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25/05/2004 | FRANCE | N°2003/02897

France | France, Cour d'appel de Lyon, 25 mai 2004, 2003/02897


La Deuxième Chambre de la Cour d'Appel de Lyon, composée lors des débats et du délibéré de : Maryvonne X..., présidente, Michèle RAGUIN-GOUVERNEUR, conseillère, Marjolaine MIRET, conseillère, assistées lors des débats tenus en audience publique par Anne-Marie Y..., greffière, a rendu l'ARRÊT contradictoire suivant : Exposé du Litige:

Madame Fatima Z... et Monsieur Mohamed A... se sont mariés le 18 décembre 1968 en Tunisie. La mariage a été dissous par décision de la Cour d'appel de TUNIS le 15 mars 2000. Le divorce a été transcrit sur les registres de l'état civi

l le 1er octobre 2001.

Monsieur Z... a assigné Madame A... devant le Tribu...

La Deuxième Chambre de la Cour d'Appel de Lyon, composée lors des débats et du délibéré de : Maryvonne X..., présidente, Michèle RAGUIN-GOUVERNEUR, conseillère, Marjolaine MIRET, conseillère, assistées lors des débats tenus en audience publique par Anne-Marie Y..., greffière, a rendu l'ARRÊT contradictoire suivant : Exposé du Litige:

Madame Fatima Z... et Monsieur Mohamed A... se sont mariés le 18 décembre 1968 en Tunisie. La mariage a été dissous par décision de la Cour d'appel de TUNIS le 15 mars 2000. Le divorce a été transcrit sur les registres de l'état civil le 1er octobre 2001.

Monsieur Z... a assigné Madame A... devant le Tribunal de Grande Instance de LYON afin que soit ordonnées la liquidation de l'indivision et une expertise pour évaluer les immeubles et faire le compte entre les parties.

Par jugement du 15 avril 2003, le Tribunal de Grande Instance de LYON a rejeté les exceptions de procédure soulevées par Madame A..., ordonné la liquidation et le partage de l'indivision ayant existé entre les ex-époux, ordonné une expertise pour évaluer les biens immobiliers indivis, faire le compte entre les parties, donner son avis sur la valeur locative de la maison occupée par Madame A..., condamné Monsieur Z... à verser un euro de dommages-intérêts et ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration remise au greffe de la Cour le 7 mai 2003, Madame A... a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions reçues au greffe de la Cour le 4 septembre 2003, elle demande que soit prononcée l'irrecevabilité des demandes; subsidiairement que les juridictions françaises se déclarent incompétentes au profit des juridictions tunisiennes; à titre infiniment subsidiaire, qu'il soit constaté que la pièce n° 1 (

contrat de mariage ) qui n'est qu'une traduction, est contestée alors qu'elle produit un document différent établi par un traducteur assermenté, qu'il soit dit en conséquence qu'il ne peut être procédé à une liquidation en l'absence de connaissance du contrat de mariage; en tout état de cause, qu'il soit dit que les époux ont de facto adopté le régime légal français de communauté, que la mission de l'expert soit étendue à l'évaluation des biens possédés par Monsieur Z... en Tunisie et aux conditions dans lesquelles le redressement fiscal de 734 430 F a été payé, que la condamnation de Monsieur Z... en matière de dommages-intérêts soit portée à 5 000 ä.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir notamment qu'il ne s'est pas écoulé un délai suffisant depuis l'assignation pour qu'elle puisse assurer sa défense correctement; que Monsieur Z... ne verse aux débats aucun document d'état civil démontrant par transcription du jugement tunisien qu'il est effectivement divorcé; que Monsieur Z... dispose de biens immobiliers de grande valeur en Tunisie; qu'en application d'une ordonnance rendue par le juge aux affaires familiales de LYON, elle percevait à titre de contribution aux charges du mariage les loyers des trois appartements de SAINT PRIEST; que cela a été confirmé lors de l'ordonnance de non conciliation; que cet accord n'a jamais été remis en cause malgré l'initiation d'une procédure de divorce en Tunisie; qu'il a fait l'objet d'un redressement fiscal qui a été réglé par ses fils, qu'aucune infidélité et qu'aucun comportement violent ne peuvent lui être reprochés; que le contrat de mariage allégué n'est pas un document original; que la traduction est totalement différente de celle qu'elle produit; qu'il n'est pas fait mention du régime matrimonial dans les actes d'achat d'immeubles en France; que les deux époux sont venus très rapidement en France; qu'ils ont acquis la nationalité française; qu'ils ont démontré par leurs agissements qu'ils

entendaient se soumettre au régime matrimonial légal français.

Par conclusions reçues au greffe de la Cour le 9 juillet 2003, Monsieur Z... demande la confirmation du jugement entrepris, et la condamnation de Madame A... à 1 000 ä de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Au soutien de ses demandes, il fait valoir notamment que le divorce a été légalement prononcé en Tunisie; que la Cour d'appel de LYON a reconnu le caractère définitif de ce divorce par arrêt du 23 janvier 2001; que la compétence des juridictions françaises concernant la liquidation du régime matrimonial d'époux résidant en France et y ayant des biens ne peut être contestée; que nul n'est obligé de rester dans l'indivision; que la contribution aux charges du mariage n'a plus de raison d'être compte tenu du divorce prononcé définitivement; qu'il vit après toute une vie de labeur dans un appartement de 55 m avec un revenu mensuel de 300 ä par mois une fois le loyer payé; que Madame A... vit dans une villa avec jardin, l'ancien domicile con jugal, et continue de percevoir tous les loyers des immeubles achetés par son seul travail à lui. Motifs de la décision: Sur la compétence des juridictions françaises

Les juridictions françaises se sont déclarées incompétentes pour connaître de la procédure de divorce en France, du fait de la saisine des juridictions tunisiennes d'une demande en divorce. A l'époque de la saisine des juridictions tunisiennes, Monsieur A... et Madame Z... étaient tous deux seulement de nationalité tunisienne.

Monsieur A... et Madame Z... ont acquis la nationalité française par décret de naturalisation du 7 juin 1999. Par assignation du 28 mars 2003, Monsieur A... a saisi le Tribunal de Grande Instance de LYON en liquidation du régime matrimonial. A cette date, les deux parties ont la nationalité française outre la nationalité tunisienne, et elles ont leur domicile en France. Ce sont donc les juridictions françaises

qui sont compétentes pour connaître du litige. Sur la recevabilité des demandes

Les tribunaux français étant compétents, c'est la loi du for qui s'applique à la procédure, donc la loi française.

Les dispositions de l'article 792 du nouveau code de procédure civile prévoit que le président s'assure le jour de l'audience qu'il s'est écoulé un délai suffisant depuis l'assignation, étant rappelé que son alinéa 2 autorise que l'affaire soit plaidée sur le champ lorsque le défendeur a constitué avocat, même en l'absence de conclusions ou sur simples conclusions verbales. En l'espèce, l'autorisation d'assigner à jour fixe a été donnée le 7 mars 2003 pour le 8 avril 2003. B... n'est pas contesté que l'assignation a été délivrée avant l'audience soit le 28 mars 2003, et que, malgré le délai assez bref laissé à Madame Z... pour préparer sa défense, elle a pu, comme elle l'indique elle-même dans ses conclusions, rencontrer son conseil et conclure.

En ce qui concerne la validité de l'assignation, outre le fait que ce moyen n'a pas été soulevé devant le premier juge, Madame Z... ne démontre pas l'absence de fondement juridique de la demande. En effet, l'article 56 du nouveau code de procédure civile exige seulement que l'assignation contienne l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et endroit, étant observé que de manière constante l'objet peut n'être exprimé que de façon implicite. Or, l'assignation comporte, outre la demande de cessation de l'indivision entre Monsieur A... et Madame Z..., la demande de désignation d'un expert et d'un notaire chargé des opérations de liquidation et de partage. B... ne saurait dès lors être prétendu que la demande n'est pas fondée, étant souligné qu'en outre une irrégularité de l'assignation doit avoir causé grief au défendeur pour entraîner sa nullité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En ce qui concerne enfin l'absence de document établissant avec

certitude le contrat de mariage souscrit par les conjoints en Tunisie, elle ne peut constituer, à supposer qu'elle soit établie puisqu'au contraire deux versions du contrat de mariage sont proposées, une fin de non recevoir à une demande de liquidation-partage, le divorce étant définitif et transcrit.

Pour toutes ces raisons, la demande de Monsieur A... est recevable. Sur la loi applicable au régime matrimonial

B... convient tout d'abord de préciser que la compétence de la juridiction française n'entraîne pas de facto l'application de la loi française au fond. En outre, la loi applicable au régime matrimonial peut être différente de la loi applicable au divorce. Enfin, le juge français doit appliquer la loi étrangère, lorsqu'elle est désignée par la règle de conflit.

B... est constant qu'en matière de régimes matrimoniaux, tant la convention de LA HAYE sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux que le droit français, applicable à la procédure, renvoient à la loi du premier domicile, sauf volonté exprès de soumettre le régime matrimonial à une loi déterminée. B... n'est pas démontré que le premier domicile des époux, mariés en Tunisie, se soit situé en France, la Cour ne pouvant se contenter de l'affirmation non justifiée de ce que les conjoints sont venus très rapidement en France et qu'ils n'ont pas de facto vécu en Tunisie. Quant au contrat de mariage dont le contenu est discuté compte tenu de la production de deux traductions non identiques, il ne comporte, dans ses deux traductions, aucune référence exprès au choix d'une loi applicable, mais il ne fait pas non plus apparaître la moindre volonté de soumettre le mariage et ses effets à une autre loi que celle, commune, des deux époux à l'époque. B... ne saurait être considéré que les époux ont "de facto" adopté le régime légal français de communauté, alors qu'aucun élément, de droit ou de fait, ne va dans

ce sens. Dans ces conditions, il doit être considéré que c'est la loi tunisienne qui régit le régime matrimonial des époux, et qu'il s'agit donc d'un régime de séparation de biens. Sur le partage

B... n'est plus contesté en appel par Madame Z... que le divorce a été transcrit en Tunisie, divorce qui avait été reconnu comme définitif par la Cour de céans dès le 23 janvier 2001. B... est constant que ni l'arrêt de la Cour d'appel de TUNIS en date du 15 mars 2000, ni le jugement partiellement confirmé du 4 janvier 1998 n'ont ordonné la liquidation du régime matrimonial comme l'a relevé le premier juge. Le droit au partage établi par l'article 815 alinéa 1er du code civil est applicable à un immeuble situé en France indivis entre époux même étrangers soumis à un régime de séparation de biens.

Monsieur A... et Madame Z... ont acquis pendant le mariage plusieurs biens immobiliers, dont il convient en conséquence d'ordonner le partage et la liquidation. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point. Sur l'expertise

Madame Z... demande à nouveau en appel l'extension des opérations d'expertise aux biens possédés selon ses propres dires par Monsieur A... B... n'est pas démontré que les immeubles situés en Tunisie sont des biens communs: le régime matrimonial est un régime de séparation de biens; Madame Z... n'a jamais travaillé et le contrat de mariage ne fait allusion à aucun autre patrimoine que les 20 dinars versés à titre de dot ( mention qui figure dans les deux traductions). Cela est par ailleurs sans incidence sur la valeur des immeubles indivis situés en France. En ce qui concerne le redressement fiscal dont Monsieur A... a été l'objet, il n'est pas prétendu que Madame Z... a réglé cette dette, d'autant que Djamel A... et de Nordine A..., fils de Monsieur A... et de Madame Z..., ont assigné leur père en remboursement de diverses sommes, dont le redressement fiscal, le 6 août 2003, c'est à dire postérieurement au jugement entrepris.

Celui-ci sera donc également confirmé sur ce point, la demande d'extension de Madame Z... étant rejetée.

La décision entreprise ayant été assortie de l'exécution provisoire, l'expertise a d'ailleurs eu lieu et le rapport d'expertise a été déposé. B... convient de souligner que les parties n'ont pas conclu à nouveau après le dépôt du rapport. Sur les dommages-intérêts

Monsieur A... n'a pas repris en appel ses arguments relatifs au comportement de Madame Z..., étrangers aux débats. B... suffira de confirmer la décision de principe prise par le premier juge. Les deux parties utilisent leur double nationalité et les juridictions des deux Etats pour parvenir à leurs fins, à travers de multiples actions en justice. Dès lors, elles ne peuvent prétendre ni l'une ni l'autre subir un préjudice du fait de l'autre. Leurs demandes respectives de dommages-intérêts seront par conséquent rejetées. Sur les frais et les dépens

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens, les frais d'expertise étant divisés par deux. Par ces motifs, La Cour, Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens, les frais d'expertise étant divisés par deux. Cet arrêt a été prononcé publiquement par la présidente, Madame X..., en présence de la greffière, Madame Y..., et signé par elles.

La GREFFIÈRE

La PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2003/02897
Date de la décision : 25/05/2004

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale.

Même si le divorce a été prononcé par une juridiction étrangère, les juridictions françaises sont compétentes pour connaître de la liquidation d'un régime matrimonial dès lors que les époux ont acquis depuis la nationalité française et résident en France

CONFLIT DE LOIS - Régimes matrimoniaux - Régime légal - Détermination - Critères - Premier domicile matrimonial - /.

La loi applicable au régime matrimonial peut être différente de la loi applicable au divorce toutefois le juge français doit appliquer la loi étrangère si elle est désignée par la règle de conflit. En matière de régimes matrimoniaux, tant la Convention de la Haye applicable aux régimes matrimoniaux que le droit français applicable à la procédure renvoient à la loi du premier domicile, sauf volonté expresse de soumettre le régime matrimonial à une loi déterminée


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2004-05-25;2003.02897 ?
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