AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE R.G : 00/05823 SA LLM TRANSPORTS BENOIT C/ BANSAC APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes LYON du 06 Septembre 2000 RG : 199902040 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 05 MAI 2004 APPELANTE : SA LLM TRANSPORTS BENOIT Maître BELIN de CHANTEMELE avocat au barreau de Lyon INTIME :
Monsieur Henri X... Maître NEPLE avocat au barreau de Lyon PARTIES CONVOQUEES LE : 03.10.2003 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Mars 2004 COMPOSITION DE Y... COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur VOUAUX-MASSEL, Président Monsieur GERVESIE, Conseiller Madame MONLEON, Conseiller Assistés pendant les débats de Monsieur Julien Z..., Greffier. ARRET :
CONTRADICTOIRE Prononcé à l'audience publique du 05 Mai 2004 par Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président, en présence de Monsieur Julien Z..., Greffier, qui ont signé la minute. *************
EXPOSE DU LITIGE Monsieur X... était embauché le 10 septembre 1990 par la société VITALI en qualité de conducteur routier, groupe 6, coefficient 138 M de convention collective des transports routiers. Son contrat était repris à compter de 1996 par la société LLM TRANSPORTS BENOIT. Y... société LLM TRANSPORTS BENOIT adressait à son salarié une lettre recommandée avec accusé de réception datée du 24 février 1999 (avis de réception non produit), ayant pour objet "avenant à votre contrat de travail" et ainsi libellée : "Nous vous
proposons de poursuivre votre activité ans notre société avec effet au 1er mars 1999 en qualité de conducteur routier POLYVALENT, groupe 6, coefficient 138 M de la convention collective des transports routiers. Vous ne pourrez prétendre à aucune affectation exclusive à un service ou à un véhicule. Vous percevrez un salaire brut mensuel de 7.340 francs ancienneté incluse pour un forfait horaire mensuel de 169 heures. Vous pourrez être amené à effectuer des heures supplémentaires en fonction des besoins du service..." Monsieur X... refusait cet avenant par mention apposée au bas du document le 3 mars 1999. Monsieur X... se voyait remettre en main propre le 9 mars 1999 la lettre suivante: "Suite à la perte du marché DARFEUILLE et du fait que votre contrat de travail ne comporte aucune affectation exclusive, nous avons été amenés à vous faire une proposition de reclassement référencée VV/GC9902246. Vous avez refusé cette proposition. Compte tenu du nombre de postes à pourvoir tant sur notre agence de VENISSIEUX que sur l'ensemble du groupe, il serait dommage que nous ne puissions pas arriver à un accord. Nous vous proposons donc de poursuivre votre activité en qualité de chauffeur GR6 coefficient 138 M, avec comme affectation : SYNCHRONY. Compte tenu de nos impératifs d'exploitation , nous vous demandons de bien vouloir répondre à la présente, dans un délai de trois jours, à réception du courrier..." Monsieur X... apposait la mention "refusé" sur le document le 9 mars 1999. Après convocation à un entretien préalable, Monsieur X... se voyait licencié pour cause réelle et sérieuse suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 mars 1999, ainsi libellée : "... Cet entretien avait pour but de vous exposer les faits qui vous sont reprochés, à savoir : - refus des différentes affectations proposées dans nos courriers des 1er mars 1999 et 9 mars 1999. Il s'agissait, pour la première proposition d'une affectation chez notre client "Polyvalent" avec prise de
service à VENISSIEUX, et pour la seconde proposition une affectation chez notre client SYNCHRONY avec prise de service à VILLEFRANCHE Sur SAONE, et de, par cuite de la perte du contrat DARFEUILLE. Vous avez refusé ces propositions alors que l'article 1 de votre contrat de travail ne prévoyait pas d'affectation exclusive. En conséquence, nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse, fondé sur votre refus..." Monsieur X... qui contestait le bien fondé de ce licenciement saisissait le Conseil de Prud'hommes de LYON, lequel par jugement en date du 6 septembre 2000 disait le licenciement de Monsieur X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnait la société LLM TRANSPORTS BENOIT à lui verser la somme de 55.000 francs à titre de dommages-intérêts, celles de 459 francs à titre de rappel de salaire, 4.524 francs à titre de rappel de congés payés et 4.000 sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il ordonnait également à la société LLM TRANSPORTS BENOIT de rembourser les indemnités de chômage versées à Monsieur X...
Y... société LLM TRANSPORTS BENOIT interjetait régulièrement appel de cette décision, dont elle demande l'infirmation, de telle sorte que Monsieur X... soit débouté de l'intégralité de ses demandes. Elle soutient, en effet, à titre principal quela rupture résultant du refus du salarié d'une modification de son contrat de travail par l'employeur pour un motif non-inhérent à sa personne, constitue un licenciement économique légitime. Y... société fait valoir, à titre subsidiaire, que le refus par le salarié de propositions qui ne constituaient pas une modification de son contrat de travail mais un simple changement d'affectation, constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement. Reprenant les arguments développés devant le premier juge, Monsieur X... sollicite la confirmation pure et simple du jugement du Conseil de Prud'hommes, sauf à ce qu'il lui soit alloué une
indemnité complémentaire de 1.200 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. MOTIFS DE Y... DECISION Attendu que la société LLM TRANSPORTS BENOIT soutient à titre principal que le licenciement dont a fait l'objet Monsieur X... est un licenciement pour motif économique, non inhérent à la personne du salarié ; Mais attendu qu'il sera toutefois fait observer, en premier lieu, que cette qualification que donne à présent l'employeur au licenciement intervenu le 23 mars 1999 est en contradiction avec la position qu'il avait adoptée dans un courrier adressé le 14 mai 1999 à Monsieur X... : "Nous faisons suite à votre courrier du 30.4.1999 et nous tenons à éclaircir certains points. Votre licenciement n'avait pas de caractère économique, mais un motif réel et sérieux reposant sur votre refus de changer d'affectation alors que notre proposition d'affectation du 9 mars ne contenait pas de modification substantielles de contrat de travail" ; Que si l'on devait néanmoins admettre que l'employeur, comme celui-ci le soutient dans ses dernières écritures, a entendu licencier Monsieur X... pour un motif économique, force est de constater que dans une telle hypothèse le refus que Monsieur X... a opposé aux propositions qui lui ont été faites ne peut en aucun cas lui être reproché ; Qu'en effet il résulte des deux courriers que l'employeur a adressés au salarié les 24 février et 9 mars 1999 que celui-ci n'a nullement usé de la faculté que lui offrait l'article L 321-1-2 du code du travail, d'informer le salarié, d'une part, qu'il envisageait, pour un des motifs économiques énoncés à l'article L 321-1 du dit code, une modification substantielle de son contrat de travail et, d'autre part, que le salarié disposait alors d'un délai d'un mois pour faire connaître son refus, le salarié étant réputé accepté à défaut de réponse dans le délai d'un mois; Qu'à cet égard, la lettre du 24 février 1999 propose à Monsieur X... "de poursuivre son activité dans la société avec effet
au 1er mars 1999 en qualité de conducteur routier polyvalent, groupe 6 coefficient 138 M de la convention collective des transports routiers" sans indiquer aucune raison au changement proposé, ni contenir d'information sur un quelconque délai pour y répondre (hormis le fait que le changement prendrait effet dès le 1er mars, soit 5 jours plus tard) ; Que si la lettre du 9 mars 1999 donne comme raison du changement envisagé "la perte du marché DARFEUILLE", elle impartit au salarié un délai limité à trois jours pour faire connaître sa réponse ; Que ces courriers n'ont dès lors nullement mis en oeuvre la procédure prévue à l'article L 321-1-2 précité et constituent, dans l'hypothèse d'un licenciement économique, de, simples "propositions de reclassements", comme les a d'ailleurs qualifiées la lettre du 9 mars 1999, de sorte que le refus du salarié de souscrire à ces propositions de reclassement, ne peut en tant que tel fonder le licenciement ; Qu'aussi le prétendu licenciement économique ne peut-il être fondé que sur un des motifs énoncés à l'article L 321-1 du code du travail ; Or attendu que force est de constater que la lettre de licenciement du 23 mars 1999 ne vise que "la perte du contrat DARFEUILLE" sans indiquer l'incidence que cette perte pourrait avoir sur la situation économique ou l'équilibre financier de l'entreprise ou encore le risque que la perte de ce contrat ferait courir pour la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ; que la société LLM TRANSPORTS BENOIT ne donne pas davantage dans ses écritures d'indications, ni ne fournit aucune pièce sur sa situation économique et financière et sur sa situation au regard du marché des transports routiers; Que le licenciement économique, dont se prévaut à titre principal la société LLM TRANSPORTS BENOIT est dès lors dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ; Attendu que la société LLM TRANSPORTS BENOIT a soutenu, à titre subsidiaire, que le licenciement était justifié pour un motif
inhérent à la personne du salarié, à savoir le refus qu'il a opposé aux deux changements d'affectation, alors que son contrat de travail ne prévoyait aucune affectation exclusive ; Mais attendu que, dans une telle perspective, le refus du salarié n'est fautif que pour autant que les propositions se limitent à un changement des conditions de travail, sans modifier le contrat de travail lui-même ; Qu'à cet égard le courrier du 24 février 1999 propose à Monsieur X... la poursuite de l'activité en qualité de conducteur routier POLYVALENT, groupe 6, coefficient 138M de la convention collective des transports routiers, étant précisé qu'il percevrait " un salaire brut mensuel de 7.340 francs ancienneté incluse pour un forfait mensuel de 169 heures et qu'il pourrait être amené à effectuer de heures supplémentaires en fonction des besoins du service"; Or attendu qu'il ne peut être contesté que cette proposition entraînait une modification importante de son niveau de salaire, puisqu'il ne serait plus rémunéré sur la base d'un forfait mensuel de 182 heures, (l'ensemble de ses bulletins de paie portent mention, de manière constante, de 13 heures supplémentaires par mois à 125%) mais sur la base de 169 heures et que la prime d'ancienneté, figurant de manière séparée sur tous les bulletins de paie, serait désormais incluse dans le salaire de base ; qu'il n'était plus fait état non plus dans la proposition des autres primes servies tous les mois, à savoir prime non accident et prime entretien ; que son salaire brute passait ainsi de 8.527,50 francs à 7.340 francs, soit une baisse de près de 14 % (1.187 francs ) ; Que le salarié ayant refusé expressément cette première proposition, l'employeur lui en adressait une seconde le 9 mars 1999 en se bornant à lui proposer de "poursuivre son activité en qualité de chauffeur coefficient 138 M, avec affectation : SYNCHRONY", sans apporter aucune précision sur le maintien éventuel d'une rémunération sur la base d'un forfait mensuel de 182 heures, qui était la règle
jusqu'alors, ni sur le maintien, d'un paiement séparé, de la prime d'ancienneté et des autres primes ; qu'en outre, si la lettre faisait état de ce que le contrat de travail ne comportait aucune affectation exclusive, il résultait néanmoins de la référence "à la perte du marché DARFEUILLE" et de la qualification de "propositions de reclassement" données à ces modifications une ambigu'té quant aux intentions de l'employeur de mettre en oeuvre une procédure de licenciement pour motif économique ; Que, dans ces conditions, le refus opposés par le salarié à ces "propositions" qui étaient manifestement de nature à affecter son contrat de travail et particulièrement sa rémunération, n'est dès lors nullement fautif et ne pouvait dès lors fondé un licenciement inhérent à la personne du salarié ; Que c'est dès lors à bon droit que le premier juge a considéré que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ; qu'il a fait, en vertu des dispositions de l'article L 122-14-4 du code du travail, applicables en l'espèce, une juste appréciation du préjudice subi par Monsieur X..., lequel avait 9 ans d'ancienneté lors de son licenciement ; que la condamnation de la société LLM TRANSPORTS BENOIT au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera dès lors confirmé ; Que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a ordonné, en application de l'article L 122-14-4 précité, le remboursement par la société LLM TRANSPORTS BENOIT des indemnités de chômages versées à Monsieur X... ; Que la décision, qui ne fait sur ce point l'objet d'aucune contestation de la part du l'employeur sera enfin confirmé en ce qu'elle a alloué à Monsieur X... un rappel de salaire et de congés payés ; Attendu qu'il est équitable, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, d'allouer à Monsieur X... une indemnité au titre des frais non compris dans les dépens, qu'il a dû exposer pour assurer sa défense en cause
d'appel, et qui viendra en complément de celle allouée sur le même fondement par le premier juge ; DECISION PAR CES MOTIFS Y... Cour, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 septembre 2000 par le Conseil de Prud'hommes de LYON ; Y ajoutant, Condamne la société LLM TRANSPORTS BENOIT à verser à Monsieur X..., sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, une indemnité complémentaire de 1.000 euros (en sus de celle allouée par le premier juge) ; Condamne la société LLM TRANSPORTS BENOIT aux dépens de première instance et d'appel. Le Greffier Le Président