COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 16 Septembre 2004
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce LYON du 11 octobre 2002 - N° rôle : 2001/380 N° R.G. : 02/05937
Nature du recours : Appel
APPELANTES : SA FRANCAISE DE MOTOVENTILATEURS (FMV) Rue de la Gare BP 8 01800 VILLIEU représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de Me PONCHON DE SAINT ANDRE, avocat au barreau de LYON Société ZIEHL-ABEGG Zeppelinstrass, 28 D 74653 KUNZLSAU (ALLEMAGNE) représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de Me PONCHON DE SAINT ANDRE, avocat au barreau de LYON INTIME : Monsieur Marc X... 90 Rue du Belvédère Côteaux Saint Martin 69270 FONTAINES ST MARTIN représenté par Me JUNILLON WICKY, avoué à la Cour assisté de Me LEGRAND, avocat au barreau de LYON Instruction clôturée le 23 Mars 2004 Audience publique du 13 Mai 2004 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, DÉBATS en audience publique du 13 mai 2004 tenue par Madame MARTIN, Président, et par Monsieur KERRAUDREN, Conseiller, chargés de faire rapport, sans opposition des Avocats dûment avisés, qui en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : Madame MARTIN, Président Monsieur KERRAUDREN, Conseiller, Monsieur SANTELLI, Conseiller, GREFFIER : la Cour était assistée de Mademoiselle Y..., Greffier, lors des débats seulement, ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 9 septembre 2004 Par
Madame MARTIN, Président, qui a signé la minute avec Mademoiselle Z..., Greffier.
EXPOSE DU LITIGE - PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par déclaration en date du 7 novembre 2002, la société française de motoventilateurs-FMV et la société ZIETHL-ABEGG GMBH & CO.KG ont relevé appel d'un jugement rendu le 11 octobre 2002 par le Tribunal de Commerce de LYON qui s'est déclaré compétent, qui a jugé que les sociétés demanderesses n'apportaient pas la preuve de la dissimulation des faits dommageables et que l'action était donc prescrite - qui a rejeté la demande reconventionnelle de Monsieur Marc X... en dommages et intérêts, insuffisamment fondée - qui a dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Vu l'article 455 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et les moyens développés par la société française de motoventilateurs-FMV et par la société ZIETHL-ABEGG GMBH & CO.KG dans leurs conclusions récapitulatives du 10 février 2004 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faire juger que l'action qu'elles ont engagée n'est pas prescrite, dès lors que les fautes de gestion ont été commises par Monsieur Marc X... depuis 1998 - l'assignation ayant été délivrée le 28 décembre 2000 - que des faits antérieurs de trois années de l'assignation se sont poursuivis postérieurement formant un tout indissociable - qu'au surplus Monsieur Marc X... a sciemment dissimulé les placements hasardeux qu'il a faits et la situation de la société au Conseil de Surveillance de la société française de motoventilateurs-FMV ainsi qu'au Commissaire aux Comptes - qu'il a violé les statuts en faisant des opérations non autorisées et qui étaient contraires à l'objet social et même à l'intérêt de la société
française de motoventilateurs-FMV - que sa responsabilité de Président du Directoire est établie et qu'il doit en répondre en indemnisant la société française de motoventilateurs-FMV de tous les préjudices qu'elle a subi du fait de la perte des sommes placées ainsi que du gain manqué à raison des mauvais placements opérés - que le jugement mérite entière réformation par la condamnation de Monsieur Marc X... aux sommes réclamées. X...
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Vu les prétentions et les moyens développés par Monsieur Marc X... dans ses conclusions du 16 septembre 2003 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faire juger que les faits incriminés couvrent la période de décembre 1995 à septembre 1997, de sorte qu'ils sont couverts par la prescription - qu'il a informé le Conseil de Surveillance de la société française de motoventilateurs-FMV des placements effectués à l'étranger conformément à l'autorisation qu'il lui avait donnée dans sa délibération en date du 15 décembre 1995 - qu'il appartenait ainsi au Conseil de Surveillance, s'il l'avait estimé nécessaire, de solliciter des explications complémentaires - que le Commissaire aux comptes avait attiré son attention sur l'obligation d'information du Conseil de Surveillance, ce que n'ignorait pas cette instance - qu'à titre subsidiaire la demande des appelantes n'est pas fondée - qu'elles ne peuvent invoquer un audit qui aurait révélé des placements excessifs dans une banque de Genève, ce placement de 3.453.884 francs correspondant à seulement 20 % de la trésorerie totale de la société française de motoventilateurs-FMV de 17 millions de francs au 31 décembre 1994 - que le risque spéculatif était connu des actionnaires de la société française de motoventilateurs-FMV - que si les placements n'ont pas été favorables, sa gestion de la société ne peut être mise en cause pour autant, les appelantes ne rapportent aucune preuve à cet égard ni des préjudices qu'elle
prétend avoir subis - que l'existence de ces placements était inscrite dans les comptes de la société française de motoventilateurs-FMV et donc étaient contrôlables par le Conseil de Surveillance - qu'il n'est pas démontré que les fonds ont été perdus - qu'en conclusion il n'a été commis aucune faute de gestion, de sorte que les demandes sont sans fondement et doivent être rejetées - qu'il est en droit de solliciter des dommages et intérêts aux appelantes qui ont engagé contre lui une procédure vexatoire, réformant de ce seul chef le jugement déféré qui doit être pour le surplus confirmé. X...
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MOTIFS ET DÉCISION :
I/ Sur la prescription des faits reprochés à Monsieur Marc X... :
Attendu que l'article L.225-254 du Code de Commerce dispose que l'action en responsabilité contre les administrateurs et le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable, ou s'il a été dissimulé, de sa révélation ;
Attendu qu'il n'est pas démontré que Monsieur Marc X... - qui avait obtenu du Conseil de Surveillance de la société française de motoventilateurs-FMV en date du 15 décembre 1995 l'autorisation de faire des placements au nom de la société - a, d'une quelconque façon, dissimulé aux organes de la société l'utilisation de la trésorerie de la société pour réaliser des opérations périlleuses - que cette dissimulation ne pourrait résulter que de l'intention de son auteur d'échapper au contrôle que ses organes étaient en droit d'exercer sur les conditions dans lesquelles cette autorisation avait été exécutée - qu'il convient de relever à cet égard que
l'autorisation donnée n'était assortie d'aucune obligation particulière à la charge de Monsieur Marc X... qui n'avait reçu aucune instruction sur la nature ni sur l'importance des fonds qu'il serait amené à consacrer aux placements, qui n'était pas tenu de solliciter un accord préalable du Conseil de surveillance avant de prendre une décision et à qui il n'avait pas été demandé de rendre compte dans des délais et selon des modalités définis des engagements pris par lui à l'occasion de ces placements - que si le Commissaire aux Comptes de la société a écrit le 17 octobre 1996 à Monsieur Marc X... pour lui recommander de surveiller constamment l'évolution des opérations réalisées et d'informer régulièrement le Conseil de surveillance sur la nature et le montant des engagements, il y a lieu d'observer que le rapport général de ce Commissaire aux Comptes pour l'exercice clos le 31 décembre 1997, donc postérieur à cette date, mentionne que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle des résultats des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de l'exercice - que figure sur l'annexe du bilan "Etat de l'actif immobilisé" sous le titre " Actif financier" pour l'exercice clos le 31 décembre 1998 revêtue du cachet du Commissaire aux Comptes l'indication d'un placement de 1 million et demi de francs auprès d'une société suisse dénommée "SCOTE AG" - qu'il y est précisé que ce placement peut procurer une rentabilité élevée tout en préservant le capital investi ;
Attendu qu'il s'évince de ces circonstances et de ces énonciations que le Conseil de Surveillance a eu nécessairement connaissance de ces placements et de la situation de la société - que l'on voit mal dans ces conditions pourquoi celui-ci, de par les attributions qui sont les siennes en vertu des textes qui l'instaurent et consécutivement à l'autorisation qu'il avait donnée à l'intimé, de
procéder à tous placements financiers des disponibilités de l'entreprise sur les marchés français et étrangers en sa qualité de Président du directoire - n'a pas jugé nécessaire de demander à Monsieur Marc X... des explications sur les conditions dans lesquelles il s'était acquitté de cette mission - qu'aucune pièce du dossier n'établit qu'une telle demande d'information ait été faite à l'intimé à cet égard et qu'il s'y serait refusé - que si le Conseil de Surveillance avait eu quelque grief à faire à Monsieur Marc X..., il ne l'aurait pas renouvelé le 31 mars 1998 dans ses fonctions pour quatre années ;
Attendu qu'il ne peut en conséquence être retenu la dissimulation, laquelle serait seule de nature à faire échapper les faits incriminés à la prescription en empêchant les organes de la société habilités, faute d'en avoir eu connaissance d'effectuer les vérifications qu'aurait justifié un tel comportement s'ils les avaient connus ;
Attendu qu'il résulte du dossier que ces placements litigieux sont tous intervenus dans la période de décembre 1995 à septembre 1997 (virements en avril 1995 de 2 millions de francs et 282.448,84 USD sur le compte de la banque suisse SCS à partir du compte BNP de la société française de motoventilateurs-FMV - souscription d'un contrat d'engagement fiduciaire présenté par FIXOR BUSINESS CORPORATION BVI représentée en Suisse par SCOTE AG pour 290.000 USD le 23 mai 1996, fonds virés le 10 juillet 1996 du compte BNP de la société française de motoventilateurs-FMV - contrat de prêt sous seing privé pour 50.000 francs conclu avec ADVANCED COMMUNICATION TECHNOLOGIES le 1er octobre 1995) - que c'est à la date de la réalisation des placements incriminés qu'il convient de se placer - qu'il importe peu en conséquence que leurs effets se soient poursuivis dans la période postérieure ;
Attendu que l'assignation que les appelantes ont délivrée à Monsieur
Marc X... est du 28 décembre 2000 - qu'il en résulte pour que les placements effectués avant le 28 décembre 1997 l'action intentée est atteinte par la prescription ;
Attendu que le jugement déféré doit être confirmé sur ce point ;
II/ Sur un transfert de trésorerie de la société française de motoventilateurs-FMV en 1998 sur un compte ouvert à la Banque Diamantaire Anversoise :
Attendu que ces opérations portant sur une somme de 3.591.710,68 francs et de 350.000 DM seraient aux dires des appelantes critiquables en ce que la société française de motoventilateurs-FMV n'aurait pu les récupérer, le compte ouvert à la Banque Diamantaire Anversoise ne lui appartenant pas - que ces montants n'excédent pas en valeur environ 25 % de la trésorerie disponible de la société française de motoventilateurs-FMV qui s'élevait à l'époque à 22.491.868 francs - qu'à supposer qu'ils aient constitué une opération hasardeuse, il ne peut être fait à Monsieur Marc X... le reproche de les avoir faites, dès lors que les appelantes ne démontrent pas qu'en agissant de la sorte Monsieur Marc X... ait outrepassé l'autorisation qui lui avait été donnée par le Conseil de Surveillance, ni qu'il ait commis une faute caractérisée sur les conditions dans lesquelles il a réalisé ce transfert de trésorerie, le grief d'une imprudence ne pouvant suffire à l'incriminer au titre de sa gestion à raison du caractère aléatoire inhérent aux opérations de placements financiers ;
Attendu qu'il convient en conséquence d'écarter la demande en indemnisation des appelantes qui ne peut prospérer à défaut d'établir une faute imputable à Monsieur Marc X... en rapport avec ces opérations ;
III/ Sur la demande des appelantes en dommages et intérêts :
Attendu que les appelantes ne peuvent, aucune de leurs demandes
n'ayant été accueillies, obtenir la réparation d'un préjudice qu'elles évaluent à la somme de 76.224,51 euros qui se rapporterait à l'atteinte de leur image et à leur réputation - dont au surplus elles ne justifient pas de leur réalité - qu'elles doivent donc en être déboutées, confirmant de ce chef le jugement déféré ;
IV/ Sur la demande de Monsieur Marc X... en dommages et intérêts :
Attendu que Monsieur Marc X... demande sur appel incident que lui soit allouée une somme de 152.450 euros à titre de dommages et intérêts - que toutefois il ne justifie pas que l'action engagée par les appelantes ait eu un caractère vexatoire à son égard ni qu'il ait subi - à supposer ce grief établi - un préjudice qui pourrait être indemnisé - qu'il doit donc en conséquence être débouté de sa demande reconventionnelle, confirmant le jugement déféré ;
V/ Sur les autres demandes :
Attendu qu'il serait inéquitable que Monsieur Marc X... supporte ses frais irrépétibles et qu'il convient ainsi de lui accorder une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Attendu que les appelantes, qui succombent principalement, doivent être condamnées aux dépens ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déclare les appelantes mal fondées dans leurs demandes en indemnisation au titre de transfert de trésorerie intervenue en 1998 formée à l'encontre de Monsieur Marc X... et les en déboute.
Condamne la société française de motoventilateurs-FMV ainsi que la société ZIETHL-ABEGG GMBH & CO.KG à payer à Monsieur Marc X... la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi que les dépens qui seront recouvrés par la SCP JUNILLON & WICKY, avoués, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile,
LE GREFFIER,
LE PRESIDENT,
M.P. Z...
B. MARTIN