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29/06/2004 | FRANCE | N°2004/00094

France | France, Cour d'appel de Lyon, 29 juin 2004, 2004/00094


La Deuxième Chambre de la Cour d'Appel de Lyon, composée lors des débats et du délibéré de : Maryvonne DULIN, présidente, Michèle RAGUIN-GOUVERNEUR, conseillère, Marjolaine MIRET, conseillère, assistées lors des débats tenus en audience non publique par Anne-Marie BENOIT, greffière, a rendu l'ARRÊT contradictoire suivant : Exposé du Litige:

Monsieur Emmanuel Y et Madame Tina Lavina X, tous deux de nationalité américaine, se sont mariés le 30 avril 1995 à INDIANAPOLIS ( USA ). Ils ont eu un enfant: Varvara, née le 2 juillet 2000 à DUNEDUN en Floride ( USA ). En déc

embre 2001, Monsieur Y a accepté un poste à l'OMS à LYON. Après avoir pris ...

La Deuxième Chambre de la Cour d'Appel de Lyon, composée lors des débats et du délibéré de : Maryvonne DULIN, présidente, Michèle RAGUIN-GOUVERNEUR, conseillère, Marjolaine MIRET, conseillère, assistées lors des débats tenus en audience non publique par Anne-Marie BENOIT, greffière, a rendu l'ARRÊT contradictoire suivant : Exposé du Litige:

Monsieur Emmanuel Y et Madame Tina Lavina X, tous deux de nationalité américaine, se sont mariés le 30 avril 1995 à INDIANAPOLIS ( USA ). Ils ont eu un enfant: Varvara, née le 2 juillet 2000 à DUNEDUN en Floride ( USA ). En décembre 2001, Monsieur Y a accepté un poste à l'OMS à LYON. Après avoir pris cette décision, les époux ont quitté la Floride pour résider dans l'Etat du DELAWARE où habitent les parents de Monsieur Y. Ils ont quitté les USA pour la France en mai 2002.

Madame X estimant alors que Monsieur Y la faisait vivre dans un climat de violence insupportable, a quitté la France le 5 septembre 2002 pour WEST OLIVE ( Michigan ) aux USA où habitent ses parents, emmenant avec elle la petite Varvara. Madame X étant hospitalisée, ses parents saisissent la justice américaine ( tribunal fédéral du MICHIGAN ) pour demander la garde temporaire de leur petite fille. Elle leur a été accordée.

Monsieur Y a formé alors contre Madame X une demande en divorce pour faute devant le Tribunal de Grande Instance de LYON le 11 septembre 2002.

Lors de la demande de renouvellement de la garde de Varvara par ses grands- parents maternels, le tribunal fédéral du MICHIGAN a accordé, le 4 novembre 2002, la garde temporaire de l'enfant non pas à ses grands-parents mais à son père. Madame X a alors saisi ce tribunal d'une demande d'interdiction de sortie du territoire américain qui lui a été accordée, par décision du 15 novembre 2002.

Le 20 novembre 2002, le ministère français de la Justice a saisi l'autorité centrale américaine d'une demande de retour de l'enfant en application de la Convention de LA HAYE du 25 octobre 1980.

Le 16 décembre 2002, Monsieur Y a saisi le tribunal fédéral du DELAWARE d'une demande de levée de l'interdiction de sortie du territoire américain, en indiquant qu'il était domicilié avec sa fille chez ses parents à WILMINGTON dans le DELAWARE, et pour que soit ordonné le retour de l'enfant suite à son enlèvement. Monsieur Y n'a pas comparu devant le tribunal fédéral du MICHIGAN le 17 décembre 2002.

Le 7 mai 2003, le tribunal fédéral du DELAWARE s'estimait incompétent, Monsieur Y ne rapportant pas la preuve que l'enfant Varvara se trouvait dans le DELAWARE à la date du dépôt de sa requête.

Par décision du 6 juin 2003, le tribunal itinérant du Comté d'OTTAWA siégeant à GRAND HAVEN ( MICHIGAN ) a confié la garde de Varvara à Madame X.

L'audience de conciliation en France a eu lieu le 4 mars 2003. Par ordonnance de non conciliation du 8 décembre 2003, le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de LYON s'est déclaré compétent, a fixé à 1 500 ä par mois la pension alimentaire que le mari doit à l'épouse, débouté Madame X de sa demande de provision sur sa part de communauté, constaté que les parents exercent en commun l'autorité parentale sur Varvara, fixé la résidence habituelle de l'enfant chez le père, a organisé le droit de visite et d'hébergement de la mère aux frais du père, débouté Madame X de sa demande d'interdiction de sortie du territoire national sans son autorisation, a ordonné une enquête sociale, a débouté Monsieur Y de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par déclaration remise au greffe de la Cour le 7 janvier 2004, Madame X a interjeté appel de cette ordonnance. Monsieur Y a fait de même par déclaration remise au greffe de la Cour le 12 janvier 2004. Les deux dossiers ont fait l'objet d'une jonction.

Par requête du 19 janvier 2004, Madame X a demandé au juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de LYON d'interdire la sortie de l'enfant du territoire français sans autorisation expresse de la mère. Par ordonnance du même jour, le juge aux affaires familiales accordait cette interdiction qui devait figurer sur le passeport du père et de l'enfant.

Par ordonnance du 18 mars 2004, la conseillère de la mise en état de la deuxième chambre de la Cour de céans a débouté Monsieur Y de ses demandes dans le cadre de la mise en état, et avant dire droit sur les demandes de Madame X a ordonné une enquête sociale avec avis du médecin psychiatre.

Le 18 mars 2004 également, Monsieur Y était placé sous contrôle judiciaire par le juge d'instruction du Tribunal de Grande Instance de LYON pour non représentation d'enfant, qui lui a imposé de l'informer de tout déplacement au-delà des limites territoriales de la SUISSE, Monsieur Y indiquant alors être domicilié en SUISSE à CHENE BOUJERIE 10 chemin du Mont-Blanc.

Par ordonnance du 6 avril 2004, le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance statuant en la forme des référés, sur saisine de Monsieur Y a prononcé la rétractation de l'ordonnance du 19 janvier 2004, en vertu de l'incompétence du juge aux affaires familiales et de la compétence de la conseillère de la mise en état. Par conclusions récapitulatives reçues au greffe de la Cour le 2 juin 2004, Madame X demande à la juridiction française de se déclarer

compétente, qu'il soit dit que la loi française est applicable aux mesures provisoires et au divorce, que la résidence habituelle de l'enfant soit fixée chez elle, que le droit de visite et d'hébergement du père s'exerce en présence d'un tiers et dans le cadre d'une institution, la fixation de la pension alimentaire pour elle-même à 1 500 ä par mois, la fixation de la pension alimentaire pour l'enfant à 1 000 ä par mois, l'interdiction de sortie du territoire français de l'enfant sans l'accord exprès de la mère.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir notamment qu'aucun élément ne permet de rattacher le litige à la Suisse; que Monsieur Y a écrit au juge d'instruction pour lui dire qu'il vit désormais en Grèce; que Monsieur Y a expressément sollicité l'application de la loi française dans le cadre de la procédure de divorce; que la loi applicable aux mesures provisoires est celle de l'Etat saisi du litige; que le tribunal du comté d'OTTAWA a décliné sa compétence; que selon l'acte unique américain applicable la résidence de la famille à la date de l'introduction de la demande en divorce a été déterminée en France; que le tribunal précité a également refusé l'application de la loi de l'Etat du MICHIGAN ( USA ) et qu'il a désigné la loi applicable comme étant la loi française; que Monsieur Y a amplement démontré son incapacité à s'occuper de sa fille; qu'elle n'a pas revu sa fille depuis novembre 2002; que ses conditions de vie sont totalement inconnues; que l'intérêt de l'enfant n'est pas de vivre cachée, ni dans le mensonge; que les capacités éducatives de la mère ne sont mises en cause; que l'enlèvement international d'enfant s'il n'a pas déjà eu lieu représente un réel danger.

Par conclusions reçues au greffe de la Cour le 28 mai 2004, Monsieur Y demande que les juridictions françaises se déclarent incompétentes au profit des juridictions helvétiques; subsidiairement, qu'il soit

fait application de la loi américaine et précisément de l'uniform child custody jurisdiction and enforcement act; plus subsidiairement, la suppression de la pension alimentaire allouée à l'épouse par l'ordonnance de non conciliation.

Au soutien de ses demandes, il fait valoir notamment que les tribunaux helvétiques doivent être déclarés compétents en application de l'article 1 070 du nouveau code de procédure civile; qu'au jour de la requête initiale Madame X se trouvait dans l'Etat du MICHIGAN; que lui-même est actuellement domicilié en Suisse; qu'aucune des parties n'a la nationalité française; subsidiairement, qu'il doit être fait application de la loi des parties et non de la lex fori; qu'aucune des conditions prévues par l'article 310 du code civil n'est remplie pour que soit appliquée la loi française; qu'il ne justifie plus que d'un revenu de 32 311 $ par an; que l'OMS a mis fin à ses fonctions; que Madame X a enlevé l'enfant au mépris de la Convention de LA HAYE du 25 octobre 1980; qu'elle n'est pas en état de s'occuper de son enfant; que toutes les procédures devant les juridictions américaines ont fait l'objet d'un désistement compte tenu de la compétence des juridictions françaises; qu'il existe donc des motifs graves justifiant la suppression du droit de visite et d'hébergement de la mère; qu'une ordonnance a été rendue par le juge aux affaires familiales le 19 janvier 2004 interdit la sortie du territoire français à Varvara sans l'accord exprès de Madame X; qu'il a engagé une action en rétractation de cette ordonnance sur requête; qu'il a respecté le droit de visite et d'hébergement de Madame X conformément à l'ordonnance de non conciliation; que Madame X réside à nouveau en France; que la justice française a condamné Madame X pour enlèvement d'enfant; que ses changements de résidence étaient dus à ses missions pour l'OMS; qu'il a toujours informé Madame X de son changement de résidence.

Par conclusions reçues au greffe de la Cour le 3 juin 2004, Monsieur Y demande le rejet du dernier jeu de conclusions de Madame X et de la pièce 40 annexée notifiées le 3 juin 2004 ou, à défaut, le report de l'ordonnance de clôture.

Par conclusions reçues au greffe de la Cour le 4 juin 2004, Madame X demande le débouté de Monsieur Y de sa demande de rejet et subsidiairement, le rejet de ses conclusions et pièces notifiées le 28 mai 2004. Motifs de la décision: Sur le rejet des conclusions et pièces

Les dernières conclusions de Madame X ont été reçues au greffe de la Cour le 2 juin 2004 et non le 3 juin, alors que la clôture est intervenue le 4 juin 2004. La nouvelle pièce produite est une pièce actualisant la situation du domicile de Monsieur Y. La seule modification des conclusions porte sur la compétence territoriale et constitue un commentaire de la nouvelle pièce produite. Monsieur Y ne justifie pas d'une cause grave nécessitant la révocation de l'ordonnance de clôture, le changement de domicile étant sans influence sur la compétence retenue. Il n'a d'ailleurs conclu de façon récapitulative que le 28 mai 2004, alors qu'il n'est pas contesté que le calendrier de procédure a été régulièrement communiqué aux parties avec fixation de la clôture au 4 juin 2004. Il ne saurait être considéré que le principe du contradictoire n'a pas été respecté dans la mesure où les parties ont eu tout le temps nécessaire pour conclure sur la compétence territoriale en fonction du calendrier communiqué, et où Monsieur Y n'a pas changé de domicile entre le 28 mai et le 2 juin 2004. Pourtant, dans ses dernières conclusions, c'est toujours une adresse en SUISSE qu'il donne.

Dans ces conditions, il n'y aura ni rejet des conclusions et pièces, ni révocation de l'ordonnance de clôture. Sur la compétence des juridictions françaises

Il résulte des pièces du dossier que Madame X en première instance contestait la compétence des tribunaux français, saisis par Monsieur Y de la demande en divorce. Elle se fondait alors sur la situation de son domicile avec sa fille, qui n'était pas situé à LYON mais dans l'Etat du MICHIGAN. Quant à Monsieur Y, qui avait saisi le tribunal français en fonction de la situation du domicile conjugal en France, c'est lui qui conteste en appel la compétence des juridictions françaises au profit des juridictions helvétiques. Madame X, au contraire, ne conteste plus la compétence des tribunaux français en appel.

La compétence de la juridiction doit être soulevée in limine litis avant toute défense au fond. En matière de divorce, elle doit donc être invoquée au début de la procédure de conciliation. Cela n'a pas été le cas en l'espèce, d'autant que c'est Monsieur Y qui a lui-même engagé la procédure devant les tribunaux français. Monsieur Y ne peut donc soulever en appel le problème de la compétence. En tout état de cause, il revendique la compétence des tribunaux helvétiques alors qu'il n'y justifie pas d'un domicile et encore moins à l'époque de la requête qu'il a lui-même déposée. D'après les éléments du dossier d'instruction ouvert en France à son encontre, il habiterait actuellement la GRÈCE et il ne travaille plus pour l'OMS. Sa demande ne peut donc qu'être rejetée.

En matière de droits non disponibles, le justiciable n'a pas la faculté de choisir le tribunal qu'il considère comme compétent, la compétence résultant de critères définis par la loi. Il est constant que l'article 1070 du nouveau code de procédure civile également revendiqué par les deux parties, transpose en matière internationale les règles de compétence interne, y compris en ce qui concerne la hiérarchie entre les chefs de compétence retenus. Il est constant que les deux parties se réfèrent à la notion de résidence de la famille.

Monsieur Y ayant signé un contrat de travail s'exécutant en France, Madame X l'a volontairement accompagné, manifestant auprès de ses parents sa volonté de s'adapter à la France. Les époux ont loué un appartement et il est justifié de démarches pour scolariser Varvara à LYON. Le domicile familial était donc bien situé en France le 11 septembre 2002 lorsque Monsieur Y a déposé sa requête en divorce et non dans le MICHIGAN aux USA où habitent ses parents et où le couple n'a jamais vécu quand il était aux USA. Le fait que Madame X ait quitté la France quelques jours auparavant, soit le 5 septembre 2002, sans savoir ce qu'elle allait faire ni où elle allait s'installer, n'y change rien.

Bien qu'aujourd'hui Monsieur Y et Madame X n'aient plus leur domicile en France, la situation de la résidence de la famille sur le territoire français à la date de la requête entraîne la compétence des tribunaux français. Il convient d'observer en outre que deux tribunaux américains, celui du Comté d' OTTAWA dans le MICHIGAN et celui de WILINGTON dans le DELAWARE se sont déclarés incompétents, précisément en l'absence de preuve de résidence de l'enfant avec l'un de ses parents dans l'Etat considéré. Aucun lien de rattachement avec un autre Etat n'étant revendiqué, il existerait un risque de déni de justice si les tribunaux français se déclaraient incompétents.

Dans ces conditions, la compétence des juridictions françaises doit être retenue et la décision entreprise confirmée sur ce point. Sur la loi applicable

Il doit être souligné au préalable que la compétence du Tribunal de Grande Instance de LYON n'entraîne pas nécessairement l'application de la loi française. Il doit être également souligné qu'il est possible d'appliquer une loi différente au divorce et à la garde de l'enfant. Il est manifeste que le différend entre Monsieur Y et

Madame X porte essentiellement sur la garde de Varvara, les dispositions financières n'apparaissant pas déterminantes.

Madame X revendique l'application de la loi française sur des bases qui ne peuvent être retenues. Le choix de la loi française pas plus que le choix de la juridiction ne peut être fait par les parties s'agissant de droits non disponibles. Les mesures provisoires entraînent a priori l'application de la loi du for, mais il apparaît que ce critère n'est pas déterminant et que la loi applicable au fond s'applique également aux mesures provisoires dans le souci de déterminer aussi tôt que possible la loi applicable au fond. La notion de danger imminent n'est retenue qu'exceptionnellement. Or, ici ce danger n'est pas démontré, le père de l'enfant s'étant vu confier la garde provisoire de l'enfant par un tribunal américain. Il est peu probable en outre que l'enfant se trouve en FRANCE ce qui prive la décision d'une efficacité rapide. Enfin, le juge du Comté d'OTTAWA n'a pas le pouvoir de décider de l'application d'une loi dès lors que son tribunal n'est pas compétent. Il peut, tout au plus, indiquer la juridiction compétente.

Monsieur Y ne demande pas au principal que soit appliquée une loi déterminée, car il ne conclut que sur la compétence de juridiction. Subsidiairement, il demande que le Uniform child custody jurisdiction and enforcement act ( UCCJEA ) s'applique, loi unique en vigueur à la fois dans le MICHIGAN et dans le DELAWARE, Etats américains dont les tribunaux ont été successivement saisis et ce alternativement par les deux parents. Il est constant, s'agissant d'une loi uniforme qu'elle a réalisé l'unification du droit des différents Etats signataires. Il ne s'agit pas d'une Convention internationale liant la FRANCE, mais d'une loi uniforme propre aux Etats fédérés à l'intérieur des USA. Il doit être souligné que ce texte concerne la garde des enfants et non pas le divorce.

Aucune convention internationale n'est applicable ni en matière de divorce, la FRANCE et les USA n'ayant pas ratifié la Convention de LA HAYE de 1970 sur la reconnaissance des divorces et des séparations de corps, ni en matière de garde d'enfant, les USA n'ayant pas ratifié la Convention de LA HAYE du 5 octobre 1961 concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs. Dès lors il convient d'appliquer la règle de conflit de lois française, la compétence des tribunaux français entraînant l'application de la loi du for pour la procédure. La juridiction française garde donc toute latitude quant à l'éventuelle désignation de la loi étrangère.

L'article 310 du code civil dispose que lorsque les époux ont l'un et l'autre leur domicile sur le territoire français, le divorce est régi par la loi française. De même que pour la compétence du tribunal, par extension des règles applicables dans ce domaine, la résidence de la famille doit s'apprécier au moment de l'introduction de la demande soit septembre 2002. A cette époque, comme analysé ci-dessus pour déterminer la compétence, elle était située en FRANCE. Cela est corroboré par le droit anglo-américain qui désapprouve les principes de compétence juridique basés sur la nationalité, seul critère qui aurait pu être actuellement retenu, la Cour ignorant le lieu de résidence effective de l'enfant: auprès de son père ou non, en GRÈCE, en SUISSE ou ailleurs. Cela résulte également de l'UCCJEA invoqué par les deux parties et relevé par le juge du Comté d'OTTAWA. La loi uniforme américaine reconnaît en fait la vocation de la loi étrangère à s'appliquer à une situation internationale, dès lors que cette loi respecte les principes fondamentaux des droits de l'homme ( article 722.1105. ). Monsieur Y demandant subsidiairement l'application de la loi américaine ( UCCJEA ) et celle-ci renvoyant à la loi de l'Etat où réside l'enfant, c'est donc la loi française qui devient applicable,

le domicile s'appréciant à la date de l'introduction de l'instance.

La décision entreprise sera confirmée par substitution de motifs. Sur la résidence habituelle de l'enfant

L'enfant Varvara a été confiée de septembre à novembre 2002 à ses grands-parents maternels chez lesquels elle était avec sa mère, en raison des problèmes de santé de celle-ci. Elle a ensuite été confiée temporairement à son père, qui l'a emmenée hors des USA en infraction à la décision d'interdiction de sortie du territoire américain. Depuis elle vit avec lui, sans qu'on sache où ni dans quelles conditions. Entre temps, le 6 juin 2003, le juge du MICHIGAN a confié l'enfant à sa mère, décision définitive mais restée inappliquée en raison du rapt.

L' ordonnance de non conciliation entreprise a confié la résidence habituelle de l'enfant au père et a organisé un droit de visite et d'hébergement au profit de la mère spécifique compte tenu de l'éloignement des lieux de vie et de l'âge de l'enfant. Une enquête sociale a été ordonnée, puis un complément d'enquête sociale le 18 mars 2004. Il résulte de ces différentes pièces que Madame X n'est pas mise en cause dans ses capacités éducatives, ce qui avait été relevé par le juge du MICHIGAN au vu de nombreuses attestations versées aux débats en original et en traduction devant la Cour. Il apparaît que Madame X, qui souffre de troubles maniaco-dépressifs chroniques, se fait soigner régulièrement. Le médecin psychiatre intervenu dans l'enquête sociale indique clairement que "l'idée de lui confier sa fille est tout à fait envisageable", avec de préférence un accompagnement éducatif. Madame X s'est prêtée avec beaucoup de bonne volonté aux entretiens malgré l'obstacle de la langue et la situation de souffrance dans laquelle elle se trouve du fait de la séparation avec Varvara depuis 18 mois.

Monsieur Y, qui est sous le coup d'une procédure pour non

représentation d'enfant, ne justifie pas de sa situation professionnelle actuelle. Il est établi qu'il ne travaille plus pour l'OMS. Il mène et surtout fait mener à sa fille une vie quasi clandestine, en la coupant complètement de sa mère sans se soucier des conséquences psychologiques que cela peut avoir sur elle. Il l'a également coupée de ses racines américaines et de ses grands-parents des deux côtés. Il se fonde sur l'enlèvement initial de l'enfant par la mère pour demander l'autorité parentale exclusive. Il est constant que lui aussi a enlevé l'enfant ultérieurement et qu'il a enfreint les décisions de plusieurs décisions de justice.

Au vu de tous ces éléments, Monsieur Y ne démontrant pas se soucier de l'intérêt de l'enfant, et n'étant pas à même ni de respecter l'image de la mère, ni de respecter le droit de visite et d'hébergement qui lui avait été accordé, la résidence habituelle de l'enfant sera fixée chez la mère. L'autorité parentale s'exercera conjointement en l'absence de facteurs de gravité entraînant une autorité parentale exclusive.

La décision entreprise sera réformée en conséquence. Sur le droit de visite et d'hébergement

Monsieur a eu des velléités de retourner aux USA depuis la séparation du couple. Aucun projet professionnel ne semble le retenir en Europe, sa proche famille vivant toujours aux USA. Il n'est par contre pas démontré que les domiciles des parents seront proches même aux USA, Madame X étant originaire du MICHIGAN et Monsieur Y du DELAWARE. En l'absence de tout élément d'appréciation, un droit de visite et d'hébergement de principe sera retenu au profit du père étant précisé que les modalités peuvent toujours être modifiées dans le cadre d'un meilleur accord entre les parents. En l'état, il n'est pas possible de prévoir un droit de visite en lieu neutre. Si les parents regagnent les USA, le droit de visite et d'hébergement pourrait se

passer au domicile des grands-parents de l'un ou l'autre côté à condition que ceux-ci soient d'accord. Il n'apparaît pas souhaitable pour l'enfant que ce droit de visite et d'hébergement s'exerce en lieu neutre en dehors même du fait de sa difficulté actuelle à l'organiser. Varvara a en effet vécu avec son père pendant 18 mois sans qu'il soit démontré qu'elle court avec lui un danger nécessitant une organisation particulière des rencontres.

Pour éviter que les errements du passé ne se reproduisent, une interdiction de sortie du territoire, non pas seulement français mais de celui où vivra l'enfant, sera prononcée sans l'accord exprès des deux parents. Monsieur Y, compte tenu de la procédure pénale diligentée à son encontre, comprendra qu'à l'avenir, et surtout dans l'intérêt de l'enfant, il devra respecter les droits de la mère.

Les frais liés à l'exercice du droit de visite et d'hébergement seront à la charge du père.

La décision entreprise sera réformée en conséquence. Sur les mesures financières

Monsieur Y indique dans ses conclusions ne plus gagner que 32 311 $ par an soit 2 693 $ par mois au lieu de 100 000 $ antérieurement, soit 8 333 $ par mois. Devant le juge d'instruction de LYON le 18 mars 2004, il indiquait qu'il allait être licencié par l'OMS mais qu'il gagnait antérieurement de 3 500 à 4 000 $ par mois. Les sommes avancées sont donc extrêmement différentes et Monsieur Y, en dehors du fait qu'il ne travaille plus pour l'OMS, ne justifie nullement de ses revenus actuels. Compte tenu de son âge ( 34 ans ), de sa formation et de son expérience il doit pouvoir trouver facilement un autre emploi si ce n'est déjà fait.

Madame X travaille à temps partiel. Son avis d'imposition pour 2003 fait apparaître un revenu de 1 300, 39 $ pour l'année. Elle est hébergée par ses parents et reconnaît ne pouvoir leur verser à

l'heure actuelle un loyer qu'elle évalue à 500 $ par mois.

Même si Madame X a de très faibles revenus et si Monsieur Y ne justifie pas de ses ressources actuelles, la pension alimentaire fixée par le juge conciliateur est élevée. Elle sera ramenée à 1 000 ä par mois à compter de la date du présent arrêt pour l'épouse et fixée à 500 ä par mois pour l'enfant, les modalités d'indexation restant les mêmes.

La décision entreprise sera réformée en conséquence. Sur les dépens

Compte tenu de la nature du litige, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens. Par ces motifs, La Cour, Déboute Monsieur Y de sa demande de rejet des conclusions et pièce en date du 2 juin 2004; Confirme la décision entreprise, par substitution de motifs en ce qui concerne la loi applicable, sauf en ce qui concerne la résidence habituelle de l'enfant, le droit de visite et d'hébergement du père et les pensions alimentaires; Et statuant à nouveau de ces chefs, Fixe la résidence habituelle de Varvara chez la mère; Dit que l'autorité parentale est exercée en commun par les deux parents; Dit que le droit de visite et d'hébergement du père s'exerce, à défaut de meilleur accord entre les parents: la moitié des vacances d'été, ( première moitié les années paires, deuxième moitié les années impaires ), le droit de visite et d'hébergement s'étendant au jour férié qui précède ou qui suit la fin de semaine pendant laquelle s'exerce ce droit, la totalité des vacances de Noùl une année sur deux ( les années paires chez le père, les années impaires chez la mère ), et si Monsieur Y et Madame X habitent sur le territoire du même Etat en Europe ou chacun dans un Etat des USA, la moitié des vacances de Noùl ( première moitié les années paires, deuxième moitié les années impaires ), ainsi que la totalité des vacances scolaires de plus de cinq jours; Interdit la sortie de l'enfant Varvara du territoire où elle résidera principalement avec

Madame X sans l'accord exprès du père et le cas échéant du territoire sur lequel elle vivra temporairement avec Monsieur Y sans l'accord exprès de la mère; Ordonne la mention de cette interdiction sur le passeport de l'enfant Varvara, sur le passeport de Madame X et sur celui de Monsieur Y; Condamne Monsieur Y à verser une pension alimentaire de 1 000 ä par mois à Madame X au titre du devoir de secours et de 500 ä par mois pour Varvara, ces pensions étant indexées conformément aux modalités prévues par le premier juge; Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens. Cet arrêt a été prononcé publiquement par la présidente, Madame DULIN, en présence de la greffière, Madame BENOIT, et signé par elles.

La GREFFIÈRE

La PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2004/00094
Date de la décision : 29/06/2004

Analyses

CONFLIT DE LOIS - Statut personnel - Divorce, séparation de corps - Epoux étrangers de même nationalité - Loi applicable

La compétence des juridictions françaises n'entraîne pas nécessairement l'application de la loi française. Par ailleurs, il est possible d'appliquer une loi différente au divorce et à la garde de l'enfant. Si les mesures provisoires entraînent a priori l'application de la loi du for, ce critère n'est pas déterminant et la loi applicable au fond s'applique également aux mesures provisoires dans le souci de déterminer aussi tôt que possible la loi applicable au fond, la notion de danger imminent n'étant retenue qu'exceptionnellement. Aucune convention internationale ne liant les Etats-Unis et la France ni en matière de divorce, ni en matière de garde d'enfant, il convient d'appliquer la règle de conflit de loi française, la compétence des tribunaux entraînant l'application de la loi du for pour la procédure. L'article 310 du Code civil dispose que lorsque les époux ont l'un et l'autre leur domicile sur le territoire français, le divorce est régi par la loi française, le lieu de résidence de la famille devant s'apprécier au moment de l'introduction de la demande. Cela résulte également de la loi américaine (UCCJEA), qui reconnaît la vocation de la loi étrangère à s'appliquer à une situation internationale, dès lors qu'elle respecte les principes fondamentaux des droits de l'homme, et qui renvoie, en matière de garde d'enfant, à la loi de l'Etat où réside l'enfant, le domicile s'appréciant à la date d'introduction de l'instance


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2004-06-29;2004.00094 ?
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