité entre sa faute prétendue et le préjudice allégué, tenant aux conséquences d'une résiliation du contrat de fourniture conclu entre X...
Y... et la société TRAM Informatique ; elle relève que ne sont fournis aucun élément relatif à l'objet de la fourniture commandée à la société anglaise, ni la facture visée dans l'ordre de virement. Elle ajoute que la preuve de la date de livraison effective n'est pas davantage rapportée, alors que, comme le tribunal l'a retenu, le fournisseur anglais a fini par livrer les marchandises. Elle estime également anormal que X...
Y... n'ait pas répondu à la mise en demeure de livrer qui lui avait été adressée le 30 juillet 1999, et qu'il n'ait pas résisté à la demande en référé formée à son encontre par la société TRAM Informatique.
Plus subsidiairement, elle entend voir admettre le principe d'une compensation entre sa créance sur X...
Y..., non contestée, et sa dette éventuelle, au motif qu'elles sont comme pour une part connexe, puisque relevant d'un rapport contractuel unique, à savoir l'exécution d'un même contrat de dépôt (solde débiteur d'un côté et exécution d'un virement de l'autre).
La SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE requiert confirmation du jugement en ce qu'il l'a admise au passif de la liquidation judiciaire de X...
Y... à concurrence de 59
850,87 à titre privilégié et 43
645,47
à titre chirographaire.
Elle sollicite enfin l'allocation d'une indemnité de procédure de 5
000 .
De son côté, X...
Y..., représenté par Me Sabourin liquidateur à sa liquidation judiciaire, sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de la banque à lui payer la somme de 2000 en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Me Sabourin demande acte de ce qu'il a inscrit au passif de la liquidation judiciaire de X...
Y... la créance de la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE pour les montants dont fait état cette dernière. Sur le fond, les intimés rappellent qu'il pèse sur la banque une obligation de prudence et de diligence dans l'exécution du mandat de payer que constitue l'ordre de virement de sorte que, selon eux, le banquier doit s'assurer que l'ordre ne comporte pas d'anomalie ou d'imprécision et qu'en cas de doute il doit donc effectuer toute vérification et notamment interroger son mandant.
Ils en déduisent que si l'ordre devait être considéré comme affecté d'une absence de précision, la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE aurait dû
questionner X...
Y..., plutôt que d'effectuer un virement aléatoire. À propos du préjudice ils affirment que celui-ci correspond bien à la somme que X...
Y... a été condamné à payer par l'ordonnance de référé du 14 octobre 1999 ; selon eux, il n'a jamais été prétendu que la société anglaise ait livré les marchandises ce qui a effectivement empéché d'honorer la commande de la société TRAM Informatique, laquelle a strictement appliqué la convention du 2 juillet 1999 en en prononçant la résiliation et en appliquant la clause pénale qui y était insérée.
Ils s'opposent à toute compensation entre les créances respectives des parties qui selon eux ne sont pas connexes puisqu'elles trouvent leur source dans des contrats distincts. SUR QUOI, LA COUR:
Attendu, sur la demande en dommages-intérêts formée contre la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE, que l'ordre de virement signé le 15 juillet 1999 par X...
Y... désignait comme bénéficiaire l'entreprise Link the World à Londres et, comme banque de ce bénéficiaire "SMC" en précisant un numéro de compte, 1200 / 250012 Y... ;
Attendu que même en admettant que l'utilisation du sigle n'ait pas conduit l'opérateur de la banque à identifier la Société Marseillaise de Crédit malgré la notoriété de cet établissement, et le caractère usuel de sa désignation sous cette forme, l'obligation de prudence et de vérification incombant au banquier lui imposait d'interroger son client pour lever le doute qui résultait nécessairement :
- de l'usage du sigle pour désigner une banque anglaise ne figurant pas parmi les établissements connus au plan international,
- de l'impossibilité de confirmer l'identification d'une telle banque par le numéro de compte indiqué, qui ne comportait pas les codes internationaux de l'établissement ;
Que la banque a fait preuve d'imprudence en exécutant cet ordre de virement imprécis dans la désignation du bénéficiaire, sur la seule base de l'interprétation personnelle qu'elle en a faite, et sans en référer à l'auteur de l'ordre ;
Que sa responsabilité se trouve donc engagée à l'égard de X...
Y...; Attendu, sur le préjudice, que l'intimé qui sollicite des dommages-intérêts équivalant au montant de la condamnation prononcée en référé au profit de la société TRAM Informatique verse au débat le contrat passé avec cette société, daté du 2 juillet 1999 ; qu'il s' y est engagé à livrer à cette société le 26 juillet, 819 processeurs
IBM pour un prix global de 497
952 F hors taxes et a accepté une clause pénale prévoyant que celle des parties qui manquera d'exécuter son obligation paiera à l'autre, à titre de dommages-intérêts, une somme égale à 20 % du prix hors taxes de la livraison non payée ou non livrée ;
Que toutefois, Me Sabourin ès-qualité ne communique pas la facture visée à l'ordre de virement litigieux, ni aucune autre document émanant de la société Link the World permettant de s'assurer de l'identité des fournitures commandées à celle-ci et de celles devant être livrées à TRAM Informatique ; que les seules allégations de X...
Y..., reprises par son liquidateur, ne peuvent suffire à démontrer le lien direct de causalité ayant existé entre l'erreur de la banque et le retard consécutif de livraison de la part de Link the World d'une part et d'inexécution du marché passé avec TRAM Informatique d'autre part ;
Que la réalité même de cette inexécution est incomplètement établie puisque dans son courrier du 3 août 1999, X...
Y... indiquait avoir effectué d'autres achats de matériels pour honorer malgré tout la commande de son client ; qu'aucune précision n'est aujourd'hui fournie sur ce point ;
Qu'enfin le préjudice allégué trouve très largement sa cause dans la particulière passivité de X...
Y... à l'égard de la société TRAM Informatique , en ce que :
- il n'a pas réagi à la mise en demeure reçue par lui au plus tôt le 31 juillet 1999 alors qu'il était informé depuis le 26 juillet de l'erreur d'acheminement du virement,
- il n'a pas contesté sa demande devant le juge des référés malgré le caractère excessif de celle-ci au regard des stipulations contractuelles (20 % du prix hors taxes de la livraison non effectuée correspondent à 99
590 F et non à 264
780 F) ;
Attendu qu'en définitive, l'intimé ne fait pas la preuve que la faute de la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE soit à l'origine du seul dommage désormais allégué ; que la banque ne peut donc être condamnée à réparer celui-ci ; que le jugement sera réformé sur ce point et les prétentions de Me Sabourin, ès-qualité, écartées ;
Attendu, sur la créance de la banque, qu'il convient de donner acte à Me Sabourin de ce qu'il a inscrit au passif de la liquidation judiciaire de X...
Y... la créance de la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE pour un montant non contesté de 59
850,87 à titre privilégié et 43
645,47 à titre chirographaire ;
Attendu que l'intimé supportera les dépens de première instance et d'appel ; que toutefois les circonstances de la cause rendraient inéquitable toute application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort :
Réformant le jugement du 4 mars 2003, rejette comme mal fondée la demande en dommages-intérêts formée par X...
Y..., représentée par Me Sabourin, liquidateur, à l'encontre de la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE ;
Donne acte à Me Sabourin, ès qualité, de l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de X...
Y... de la créance de la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE pour 59
850,87 à titre privilégié et 43
645,47 à
titre chirographaire ;
Rejette les autres demandes ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.,
Dit que X...
Y..., représenté par Me Sabourin, liquidateur, supportera les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Brondel-Tudela..
LE GREFFIER,
LE PRESIDENT,
M.P. Z...
H. ROBERT