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29/01/2004 | FRANCE | N°2002/05240

France | France, Cour d'appel de Lyon, 29 janvier 2004, 2002/05240


Instruction clôturée le 21 Novembre 2003 Audience publique du 12 Décembre 2003 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, DÉBATS en audience publique du 24 OCTOBRE 2003 tenue par Monsieur SIMON , Conseiller, chargé de faire rapport, sans opposition des Avocats dûment avisés, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : Monsieur SIMON, Conseiller faisant fonction de Président Monsieur SANTELLI, Conseiller, Monsieur KERRAUDREN, Conseiller, GREFFIER : la Cour était assistée de Madame X..., Greffier, lors des débats seulement

, ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 29 JANV...

Instruction clôturée le 21 Novembre 2003 Audience publique du 12 Décembre 2003 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, DÉBATS en audience publique du 24 OCTOBRE 2003 tenue par Monsieur SIMON , Conseiller, chargé de faire rapport, sans opposition des Avocats dûment avisés, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : Monsieur SIMON, Conseiller faisant fonction de Président Monsieur SANTELLI, Conseiller, Monsieur KERRAUDREN, Conseiller, GREFFIER : la Cour était assistée de Madame X..., Greffier, lors des débats seulement, ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 29 JANVIER 2004 Par Monsieur KERRAUDREN, Conseiller, le Président Monsieur SIMON étant empêché, qui a signé la minute avec Mademoiselle Y..., Greffier. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement rendu le 6 septembre 2002, le Tribunal de Commerce de LYON, déclarant recevable l'action de la S.A. Le Continent IARD subrogée dans les droits et actions de la S.A. MONA PARFUMS Holding, son assurée, a condamné la S.A. A.D.T. Télésurveillance venant aux droits de la société CIPE, à payer d'une part, à la S.A. Le Continent IARD la somme de 31.224,30 euros et d'autre part, à la S.A. MONA PARFUMS Holding celle de 1.392,77 euros, outre à chacune des deux sociétés une somme de 762,25 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire pour l'ensemble de ses dispositions.

La S.A. A.D.T. Télésurveillance a régulièrement formé appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

Vu l'article 455 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret N° 98-1231 du 28 décembre 1998 ;

Vu les prétentions et les moyens développés par la S.A. A.D.T.

Télésurveillance dans ses conclusions en date du 13 mai 2003 tendant à faire juger :

- que le système de télésurveillance n'était pas défectueux, malgré l'absence de déclenchement la nuit du 7 au 8 avril 1999, lors du vol avec effraction dans les locaux protégés,

- qu'il appartient à la S.A. Le Continent IARD et à son assurée, la S.A. MONA PARFUMS Holding, de faire la preuve que le système de télésurveillance présentait un défaut de fonctionnement ou une anomalie précise,

- que les cambrioleurs ont évolué dans une zone non couverte par le système de détection et qu'il appartenait à la S.A. MONA PARFUMS Holding de faire assurer un niveau de protection élevé comprenant le lieu de stockage et le bureau,

- qu'au demeurant, seule une réparation pour une perte de chance pourrait être mise à sa charge, la mise en place d'un système de surveillance ou de détection appropriée n'excluant pas totalement la réalisation d'un sinistre par vol ;

Vu les prétentions et les moyens développés par la S.A. Le Continent IARD et la S.A. MONA PARFUMS Holding dans leurs conclusions en date du 14 mai 2003 tendant à faire juger :

- que la S.A. A.D.T. Télésurveillance venant aux droits de la société CIPE porte l'entière responsabilité dans la survenance du sinistre par vol avec effraction dont la S.A. MONA PARFUMS Holding a été victime, le système de télésurveillance n'ayant pas fonctionné ensuite de son transfert dans d'autres locaux sans que la société CIPE n'attire l'attention du commerçant sur un défaut de couverture de toutes les zones par des radars volumétriques,

- que la clause de limitation de responsabilité insérée dans le contrat d'abonnement de télésurveillance avec option de prestation sécuritaire est inapplicable dans le cas d'une absence de protection

assurée par le système installé,

- qu'enfin une telle clause limitative est, en toutes hypothèses, non valide ;

MOTIFS ET DÉCISION

Attendu que la société CIPE a installé en septembre 1994 un système dit anti-intrusion destiné à protéger les locaux ("magasin-sotck") de la S.A. MONA PARFUMS Holding situé à PERPIGNAN 4, Place MONTBOLO ; que cette installation a été démontée et remontée, les 28 et 30 octobre 1997, dans d'autres locaux situés à PERPIGNAN Boulevard Frédéric MISTRAL ; qu' ont été conclus, le 8 septembre 1998, entre la société CIPE et la S.A. MONA PARFUMS Holding, un contrat de vente portant sur des matériels de télésurveillance supplémentaire, ainsi qu'en "renouvellement" un contrat dit "d'abonnement de télésurveillance vidéo avec option de prestation sécuritaire" désignant ainsi les lieux à "télésurveiller" : "bureau - magasin" ;

Attendu qu'il ressort d'une expertise amiable d'assurance diligentée à la requête de la S.A. Le Continent IARD que les cambrioleurs ont pu opérer sans déclencher le système de détection parce qu'ils ont évolué dans des zones non couvertes par les deux radars volumétriques installés ; que ce fait n'est pas contesté par la société CIPE, chargée d'assurer la maintenance des matériels de télésurveillance et de la prestation de "télésurveillance vidéo visuelle" ; que la S.A. MONA PARFUMS Holding a d'ailleurs fait constater que, le système de télésurveillance étant mis en service, celui-ci ne s'enclenchait pas lorsqu'il est effectué le cheminement reconstitué des cambrioleurs dans les locaux litigieux ;

Attendu que la S.A. A.D.T. Télésurveillance n'est pas fondée à invoquer l'article 7 du dernier contrat signé le 8 septembre 1998, qui exclut sa responsabilité pour le cas où la S.A. MONA PARFUMS Holding n'aurait pas en service, le jour du cambriolage, le système

de télésurveillance ; que d'une part, le fait qu'il ait été mis en service ou non n'a aucune incidence sur la réalisation du dommage puisque, en toutes hypothèses, les auteurs du vol ont évolué dans des zones non protégées par les deux radars volumétriques ; que le dommage est exclusivement dû au fait que les systèmes de détection couvraient insuffisamment tous les locaux ; que d'autre part, la S.A. A.D.T. Télésurveillance avait la possibilité de faire la preuve que son client, la S.A. MONA PARFUMS Holding, n'avait pas mis en service, le jour du cambriolage, le système de télésurveillance ; que la mise en service du système de télésurveillance chez le client a pour conséquence la transmission des images au centrale de télésurveillance vidéo de la S.A. A.D.T. Télésurveillance qui pouvait ainsi constater si le système d'alarme était ou non en service ;

Attendu que la S.A. A.D.T. Télésurveillance n'est pas fondée à invoquer l'article 1 du contrat d'abonnement de télésurveillance vidéo avec option de prestation sécuritaire par lequel l'abonné reconnaît qu'il a été conseillé par la société CIPE sur l'ensemble des moyens de détection et de télésurveillance vidéo nécessaires à la protection des locaux, qu'il a reçu une information complète sur la configuration du matériel nécessaire à l'équipement des locaux objets de la prestation de télésurveillance et qu'il a déterminé librement sous sa seule responsabilité le choix et la quantité des matériels de détection et de transmission dont il demande l'installation, tant au regard du niveau de protection qu'il a jugé utile qu'au regard du budget qu'il a entendu y consacrer ;

Attendu d'une part, que ces clauses de pure style ne peuvent exonérer totalement le professionnel qui n'a pas rempli effectivement son obligation de conseil ; que d'autre part, s'agissant en l'espèce, du transfert d'une installation dans des locaux différents, la société CIPE était tenue d'une obligation de conseil renforcée ; que la

protection du "magasin et du stock" était visée dans le contrat de 1994 ; que s'agissant de l'adaptation d'une installation existante à de nouveaux locaux, la société CIPE se devait d'attirer l'attention du client sur la fait que la protection résultant de l'installation existante, démontée puis remontée, était limitée à certaines zones ; que d'ailleurs, le contrat d'abonnement de télésurveillance vidéo avec option de prestation sécuritaire du 8 septembre 1998 désigne au titre des lieux protégés : "bureau et magasin" ; que les cambrioleurs se sont introduits par un bureau dépourvu de toute protection ; qu'enfin, il ne peut être reproché à la S.A. MONA PARFUMS Holding d'avoir voulu réaliser une installation à "l'économie" dès lors qu'à l'occasion du changement de locaux, elle a amélioré son système de télésurveillance en achetant de nouveaux matériels (deux caméras, un matériel technicom...) ; que la société CIPE a manqué à son obligation de conseil en réinstallant un système très insuffisant comme ne couvrant qu'une faible partie des locaux et ne couvrant pas la totalité du local de stockage, sans attirer de manière formelle l'attention du client sur la modification apportée à la qualité de la protection consécutivement au déménagement des locaux ; que la S.A. MONA PARFUMS Holding démontre que la société CIPE qui ne peut se prévaloir de la clause exonératoire insérée dans le contrat, a manqué à son obligation générale de conseil et d'information vis-à-vis de son client profane ;

Attendu que la S.A. A.D.T. Télésurveillance n'est pas fondée à exciper de la clause limitant sa responsabilité civile contractuelle à 50.000 francs par sinistre dès lors que cette clause n'a vocation à s'appliquer que pour le cas où le dommage direct ou indirect résulte "d'une défaillance du système CIPE" ; que les limitations contractuelles de responsabilité sont d'interprétation restrictive ; qu'en l'espèce, le dommage ne résulte pas d'une défaillance du

système mais d'un manquement de la société CIPE à son obligation de conseil et d'information ; que l'expression "dans tous les cas, hormis celui de ..." figurant à l'un des alinéas de l'article 7 dudit contrat se réfère à l'alinéa précédent du même article qui prévoyait la mise en jeu éventuelle de la responsabilité de la société CIPE pour les dommages "résultant d'une défaillance du système CIPE" et uniquement en ce cas ; qu'il s'ensuit que la limitation de responsabilité ne vaut que pour le cas expressément visé d'un dommage résultant d'une défaillance du système CIPE ;

Attendu que la responsabilité de la société CIPE doit s'apprécier dans le cadre de la théorie de la perte d'une chance pour la S.A. MONA PARFUMS Holding d'amoindrir les conséquences d'un événement dommageable ; que l'installation par la société CIPE d'un système de télésurveillance adéquat n'aurait pas eu pour effet d'anéantir toute possibilité dans la survenance de l'événement dommageable ; qu'elle aurait simplement pu en limiter les effets ; qu'il convient de fixer à la somme de 25.000 euros le montant des dommages et intérêts réparant la perte d'une chance pour la S.A. MONA PARFUMS Holding d'amoindrir les effets du vol perpétré ; que la S.A. MONA PARFUMS Holding qui a reçu de son assureur, la S.A. Le Continent IARD, une somme d'un montant supérieur soit 31.224,30 euros ne peut obtenir réparation de son préjudice supplémentaire de la part de la S.A. A.D.T. Télésurveillance ;

Attendu que l'exercice de la voie de recours n'a pas dégénéré en abus dès lors qu'il n'a pas procédé d'une erreur grossière équivalente au dol ou qu'il n'a pas révélé une intention de nuire ; que la partie intimée sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts présentée à ce titre ;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens

devra payer la S.A. Le Continent IARD la somme de 1.500 ä au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, pour l'ensemble de la procédure ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Reçoit l'appel de la S.A. A.D.T. Télésurveillance comme régulier en la forme,

Au fond, réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau, condamne la S.A. A.D.T. Télésurveillance à porter et payer à la S.A. Le Continent IARD la somme de 25.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2002 à titre compensatoire et celle de 1.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure .

Condamne la S.A. A.D.T. Télésurveillance aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître André BARRIQUAND, Avoué sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2002/05240
Date de la décision : 29/01/2004

Analyses

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Obligation de conseil

La société chargée du transfert et de l'adaptation d'une installation de télésurveillance dans de nouveaux locaux est tenue d'une obligation de conseil renforcée. Elle ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant des clauses de style d'un contrat par lequel l'abonné reconnaît qu'il a été conseillé sur l'ensemble des moyens de détection et de télésurveillance vidéo, qu'il a reçu une information complète sur la configuration de ce matériel et qu'il a déterminé librement, sous sa seule responsabilité, le choix et la quantité des moyens de détection et de transmission


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2004-01-29;2002.05240 ?
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