La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/2004 | FRANCE | N°2002/06970

France | France, Cour d'appel de Lyon, 28 septembre 2004, 2002/06970


La Deuxième Chambre de la Cour d'Appel de Lyon, composée lors des débats et du délibéré de : Maryvonne X..., présidente, Michèle RAGUIN-GOUVERNEUR, conseillère, Marjolaine MIRET, conseillère, assistées lors des débats tenus en audience non publique par Anne-Marie Y..., greffière, a rendu l'ARRÊT contradictoire suivant : Exposé du Litige:

Madame Dalila Z... et Monsieur Mohammed A... se sont mariés le 20 mars 1998 à BERKANE ( Maroc ). Tous deux de nationalité française, ils sont soumis au régime de la communauté de biens légale. Leur acte de mariage a été transcri

t le 27 avril 1998 au Consulat général de France à FES ( Maroc ).

Monsieur ...

La Deuxième Chambre de la Cour d'Appel de Lyon, composée lors des débats et du délibéré de : Maryvonne X..., présidente, Michèle RAGUIN-GOUVERNEUR, conseillère, Marjolaine MIRET, conseillère, assistées lors des débats tenus en audience non publique par Anne-Marie Y..., greffière, a rendu l'ARRÊT contradictoire suivant : Exposé du Litige:

Madame Dalila Z... et Monsieur Mohammed A... se sont mariés le 20 mars 1998 à BERKANE ( Maroc ). Tous deux de nationalité française, ils sont soumis au régime de la communauté de biens légale. Leur acte de mariage a été transcrit le 27 avril 1998 au Consulat général de France à FES ( Maroc ).

Monsieur A... a acheté un billet de loterie avec l'argent du ménage et a gagné à la loterie nationale le 19 octobre 2002 la somme de 995 005 ä.

Madame Z... a saisi le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE sur le fondement de l'article 220-1 du code civil.

Par ordonnance du 7 novembre 2002, le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE a dit que Monsieur A... ne pourra transférer sur tout autre compte bancaire que ce soit, sans le consentement de Madame Z..., la somme de 995 005 ä., qu'il ne pourra faire un acte de disposition sur cette somme gagnée à la loterie, et dit que les mesures seront conservées tant que les époux ne trouveront pas d'arrangement sur la disposition commune de cette somme.

Monsieur A... a interjeté appel de cette ordonnance.

Par conclusions récapitulatives reçues au greffe de la Cour le 2 juin 2004, il demande l'infirmation de l'ordonnance déférée outre la condamnation de Madame Z... à lui verser 1 000 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, il fait valoir notamment que les conditions de l'article 200-1 du code civil ne sont pas réunies; que le compte bancaire qu'il détient personnellement au Maroc a été ouvert en 1999 et non à l'occasion de son gain; qu'il aurait pu laissé ignorer ce gain à son épouse, ce qu'il n'a pas fait; qu'il aurait pu également virer ces fonds directement sur son compte préexistant au Maroc sans qu'elle en soit informée; que Madame Z... n'hésite pas à contester formellement la participation des soeurs de Monsieur A... à l'acquisition du billet de loterie alors qu'elle n'était pas présente à la réunion de famille; que Madame Z... commet de nombreuses inexactitudes au sujet de cette réunion de famille; que le témoignage de Monsieur B... ne saurait être retenu.

Par conclusions reçues au greffe de la Cour le 26 mai 2004, Madame Z... demande la confirmation de l'ordonnance entreprise outre 1 000 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir notamment que le fait de placer des fonds sur un compte personnel démontre la volonté de Monsieur A... de les soustraire de la gestion commune; que l'ouverture d'un compte au Maroc laisse penser qu'il espérait pouvoir transférer les fonds hors de la portée de son épouse; qu'il savait qu'une fois les fonds transférés au Maroc, elle-même ne pourrait plus y avoir accès et qu'il pourrait en disposer librement; qu'elle était bien présente à la réunion de famille organisée à leur domicile; que Monsieur A... entend partager la somme gagnée avec ses soeurs; qu'il n'est pas établi qu'elles aient joué avec lui; qu'il y a bien urgence et manquement grave au sens de l'article 220-1 du code civil. Motifs de la décision:

L'article 220-1 du code civil prévoit des mesures de caractère provisoire pour protéger les intérêts de la famille lorsqu'ils risquent d'être mis en péril. Le seul critère exigé est l'existence

d'un manquement grave à ses devoirs de la part d'un époux, la notion d'urgence ne caractérisant que les mesures qui peuvent être prises par le juge.

Il est constant que quelles que soient la nature des gains et la nature du régime matrimonial, les époux, tous deux de nationalité française, ne peuvent disposer de fonds aussi importants sans une discussion préalable dès lors qu'ils sont engagés dans les liens du mariage. L'article susvisé est précisément destiné à protéger la famille, le juge pouvant interdire à un époux de faire des actes de disposition, y compris sur ses propres biens, si l'intérêt de la famille est mis en péril. Il apparaît qu'il existe d'ores et déjà un contentieux entre les époux quant à l'origine des fonds engagés et donc quant à la répartition des sommes gagnées qui en découle. Il appartiendra, le moment venu et si nécessaire, au juge de trancher sur ce point.

Monsieur A... ne rapporte pas, en l'état, la preuve que ses soeurs ont effectivement participé à l'acquisition du billet gagnant. Il importe peu, dès lors, que Madame Z... ait été présente ou non à la réunion de famille invoquée, puisqu'elle n'a pas donné de consentement exprès au transfert de fonds, ainsi que le démontre l'action judiciaire engagée.

Même si Monsieur A... disposait depuis 1999 d'un compte personnel au Maroc, il est effectivement loisible de s'interroger sur le transfert de fonds perçus en France par-delà la frontière. Les mouvements de capitaux transfrontières présentent toujours un risque de non retour. Une autre solution de placement aurait pu être envisagée en France. Cette seule décision de transfert sur un compte personnel de Monsieur A... à l'étranger s'analyse comme un manquement grave à ses devoirs risquant de mettre en péril les intérêts de la famille constituée par Madame Z... et lui-même. Dans un tel cas, le juge a le pouvoir de

prendre, en urgence une mesure, qui ne peut dépasser trois ans, ce qu'il a fait.

La décision entreprise doit par conséquent être confirmée.

Madame Z..., prise en charge totalement par l'aide juridictionnelle, ne démontre pas avoir engagé des frais non couverts à ce titre. Elle sera par conséquent déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Quant à Monsieur A..., il sera nécessairement débouté de la sienne, son appel se révélant inutile.

Monsieur A..., qui succombe en sa demande, sera condamné aux dépens. Par ces motifs, La Cour, Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions; Déboute les parties de leurs demandes respectives formées au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Condamne Monsieur A... aux dépens d'appel, qui seront recouvrés, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile et à la législation relative à l'aide juridictionnelle , par l' avoué de son adversaire. Cet arrêt a été prononcé publiquement par la présidente, Madame X..., en présence de la greffière, Madame Y..., et signé par elles.

La GREFFIÈRE

La PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2002/06970
Date de la décision : 28/09/2004

Analyses

MARIAGE - Mesures urgentes (article 220-1 du Code civil )

L'article 220-1 du Code civil prévoit des mesures de caractère provisoire pour protéger les intérêts de la famille lorsqu'ils risquent d'être mis en péril. Le seul critère exigé est l'existence d'un manquement grave de la part d'un époux à ses devoirs, la notion d'urgence ne caractérisant que les mesures qui peuvent être prises par le juge. Lorsqu'un époux transfère le montant d'un gain, gagné au loto, sur un compte personnel au Maroc, il est loisible de s'interroger sur ce transfert, puisque les mouvements de capitaux transfrontaliers présentent toujours un risque de non retour et qu'une autre solution de placement aurait pu être envisagée en France. Cette seule décision de transfert sur un compte personnel à l'étranger s'analyse comme un manquement grave aux devoirs risquant de mettre en péril les intérêts de la famille et justifie que soient prises en urgence des mesures de conservation des sommes. Quelles que soient la nature des gains et la nature du régime matrimonial des époux, ces derniers ne peuvent disposer de fonds aussi importants sans une discussion préalable, dès lors qu'ils sont engagés dans les liens du mariage. Le juge peut interdire à un époux de faire des actes de disposition, y compris sur ses propres biens, si l'intérêt de la famille est mis en péril


Références :

Code civil, article 220-1

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2004-09-28;2002.06970 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award