AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR R.G : 01/01404 SA MAZARS ET GUERARD TURQUIN C/ JOCTEUR APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 01 Février 2001 RG : 199805950 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 06 OCTOBRE 2004 APPELANTE : SA MAZARS ET GUERARD TURQUIN représentée par la SCP BELIN DE CHANTEMELE & ANDRES, avocats au barreau de LYON INTIME: Monsieur Christian X... comparant en personne, assisté de Me Thérèse CHIRCOP, avocat au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUÉES LE : 16 JUIN 2004 DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Septembre 2004 Présidée par M. Didier JOLY, Président rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Madame Yolène Y..., Greffier COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Didier JOLY, Président M. Dominique DEFRASNE, Conseiller Mme Aude LEFEBVRE, Conseiller ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé à l'audience publique du 06 Octobre 2004 par M. Dominique DEFRASNE, Conseiller, en présence de Yolène Y..., Greffier, et dont la minute a été signée par M. Didier JOLY, Président, et Mme Yolène Y..., Greffier
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LA COUR,
Statuant sur l'appel interjeté le 28 février 2001 par la S.A. MAZARS ET GUERARD TURQUIN, venant aux droits de la société B.B.C. AUDIT & CONSEIL, d'un jugement rendu le 1er février 2001 par le Conseil de Prud'hommes de LYON (section encadrement) qui a : 1°) condamné la société B.B.C. AUDIT & CONSEIL, venant aux droits de la société ECL G. Z..., à payer à Christian X... les sommes suivantes : - dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et non respect des critères d'ordre
150 000, 00 F - article 700 du nouveau code de procédure civile
4 000, 00 F 2°) débouté la société B.B.C. AUDIT & CONSEIL de ses demandes reconventionnelles ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 9 septembre 2004 par la S.A. MAZARS ET GUERARD TURQUIN, venant aux droits de la société B.B.C. AUDIT & CONSEIL, qui demande à la Cour de : - réformer le jugement entrepris, - dire le licenciement économique fondé sur une cause réelle et sérieuse, - débouter, en conséquence, Christian X... de l'intégralité de ses demandes, - constater en outre que Christian X... n'a pas respecté la procédure de l'article R 122-3 du code du travail et qu'il n'a jamais été fait demande de l'ordre des licenciements à l'employeur, - constater en tout état de cause que la contestation de l'ordre des licenciements n'est pas fondée et débouter Christian X... de la demande présentée à ce titre, - subsidiairement, ramener à de plus justes proportions la demande d'indemnisation sollicitée, - condamner Christian X... à payer à la société MAZARS la somme de 1 525 sur le
fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par Christian X... qui demande à la Cour de : - confirmer le jugement entrepris dans son principe et de le modifier dans son quantum, - condamner la S.A. MAZARS ET GUERARD TURQUIN, venant aux droits de la société B.B.C. AUDIT & CONSEIL, à lui payer la somme de 29 270 à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - subsidiairement, condamner la S.A. MAZARS ET GUERARD TURQUIN, venant aux droits de la société B.B.C. AUDIT & CONSEIL, à lui payer la somme de 29 270 à titre de dommages-intérêts pour non restect des critères d'ordre de licenciement, - la condamner à payer à Christian X... la somme de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que Christian X... a été engagé le 1er septembre 1983 par la S.A.R.L. "Expertise comptable lyonnaise G. Z..." en qualité de premier assistant contrôleur (position cadre) ; qu'en qualité d'expert comptable (coefficient 330), il percevait en juin 1996 un salaire mensuel brut de 19 200 F outre une prime d'ancienneté de 540 F, une prime annuelle de bilan en mars et une prime de Noùl ;
Que par acte du 26 juin 1996, Gabriel Z... a cédé à la société B.B.C. AUDIT ET CONSEIL la totalité des actions composant le capital de la société ECL G. Z... ; qu'il a conservé cependant les mandats de commissaire au compte dont il était titulaire et ce jusqu'au 31 décembre 1998 ; qu'à cet effet, il est devenu directeur général de la société ECL G. Z... qui a continué d'encaisser la totalité des honoraires correspondant à l'exécution des mandats ; que la rémunération de Gabriel Z... devait être déterminée de telle manière que l'exécution des mandats de commissaire au compte soit financièrement neutre pour la société ECL G. Z... ; que dans ces
conditions, le prix de cession des actions a été fixé sur la base de 95% du chiffre d'affaires hors taxe facturé du 1er juillet 1995 au 30 juin 1996 pour la partie expertise comptable ;
Que par lettre recommandée du 3 juillet 1996, la société ECL G. Z... a convoqué Christian X... le 11 juillet en vue d'un entretien préalable à son licenciement ; que par lettre recommandée du 26 juillet 1996, elle lui a notifié son licenciement pour motif économique dans les termes suivants :
Le 26 juin 1996, Monsieur Gabriel Z... a cédé l'intégralité de ses actions à la société BBC AUDIT ET CONSEIL.
En fonction des nouvelles données économiques, la restructuration de l'effectif du cabinet est nécessaire.
Cette opération a pour conséquence une réorganisation, qui amène la suppression de votre poste d'expert-comptable salarié.
Par ailleurs, l'arrêt de la sous-traitance des travaux de commissariat aux comptes détenus en nom propre par Monsieur Gabriel Z..., amène une baisse de l'activité et du chiffre d'affaires.
Suite à la démission inopinée d'un assistant, Coef. 220 - rémunération brute mensuelle 8 800 F, nous vous avons proposé ce poste qui n'a pas retenu votre intérêt. Cependant la présente deviendrait sans objet si vous décidiez d'ici le 31 juillet de donner une suite favorable à ce reclassement.
Que le 26 novembre 1998, Christian X... a saisi le Conseil de Prud'hommes qui a rendu le jugement entrepris ; Sur le motif économique du licenciement :
Attendu qu'en application des dispositions combinées des articles L 122-14-2 (alinéa 2) et L 321-1 du code du travail, lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique, la lettre de licenciement doit énoncer le motif économique ou de changement technologique invoqué par l'employeur, à savoir des difficultés
économiques, des changements technologiques, la cessation d'activité de l'entreprise ou sa réorganisation en vue de sauvegarder sa compétitivité et leur incidence sur l'emploi du salarié ; que l'absence d'énonciation des motifs dans cette lettre n'est pas une simple irrégularité formelle, mais équivaut au contraire à une absence de cause réelle et sérieuse ;
Qu'en l'espèce, le visa dans la lettre de licenciement d'une baisse de l'activité et du chiffre d'affaires ne correspond à aucun des motifs de suppression de poste prévus par l'article L 321-1 ; que la réorganisation alléguée pour justifier la suppression du poste d'expert-comptable salarié occupé par Christian X... est présentée comme la conséquence de la cession des actions de la société ECL G. Z... à la société B.B.C. AUDIT & CONSEIL et non comme une mesure nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que l'examen de l'acte du 26 juin 1996, portant garantie d'actif et de passif, corrobore d'ailleurs cette analyse ; qu'en effet, l'article 3-1 de cet acte contient la clause suivante :
Ces dispositions de garantie d'honoraires ne s'appliqueront pas au chiffre d'affaires réalisé avec les clients supervisés par Monsieur Ch. X..., salarié de E.C.L. Z... qui est appelé à être licencié par le bénéficiaire ;
Que le fait générateur de la suppression d'emploi est, par conséquent, la cession elle-même ; que dès lors, l'insuffisante motivation de la lettre de licenciement au regard de l'article L 321-1 du code du travail révèle l'inobservation d'une règle de fond ; qu'en effet, en l'absence de toute cause économique détachable de la reprise de la société ECL G. Z... par la société B.B.C. AUDIT & CONSEIL, la rupture litigieuse tient en échec les dispositions d'ordre public de l'article L 122-12 (alinéa 2) du même code, aux termes duquel, s'il survient une modification dans la situation
juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Attendu que dans ses écritures de première instance, Christian X... a fondé sa demande d'indemnité sur l'article L 122-14-4 du code du travail ; que ni la société B.B.C. AUDIT ET CONSEIL ni la S.A. MAZARS ET GUERARD TURQUIN n'ont contesté à un stade quelconque de la procédure le fait que la société ECL G. Z... employait habituellement plus de dix salariés ; que Christian X... qui a été licencié sans cause réelle et sérieuse, alors qu'il avait plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise , est donc en droit de prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que l'intimé, ayant retrouvé un emploi dès septembre1996, ne justifie d'aucun élément de préjudice impliquant l'octroi d'une indemnité supérieure à celle allouée par le Conseil de Prud'hommes ; Sur les frais irrépétibles :
Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser Christian X... supporter les frais qu'il a dû exposer, tant en première instance que devant la Cour, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'une somme de 2 390 lui sera donc allouée sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en sus de celle déjà
octroyée par les premiers juges ;
PAR CES MOTIFS,
Reçoit l'appel régulier en la forme ;
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant :
Condamne la S.A. MAZARS ET GUERARD TURQUIN, venant aux droits de la société B.B.C. AUDIT & CONSEIL, à payer à Christian X... la somme de deux mille trois cent quatre vingt-dix euros (2 390 ) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel ;
La condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT,
Y. Y...
D. JOLY