La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2003 | FRANCE | N°2002/2601

France | France, Cour d'appel de Lyon, 05 novembre 2003, 2002/2601


COUR D'APPEL DE LYON

SIXIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2003

Décision déférée : Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON du 11 septembre 2002 (R.G. : 2002/2601) N° R.G. Cour : 02/05439

Nature du recours : APPEL Affaire : Demande en réparation des dommages causés par d'autres faits personnels APPELANTES : FEDERATION NATIONALE LEO LAGRANGE représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, Avoués assistée de Maître UGHETTO, Avocat, (TOQUE 666) ETABLISSEMENT REGIONAL LEO LAGRANGE RHONE-ALPES AUVERGNE représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, Avoués assi

stée de Maître UGHETTO, Avocat, (TOQUE 666) INTIMES : Monsieur Michel X... représen...

COUR D'APPEL DE LYON

SIXIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2003

Décision déférée : Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON du 11 septembre 2002 (R.G. : 2002/2601) N° R.G. Cour : 02/05439

Nature du recours : APPEL Affaire : Demande en réparation des dommages causés par d'autres faits personnels APPELANTES : FEDERATION NATIONALE LEO LAGRANGE représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, Avoués assistée de Maître UGHETTO, Avocat, (TOQUE 666) ETABLISSEMENT REGIONAL LEO LAGRANGE RHONE-ALPES AUVERGNE représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, Avoués assistée de Maître UGHETTO, Avocat, (TOQUE 666) INTIMES : Monsieur Michel X... représenté par Maître BARRIQUAND, Avoué assisté de Maître PETIT, Avocat, (TOQUE 497)

Monsieur Le Procureur Général Y... :

Place Paul Duquaire 69005 LYON Instruction clôturée le 18 Juillet 2003 Audience de plaidoiries du 11 Septembre 2003

LA SIXIEME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, composée lors des débats et du délibéré de :

. Monsieur LECOMTE, Président

. Madame DUMAS, Conseiller

. Monsieur BAUMET, Conseiller assistés lors des débats tenus en audience publique par Madame Z..., Greffier, a rendu l'ARRET contradictoire suivant prononcé à l'audience publique du 05 NOVEMBRE 2003, par Monsieur LECOMTE, Président, qui a signé la minute avec Madame Z..., Greffier

Les pièces de la procédure ont été régulièrement communiquées au Ministère Public

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant ordonnance rendue le 11 septembre 2002, le Juge de la mise en état de la 1ère Chambre du Tribunal de Grande Instance de LYON a essentiellement estimé que cette juridiction était incompétente pour connaître de l'action en responsabilité engagée à l'encontre de Michel X... pour les faits de propos diffamatoires qui lui étaient reprochés dans l'assignation à lui délivrée par la Fédération Nationale Léo LAGRANGE et l'Etablissement Régional Léo LAGRANGE RHONE-ALPES AUVERGNE. Il a renvoyé ces derniers à se pourvoir devant le Tribunal Administratif de LYON.

Appelantes de cette décision, dont elles poursuivent la nullité, la Fédération et l'Association susvisées demandent à la Cour de dire, d'une part, que les faits commis par Monsieur Michel X... sont constitutifs d'une faute personnelle détachable de ses fonctions d'élu et de se déclarer compétente, d'autre part, que Monsieur X... a engagé sa responsabilité à leur égard en tenant des propos

diffamatoires au sens des articles 29 et 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881, enfin de le condamner à payer à chacune d'elles la somme de 1 ä à titre de dommages et intérêts et d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir.

Monsieur Michel X..., Maire de la commune de SAINT-FONS, conclut à titre principal à la confirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle déclarait incompétent le Juge judiciaire pour connaître de l'action indemnitaire exercée à son encontre.

Par acte du 13 juin 2003, le Préfet du Rhône a formé un déclinatoire de compétence tendant à ce qu'il soit dit que l'action engagée par les Fédération et Association appelantes ne relevaient pas de la compétence du Tribunal de l'ordre judiciaire et que la juridiction administrative était la seule compétente pour en connaître.

Dans des conclusions déposées le 16 juin 2003, le Procureur Général près la Cour de céans demande à la Cour de se déclarer incompétente et de renvoyer les parties devant la juridiction administrative.

SUR CE

Attendu que c'est à bon droit que les appelantes excipent de la nullité de l'ordonnance entreprise au motif que cette décision ne comporte pas la mention du nom du Juge qui l'a rendue ce, en violation des dispositions d'ordre public de l'article 454 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Qu'il sera fait droit à ce moyen ;

Attendu que la Fédération Nationale Léo LAGRANGE et l'Etablissement Régional Léo LAGRANGE RHONE-ALPES AUVERGNE exposent qu'en mars 2001 une nouvelle majorité municipale et un nouveau Maire ont été élus à SAINT-FONS ; qu'un audit des finances municipales a été confié au

Cabinet ANTOINE GAUDINO ; que le 14 novembre 2001, au cours d'un conseil municipal, le Maire, Monsieur X..., développait de graves accusations à l'encontre des appelantes accusées d'avoir participé au détournement de fonds au préjudice de la commune ;

Attendu qu'elles font valoir que la responsabilité d'un élu comme celle d'un agent public ne peut être engagée qu'autant que la faute qui lui est imputée, est détachable du service et que la jurisprudence caractérise selon trois critères alternatifs consistant en :

- la poursuite de préoccupations d'ordre privé ou d'un intérêt personnel,

- l'excès de comportement,

- l'acte inexcusable d'une particulière gravité ;

Attendu qu'elles avancent que les faits commis par Monsieur X... sont constitutifs d'une faute personnelle et détachable de ses fonctions ; Qu'en effet la formulation outrancière des accusations exprimées lors de la séance du conseil municipal du 14 novembre 2001 exceptionnellement médiatisé était contraire au droit d'information dont dispose un élu ; qu'en procédant par amalgame et en déformant sciemment des éléments techniques complexes il n'avait d'autre objectif que de nuire aux associations appelantes, ce qui traduit un manquement au devoir de prudence et une flagrante intention de nuire, interdisant à Monsieur X... de prétendre avoir agi dans le cadre de ses fonctions de Maire ;

Attendu que Michel X... oppose que c'est en qualité de Maire de la commune de SAINT-FONS présidant la séance du conseil municipal qu'il

a présenté les conclusions de l'audit financier et qu'aucune faute détachable de ses fonctions ne peut lui être imputée ; qu'il ajoute que selon la jurisprudence, seuls des propos tenus en dehors du conseil municipal seraient de nature à les faire qualifier de faute personnelle et détachable ;

Attendu que l'assignation délivrée le 13 février 2002 à la requête des appelantes qualifie de propos diffamatoires au sens des articles 29 et 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 les déclarations de Michel X... au cours de la séance du conseil municipal de SAINT-FONS le 14 novembre 2001 ;

Attendu qu'en toute hypothèse il appartient au Juge judiciaire de déterminer si les propos relatés dans l'assignation sont ou non constitutifs d'une diffamation au sens de la loi du 29 juillet 1881 ; Attendu en premier lieu que Michel X... invoque l'exception tirée de la nullité de l'assignation en raison du défaut d'articulation des faits poursuivis ; qu'il fait valoir que l'assignation a littéralement reproduit des propos qu'il a tenus alors que l'article 53 alinéa 1er de la loi sur la presse impose une précision des faits poursuivis ;

Mais attendu qu'aucune équivoque ne saurait exister quant aux phrases et passages reproduits dans l'assignation qui, selon les appelantes, présentent un caractère diffamatoire ; que sont respectées les exigences du texte susvisé relatives à la précision et à la qualification des faits incriminés ;

Attendu en second lieu que Michel X... sollicite qu'il soit sursis à statuer en l'état de l'information judiciaire ouverte par le Parquet de LYON à la suite des conclusions de l'audit financier réalisé ;

Mais attendu que la production de seuls articles de presse est manifestement insuffisante pour justifier de l'ouverture d'une information judiciaire ; que sera en conséquence rejetée la demande

de sursis à statuer ;

Attendu, sur le fond, que les propos reprochés à Michel X... sont ainsi rapportés dans la citation :

- "c'est sur un mandat de 12 000 000 francs mais il y a eu d'autres mandats. Depuis combien de temps l'Association Léo LAGRANGE est-elle là ä Depuis de nombreuses années. Imaginez le nombre de millions détournés pendant toutes ces années par cette association.

- ce véritable système mis sur place pour détourner l'argent public... se devait d'être dénoncé.

- comment admettre que plus de 12 000 000 francs minimum aient été détournés... Quel discrédit porter sur le système associatif en général.

- les facturations d'un montant de 60 000 francs effectuées par le réseau Léo LAGRANGE, pour le règlement d'adhésion individuelle... s'apparenterait donc à des détournements.

- ... interpellés sur la véritable nature des prestations payés par le CPNG, pour chaque contrat, les représentants de l'Union Régionale Léo LAGRANGE ont été dans l'incapacité totale de fournir le moindre élément matériel susceptible de justifier...

- le montant de la surfacturation de l'Union Régionale Léo LAGRANGE destinée à s'approprier indûment les fonds du CPNG versées... pourrait s'élever à un montant de l'ordre de 4 948 065 francs.

- les détournements ne pouvaient que profiter au réseau Léo

LAGRANGE." ;

Attendu que, de ces propos, il résulte que le réseau Léo LAGRANGE a, depuis plusieurs années, au moyen de procédés frauduleux, en particulier de contrats fictifs, détourné des sommes importantes allouées par la ville de SAINT-FONS ;

Attendu que cette imputation de détournements porte atteinte à l'honneur et à la considération de la Fédération Nationale Léo LAGRANGE et de l'Etablissement Régional Léo LAGRANGE, appelants dans la présente procédure ;

Attendu qu'il importe de relever que si les appelants se bornent à soutenir que Michel X... a effectué les déclarations ci-dessus visées, la question de la réalité de ces affirmations ne peut se poser dès lors que, dans ses écritures en cause d'appel déposées le 18 mars 2003, Michel X... reconnaît avoir tenu ces propos se défendant seulement d'avoir commis à cet égard une faute personnelle détachable de ses fonctions ;

Attendu qu'il s'ensuit que les faits visés et articulés dans l'assignation constituent une diffamation au sens de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu qu'il convient à présent d'examiner si ces faits sont constitutifs d'une faute personnelle et détachable des fonctions d'élu de Michel X... ainsi que le soutiennent les associations appelantes ;

Attendu qu'en l'espèce les propos reprochés ont été tenus par le Maire de la commune, en cette qualité, au cours d'une séance du conseil municipal, dans le cadre de la présentation d'un rapport financier relatif à l'utilisation des subventions publiques ; que les reproches de détournements reprennent les termes du rapport établi par un cabinet d'audit qui a procédé à des investigations sur la

gestion de la précédente équipe municipale ;

Attendu que, à supposer que la réalité de ces détournements ne soit pas établie, les propos de Michel X..., Maire de la commune, ne traduisent ni un excès de comportement ni un acte inexcusable d'une particulière gravité dès lors qu'ils se réfèrent à un document technique et ne révèlent que des informations relatives aux finances de la commune ;

Attendu qu'il s'ensuit que les agissements de l'intimé ne sauraient être regardés comme une faute personnelle détachable du service ; que, par suite, la juridiction judiciaire n'est pas compétente pour statuer sur l'action engagée par les appelantes aux fins d'obtenir réparation du préjudice qu'elles prétendent avoir subi ;

* *

*

Attendu enfin que l'équité ne commande pas l'application en l'espèce de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Vu le déclinatoire de compétence du Préfet du Rhône tendant au renvoi des parties devant la juridiction administrative,

Vu les conclusions aux mêmes fins du Procureur Général,

Déclare recevable l'appel interjeté par la Fédération Nationale Léo LAGRANGE et l'Etablissement Régional Léo LAGRANGE RHONE-ALPES AUVERGNE,

Prononce la nullité de l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Dit que les faits visés et articulés dans l'assignation délivrée à Michel X..., Maire de la commune de SAINT-FONS par la Fédération

Nationale Léo LAGRANGE et

Dit que les faits visés et articulés dans l'assignation délivrée à Michel X..., Maire de la commune de SAINT-FONS par la Fédération Nationale Léo LAGRANGE et l'Etablissement Régional Léo LAGRANGE RHONE-ALPES AUVERGNE constituent une diffamation prévue par l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881,

Dit que les agissements de ce maire ont été commis dans l'exercice de ses fonctions et ne sauraient être regardés comme une faute personnelle détachable du service,

Dit que, par suite, la juridiction judiciaire est incompétente pour connaître de l'action engagée aux fins d'indemnisation du préjudice, Renvoie en conséquence les parties à mieux se pourvoir,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne la Fédération Nationale Léo LAGRANGE et l'Etablissement Régional Léo LAGRANGE RHONE-ALPES AUVERGNE aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître BARRIQUAND, Avoué, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2002/2601
Date de la décision : 05/11/2003
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2003-11-05;2002.2601 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award