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01/03/2004 | FRANCE | N°JURITEXT000006944080

France | France, Cour d'appel de Lyon, 01 mars 2004, JURITEXT000006944080


EXPOSE DU LITIGE : Pendant toute la période durant laquelle les époux X... ont détenu le capital social de la SARL MELISSA, Madame Marie-Claude X... a été déclarée en tant que salariée, comme "styliste", et rémunérée sur la base de cette qualification à un montant supérieur au minimum conventionnel. A la suite de difficultés, les époux X... ont cédé, en février 1995, la très grande majorité du capital social à une société DONALD DAVIES, SA. Lors d'une assemblée générale du 21 juin 1995, il a été décidé de procéder à une importante réduction des rémunérations

de Monsieur X..., en sa qualité de cogérant, et de Madame X..., en tant que salari...

EXPOSE DU LITIGE : Pendant toute la période durant laquelle les époux X... ont détenu le capital social de la SARL MELISSA, Madame Marie-Claude X... a été déclarée en tant que salariée, comme "styliste", et rémunérée sur la base de cette qualification à un montant supérieur au minimum conventionnel. A la suite de difficultés, les époux X... ont cédé, en février 1995, la très grande majorité du capital social à une société DONALD DAVIES, SA. Lors d'une assemblée générale du 21 juin 1995, il a été décidé de procéder à une importante réduction des rémunérations de Monsieur X..., en sa qualité de cogérant, et de Madame X..., en tant que salariée, sans changement de la qualification mentionnée sur les fiches de paie. Un contentieux commercial a opposé la société MELLISSA (c'est à dire DONALD DAVIES) aux époux X... dans le cadre de l'application de la clause de "garantie du passif fiscal existant au 9 février 1995" avec assignation de ces derniers, en février 1998, devant le Tribunal de Grande Instance de BELLEY, statuant en formation commerciale, dépôt d'un rapport d'expertise au 30 mai 2000 concluant qu'ils restaient devoir la somme de 180.120 francs, et condamnation, par jugement du 21 mai 2001, au paiement d'un solde de 122.952 francs, après compensation avec le solde créditeur du compte courant d'associé. C'est dans ce contexte que Madame Marie-Claude X..., née le 29 décembre 1939, partie à la retraite le 29 décembre 1999, a saisi le 30 juin 2000 la juridiction prud'homale de diverses demandes, au motif qu'elle avait été payée en dessous du salaire minimum conventionnel. Par jugement du 8 octobre 2002, le Conseil de Prud'hommes de LYON a : - dit que la demande de Madame Marie-Claude X... était recevable à dater du 1er juillet 1995, - condamné la société MELISSA à payer à Madame Marie-Claude X... les sommes suivantes : * 65.992,47 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juillet 1995 au 31 décembre 1999, * 6.599,25 euros à titre de congés payés afférents, * 4.536,99 euros à titre de

rappel d'indemnité de départ en retraite, * 550 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - débouté la société MELISSA de sa demande reconventionnelle, - condamné la société MELISSA aux entiers dépens. La société MELISSA, qui a fait appel le 18 octobre 2002, demande à titre principal, de dire que Madame Marie-Claude X... avait expressément donné son accord pour la baisse de sa rémunération en sa qualité d'associée de la société MELISSA dont elle était seule propriétaire avec son mari ; à titre infiniment subsidiaire, de dire et juger qu'en tout état de cause la demande de Madame X... ne peut porter que sur la période postérieure au 1er juillet 1995, que le salaire conventionnel sollicité ne correspond pas au texte conventionnel, que le paiement du salaire conventionnel à l'indice et au poste revendiqué était constitutif d'une discrimination vis-à-vis des autres salariés compte-tenu de l'aspect fictif de cet emploi ; en conséquence, d'infirmer le jugement et de rejeter l'ensemble des demandes de Madame X..., de condamner celle-ci à payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi que les entiers dépens. L'appelante fait, essentiellement, valoir, à partir de divers documents et attestations, que Madame X... ne remplissait pas effectivement des fonctions de "styliste", et qu'il doit être tenu compte de sa qualité d'associée. A la suite de la réouverture des débats, ordonnée pour assurer le respect du principe du contradictoire, en raison de la communication de nombreuses pièces nouvelles en cours de délibéré, des observations de l'appelant et de la Cour, Madame X... a modifié oralement, à l'audience du 26 janvier 2004, en baisse, ses demandes et ne sollicite plus que la condamnation de la société MELISSA au paiement des sommes de : - 315.678,15 francs, soit 48.124,82 euros, à titre de rappel de salaire pour la période de juin 1995 à décembre 1999, - 31.567,82 francs,

soit 4.812,48 euros, à titre de congés payés afférents, - 22.631,65 francs, soit 3.450,17 euros, à titre de solde d'indemnité de départ en retraite, - 3.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle rétorque, en résumé, qu'elle exerçait effectivement les fonctions de "styliste" figurant sur ses fiches de paie, en s'occupant de la conception et de la réalisation des collections ; que les attestations contraires doivent être écartées des débats, en raison du défaut d'indépendance et du manque de sincérité de leurs rédacteurs ; que la diminution de rémunération, en juin 1995, avait été imposée par l'associé majoritaire (la société DONALD DAVIES, représentée par la nouvelle cogérante, Madame Y...) ; qu'il n'est pas possible de déroger, dans un sens défavorable, aux dispositions de la convention collective. MOTIFS DE LA DECISION : La qualification professionnelle d'un salarié est, sauf réglementation spéciale, celle qui correspond aux fonctions et tâches effectivement remplies, en fait. En présence d'une qualification mentionnée sur les fiches de paie et le certificat de travail, il appartient à l'employeur, qui n'a pas appliqué la rémunération minimale conventionnelle prévue pour cette qualification, de rapporter la preuve, d'une part, qu'elle n'a pas été conférée volontairement, et d'autre part, qu'elle ne correspond pas à la réalité ; Et, toute renonciation du salarié, pendant le déroulement des relations contractuelles, à la perception d'un salaire inférieur au minimum conventionnel applicable à la qualification de l'intéressé est nulle, comma violant les règles protectrices. Tout d'abord, la société MELISSA ne peut donc se prévaloir d'une prétendue renonciation de Madame X..., celle-ci n'ayant jamais renoncée, en tant que salariée, à sa rémunération, ni signé le moindre document en ce sens, et s'étant abstenue de voter la résolution concernant la diminution de son salaire lors de l'assemblée générale du 21 juin 1995. En second lieu,

les fiches de paie de Madame X... portent toutes, soit antérieurement à juin 1995, soit postérieurement jusqu'à son départ en retraite, tout comme le certificat de travail, la qualification de "styliste, coefficient 4,20 cadre", et sa rémunération, qui était jusqu'à fin mai 1995 de 20.458 francs, est passée en juin 1995 à 12.930 francs. Elle fonde sa demande exclusivement sur la méconnaissance du salaire minimum conventionnel, et non sur l a modification du salaire contractuel. La qualification de "styliste" est ainsi définie par la convention collective de l'habillement (avenant IC 4 du 11 décembre 1970) : "détermine par sa création ou son choix le style d'une collection ; définit les produits, les lignes et les matières des modèles qui la composent ; supervise le respect du style des prototypes..." Madame X..., qui, pendant sa jeunesse, avait suivi une formation spécialisée dans le "patronage et la coupe", puis avait travaillé ensuite au sein d'une société "LAETITIA" en s'occupant de créations de collections de maillots de bains, pendant une dizaine d'années, affirme avoir poursuivi le même travail, depuis 1978, au sein de la société MELISSA, mettant en place, chaque année la collection annuelle, assurant la création des modèles (robes, maillots de bains) recherchant et choisissant les tissus, se déplaçant chez les fournisseurs, effectuant le suivi de la fabrication auprès des ouvrières à domicile. Madame Y..., cogérante, puis gérante de la société MELISSA depuis la prise de contrôle par DONALD DAVIES, précisément interrogée à l'audience du 26 janvier 2004, a admis que de juin 1995 à décembre 1999 personne d'autre que Madame X... ne s'était occupée de la conception et de la réalisation de chaque collection annuelle, hormis un essai de recours, ponctuel, à un créateur extérieur à la société, pour des modèles qui n'avaient, en fait, pas servi, selon Madame X... Z... lors, même exercé de façon peu élaboré et original, selon les attestations de deux anciennes

salariées (Mesdames GAGNE et VERGNE), qui affirment que Madame X... se servait "de figurines découpées dans les journaux de mode", alors qu'au contraire Madame A... souligne l'importance de son rôle, notamment dans les choix de couleurs et matières, ce rôle de création, de choix des collections, des tissus et formes ne peut être nié, et aucune preuve contraire convaincante n'et apportée. Les demande sont donc fondées en leurs principes. S'agissant des montants des diverses demandes, telles que modifiées oralement à l'audience du 26 janvier 2004, la société MELISSA, expressément interrogée par la Cour, a fait connaître, par l'intermédiaire de son conseil, qu'il n'y avait plus de contestation sur ce point, observation faite que la prescription quinquennale ne peut s'appliquer au salaire de juin 1995, payable début juillet, alors que le Conseil de Prud'hommes a été saisi le 30 juin 2000. Z... lors, il y a lieu d'allouer un rappel de salaire de 14.839,50 francs pour l'année 1995, 74.128,65 pour 1996 et 75.570 francs pour chacune des années 1997, 1998 et 1999, outre congés payés afférents, un complément d'indemnité de départ en retraite (71.291,02 francs moins la somme perçue de 48.659,37 francs), exactement calculée par l'intéressée conformément aux dispositions des articles 14 et 15 de l'annexe 4 relative aux ingénieurs cadres. Enfin, l'équité commande d'allouer à Madame X... la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, pour l'ensemble de la procédure. PAR CES MOTIFS : LA COUR, Réformant partiellement le jugement, condamne la société MELISSA à payer à Madame Marie-Claude X..., née B..., avec intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2000 seulement, les sommes de : - 48.124,82 euros à titre de rappel de salaire pour la période de juin 1995 à fin décembre 1999, - 4.812,48 euros à titre de congés payés afférents, - 3.450,17 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de départ en retraite. Condamne la société MELISSA à

lui payer la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, à titre de participation, pour l'ensemble de la procédure. Déboute la société MELISSA de toutes ses demandes. Condamne la société MELISSA aux entiers dépens, de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006944080
Date de la décision : 01/03/2004

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Salaire - Fixation

La qualification professionnelle d'un salarié est, sauf réglementation spéciale, celle qui correspond aux fonctions et tâches effectivement remplies. Dès lors, en présence d'une qualification mentionnée sur les fiches de paie et le certificat de travail, il appartient à l'employeur qui n'a pas appliqué la rémunération minimale conventionnelle prévue pour cette qualification de rapporter la preuve qu'elle n'a pas été conférée volontairement et qu'elle ne correspond pas à la réalité et toute renonciation du salarié pendant le déroulement des relations contractuelles à la perception d'un salaire inférieur au minimum conventionnel applicable à la qualification de l'intéressé est nulle.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2004-03-01;juritext000006944080 ?
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