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14/01/2004 | FRANCE | N°2000/07440

France | France, Cour d'appel de Lyon, 14 janvier 2004, 2000/07440


EXPOSE DU LITIGE Madame X est entrée au service de la société VILDIS le 5 janvier 1967 en qualité d'aide comptable. Un contrat de travail ne sera rédigé et signé que le 9 décembre 1997. A compter d'avril 1999 , le fonds de commerce de la société VILDIS a été exploité en location gérance par la société ALDIS SUD EST 2, puis cette dernière a racheté la société VILDIS courant décembre 1999 avec effet au 1er janvier 2000. Alors que suivant lettre recommandée du 22 avril 1999 Madame X s'était vu proposer dans les formes prescrites à l'article L 321-1-2 du code du travail une

mutation dans un autre établissement, changement d'affectation qu'elle...

EXPOSE DU LITIGE Madame X est entrée au service de la société VILDIS le 5 janvier 1967 en qualité d'aide comptable. Un contrat de travail ne sera rédigé et signé que le 9 décembre 1997. A compter d'avril 1999 , le fonds de commerce de la société VILDIS a été exploité en location gérance par la société ALDIS SUD EST 2, puis cette dernière a racheté la société VILDIS courant décembre 1999 avec effet au 1er janvier 2000. Alors que suivant lettre recommandée du 22 avril 1999 Madame X s'était vu proposer dans les formes prescrites à l'article L 321-1-2 du code du travail une mutation dans un autre établissement, changement d'affectation qu'elle refusait, elle se voyait notifier par lettre recommandée du 21 décembre 1999 son changement d'affectation à Brignais. Après convocation à un entretien préalable en date du 14 janvier 2000, elle se voyait notifier suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 février 2000 son licenciement pour faute grave en ces termes : "... Nous vous rappelons les faits qui vous sont reprochés : par courrier du 21 décembre 1999 nous vous informions de votre nouvelle affectation sur le site de BRIGNAIS, nouvelle affectation décidée suite à la réorganisation de la région Rhône-Alpes. Par courrier du 30 décembre vous refusez cette mutation sous prétexte qu'elle constitue une modification substantielle de votre contrat de travail...Nous vous rappelons qu'une clause de mobilité est prévue dans votre contrat de travail qui énonce que "Madame X accepte dès à présent tout changement de lieu de travail sur l'ensemble du secteur géographique où la société exercera son activité"...". Le 30 mars 2000, Madame X saisissait le Conseil de Prud'hommes de VILLEFRANCHE Sur SAÈNE lequel par jugement du 30 novembre 2000 disait que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, allouait un rappel de congé d'ancienneté, les indemnité de rupture, une somme de 127.650 francs à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et une indemnité

sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il ordonnait en outre le remboursement des indemnités de chômage aux organismes concernées et déboutait Madame X du surplus de ses demandes. La société ALDIS SUD EST 2 interjetait régulièrement appel de cette décision. Il conclut au débouté de Madame X de tous ces chefs demande. Il rappelle que le motif du licenciement était disciplinaire et non point économique. Il estime que Madame X était légalement réputée avoir accepté sa mutation à Brignais, faut de l'avoir refusée dans le délai d'un mois à la suite de la notification du 22 avril, prévue à l'article L 321-1-3 du code du travail. Il soutient que par suite du refus d'obéissance de Madame X consécutif à sa mutation notifiée en application de la clause contractuelle de mobilité, c'est à bon droit que l'employeur a mis en ouvre la procédure disciplinaire, et non la procédure de licenciement économique prévue par l'article L 321-1-3 du code du travail, et qu'il a prononcé le licenciement de la salariée pour faute grave en vertu de la clause de mobilité qui a été appliquée sans abus. Il demande à titre subsidiaire qu'il ne soit pas alloué à Madame X une somme supérieure à six mois de salaire. Il sollicite enfin la condamnation de Madame X à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Aux termes de conclusions auxquelles la Cour se réfère expressément, Madame X demande la confirmation du jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a dit que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et lui a alloué une indemnité de préavis, les congés payés y afférents et une indemnité compensatrice des congés payés supplémentaires pour ancienneté. Elle sollicite par contre sa réformation pour le surplus et la condamnation de la société ALDIS SUD EST 2 à lui verser les sommes de 498,98 euros au titre de rappel de congés de fractionnement, 10.032,67 euros à titre

d'indemnité conventionnelle de licenciement , 42.812,22 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2.286,74 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Madame X demande en outre qu'il soit ordonné à la société ALDIS SUD EST 2 de communiquer tous les éléments utiles qui lui permettront d'apprécier sa demande au titre de l'intéressement et/ou de la participation tant en son fondement qu'en son quantum et de fixer dès à présent la montant de la provision à valoir au titre de cette demande à la somme de 2.000 euros. MOTIFS DE LA DECISION Attendu qu'aux termes de l'article L 321-1-2 du code du travail : "Lorsque l'employeur, pour l'un des motifs énoncés à l'article L 321-1, envisage une modification substantielle des contrats de travail, il en informe chaque salarié par lettre recommandée avec accusé de réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. A défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée" ; Attendu qu'il est constant, en l'espèce, que le 22 avril 1999, la société ALDIS SUD EST 2 adressait à sa salariée une lettre recommandée avec accusé de réception ainsi libellée: "Dans un souci de sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, nous avons décidé de restructurer et réorganiser la région lyonnaise afin de proposer à nos clients un meilleur service et notamment au départ des entrepôts situés à la Roche/ Foron et Sallanches. Aussi, faisant suite à nos différents entretiens, et conformément aux dispositions de l'article L 321.2 du code du travail, ainsi que la condition de mobilité stipulée dans votre contrat de travail, nous sommes amenés par la présente à vous proposer officiellement une mutation sur notre site de Brignais dans le Rhône, Sallanches ou la Roche sur Foron en Haute Savoie" Attendu que le même courrier donnait à Madame X un délai de

réflexion d'un mois et lui indiquait qu'à défaut de réponse dans ce délai, elle serait "réputée avoir accepté la modification proposée de son contrat de travail" ; Qu'en visant expressément la nécessité de restructurer et de réorganiser l'entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité et en impartissant à sa salariée un délai d'un mois, faute de quoi elle serait réputée avoir accepté la modification de son contrat de travail, la proposition de l'employeur s'inscrit bien dans le cadre de l'article L 321-1-2 précité (que l'employeur a d'ailleurs entendu visé expressément, "l'article L 321-2." cité dans la lettre et qui n'a nullement trait à une telle hypothèse étant manifestement dû à une erreur de transcription) ; Attendu qu'il en résulte qu'en notifiant une telle proposition dans le cadre de l'article L 321-1-2 du code du travail, alors même qu'il n'ignore pas l'existence d'une clause de mobilité puisqu'il en rappelle l'existence, l'employeur reconnaît que cette proposition a pour objet de modifier le contrat de travail ; qu'il n'est pas inutile de rappeler à cet égard que la clause de mobilité que Madame X avait acceptée de voir insérer à son contrat de travail, l'avait été à une époque où la société VILDIS (qui sera rachetée plus tard par la société ALDIS SUD EST 2) ne disposait que d'un seul établissement, celui de VILLEFRANCHE où travaillait la salariée ; Attendu que par lettre du 2 mai 1999, Madame X qui se disait intéressée par le site de Brignais, interrogeait son employeur notamment sur l'existence d'une indemnité de transport ; que l'employeur ayant répondu négativement par courrier du 26 mai 1999, Madame X faisait connaître par lettre recommandée du 2 juin 1999 qu'elle refusait son affectation à BRIGNAIS; Attendu que si, à la suite de cette réponse du 2 juin 1999, l'employeur ne procédait pas alors au licenciement de Madame X pour motif économique, il résulte néanmoins du compte-rendu de la réunion de la "DURP", tenue le 22 juin 1999 en présence du

Directeur Régional et des délégués du personnel de la société ALDIS SUD EST 2 qu'il y avait été exposé : "VILDIS reste à VILLEFRANCHE ainsi que la grande majorité du personnel : Services administratifs et commerciaux = 6 personnes dont 4 restent et 2 licenciées (1 à sa demande pour raison personnelle ; 1 pour refus de mutation sur BRIGNAIS)" ; qu'il résulte d'autres pièces produites qu'à partir de cette date, Madame X ne figurera plus sur l'organigramme de l'entreprise, ni sur les listings des équipes ; Que c'est dans ces conditions que par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 décembre 1999, l'employeur informait Madame X de sa nouvelle affectation à BRIGNAIS après lui avoir rappelé : "en avril 1999, nous vous avions déjà questionné dans les formes sur cette éventualité" ; Que Madame X ayant refusé cette affectation par courrier en date du 30 décembre 1999, elle faisait l'objet, après convocation à un entretien préalable, d'un licenciement pour faute grave, au motif qu'elle avait refusé sa mutation en dépit de la clause de mobilité prévue à son contrat de travail ; Mais attendu que dès lors que l'employeur avait reconnu, en l'état de la proposition qu'il lui avait faite conformément à l'article L 321-1-2 du code du travail, que le changement d'affectation géographique constituait une modification du contrat de travail, la clause de mobilité ayant été acceptée à une époque où il n'existait pas d'autres établissements, celui-ci ne pouvait pas procéder, comme il l'a fait, au licenciement disciplinaire de Madame X ; Que c'est, dès lors, à juste titre que le Conseil de Prud'hommes a considéré que le licenciement de Madame X était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; Qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué la somme de 17.020 francs (2.594,68 euros) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (deux mois) et celle de 1.702 francs (259,46 euros) au titre des congés payés y afférents; Attendu que la convention collective

applicable est celle du Commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, dont la mention figure d'ailleurs expressément sur les derniers bulletins de paie délivrés à Madame X ; qu'il s'ensuit que le montant de son indemnité conventionnelle de licenciement s'établit à la somme de 10.032,67 euros ; Attendu qu'il est constant qu'à la date de son licenciement, Madame X avait 33 ans d'ancienneté et était âgée de 51 ans ; qu'elle justifie des difficultés qu'elle a eu pour retrouver un emploi (un contrat à durée déterminée ) après un an et demi de chômage ; qu'il lui sera en conséquence alloué la somme de 31.000 euros ; Attendu qu'aux termes des dispositions conventionnelles (art.7-1.2 de la convention collective applicable), Madame X aurait dû bénéficier, après 20 ans d'ancienneté, de congés annuels supplémentaires de 3 jours, qu'elle n'a pu prendre faute de toute information sur ses bulletins de paie de ses droits à congés payés supplémentaires ; que compte tenu de la prescription quinquennale, elle a droit à une indemnité compensatrice pour 15 jours de congés supplémentaires, soit la somme de 748,47 euros, allouée par le Conseil de Prud'hommes ; Que de même, la salariée établit par la production de l'extrait du compte rendu de la délégation unique du personne en date du 22 juin 1999 et de ses bulletins de paie des mois de juin et juillet 1999, que l'entreprise ne fermait pas pendant la période de congés et qu'elle a été tenu de fractionner ses congés, sans que l'employeur ne lui accorde les journées de congés supplémentaires prévues à l'article L 223-8 du code du travail, soit 2 jours sur 5 ans, la somme demandée de 498,98 euros ; Que Madame X a également sollicité que soit ordonnée à la société ALDIS SUD EST 2 la communication de tous les éléments utiles devant permettre à la salariée de déterminer ses droits au titre de l'intéressement et/ou de la participation et que lui soit dès à présent allouée une somme de 2.000 euros à titre provisionnel ; Mais

attendu que Madame X, alors que la société ALDIS SUD EST 2 expose qu'il n'a jamais été signé au sein de l'entreprise aucun accord d'intéressement, ne verse au débats aucun commencement de preuve quant à l'existence d'un tel accord, alors qu'aux termes de l'article L 441-2 du code du travail les accords d'intéressement font l'objet d'un dépôt auprès des directions départementales du travail du lieu de leurs conclusions ; qu'à défaut de prouver l'existence d'une obligation de l'employeur, Madame X sera, par application de l'article 1315 alinéa 1er, déboutée de toutes les demandes qu'elle a formée de ce chef ; Attendu qu'il convient par ailleurs, en application de l'article L 122-14-4 du code du travail, de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à la société ALDIS SUD EST 2 de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Madame X, dans la limite de six mois d'indemnités ; Attendu qu'il est équitable, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, d'allouer à Madame X une indemnité au titre des frais non compris dans les dépens, qu'elle a dû exposer pour assurer sa défense ; Attendu que la société ALDIS SUD EST 2 qui succombe à l'instance, sera déboutée de la demande qu'elle forme sur le même fondement et sera tenue de supporter les dépens; DECISION PAR CES MOTIFS La Cour, Confirme le jugement rendu le 30 novembre 2000 par le Conseil de Prud'hommes de VILLEFRANCHE Sur SAONE en ce qu'il a dit que le licenciement de Madame X était dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné la société ALDIS SUD EST 2 à payer à Madame X les sommes de 2.594,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 259,46 euros au titre des congés payés y afférents et 748,47 euros au titre des congés d'ancienneté et a ordonné à la société ALDIS SUD EST 2 de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage servies à Madame X du jour du licenciement au jour du jugement, et ce, dans la limite de six mois d'indemnités ; Le réforme

pour le surplus et statuant à nouveau, Condamne la société ALDIS SUD EST 2 à verser à Madame X les sommes de : - 498,98 euros au titre des congés payés de fractionnement ; - 10.032,67 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ; - 31.000 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; - 1.600 euros, par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au titre des frais, non compris dans les dépens, exposés en première instance et en cause d'appel ; Déboute Madame X de toutes ses autres demandes plus amples ou contraires et en particulier de la demande qu'elle a formée au titre de l'intéressement et/ou de la participation ; Déboute la société ALDIS SUD EST 2 de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société ALDIS SUD EST 2 aux dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2000/07440
Date de la décision : 14/01/2004

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Modification

Dès lors que l'employeur reconnaît, en l'état de la proposition de mutation dans un autre établissement faite à un salarié conformément à l'article L. 321-1-2 du Code du travail, que le changement d'affectation géographique constituait une modification du contrat de travail, la clause de mobilité ayant été acceptée à une époque où il n'existait pas d'autres établissements, celui-ci ne peut pas procéder au licenciement disciplinaire en cas de refus du salarié.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2004-01-14;2000.07440 ?
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