Audience de plaidoiries du 30 Octobre 2003
LA SIXIEME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, composée lors des débats et du délibéré de :
. Monsieur LECOMTE, Président
. Madame DUMAS, Conseiller
. Monsieur BAUMET, Conseiller assistés lors des débats tenus en audience publique par Madame X..., Greffier, a rendu l'ARRET contradictoire suivant prononcé à l'audience publique du 26 NOVEMBRE 2003, par Monsieur LECOMTE, Président, qui a signé la minute avec Madame Y..., Greffier
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Z... avait été embauché par la Société FILLOT le 13 novembre en qualité de directeur technique. Il était également gérant de cette société.
Le 22 janvier 2001, il a démissionné tant de son mandat social que de son emploi salarié.
Par arrêt du 21 novembre 2001, la Chambre Sociale de la Cour d'Appel de LYON a condamné la Société FILLIOT DEMOLITION TECHNIQUES à payer à Monsieur Z... la somme de 43 888,24 ä à titre de prime contractuelle due en exécution du contrat de travail.
Le 22 novembre 2001, cette société, se prévalant d'une violation de la clause de non concurrence prévue dans le contrat de travail de Monsieur Z..., a fait établir un constat d'huissier faisant apparaître ce dernier comme directeur d'une Société SOCOTEC.
Autorisée par ordonnance sur requête du Juge de l'Exécution du 7 décembre 2001, la Société FILLOT DEMOLITION TECHNIQUE a fait pratiquer le 12 décembre 2001, entre ses propres mains, une saisie
conservatoire en garantie du paiement de la somme de 200 000 F, montant de sa créance ainsi évaluée au titre de son préjudice résultant du non respect par Monsieur Z... de la clause contractuelle de non concurrence.
Ce dernier a saisi le Juge de l'Exécution pour contester cette saisie conservatoire.
Par jugement du 5 février 2002, le Juge de l'Exécution du Tribunal de Grande Instance de LYON a débouté Monsieur Z... de l'ensemble de ses demandes en relevant que la Société FILLOT justifiait d'une créance paraissant fondée en son principe et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement en application de l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991.
Appel de cette décision a été relevé par Monsieur Z...
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Par arrêt du 25 juin 2003, la Cour d'Appel de ce siège a réouvert les débats pour inviter les parties à conclure sur la question de la validité de la clause de non concurrence en l'absence d'une contrepartie financière.
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A la reprise de la cause, Monsieur Z... fait valoir que par application de l'arrêt rendu par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation en date du 10 juillet 2002, une clause de non concurrence sans contrepartie financière est nulle et que la saisie conservatoire autorisée est caduque puisque privée d'effet.
L'appelante ajoute que la Société FILLOT DEMOLITIONS TECHNIQUES ne rapporte pas la preuve de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de l'hypothétique créance qu'elle détiendrait à son encontre.
Il conclut donc à la mainlevée de la saisie conservatoire sous astreinte de 1 500 ä par jour de retard et à l'octroi de la somme de 2 500 ä à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre celle de 1 500 ä en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
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Pour conclure à la confirmation du jugement déféré, la Société FILLOT TRAVAUX PUBLICS, venant aux droits de la Société FILLOT DEMOLITIONS TECHNIQUES, réplique que la jurisprudence de la Cour de Cassation ne peut s'appliquer rétroactivement et qu'en tout état de cause, l'importance de la rémunération complémentaire prévue dans le contrat de travail de Monsieur Z... englobait également la clause de non concurrence. A... précise que sa demande se fonde non seulement sur la clause de non concurrence mais également sur des faits de concurrence déloyale constitués par les détournements des clients LAMY, ARES et EM2C et le débauchage de salariés, faits fautifs d'ailleurs retenus par ordonnance de départage en référé du Conseil de Prud'hommes de LYON du 27 mars 2002, frappée d'appel. En conséquence, elle se prévaut d'une créance de dommages et intérêts fondée dans son principe. En outre elle fait état de craintes justifiées quant au recouvrement de sa créance en raison de l'attitude de Monsieur Z... A... ajoute n'avoir appris les agissements déloyaux de ce dernier qu'en juillet 2001 et se défend de vouloir paralyser l'exécution de l'arrêt de la Cour d'Appel de LYON du 21 novembre 2001. Enfin elle sollicite la somme de 1 524,49 ä en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que dans sa requête aux fins de saisie conservatoire, la
Société FILLOT DEMOLITION TECHNIQUES s'est prévalue du non respect de la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail de Monsieur Z... en date du 13 novembre 1997 ;
Or attendu que depuis le revirement de la jurisprudence de la Cour de Cassation du 10 juillet 2002, toute clause de non concurrence, pour être licite, doit être assortie d'une contrepartie financière ;
Que cette jurisprudence est d'application immédiate, comme cela est jugé ;
Attendu que l'argumentation de l'intimée tendant à analyser la contrepartie financière de la clause de non concurrence comme incluse dans la rémunération complémentaire de Monsieur Z... n'est pas fondée ; qu'en effet, la lecture du contrat de travail fait apparaître que la rémunération complémentaire correspond à une prime de résultat, rémunérant par ailleurs les heures supplémentaires et qu'elle n'a donc aucun rapport avec la clause de non concurrence;
Attendu qu'en l'absence de contrepartie financière de la clause de non concurrence, la créance en dommages et intérêts dont se prévaut la Société FILLOT TRAVAUX PUBLICS ne répond à l'exigence légale d'une "créance qui paraît fondée en son principe" en application de l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991 ;
Attendu, par ailleurs, que la Société FILLOT ne saurait valablement prétendre que la saisie conservatoire a été autorisée sur la base de faits fautifs de concurrence déloyale alors que ce fondement délictuel n'a pas été précisé dans la requête visant seulement la clause contractuelle ;
Attendu, dans ces conditions, que la Cour est conduite à réformer le jugement déféré et à ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire sous peine d'une astreinte de 250 ä par jour de retard à compter du délai de huit jours suivant la notification du présent arrêt ;
Attendu que l'attitude de la Société FILLOT TRAVAUX PUBLICS, ayant
cherché à ménager ses intérêts par le biais d'une mesure conservatoire entre ses propres mains, ne peut être considérée comme abusive ;
Qu'il n'y a pas lieu à l'octroi de dommages et intérêts ;
Attendu que l'équité n'emporte pas non plus de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de Monsieur Z... ;
Attendu, en revanche, que les entiers dépens de première instance et d'appel seront supportés par la société intimée qui succombe ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Vu l'arrêt de la Cour d'Appel de LYON du 25 juin 2003 ordonnant la réouverture des débats,
Vu l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991,
Réforme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 12 décembre 2001 par la Société FILLOT TRAVAUX PUBLICS au préjudice de Monsieur Z..., et ce, sous astreinte de 250 ä par jour de retard à compter du délai de huit jours suivant la notification du présent arrêt,
Déboute chacune des parties de leurs demandes contraires ou plus amples,
Condamne la Société FILLOT TRAVAUX PUBLICS aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP BAUFUME etamp; SOURBE, Avoués, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. LE GREFFIER
LE PRESIDENT