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08/01/2004 | FRANCE | N°02/03166

France | France, Cour d'appel de Lyon, 08 janvier 2004, 02/03166


COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 08 JANVIER 2004

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce LYON du 16 mai 2002 - N° rôle : 2000J/4133 N° R.G. : 02/03166

Nature du recours : Appel

Audience publique du 05 Novembre 2003 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame MARTIN, Président, Monsieur SANTELLI, Conseiller Monsieur KERRAUDREN, Conseiller DÉBATS : à l'audience publique du 5 NOVEMBRE 2003 GREFFIER : la Cour était assistée de Madame X..., Gr

effier, présent lors des débats seulement, ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé à l'audien...

COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 08 JANVIER 2004

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce LYON du 16 mai 2002 - N° rôle : 2000J/4133 N° R.G. : 02/03166

Nature du recours : Appel

Audience publique du 05 Novembre 2003 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame MARTIN, Président, Monsieur SANTELLI, Conseiller Monsieur KERRAUDREN, Conseiller DÉBATS : à l'audience publique du 5 NOVEMBRE 2003 GREFFIER : la Cour était assistée de Madame X..., Greffier, présent lors des débats seulement, ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 8 JANVIER 2004 par Madame MARTIN, Président, qui a signé la minute avec Mademoiselle Y..., Greffier, présent lors du prononcé de l'arrêt.

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES

La société EURO FRANCE TEXTILES, qui crée et commercialise des articles vestimentaires, a commercialisé à partir de l'automne 1999 un modèle de parka pour femme. Ayant constaté que la société WBH MODE proposait à la vente dans son magasin situé au centre commercial de La Part-Dieu à Lyon des parkas quasiment identiques à son modèle, elle a fait assigner celle-ci devant le tribunal de commerce de Lyon pour obtenir réparation du préjudice résultant pour elle de la concurrence déloyale qui lui était causée. La société WBH MODE, à laquelle s'est jointe la société CAPTIVE (qui fournit la société WBH MODE) a appelé en garantie la société GIL'S STARS importatrice des

parkas litigieuses.

Par jugement du 16 mai 2002, le tribunal de commerce de Lyon a débouté la société EURO FRANCE TEXTILES de ses demandes.

La société EURO FRANCE TEXTILES a relevé appel du jugement. Par dernières conclusions récapitulatives en date du 20 octobre 2003, elle demande à la Cour de réformer le jugement, de dire que les sociétés WBH MODE, CAPTIVE et GIL'S STARS se sont rendues coupables de concurrence déloyale et parasitaire à son préjudice, de les condamner en conséquence sous astreinte définitive à cesser toute importation, détention, vente, diffusion d'articles du type de celui acheté sous constat de Me MIGNOT SAINT-PIERRE le 12 octobre 2000, d'ordonner au besoin à titre de dommages intérêts complémentaires la confiscation à son profit et la destruction aux frais in solidum des intimées des articles copiant son modèle, de condamner in solidum les trois intimées à lui payer une indemnité de 60 000 euros à titre de dommages intérêts, d'ordonner la publication du jugement par extrait dans cinq journaux à son choix, de condamner les trois intimées solidairement à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle fait principalement valoir que la diffusion d'un produit qui est la copie servile d'un produit créé et mis préalablement sur le marché est fautive et constitutive de concurrence déloyale dès lors qu'il existe un risque de confusion entre les produits ou sur leur origine, que son modèle présente des spécificités esthétiques liées aux surpiqûres particulières du matelassage, lesquelles sont servilement reproduites sur le modèle incriminé, que ce faisant les intimées ont commis une faute distincte de la simple copie servile en cherchant délibérément à reproduire l'élément distinctif de son modèle et créant ainsi sciemment un risque de confusion entre les produits.

Elle ajoute que la détention d'un titre de propriété industrielle

protégeant le produit imité ne rend pas irrecevable l'action visant à faire sanctionner les agissements fautifs d'un concurrent indélicat. Elle indique encore que les sociétés intimées ne sont pas fondées à contester sa paternité sur ce modèle de parka dont elle a remis au début de l'année 1999 le dessin à son fabricant chinois, qu'en matière de concurrence déloyale l'originalité de l'article copié n'est pas une condition de l'action, qu'il suffit de constater l'antériorité de commercialisation de la parka et que celle-ci est incontestable, qu'elle incrimine la diffusion de la parka litigieuse parce qu'elle est strictement identique à son modèle et qu'elle reproduit en particulier les éléments qui permettent de distinguer son modèle de parka de ceux de la concurrence générant ainsi un risque de confusion, que le fait que les sociétés intimées aient rajouté une capuche ne change rien au fait que la parka litigieuse reproduit intégralement sa parka, que l'éventuelle bonne foi de la société WBH MODE est inopérante.

Par conclusions du 27 mai 2003, les sociétés WBH MODE et CAPTIVE sollicitent la confirmation du jugement entrepris aux motifs qu'il n'y a ni concurrence déloyale ni concurrence parasitaire, que la marque différente et la présence de la capuche empêchent toute confusion, que la clientèle n'est pas la même, que la société EURO FRANCE TEXTILES ne justifie pas d'un préjudice, que la société WBH MODE est de bonne foi. A titre subsidiaire, elles demandent à être relevées et garanties par la société GIL'S STARS qui, d'une part, doit la garantie d'éviction à son acheteur et, d'autre part, en proposant à la vente la parka litigieuse alors qu'il lui appartenait de vérifier le cas échéant l'absence de contrefaçon a engagé sa responsabilité contractuelle. Elles demandent dans tous les cas la condamnation de la société EURO FRANCE TEXTILES ou de la société

GIL'S STARS, ou qui d'entre elles mieux le devra, à leur payer une somme de 10 000 euros chacune en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société GIL'S STARS, par dernières conclusions datées du 17 octobre 2003, soutient d'abord que pour la première fois en cause d'appel faisant état du dépôt de son blouson à titre de dessin et modèle le 4 janvier 2000 auprès de l'INPI, la société EURO FRANCE TEXTILES est irrecevable à invoquer l'article 1382 du code civil car le titulaire d'un droit de propriété intellectuelle n'a pas le choix entre l'action en contrefaçon et l'action en concurrence déloyale, s'imposant l'action en contrefaçon, et ce d'autant plus qu'elle se prévaut de ce modèle pour affirmer la primauté de sa prétendue création.

Sur le fond, elle conclut en tout état de cause à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 7 000 euros à titre de dommages intérêts pour appel abusif et la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile . Elle fait valoir à cet effet que le simple fait de vendre un article similaire à celui d'un concurrent ne constitue pas en lui-même un acte de concurrence déloyale, que la société EURO FRANCE TEXTILES n'articule aucun autre grief à son encontre que celui tiré de la copie servile, que le modèle de parka est banal et a été reproduit par l'ensemble des concurrents, les caractéristiques de la référence PHA99161 telle que précisée par la société EURO FRANCE TEXTILES, à savoir la forme, la matière, le dessin des coutures de matelassage, l'emplacement de poches se retrouvant sur les modèles MONCLER, EIDER, HELLY HANSEN et ROMY'S suivant les tendance de l'industrie saisonnière qui est l'industrie de l'habillement, que la société EURO FRANCE TEXTILES ne démontre aucun préjudice, que le débat que tente d'instaurer la société EURO FRANCE TEXTILES sur sa

paternité du modèle de doudoune référencé PHA99161 ne présente aucun intérêt dans le cadre juridique que s'est fixé la demanderesse.

La Cour se réfère, pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, aux écritures précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'action en concurrence déloyale

Attendu que l'action en contrefaçon d'un droit de propriété industrielle et l'action en concurrence déloyale procèdent de causes différentes et reposent sur des fondements totalement distincts, la première sanctionnant la méconnaissance d'un droit, la seconde sanctionnant une faute ;

Que la société EURO FRANCE TEXTILES, bien que titulaire d'un droit sur le modèle de parka litigieuse, est donc recevable à agir à titre principal en concurrence déloyale;

Sur le bien fondé de l'action en concurrence déloyale

Attendu qu'il appartient à la société EURO FRANCE TEXTILES d'établir l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice ;

Attendu que les parkas commercialisées par les intimées sont des copies serviles de la parka commercialisée par la société EURO FRANCE TEXTILES ;

Attendu que pour autant, une prestation qui ne fait pas ou ne fait plus l'objet de droits de propriété industrielle peut, en principe, être librement reproduite ;

Que s'abstenant de se placer sur le terrain de la contrefaçon, la société EURO FRANCE TEXTILES entend nécessairement se comporter comme si le modèle de parka en cause ne bénéficiait pas de la protection attachée au droit privatif lié au dépôt de son modèle auprès de l'INPI ;

Attendu que le simple fait de vendre un produit similaire à celui

d'un concurrent ne constitue pas par lui-même un acte de concurrence déloyale ; que la société EURO FRANCE TEXTILES ne conteste d'ailleurs pas sérieusement ce principe ; qu'elle soutient que la copie servile devient illicite en présence d'un risque de confusion ; qu'il lui appartient d'énoncer et d'établir les éléments susceptibles d'entraîner un risque de confusion ;

Attendu que la société EURO FRANCE TEXTILES fait valoir à cet égard que le risque de confusion entre les produits résulte du fait que les modèles sont strictement identiques, qu'elle précise son argumentation en exposant que ce qui distingue son modèle des autres modèles de parkas existants ce sont ses caractéristiques esthétiques extérieures et visibles, et notamment le surpiqûres particulières du matelassage qui présentent un décor immédiatement reconnaissable, et que ces spécificités esthétiques sont servilement reproduites par le modèle incriminé ; que la société EURO FRANCE TEXTILES voit ainsi dans cette reproduction l'existence d'une faute distincte de la copie servile et créant sciemment un risque de confusion entre les produits ;

Mais attendu qu'en argumentant de la sorte la société EURO FRANCE TEXTILES n'invoque pas d'autre élément que la copie servile du vêtement puisque la reproduction de ce vêtement à l'identique (étant rappelé qu'ils proviennent tous du même fournisseur chinois) comporte nécessairement la reproduction des surpiqûres du matelassage qu'elle estime spécifiques et distinctives ;

Que force est donc de constater que dans le cadre juridique où elle s'est placé, la société EURO FRANCE TEXTILES ne démontre pas l'existence d'une faute constitutive d'un acte de concurrence déloyale de la part de ses adversaires ni l'existence d'un préjudice en découlant ;

Qu'il convient d'ajouter que dans ce même cadre toute la discussion

relative à la paternité du modèle de parka ou encore à son originalité est inopérante ;

Attendu que le jugement qui a débouté la société EURO FRANCE TEXTILES de ses demandes sera, en conséquence, confirmé ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser aux intimées la charge des frais irrépétibles qu'elles ont exposés à l'occasion de la présente procédure ; que la société EURO FRANCE TEXTILES sera condamnée à payer la somme de 1 000 euros à chacune des sociétés WBH MODE et CAPTIVE et la somme de 2 000 euros à la société GIL'S STARS ; Qu'en revanche, la société GIL'S STARS ne démontrant pas le préjudice résultant pour elle de l'abus qu'elle impute à son adversaire sera déboutée de sa demande de dommages intérêts ;

PAR CES MOTIFS

et ceux non contraires des premiers juges,

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris.

Condamne la société EURO FRANCE TEXTILES à payer à chacune des sociétés WBH MODE et CAPTIVE une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne la société EURO FRANCE TEXTILES à payer à la société GIL'S STARS la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Rejette toutes autres demandes.

Condamne le société EURO FRANCE TEXTILES aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP JUNILLON-WICKY et de Me DE FOURCROY avoués.

Le Greffier

Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 02/03166
Date de la décision : 08/01/2004
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2004-01-08;02.03166 ?
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