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04/12/2003 | FRANCE | N°2002/01887

France | France, Cour d'appel de Lyon, 04 décembre 2003, 2002/01887


LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, DÉBATS en audience publique du 13 JUIN 2003

tenue par Monsieur SIMON, Conseiller, et Monsieur KERRAUDREN, Conseiller, chargés de faire rapport, sans opposition des Avocats dûment avisés, qui en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : Monsieur SIMON, Conseiller le plus ancien de la Chambre, faisant fonction de Président en vertu de l'ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de LYON en date du 10 décembre 2002 Monsieur SANTELLI, Conseiller, Monsieur KERRAU

DREN, Conseiller, GREFFIER : Mademoiselle X..., lors des débats seul...

LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, DÉBATS en audience publique du 13 JUIN 2003

tenue par Monsieur SIMON, Conseiller, et Monsieur KERRAUDREN, Conseiller, chargés de faire rapport, sans opposition des Avocats dûment avisés, qui en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : Monsieur SIMON, Conseiller le plus ancien de la Chambre, faisant fonction de Président en vertu de l'ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de LYON en date du 10 décembre 2002 Monsieur SANTELLI, Conseiller, Monsieur KERRAUDREN, Conseiller, GREFFIER : Mademoiselle X..., lors des débats seulement, ARRÊT :

CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 4 DÉCEMBRE 2003 Par Monsieur SIMON, Conseiller faisant fonction de Président, qui a signé la minute avec Madame Y..., Greffier, présent lors du prononcé de l'arrêt.

EXPOSE DU LITIGE - PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par déclaration du 2 avril 2002, Monsieur Christian Z... et Madame Nadine Z..., son épouse, ont relevé appel d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de BOURG-EN-BRESSE le 7 mars 2002 qui a prononcé la nullité pour cause illicite de la reconnaissance de dette et de la convention de croupier conclues entre les époux Z... et les époux A... le 18 août 1998, qui a débouté Monsieur Thierry A... et Madame Sylvie B... du surplus de leur demande ainsi que Monsieur et Madame Christian Z... de leur demande reconventionnelle sans faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Vu l'article 455 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 1998 ;

Vu les prétentions et les moyens développés par Monsieur et Madame Christian Z... dans leurs conclusions récapitulatives du 23 janvier 2003 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faire juger que l'article 21 de la loi du 25 janvier 1985 qui interdit aux dirigeants d'une personne morale en redressement judiciaire ainsi qu'à leurs parents et alliés jusqu'au deuxième degré inclusivement de présenter, directement ou par personne interposée, avec offre de reprise de l'entreprise en redressement ne prévoit pas la nullité du plan de cession, mais avec irrecevabilité ; que les intimés ne peuvent contester la réalité de la reconnaissance de dettes qu'ils ont souscrite sans se prévaloir de leur propre faute ; qu'il appartient aux intimés de prouver que la reconnaissance de dettes qu'ils ont signé à leur profit était sans cause et qu'aucune somme ne leur a été remise à cette occasion, comme ils le prétendent, que la nullité, si elle était prononcée, entraînerait la restitution par les époux C... de la somme de 150.000 francs qu'ils ont perçue au titre du prêt ; que le jugement doit être ainsi réformé ;

Vu les prétentions et les moyens développés par Monsieur Thierry A... et Madame Sylvie B..., ainsi que par Maître PICARD, administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société TI DÉCOR et par la SCP BELAT ET DESPRAT, représentant des créanciers, qui se sont associés aux intimés en intervenant volontairement dans la procédure en appel dans leurs conclusions du 14 janvier 2003 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à pour un plus ample exposé tendant à faire juger que les actes qu'ils ont signé le 18 août 1998 doivent être déclarés nuls en ce qu'ils reposent sur une cause illicite, à savoir d'avoir contrevenu aux dispositions de l'article 21 de la loi du 25 janvier 1985 ; que le prêt allégué par les époux Z... à leur profit n'est pas intervenu ; que ce n'est donc pas en vertu de ce prêt qu'ils ont souscrit des parts

dans la société TI DMP, dont l'objet a été de reprendre les actifs de la société DMP, ayant précédemment appartenu aux époux Z..., dans le cadre d'un plan de cession de cette société ; que le montage mis en place par les époux Z... est ainsi fondé sur une cause illicite ; que les actes doivent être annulés ;

Z... Z... Z...

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er avril 2003.

MOTIFS ET DÉCISION :

I/ Sur la demande en nullité formée par Monsieur Thierry Yet Madame Sylvie B... à l'encontre des conventions signées avec les époux Z... :

Attendu que pour s'opposer à la demande que forment Monsieur Thierry A... et Madame Sylvie B... en vue de voir annuler l'acte du 18 août 1997 par lequel ils ont souscrit une reconnaissance de dettes de 150.000 francs au profit des époux Z... ainsi que la convention de croupier conclue le même jour avec ces derniers, dont l'objet était de partager avec eux les bénéfices et les pertes des parts sociales de la société TI DMP nouvellement constituée le 1er juillet 1998 entre Monsieur Thierry A... et la société TI DÉCOR en vue de reprendre les actifs de la société TI DMP qui venait d'être mise en redressement judiciaire, dont les époux Z... avaient été les associés, dans le cadre d'un plan de cession arrêté le 26 juin 1998 en faveur de cette nouvelle société, les époux Z... soutiennent, d'une part, que la convention de croupier n'a jamais été exécutée, de sorte qu'il ne peut être rien réclamé au titre de son application et, d'autre part, qu'à supposer une quelconque nullité de l'acte de reconnaissance de

dettes, Monsieur Thierry A... et Madame Sylvie B... ne pourraient de toute façon se prévaloir d'une telle nullité en vertu du principe "NEMO AUDITUR PROPRIAM TURPITUDINEM ALLEGANS" ;

Attendu que si cette règle interdit en effet à celui qui a conclu un acte immoral, pour avoir été coupable d'une fraude, d'en demander l'annulation, elle ne s'oppose pas à ce que celui qui invoque l'illicéité de l'acte, en faisant état d'une violation de l'ordre public, la réclame, puisqu'il est en droit dans ce cas de se prévaloir d'un intérêt légitime ;

Attendu que tel est le cas en l'espèce, la cause illicite qu'allèguent les intimés au soutien de leurs prétentions étant le non respect de l'article L 621-57 du Code de Commerce (ancien article 21 de la loi du 25 janvier 1985) qui dispose que ne sont admis directement ou par personne interposée à présenter une offre de reprise d'une entreprise en redressement, ni les dirigeants de cette entreprise, ni les parents ou les alliés de ces dirigeants jusqu'au deuxième degré inclusivement ;

Attendu qu'en effet, comme l'a relevé avec justesse le premier juge, les deux actes souscrits par Monsieur Thierry C... et Madame Sylvie B... le 18 août 1998 étaient indissociables et avaient pour finalité par le truchement d'un prêt dont les consorts D... contestent d'ailleurs qu'il leur aurait été consenti par les époux Z... de faire souscrire par Monsieur Thierry A... 50 % des parts sociales dans le capital de la société TI DMP, dont les époux Z... avaient été précédemment les associés et qui était en redressement judiciaire et ce à concurrence du montant du prêt de 150.000 francs ;

Attendu qu'en convenant que les prêts souscrits par Monsieur Thierry A... devaient être remboursés aux époux Z... à compter du 31 juillet 2000 et que le paiement qui s'y rapporte serait effectué par l'attribution à ceux-ci de 1.500 parts de 100 francs chacune détenues par Monsieur

Thierry A... dans le capital de la société TI DÉCOR, les époux Z... ont manifestement contrevenu aux dispositions de l'article L 621-57 précité en se faisant attribuer - fût-ce à terme - la moitié du capital de la société TI DMP, laquelle avait repris les actifs de la société DMP, opération dont ils étaient en vertu de ce texte d'ordre public radicalement écartés ; que les époux Z... ont ainsi organisé une reprise occulte de la société DMP ; que l'acte qu'ils ont signé n'a en conséquence pas une cause licite, dès lors qu'il avait pour but par personne interposée de souscrire des parts sociales dans une société dans laquelle ils n'étaient pas en droit de participer eux-mêmes à raison de son objet ;

Attendu qu'il résulte de la signature par les époux Z... d'une convention de croupier avec Monsieur Thierry A... - dont l'objet était de partager avec lui une partie des résultats de l'entreprise au titre des parts qu'il avait souscrites dans la société TI DMP - qu'ils entendaient participer par cette convention de manière non ostensible à la société, Monsieur Thierry C... apparaissant à l'égard des tiers comme le seul associé ;

Attendu que, dans ces conditions, l'illicéité des deux actes ne fait aucun doute - chacun d'eux confortant l'autre, puisqu'ils concourent l'un et l'autre à l'existence d'un montage frauduleux ; qu'ils doivent être considérés de ce fait comme indivisibles ; qu'ils manifestent sans ambages l'intention des époux Z... de transgresser l'interdiction édictée à l'article L 621-57 du Code de Commerce, qui constitue une disposition d'ordre public ; que ces actes encourent en conséquence l'annulation ; qu'elle doit donc être prononcée ;

Attendu que le jugement déféré doit être confirmé de ce chef ;

II/ Sur les conséquences de l'annulation prononcée :

Attendu qu'il est de principe qu'en vertu de l'annulation, les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant

la conclusion de la convention annulée ; que cependant la restitution de ce qui a fait l'objet de la convention peut être écartée, lorsqu'elle a été annulée pour cause illicite ; que tel doit le cas en l'espèce, dès lors qu'il résulte des circonstances de la cause que la convention annulée n'a été conclue qu'en faveur et au seul profit des époux Z..., Monsieur Thierry A... et Madame Sylvie B... n'ayant aucun intérêt dans cette opération ; que la fraude ne peut leur être imputable ;

Attendu que, dans ces conditions, aucune restitution ne doit être ordonnée ; que les époux Z... doivent être en conséquence déboutés de leur demande reconventionnelle faite à ce titre ;

Attendu que le jugement déféré, qui a rejeté cette prétention, doit être confirmé de ce chef ;

III/ Sur les dommages et intérêts demandés par les intimés :

Attendu que Monsieur Thierry A... et Madame Sylvie B... justifient que les agissements frauduleux des époux Z... leur ont fait subir un préjudice résultant des difficultés qu'ils ont rencontrées du fait de cette fraude dans l'exploitation de la société TI DMP qui l'ont conduit à la cessation des paiements ; que ce préjudice doit être réparé par l'allocation d'une somme de 7.625 euros à titre de dommages et intérêts à la charge des époux Z... ; que le jugement déféré doit être réformé de ce chef ;

IV/ Sur les autres demandes :

Attendu qu'il serait inéquitable que Monsieur Thierry A... et Madame Sylvie B... supportent leurs frais irrépétibles et qu'il y a lieu ainsi de leur allouer une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu que les époux Z..., qui succombent, doivent être condamnés aux dépens ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts réclamés par Monsieur Thierry A... et Madame Sylvie B... aux époux Z...,

C... réforme de ce seul chef,

Et statuant à nouveau,

Déclare Monsieur Thierry A... et Madame Sylvie B... bien fondés dans leur demande en dommages et intérêts formée à l'encontre des époux Z...,

Condamne en conséquence les époux Z... à leur payer la somme de 7.625 euros en réparation de leur préjudice,

Les condamne encore à payer à Monsieur Thierry A... et Madame Sylvie B... la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi que les dépens qui seront recouvrés par Maître MOREL, avoué, conformément aux dispositions conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2002/01887
Date de la décision : 04/12/2003

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Redressement judiciaire - Période d'observation - Solution - Projet de plan - Auteur.

Si la règle nemo auditur propriam turpitudinem allegans interdit à celui qui a conclu un acte immoral d'en demander l'annulation, elle ne s'oppose pas à ce que celui qui invoque l'illicéité de l'acte la réclame dès lors qu'il se prévaut d'un intérêt légitime. Tel est le cas de la cause illicite pour non-respect de l'article L. 621-57 du Code de commerce qui dispose que ne sont pas admis directement ou par personne interposée à présenter une offre de reprise d'une entreprise en redressement, ni les dirigeants de cette entreprise, ni les parents ou les alliés de ces dirigeants jusqu'au deuxième degré inclus

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Nullité - Effets - Restitution.

La restitution de ce qui a fait l'objet d'une convention annulée pour cause illicite peut être écartée, ce qui est le cas d'une convention annulée qui a été conclue en faveur et au seul profit d'une des parties, la fraude n'étant pas opposable aux autres parties


Références :

Code de commerce, article L. 621-57

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2003-12-04;2002.01887 ?
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