AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR R.G : 00/04879 SA DECATHLON C/ GRANDVAUX APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes LYON du 16 Juin 2000 RG :
199900719 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE - A ARRÊT DU 24 MAI 2004 APPELANTE : SA DECATHLON représentée par Me COCHET, avocat au barreau de ST ETIENNE INTIME : Monsieur Philippe X... comparant en personne, assisté de Me GRANGE, avocat au barreau de LYON (674) substitué par Me NISOL, avocat au barreau de LYON PARTIES CONVOQUEES LE : 25 septembre 2003 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 avril 2004 Présidée par Madame Claude MORIN, Conseiller, en remplacement du Président légitimement empêché, et composée en outre de Madame Christine DEVALETTE, Conseiller, toutes deux magistrats rapporteurs, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Madame Marie-France Y..., Greffier COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE : Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président
Madame Claude MORIN, Conseiller Madame Christine DEVALETTE, Conseiller ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé à l'audience publique du 24 Mai 2004 par Madame Christine DEVALETTE, Conseiller, en remplacement du Président empêché, en présence de Madame Marie-France Y..., Greffier, qui ont signé la minute.
EXPOSE DU LITIGE
Philippe X... a été engagé le 13/5/1996 par la société DECATHLON en qualité de responsable de rayon. Six mois plus tard, il a occupé le poste de responsable communication du magasin de Bron. Le 22/1/1999, l'employeur lui a adressé une lettre de licenciement rédigée ainsi qu'il suit :
"L'objet de cet entretien était de vous faire part du motif qui nous amenait à envisager votre licenciement, à savoir votre insuffisance professionnelle et plus précisément votre manque de communication avec l'équipe :
En effet :
- suite aux entretiens de fin d'année avec l'équipe de responsables de rayon, il m'a été nettement confirmé que votre apport en tant que responsable communication était nettement insuffisant. Ainsi :
. Vous deviez former les responsables de rayons à la communication événementielle, pour leur permettre d'organiser des actions (ex :
fêtes du sport). Puis à l'issue de la mise en place de l'événement , vous deviez faire un bilan écrit avec les responsables concernés, pour dresser les points positifs et négatifs et faire ainsi progresser toute l'équipe. Or, vous n'avez jamais réalisé d'entretien formalisé avec les responsables de rayon. Pourtant, 13 fêtes du sport ont été organisées, en 1998, la dernière datant du mois de novembre 98.
. Vous n'avez pas su expliquer l'importance du VitalSport. Cette situation a entraîné des rumeurs néfastes pour l'ambiance du magasin : les vendeurs ont cru que la baisse de leurs primes était dû aux coûts du Vital Sport.
Je vous rappelle que le 10 mai 1998, je vous avais déjà mis en garde. Malheureusement, vous n'en avez pas tenu compte.
- De même, vous n'avez pas tenu compte des différentes recommandations que je vous avais formulé lors de nos entretiens individuels (retour d'entretiens de fin d'année 1997 et entretien du 10 mai 1998).
Ainsi :
. Régulièrement, je vous ai demandé d'établir des rapports d'activités mensuels, comme pour tous les autres collaborateurs. Or pour 98, vous ne m'avez remis qu'un seul débriefing en décembre 98.
. Vous critiquez régulièrement les stratégies mise en place par le service Communication France et le responsable de la communication M. Z....
Compte tenu de ces nombreuses lacunes, je pouvais difficilement envisager votre maintien sur le poste de responsable de la communication. C'est pourquoi, j'ai souhaité vous redonner une chance en vous proposant, de prendre la responsabilité du rayon cycle. L'objectif de cette proposition était que vous appreniez à animer avec une équipe, pour vous permettre de réaliser votre objectif professionnel (devenir patron d'agence de location). Par courrier en date du 11 décembre 1998, vous avez refusé cette proposition.
En conséquence, je vous notifie par la présente votre licenciement." Philippe X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Lyon, qui, dans sa décision rendue en formation de départage le 16/6/2000, a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et a condamné la société DECATHLON à lui verser les sommes suivantes:
- 70 000.00 F à titre de dommages-intérêts,
- 17 705.25 F au titre de la rémunération des heures supplémentaires, outre l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,
- 5 813.91 F à titre de dommages-intérêts pour non respect du droit à repos compensateur,
- 4 000,00 F en application de l'article 700 du NCPC.
La société DECATHLON a relevé appel de ce jugement.
A l'appui de son appel, elle expose que Philippe X... a été licencié non pas pour avoir refusé une modification de son contrat de travail, comme l'a retenu à tort le premier juge, mais en raison de son insuffisance professionnelle. Elle considère que ce grief est suffisamment établi par les appréciations du salarié lui-même et de son supérieur hiérarchique figurant dans les entretiens de fin d'année, ainsi que par les attestations versées aux débats. Elle soutient que Philippe X... a refusé en toute connaissance de cause le poste qui lui était proposé à titre de seconde chance, comme il en avait le droit. Elle demande également l'infirmation du jugement sur la condamnation au titre des heures supplémentaires, qui ont été exécutées à l'insu de l'employeur.
Philippe X... demande la confirmation du jugement et la somme de 1 500 ä en application de l'article 700 du NCPC. Il maintient qu'il n'avait pas refusé la modification de son contrat de travail, qu'il n'était même pas éclairé sur les modalités de celle-ci par l'employeur qui ne démontre pas l'existence d'un quelconque grief à son encontre. DISCUSSION
Sur le licenciement:
Lorsque l'employeur propose à un salarié faisant preuve d'insuffisance professionnelle un autre emploi plus conforme à ses aptitudes, qui est refusé, ce n'est pas le refus de ce poste de reclassement qui constitue la cause réelle et sérieuse de
licenciement, mais l'insuffisance professionnelle.
Il résulte de la lettre de licenciement que la société DECATHLON, qui n'était pas satisfaite de la prestation accomplie par Philippe X... en sa qualité de responsable de communication, avait décidé de ne pas le maintenir à son poste, et de lui proposer celui de responsable de rayon qu'il a refusé.
Les différents reproches énoncés par la société DECATHLON dans la lettre de licenciement n'auraient pas mérité d'être pris en considération s'ils n'avaient été étayés que par les comptes-rendus d'évaluation de l'intéressé, dont le décryptage relève de l'exploit tant le langage utilisé par les parties est abscons. En résumé , les critiques (formation insuffisante des responsables de rayon, absence de rapports d'activité mensuels, communication interne insuffisante sur le salon vitalsport....) apparaissent contrebalancées par la reconnaissance des succès du salarié sur d'autres points (qualité des formations mises en place sur l'événementiel, apport technique et transmission d'un savoir-faire, organisation et réussite des fêtes du sport...). Cependant la société DECATHLON verse aux débats huit attestations émanant soit de supérieurs hiérarchiques, soit de collègues de travail, qui tous se montrent déçus de l'action de Philippe X... dans sa mission de responsable de communication. Ces attestations, qui ne sont pas contestées par ce dernier, ne se résument pas à une simple appréciation subjective de son activité, notamment celles établies par les responsables de rayon du magasin (Mrs Gomariz, Selosse, Richiardi, Raberin) qui se plaignent ne pas avoir bénéficié de son aide et de son savoir-faire au moment où ils en avaient besoin. Elles justifient la décision de l'employeur de ne pas laisser Philippe X... occuper plus longtemps un emploi dans lequel il ne donne pas satisfaction, et par conséquent son licenciement, si le refus du nouveau poste, qui lui est proposé, est avéré.
Il ressort de la lecture des différents entretiens de la fin d'année 1998 qu'il existait un dialogue entre le salarié et son supérieur hiérarchique tant sur ses insuffisances professionnelles, même si elles étaient intitulées "points de progrès", que sur la proposition de reclassement. Philippe X... avait déjà clairement indiqué qu'il n'était pas intéressé par le poste de responsable de rayon qu'il avait déjà exercé parce qu'il n'était pas "en phase avec son projet professionnel" (pièce 2 du salarié intitulée compte-rendu de notre entretien du 23/11/1998). La lettre du 3/12/1998, dans laquelle la société DECATHLON lui demandait de se prononcer sur cette proposition, n'était que la conclusion de ces discussions antérieures. C'est pourquoi, il ne peut lui être reproché de n'avoir pas estimé utile de répondre à une demande d'explication complémentaire, formulée par le salarié le 11/12/1998, qui portait encore et uniquement sur les raisons ayant conduit son supérieur hiérarchique à le " faire changer de métier", et non pas sur les modalités proprement dites de la proposition de reclassement, comme il le prétend dans ses écritures. De même, il ne peut non plus être reproché à l'employeur d'avoir considéré comme acquis le refus de Philippe X..., puisque celui-ci indiquait à nouveau dans sa réponse du 11décembre: "En résumé, tu souhaites me faire changer de métier pour que je sois responsable de rayon, alors que: 1) je n'en ai pas émis le souhait; 2) cela ne correspond pas à mon projet professionnel...".Ce refus ainsi exprimé n'est pas remis en cause par la dernière phrase de cette même lettre qui renvoie à l'attente d'explications sur les motivations du supérieur hiérarchique déjà évoquées.
La décision du premier juge doit par conséquent être infirmée. L'insuffisance professionnelle du salarié et son refus de la proposition de reclassement étant établis, son licenciement repose
sur une cause réelle et sérieuse, qui justifie le rejet de la demande en dommages-intérêts.
Sur les heures supplémentaires:
La cour adopte la motivation pertinente du premier juge, qui, après avoir vérifié que la demande en paiement de rappel de salaire était fondée sur des relevés quotidiens des horaires de travail pendant les manifestations intitulées semaines vitalsport, non-contredits par des éléments produits par l'employeur, et constaté que le tableau de relevé d'heures correspondant à l'année 1998 avait même été contresigné par le responsable hiérarchique de Philippe X..., a pu légitimement être convaincu du bien fondé de cette demande. Les différentes condamnations prononcées sur ce chef de demande seront donc confirmées.
La demande de Philippe X... formée en application de l'article 700 du NCPC au titre de la procédure d'appel doit être rejetée comme mal fondée . En revanche, il n'y a pas lieu d'infirmer la condamnation prononcée de ce chef par le Conseil de Prud'hommes, dès lors que sa saisine était partiellement justifiée. Il en est de même pour la condamnation aux dépens de première instance. PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement critiqué seulement en ce qu'il a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement a une cause réelle et sérieuse,
Déboute Philippe X... de sa demande en dommages-intérêts,
Dit n'y avoir lieu au remboursement par la société DECATHLON des indemnités de chômage payées au salarié licencié,
Déboute Philippe X... de sa demande en application de l'article 700 du NCPC,
Condamne Philippe X... aux dépens d'appel.
Le Greffier,
Pour le Président empêché,
M-F Y...
Le Conseiller, C. DEVALETTE.