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23/09/2004 | FRANCE | N°2003/00310

France | France, Cour d'appel de Lyon, 23 septembre 2004, 2003/00310


1 RG : 2003/310 La première chambre de la cour d'appel de Lyon, composée, lors des débats et du délibéré, de : Monsieur JACQUET, président, Madame BIOT, conseiller, Monsieur GOURD, conseiller, en présence, lors des débats en audience publique, de Madame JANKOV, greffier, a rendu l'arrêt contradictoire suivant, EXPOSE DU LITIGE:

Le 25 avril 1983, Monsieur Pascal X... et Madame Blandine Y... ont acquis, pour moitié chacun, un bien immobilier situé 17 rue du Mail à Lyon 5ème, lot numéro 6, pour un prix de 90.000 francs. Le 22 mars 1989, ils ont également acquis dans les mê

mes conditions un bien attenant, lot numéro 7, pour un montant de 250....

1 RG : 2003/310 La première chambre de la cour d'appel de Lyon, composée, lors des débats et du délibéré, de : Monsieur JACQUET, président, Madame BIOT, conseiller, Monsieur GOURD, conseiller, en présence, lors des débats en audience publique, de Madame JANKOV, greffier, a rendu l'arrêt contradictoire suivant, EXPOSE DU LITIGE:

Le 25 avril 1983, Monsieur Pascal X... et Madame Blandine Y... ont acquis, pour moitié chacun, un bien immobilier situé 17 rue du Mail à Lyon 5ème, lot numéro 6, pour un prix de 90.000 francs. Le 22 mars 1989, ils ont également acquis dans les mêmes conditions un bien attenant, lot numéro 7, pour un montant de 250.000 francs. Il était précisé dans ces deux actes qu'au décès du premier d'entre eux, ledit bien serait réputé avoir appartenu dès l'origine au survivant, que, la vie durant des deux indivisaires, ils en jouiraient en commun, qu'aucun d'entre eux ne pourrait réclamer le partage ou la licitation et que seul leur commun accord pourrait permettre l'aliénation de l'immeuble ainsi acquis. Monsieur Pascal X... et Madame Blandine Y... se sont séparés en 1991. Le 13 octobre 1999, Madame Blandine Y... a fait assigner Monsieur Pascal X... devant le tribunal de grande instance de Lyon. Elle a demandé de constater l'existence d'une indivision sur les deux immeubles acquis, d'ordonner la liquidation et le partage de cette indivision, de constater l'occupation exclusive de ces biens par Monsieur Pascal X... depuis 1991, de condamner celui-ci à lui verser une indemnité d'occupation égale à huit années de location outre la prise en charge par celui-ci du coût des dépenses relatives à l'immeuble qu'elle a assumées et de condamner son adversaire à lui payer 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Monsieur Pascal X... s'est opposé à ces demandes. Par jugement du 23 mai 2002, le tribunal de grande instance de Lyon a : -

débouté Madame Blandine Y... de l'ensemble de ses demandes, -

condamné cette dernière aux entiers dépens.

Madame Blandine Z... née Y... a relevé appel de cette décision.

Elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de constater le défaut de jouissance en commun sur les lots numéro 6 et 7 depuis 1991 ou, subsidiairement, de constater l'existence d'une indivision sur la propriété du lot numéro 6 et un droit de propriété exclusif pour elle sur le lot numéro 7, ou, encore, de constater l'existence d'une indivision de jouissance sur les lots numéros 6 et 7. Dans les deux premiers cas, elle demande également d'ordonner la liquidation et au partage du lot numéro 6 et la restitution en pleine propriété à elle-même du lot numéro 7. Dans tous les cas, elle sollicite la condamnation de Monsieur Pascal X... à lui verser une indemnité d'occupation qui ne saurait être inférieure à 43.905 euros 60 et à lui rembourser 6.935 euros 94, coût des dépenses prises en charge par elle. Elle demande, enfin, l'organisation par la cour de l'utilisation des biens acquis par eux pour l'avenir, l'indemnité d'occupation versée par Monsieur Pascal X... ne pouvant être inférieure à 365 euros 88 par mois, indexés sur l'indice du coût de la construction. Elle réclame la condamnation de son adversaire à lui payer 1.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

* Elle fait valoir que l'existence de la clause d'accroissement, qui avait pour objectif de permettre aux concubins de jouir, leur vie durant, d'un bien dont le survivant recueillerait la propriété, est fondée sur l'existence d'une vie commune ; que les liens d'affection étant rompus cette clause n'est pas justifiée et devient dépourvue de cause. Elle précise que le lot numéro 6, acquis en commun à parts égales, est indivis, que le maintien d'une telle indivision est contraire à leur intérêt, et que Monsieur Pascal X..., indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise, est, en l'absence de convention contraire, redevable d'une indemnité. Elle ajoute qu'elle-même n'a pas accès à ces lots et est totalement privé de droit de jouissance sur ces derniers. Elle indique qu'elle a financé seule le lot numéro 7 et est propriétaire exclusive de ce dernier. Elle ajoute que, à défaut, il conviendra de faire également application des règles sur l'indivision pour le lot numéro 7 comme elle l'a demandé pour le lot numéro 6. A titre subsidiaire, elle relève que l'existence d'une indivision en jouissance justifie l'organisation en application du régime de l'indivision, de l'utilisation des biens acquis.

En réponse, Monsieur Pascal X... demande de confirmer le jugement

entrepris et de déclarer irrecevables les demandes tendant à voir organiser la jouissance commune des lots numéros 6 et 7. Il sollicite la condamnation de son adversaire à lui payer 1.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

* Il expose que le partage des biens immobiliers en question ne peut pas être valablement sollicité en raison de l'existence d'une clause d'accroissement contenue dans les deux actes d'acquisition ; qu'un telle clause, qui imprime au contrat un caractère aléatoire, est exclusive de toute indivision et donc de tout droit à partage. ll précise que la cause d'une obligation ne saurait s'identifier au mobile de chacun des co-contractants et que cette clause d'accroissement n'est donc pas nulle. ll indique que Madame Blandine Z... née Y... ne démontre pas avoir financé seule l'acquisition du lot numéro 7 et qu'elle se prévaut à tort d'une absence de jouissance sur les lots acquis en commun alors que lui-même est locataire d'un autre appartement dans le même immeuble et n'occupe pas les lots en question. Il ajoute que lui-même a participé au paiement des différentes dépenses afférentes aux immeubles en question et que les biens ne sont pas indivis. Il soutient, enfin, que la demande d'organisation, pour l'avenir, de l'utilisation des deux lots acquis par eux est une demande nouvelle, qui est, comme telle, irrecevable. MOTIFS DE LA DECISION : Attendu qu'il est constant que le 25 avril 1983, Monsieur Pascal X... et Madame Blandine Y... ont acquis, pour moitié chacun, un bien immobilier situé 17 rue du Mail à Lyon 5ème, lot

numéro 6, pour un prix de 90.000 francs ; que, le 22 mars 1989, ils ont également acquis dans les mêmes conditions un bien attenant, lot numéro 7, pour un montant de 250.000 francs ; qu'il était précisé dans chacun de ces deux actes qu'au décès du premier d'entre eux, ledit bien serait réputé avoir appartenu dès l'origine au survivant, que, la vie durant des deux indivisaires, ils en jouiraient en commun, qu'aucun d'entre eux ne pourrait réclamer le partage ou la licitation et que seul leur commun accord pourrait permettre l'aliénation de l'immeuble ainsi acquis ; que les concubins se sont séparés en 1991 sans régler le sort de ces immeubles ; attendu que Madame Blandine Z... née Y... revendique, d'abord, la propriété du lot numéro 7 dont elle aurait seule financé l'acquisition ; mais qu'elle ne l'établit pas ; que, notamment, l'examen de ses relevés bancaires de Madame Blandine Z... née Y... fait apparaître des virements mensuels réguliers de 1.570 francs 29 émanant de Monsieur Pascal X... (pièces n° 35 à 37 de l'intimé) ; attendu que Madame Blandine Z... née Y..., qui soutient ne pas bénéficier de la jouissance sur ces biens immobiliers alors qu'elle en assume le paiement des charges, demande, ensuite, la liquidation et le partage de ces biens indivis ainsi que le règlement par son adversaire d'une indemnité d'occupation ; que, cependant, les acquéreurs de ces deux biens immobiliers ont passé, entre eux, un pacte de tontine qui est licite que l'existence d'une telle clause empêche les parties de bénéficier d'une indivision sur la propriété de ces biens, ce qui exclut le droit au partage ; que Madame Blandine Z... née Y... soutient que l'existence de la clause d'accroissement, qui avait pour objectif de permettre aux concubins de jouir, leur vie durant, d'un bien dont le survivant recueillerait la propriété, était fondée sur l'existence d'une vie commune et que, les liens d'affection étant depuis rompus, cette clause n'est plus justifiée et devient dépourvue de cause ; que la cour relève cependant qu'il ne

faut pas confondre le mobile déterminant des parties avec la cause du contrat, qui résultait, en l'espèce, de l'engagement réciproque des parties sur un évènement aléatoire et existait lors des acquisitions en question ; que, au surplus, les parties ont conventionnellement prévu que qu'aucun d'entre elles ne pourrait réclamer le partage ou la licitation et que seul leur commun accord pourrait permettre l'aliénation de l'immeuble ainsi acquis ; que Madame Blandine Z... née Y... ne démontre pas que Monsieur Pascal X..., qui bénéficie par ailleurs d'un appartement qu'il loue dans le même immeuble (lot numéro 3), ait seul bénéficié de la jouissance, depuis leur séparation, des lots numéros 6 et 7 acquis par eux, qui ne sont pas en état d'être habités (pièces n° 38 e 39 de l'intimé); qu'il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris et de débouter Madame Blandine Z... née Y... de ses prétentions contraires ; attendu que cette dernière sollicite, subsidiairement, l'organisation, pour l'avenir, de l'utilisation des deux lots acquis par eux ; que Monsieur Pascal X... prétend que cette demande est irrecevable comme nouvelle ; mais qu'il apparaît à la cour que cette demande était virtuellement comprise dans les demandes soumises aux premiers juges et concernant le paiement d'une indemnité d'occupation, dont elle est le complément ; qu'elle est donc recevable ; qu'il convient, au vu des éléments de la cause, de laisser aux parties un délai jusqu'au 1er mars 2005 pour parvenir à un accord sur l'organisation de l'utilisation des deux lots acquis par eux ; que, à défaut d'accord dans ce délai, Maître Pierre Abric, 14 quai du Commerce 69009 Lyon est désigné aux fin d'administrer lesdits lots aux frais partagés de chacune des parties en les donnant en location à des tiers ; que la partie la plus diligente fera l'avance des frais d'aménagement nécessaires de ces lots pour permettre leur location et récupérera les sommes ainsi avancées sur les premiers loyers de ces biens ; que, après règlement de ces

sommes, les loyers seront attribués en parts égales à chacune des deux parties après paiement des frais de gestion, impôts et charges ; qu'il convient de débouter les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires ; que les demandes des parties en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ne sont pas justifiées en cause d'appel ; attendu qu'aucune des parties n'obtient totalement satisfaction en cause d'appel ; qu'il y a donc lieu de laisser à chacune d'entre elles la charge de ses propres dépens ; PAR CES MOTIFS : La cour, Confirme le jugement entrepris, Z... ajoutant, Déclare recevable la demande de Madame Blandine Z... née Y... d'organisation, pour l'avenir, de l'utilisation des deux lots acquis par eux. Dit qu'il convient de laisser aux parties un délai jusqu'au 1er mars 2005 pour parvenir à un accord sur l'organisation à venir de l'utilisation des deux lots acquis par eux. Dit que, à défaut d'accord dans ce délai, Maître Pierre Abric, 14 quai du Commerce 69009 Lyon est désigné aux fin d'administrer lesdits lots, aux frais partagés de chacune des parties, en les donnant en location à des tiers. Dit que la partie la plus diligente fera l'avance des frais d'aménagement nécessaires de ces lots pour permettre leur location et récupérera les sommes ainsi avancées sur les premiers loyers de ces biens. Dit que, après règlement de ces sommes, les loyers seront attribués en parts égales à chacune des deux parties, après paiement des frais de gestion, impôts et charges. Déboute chacune des parties de ses prétentions plus amples ou contraires. Laisse à chacune d'entre elles la charge de ses propres dépens d'appel.

* Cet arrêt a été prononcé publiquement par le président, en présence du greffier, et a été signé par eux. LE GREFFIER,

LE PRESIDENT, Madame JANKOV

Jean François JACQUET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2003/00310
Date de la décision : 23/09/2004

Analyses

PROPRIETE - Immeuble - Acquisition conjointe - Clause d'accroissement - Effets.

Le pacte de tontine empêche les parties de bénéficier d'une indivision sur la propriété de ces biens et exclut le droit au partage

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Contrat aléatoire - Contrat d'acquisition en commun contenant une clause d'accroissement ou de tontine.

N'est pas dépourvu de cause en raison de la rupture de la vie commune, la clause d'accroissement qui avait pour objectif de permettre aux concubins de jouir, leur vie durant, d'un bien dont le survivant recueillerait la propriété. En effet, si l'existence d'une vie commune a pu être le mobile déterminant de l'engagement, elle n'en constitue pas la cause, laquelle réside dans l'engagement réciproque des parties sur un événement aléatoire et qui existait lors des acquisitions en question


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2004-09-23;2003.00310 ?
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