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27/05/2004 | FRANCE | N°2003/02223

France | France, Cour d'appel de Lyon, 27 mai 2004, 2003/02223


Instruction clôturée le 27 Février 2004 Audience publique du 17 Mars 2004 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame MARTIN, Président, Monsieur SANTELLI, Conseiller Monsieur KERRAUDREN, Conseiller DÉBATS : à l'audience publique du 17 mars 2004 GREFFIER : la Cour était assistée de Mademoiselle X..., Greffier, présent lors des débats seulement, ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 27 mai 2004 par Madame MARTIN, Président, qui a signé la minute avec Madame Y..., Greffier en Chef. FAITS PR

OCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES

Me CHARRIERE désigné comme liquid...

Instruction clôturée le 27 Février 2004 Audience publique du 17 Mars 2004 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame MARTIN, Président, Monsieur SANTELLI, Conseiller Monsieur KERRAUDREN, Conseiller DÉBATS : à l'audience publique du 17 mars 2004 GREFFIER : la Cour était assistée de Mademoiselle X..., Greffier, présent lors des débats seulement, ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 27 mai 2004 par Madame MARTIN, Président, qui a signé la minute avec Madame Y..., Greffier en Chef. FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES

Me CHARRIERE désigné comme liquidateur de la SARL LE 3eme MILLEN'R, a assigné M. Jean-Jacques Z... afin de voir condamner celui-ci au paiement de tout ou partie de l'insuffisance d'actif de la société en liquidation judiciaire. Il a été débouté de sa demande par jugement du 12 mars 2003 du tribunal de commerce de Saint-Etienne.

Me CHARRIERE a relevé appel de cette décision et, par dernières conclusions du 5 janvier 2004, demande à la Cour d'infirmer le jugement, de dire et juger que M. Z... a commis des fautes de gestion à l'origine de l'insuffisance d'actif de la société LE 3eme MILLEN'R, en conséquence de le condamner à régler tout ou partie de l'insuffisance d'actif ainsi qu'une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .

Par conclusions récapitulatives du 20 février 2004, M. Z... sollicite la

confirmation du jugement, à titre subsidiaire se prévalant de sa qualité de caution au regard du principal créancier, la Banque Populaire de la Loire, il demande à ce qu'il soit dit et jugé qu'il ne fera l'objet d'aucune sanction civile et ne supportera aucune partie de l'éventuelle insuffisance d'actif. Il sollicite la condamnation de Me CHARRIERE ès qualités au paiement d'une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .

Par conclusions du 12 mars 2004, le Procureur Général soutient qu'un ensemble de fautes de gestion commises par M. Z... a contribué à l'insuffisance d'actif de la société LE 3eme MILLEN'R et il sollicite la réformation du jugement et la condamnation du dirigeant au paiement de tout ou partie du passif de la société .

La Cour se réfère, pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, aux écritures précitées. MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que M. Z..., qui est domicilié à Jonage (69), exerce la profession d'agent commercial ainsi qu'il résulte du contrat d'agence en date du 1er novembre 1998 qu'il verse aux débats ; que le 23 avril 1999, il a, avec son épouse, proposé à Me CHARRIERE de reprendre l'établissement Brasserie Stéphanoise en liquidation judiciaire pour un montant de 100.000 F avec faculté de se substituer toute société qu'il constituerait ; que c'est dans ces conditions qu'a été constituée la SARL LE 3eme MILLEN'R dont il est devenu le gérant ; que la société LE 3eme MILLEN'R, qui avait engagé M. A... comme directeur salarié, a commencé son exploitation au début du mois de septembre 1999 et a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 9 février 2000 après que la Banque Populaire de la Loire ait cessé ses concours ;

Attendu qu'en vertu de l'article L 624-3 du code de commerce , lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une

personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, par le dirigeant ;

Attendu que Me CHARRIERE ès qualités reproche à juste titre à M. Z... de ne pas avoir apporté à sa nouvelle activité les soins et l'attention requis ;

Qu'il est, en effet, constant que, gérant de droit de la société LE 3 eme MILLEN'R, M. Z... exerçait la profession d'agent commercial à temps plein et était domicilié dans la région lyonnaise ; que M. Z... soutient qu'il était sur Saint-Etienne deux jours et demi par semaine mais qu'il ne fournit aucun élément de preuve et qu'au contraire, dans le cadre d'une instance prud'homale, M. A... a précisé qu'il ne voyait que très rarement le gérant de la société ;

Qu'en outre, ne pouvant s'occuper de l'activité de la société personnellement, M. Z... a certes confié l'exploitation à M. A... qui avait une expérience dans le domaine de la restauration et du café et qui a été embauché à temps plein en qualité de directeur, mais qu'il n'est pas discuté que M. A... exerçait déjà à titre personnel une autre activité de café-bar à Saint-Etienne sous l'enseigne "Le Mi-Carême", ce que n'ignorait pas M. Z... ; qu'il n'est donc pas discutable que M. A... (dont il n'est pas prouvé qu'il s'était fait remplacer par un salarié au sein de son affaire personnelle) ne pouvait exercer de façon satisfaisante la responsabilité concomitante de deux établissements distincts (dont l'un correspondait à une activité qui lui était personnelle), Me CHARRIERE faisant observer pertinemment que l'absence quasi permanente de M. Z... ne lui permettait pas de contrôler la présence effective de M. A... au sein de l'établissement du 3 eme MILLEN'R ;

Qu'il s'agit là d'une faute de gestion incontestable alors que le

fonds de commerce était précédemment resté fermé pendant une longue période et que la reprise d'activité correspondait à une période extrêmement délicate qui aurait nécessité une attention et un suivi soutenus de la part du repreneur, ce que n'a pas fait M. Z... ;

Attendu que le chiffre d'affaires réalisé du 1er septembre 1999 au 31 décembre 1999 s'élève à la somme de 460.000 F selon Me CHARRIERE, de 470.000 F selon M. Z..., soit une moyenne de 100.000 F par mois ; que M. Z... indique qu'il a embauché un minimum de salariés mais que ceux-ci étaient au nombre de six, dont M. A... directeur, un cuisinier, un second à temps partiel, deux serveurs, un plongeur à temps partiel ; que les charges de personnel étaient donc importantes et non proportionnées au chiffre d'affaires réalisé ;

Que Me CHARRIERE fait valoir à bon droit qu'une présence plus régulière de M. Z... aurait certainement permis de contrôler plus sérieusement la comptabilité et de prendre des mesures tant qu'il était encore temps ;

Attendu qu'à cette situation s'est ajouté le fait que M. Z... n'a pas apporté suffisamment de fonds propres pour assurer le fonctionnement de la société dans des conditions normales (M. et Mme Z... n'ayant apporté qu'une somme de 45.000 F, outre 17.000 F en compte courant, M. A... 5.000 F), alors que le démarrage de l'activité impliquait un besoin en trésorerie important et que le prêt de 300.000 F (qui n'aurait pas été excessif si les fonds propres avaient été suffisants) était destiné aux travaux de mise en conformité et d'embellissement des locaux ;

Attendu que M. Z... ne peut valablement prétendre pour sa défense qu'il n'aurait jamais été contraint de déposer le bilan si la Banque Populaire de la Loire n'avait pas stoppé abusivement ses crédits au mois de janvier 2000 en rejetant les chèques émis par la société LE 3eme MILLEN'R ; que si le tribunal de commerce de Lyon a, dans son

jugement du 7 septembre 2001, retenu la responsabilité de la banque pour avoir interrompu le découvert autorisé et alloué à M. Z... une somme de 100.000 F à titre de dommages intérêts, ce jugement a été réformé par un arrêt de cette Cour du 30 janvier 2003 et qu'à ce jour aucune décision de justice ne consacre la responsabilité de la banque;

Attendu qu'ainsi, il est établi que M. Z... a commis des fautes de gestion en relation avec l'insuffisance d'actif constatée dès lors que ces fautes de gestion ont contribué notamment au non paiement d'un grand nombre de fournisseurs ;

Que M. Z... discute le chiffre de 162.246,92 euros avancé par Me CHARRIERE au titre de l'insuffisance d'actif en soutenant qu'il doit être tenu compte exclusivement du passif antérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective et que le passif pouvant entraîner une sanction civile s'élèverait à une somme de 700.000 F, dont 350.000 F représente la créance de la Banque Populaire de la Loire pour laquelle il s'est avec son épouse porté caution solidaire à hauteur de 180.000 F ;

Attendu qu'en l'espèce la liquidation de la société LE 3 eme MILLEN'R a été prononcée immédiatement le 9 février 2000 sans poursuite d'activité , qu'aucune dette relevant de l'article L 621-32 du code de commerce n'a donc été générée après l'ouverture de la procédure collective ; que les "distinctions" que tente d'introduire M. Z... entre les différentes créances composant le passif ne sont donc pas justifiées ; qu'en tout état de cause, il convient de relever que M. Z... prétend qu'une grande partie des fournisseurs (dont les créances représentent une part importante du passif) a repris possession de son stock mais qu'il ne fournit aucun élément à l'appui de cette allégation ; qu'il peut seulement être retenu à propos de la créance du bailleur que celui-ci détient un dépôt de garantie de 72.000 F

devant en principe venir en déduction de la créance de loyers d'un montant de 76.168,95 F ;

Attendu qu'il appartient à la juridiction saisie sur le fondement de l'article L 624-3 du code de commerce d'apprécier la part qui doit être mise à la charge du dirigeant en fonction du comportement de celui-ci, de la nature et de l'importance des fautes de gestion retenues à son encontre ;

Qu'en l'espèce, compte tenu des éléments soumis à son appréciation, la Cour estime devoir fixer à 20.000 euros la somme mise à la charge de M. Z... ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à l'appelant la charge des frais irrépétibles qu'il a exposés à l'occasion de la présente procédure ; qu'il lui sera alloué une somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Réformant le jugement et statuant à nouveau,

Condamne M. Z... à payer à Me CHARRIERE ès qualités de liquidateur de la société LE 3 eme MILLEN'R la somme de 20.000 euros en application de l'article L 624-3 du code de commerce .

Le condamne encore au paiement de la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2003/02223
Date de la décision : 27/05/2004

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Responsabilité - Dirigeant social - Action en comblement - Faute de gestion

Est constitutif d'une faute de gestion incontestable le fait pour le propriétaire d'un fonds de commerce de confier l'exploitation d'un fonds à une personne certes d'expérience dans le domaine commercial concerné mais qui ne pouvait exercer de façon satisfaisante la responsabilité concomitante de deux établissements de commerce distincts en des lieux géographiques éloignés, à savoir Lyon et Saint-Etienne, étant relevé que l'absence quasi-permanente du propriétaire ne lui permettait pas de contrôler la présence effective de cette personne au sein de l'établissement. Cette faute est d'autant plus incontestable que le fonds de commerce était précédemment resté fermé pendant une longue période et la reprise d'activité correspondait à une période délicate nécessitant toute l'attention du propriétaire du fonds qui était repreneur de ce fonds


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2004-05-27;2003.02223 ?
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