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22/07/2004 | FRANCE | N°2002/06906

France | France, Cour d'appel de Lyon, 22 juillet 2004, 2002/06906


COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 22 Juillet 2004

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce LYON du 20 novembre 2002 - N° rôle : 2001/644 N° R.G. : 02/06906

Nature du recours : Appel

APPELANTE : BCP ANCIENNEMENT BANCO PINTO etamp; SOTTO MAYOR 14 Avenue Franklin Roosevelt 75008 PARIS représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assistée de Me NGUYEN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES : S.A. ETS MARIANO 1 Rue de l'Orme Château 45400 SEMOY représentée par Me RAHON, avoué à la Cour assistée de

Me LEGRAND, avocat au barreau d'ORLEAN

S.A. BANCO POPULAR COMERCIAL 8 Rue d'Anjou 75008 PA...

COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 22 Juillet 2004

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce LYON du 20 novembre 2002 - N° rôle : 2001/644 N° R.G. : 02/06906

Nature du recours : Appel

APPELANTE : BCP ANCIENNEMENT BANCO PINTO etamp; SOTTO MAYOR 14 Avenue Franklin Roosevelt 75008 PARIS représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assistée de Me NGUYEN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES : S.A. ETS MARIANO 1 Rue de l'Orme Château 45400 SEMOY représentée par Me RAHON, avoué à la Cour assistée de Me LEGRAND, avocat au barreau d'ORLEAN

S.A. BANCO POPULAR COMERCIAL 8 Rue d'Anjou 75008 PARIS représentée par Me BARRIQUAND, avoué à la Cour assistée de Me MANDY, avocat au barreau de LYON Instruction clôturée le 24 Février 2004 Audience publique du 27 Mai 2004 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame MARTIN, Président, Monsieur SIMON, Conseiller Monsieur SANTELLI, Conseiller DÉBATS : à l'audience publique du 27 mai 2004 GREFFIER :

la Cour était assistée de Madame X..., Greffier, présent lors des débats seulement, ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 22 juillet 2004 par Madame MARTIN, Président, qui a signé la minute avec Mademoiselle Y..., Greffier. FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES

Par jugement du 20 novembre 2002, le tribunal de commerce de LYON a constaté que la BANCO PINTO etamp; SOTTO MAYOR a commis une faute engageant sa responsabilité en faisant perdre à la société MARIANO et à la SFAC tout recours à l'encontre du débiteur, condamné la BANCO PINTO etamp; SOTTO MAYOR à payer à la société MARIANO la somme de 10.099,23 euros outre intérêts de droit à compter du 22 juin 1999 ainsi que la somme de 1.219,59 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, débouté la BANCO PINTO etamp; SOTTO MAYOR de son appel en garantie dirigé contre la BANCO POPULAR FRANCE et alloué à cette dernière une somme de 1.067,15 euros au titre de l'article 700.

La BCP, anciennement BANCO PINTO etamp; SOTTO MAYOR, a relevé appel du jugement.

Par conclusions en date du 24 avril 2003, elle demande à la Cour d'infirmer le jugement en faisant valoir qu'elle n'a commis aucune faute engageant sa responsabilité, que la société MARIANO a commis une faute en ne procédant pas à la remise du chèque de 66.246,58 F dans le délai de huit jours après son émission, conformément aux dispositions de l'article 29 du décret-loi de 1935, que la société MARIANO avait connaissance de la situation financière de M. Z... et du risque pris en acceptant le règlement par chèque de la somme de 66.246,58 F. Elle sollicite la condamnation de la société MARIANO à lui payer la somme de 3.048,98 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et dilatoire.

Subsidiairement, elle soutient que la BANCO POPULAR FRANCE a commis

des fautes directement à l'origine du préjudice de la société MARIANO en ne procédant pas au traitement conforme du chèque de 66.246,58 F et elle demande de condamner cette banque à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle.

Elle demande enfin la condamnation de la société MARIANO à lui payer la somme de 3.048,98 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .

La société MARIANO, qui soutient que la contrepassation tardive du chèque par elle remis à l'encaissement engage la responsabilité de la BCP dans la mesure où cette tardiveté lui a fait perdre tout recours ainsi qu'un produit de 10.099,23 euros, conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .

La BANCO POPULAR FRANCE, par conclusions du 16 septembre 2003, demande à la Cour de déclarer mal fondé l'appel de la BCP et, formant un appel incident en ce que le tribunal a rejeté sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive, elle sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 1.500 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et, en toute hypothèse, une somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .

La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

MOTIFS ET DECISION

Attendu que, selon les documents produits:

-le 24 septembre 1998, M. Z..., client de la BANCO POPULAR COMERCIAL, a émis un chèque de 66.246,58 F à l'ordre de la société MARIANO en règlement d'une livraison effectuée par cette dernière ;

-la société MARIANO a remis le chèque à l'encaissement auprès de sa propre banque, BANCO PINTO etamp; SOTTO MAYOR, devenue BCP, le 4 novembre 1998 ;

-le 5 novembre 1998, la BANCO PINTO etamp; SOTTO MAYOR a porté le montant du chèque litigieux au crédit du compte de la société MARIANO avec une date de valeur au 9 novembre suivant ;

-par lettre du 2 décembre 1998 la BANCO POPULAR COMERCIAL a demandé à la BANCO PINTO etamp; SOTTO MAYOR de lui rembourser hors chambre le chèque litigieux au motif de Hors Délais ;

-par lettre du 3 décembre 1998 la même banque a confirmé à BANCO PINTO etamp; SOTTO MAYOR que la date à laquelle le chèque avait été rejeté était le 19 novembre 1998 "mais mal dirigé", que le chèque avait été rejeté pour la 2e fois le 23 novembre 1998 alors que "nous étions encore dans les temps réglementaires" ;

-le 16 décembre 1998 la BANCO PINTO etamp; SOTTO MAYOR a retourné le chèque à la BANCO POPULAR COMERCIAL ;

-par lettre du 19 mars 1999 la BANCO POPULAR COMERCIAL a demandé à la BANCO PINTO etamp; SOTTO MAYOR de l'informer de sa position définitive ;

-le 19 mai 1999, la BANCO PINTO etamp; SOTTO MAYOR a débité le compte de la société MARIANO du montant du chèque avec cette mention "REGU CHEQUE IMPAYE" ;

Attendu qu'un banquier à qui a été remis un chèque en paiement peut parfaitement en porter immédiatement le crédit au compte de son client sans attendre le paiement effectif, cette inscription étant faite sous réserve d'encaissement et le banquier se réservant de contrepasser l'écriture si le chèque revient impayé ;

Attendu que, toutefois, la contrepassation doit intervenir dans un délai raisonnable et le banquier engage sa responsabilité pour avoir contrepassé tardivement un chèque impayé lorsque ce retard a fait

perdre au client la chance de pouvoir obtenir le recouvrement de sa créance ;

Attendu qu'en l'espèce il s'est écoulé plus de six mois entre le moment où BANCO PINTO etamp; SOTTO MAYOR, devenue BCP, a inscrit le chèque au crédit du compte de la société MARIANO et celui où elle a, sans avertissement, procédé à la contre-passation ;

Qu'un tel délai ne peut être qualifié de raisonnable ; qu'il résulte d'ailleurs des propres écritures de la BCP (argumentant à l'encontre de la BANCO POPULAR FRANCE) que la durée de traitement du chèque a présenté un caractère excessif ;

Attendu que la BCP, qui soutient que la société MARIANO a été informée en temps et heure, ne peut pourtant justifier par aucun document avoir directement informé sa cliente de l'impayé ; qu'elle n'établit pas que la société MARIANO aurait refusé qu'un débit soit effectué sur son compte, le courrier dont elle se prévaut à cette fin ayant été adressé par elle-même à la BANCO POPULAR COMERCIAL ;

Attendu qu'il incombait à la banque de procéder à la contrepassation de l'écriture dès qu'elle a eu connaissance de l'impayé ;

Attendu que la faute de la BCP à l'égard de sa cliente est donc avérée ;

Attendu que c'est en vain que la BCP tente de soutenir que la société MARIANO serait seule responsable de son préjudice ;

Que si le chèque n'a pas été remis à l'encaissement dans le délai de huit jours ainsi que le prévoit l'article 29 du décret-loi du 30 octobre 1935, mais dans un délai de six semaines, l'observance d'un tel délai en matière de commerce ne saurait être considérée comme fautive ; qu'en tout cas, il n'est ni allégué ni démontré qu'il serait en rapport avec le préjudice subi par la société MARIANO ;

Que, d'autre part, la BCP ne saurait éluder sa responsabilité en soutenant que la société MARIANO, connaissant parfaitement la

situation financière de M. Z..., a pris un risque inconsidéré en acceptant à nouveau un chèque en paiement ; qu'il est certes démontré l'existence de deux incidents de paiement au mois de février 1998 mais qu'ils ont été régularisés par le débiteur et qu'en tout état de cause le risque éventuellement pris par la société MARIANO ne peut faire disparaître la faute commise par la banque ;

Attendu que la société MARIANO était affiliée à la SFAC auprès de laquelle elle avait souscrit une assurance Crédit-Insolvabilité ;

Que la SAFAC, courtier, a le 30 mai 1999 adressé à la société MARIANO le courrier suivant:

"Nous venons d'examiner cette affaire sur le plan contractuel.

Votre créance s'élève à 66.246,58 F et provient d'opérations facturées en septembre 1998.

Au sens du Contrat, votre client s'est trouvé en état de manquement à ses obligations à votre égard dès le 10 décembre 1999 (en réalité 1998)

En application des dispositions contractuelles le dossier aurait dû nous être remis au plus tard dans les 4 mois de ce manquement.

En conséquence, votre créance échappe à toute couverture." ;

Attendu qu'au vu de ces éléments, la société MARIANO est bien fondée à soutenir que la contrepassation tardive imputée à la BCP l'a privée de la possibilité d'exercer un recours contre la société d'affacturage ;

Attendu que ce préjudice s'analyse en une perte de chance ; que pour évaluer l'importance de cette perte de chance, il convient que la société MARIANO verse aux débats l'entier contrat la liant à la SFAC (Conditions Générales et Particulières) et non pas seulement quelques feuillets choisis ;

Attendu qu'il convient, en conséquence, d'ordonner pour ce faire la réouverture des débats à l'audience du mercredi 13 octobre 2004 à

13H30 à laquelle les parties pourront formuler toutes observations qu'elles jugeront utiles sur la garantie due par la SFAC dans l'hypothèse où elle aurait été saisie du dossier en temps utile ;

Attendu que l'ensemble des autres demandes sera réservé ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Dit qu'en contre-passant tardivement le chèque impayé par M. Z..., la BANCO PINTO etamp;SOTTO MAYOR, actuellement BCP, a commis une faute qui a privé la société MARIANO de la possibilité d'exercer un recours auprès de la SFAC son assureur Crédit-Insolvabilité.

Avant dire droit sur l'évaluation de la perte de chance en résultant, Ordonne la réouverture des débats sur ce point précis à l'audience du mercredi 13 octobre 2004 à 13H30 à laquelle la société MARIANO produira l'entier contrat d'assurance (Conditions Générales et Particulières) et les parties pourront présenter toutes observations qu'elles jugeront utiles.

Réserve les autres demandes et les dépens.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

Y. Y...

B. MARTIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2002/06906
Date de la décision : 22/07/2004

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Faute

Un banquier, à qui a été remis un chèque, est en droit de porter immédiatement le crédit au compte de son client sans en attendre le paiement effectif. Cette inscription est faite sous réserve d'encaissement et le banquier se réserve la possibilité de contre-passer l'écriture si le chèque revient impayé. Cependant, la contre-passation doit intervenir dans un délai raisonnable ce qui n'est pas le cas lorsque il s'est écoulé plus de six mois avant qu'une banque procède, sans avertissement, à l'opération de contre-passation. Le banquier engage sa responsabilité lorsque le retard a fait perdre à son client la chance de pouvoir obtenir le recouvrement de sa créance


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2004-07-22;2002.06906 ?
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