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23/10/2003 | FRANCE | N°2002/02851

France | France, Cour d'appel de Lyon, 23 octobre 2003, 2002/02851


EXPOSE DU LITIGE - PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par déclaration du 24 mai 2002, Messieurs X... et Y... Z... ont relevé appel d'un jugement rendu le 16 mai 2002 par le Tribunal de Commerce de LYON qui a dit que Monsieur X... Z... avait en la qualité de dirigeant de fait de la société Z... DIFFUSION, devenue EUROCOMPONENTI FRANCE, qui les a tous deux condamnés solidairement à payer à Maître SAPIN, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société EUROCOMPONENTI FRANCE, la somme de 121.960 euros au titre de l'article L 624-3 du Code de Commerce ains

i que celle de 3.800 euros en application de l'article 700 du Nouveau ...

EXPOSE DU LITIGE - PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par déclaration du 24 mai 2002, Messieurs X... et Y... Z... ont relevé appel d'un jugement rendu le 16 mai 2002 par le Tribunal de Commerce de LYON qui a dit que Monsieur X... Z... avait en la qualité de dirigeant de fait de la société Z... DIFFUSION, devenue EUROCOMPONENTI FRANCE, qui les a tous deux condamnés solidairement à payer à Maître SAPIN, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société EUROCOMPONENTI FRANCE, la somme de 121.960 euros au titre de l'article L 624-3 du Code de Commerce ainsi que celle de 3.800 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Vu l'article 455 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 1998 ;

Vu les prétentions et les moyens développés par Monsieur Y... Z... dans ses conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faire juger que tous les griefs qui lui sont faits par les organes de la procédure de la société EUROCOMPONENTI FRANCE, actuellement bénéficiaire d'un plan de continuation ne sont pas fondés ; qu'ainsi les conditions posées par l'article L 624-3 du Code de Commerce ne sont pas satisfaits ; qu'il n'est pas démontré qu'il a commis des fautes de gestion ayant entraîné une insuffisance d'actif ; qu'en conséquence il convient de débouter Maître SAPIN, ès qualités, de sa demande en comblement de passif ;

Vu les prétentions et les moyens développés par Monsieur X... Z... dans ses conclusions du 13 août 2002 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à qu'il n'a jamais été gérant de fait de la société EUROCOMPONENTI FRANCE ; qu'il n'est pas établi qu'il ait commis une faute en relation avec le préjudice subi par le

groupement des créanciers ; qu'en conséquence il convient de débouter Maître SAPIN et Maître REVERDY, ès qualités, de leurs demandes en comblement de passif ;

Vu les prétentions et les moyens développés par Maître SAPIN, ès qualités de mandataire ad hoc, chargé de poursuivre la procédure en comblement, désigné par jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 10 avril 2001 et par Maître REVERDY, ès qualités de représentant des créanciers, dans leurs conclusions récapitulatives du 24 avril 2003 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faire juger que Monsieur X... Z... était gérant de fait de la société EUROCOMPONENTI FRANCE ; que Messieurs Y... et X... Z... ont commis des fautes de gestion en organisant l'activité de la société, de sorte qu'elle a présenté dès l'origine une exploitation déficitaire ; qu'ils ont poursuive cette activité dans un dessein personnel en percevant l'intégralité de leur rémunération, malgré les pertes constatées ; qu'ils ont tenu une fausse comptabilité interdisant ainsi de gérer convenablement la société ; qu'il en est résulté un préjudice pour les créanciers du fait du dépôt de bilan consécutif à une activité irrémédiablement compromise ; qu'ainsi le jugement, qui n'a retenu qu'une indemnisation partielle du passif révélé dans la société, doit être réformé, les appelants devant être condamnés solidairement à payer l'intégralité du passif ; qu'à titre subsidiaire seulement il y aura lieu de confirmer le jugement déféré ;

Le Procureur général près la Cour d'Appel de LYON a conclu le 12 mai 2003 à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions.

Z... Z... Z...

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mai 2003.

MOTIFS ET DÉCISION :

I/ Sur la gérance de fait de Monsieur X... Z... :

Attendu qu'une société dénommée "Z... DIFFUSION" a été constituée sous la forme d'une SARL selon acte du 19 janvier 1999 avec pour associés Messieurs Y... et X... Z... ; que sur les 4.000 parts composant le capital social de 400.000 francs, il a été attribué une part à Monsieur X... Z..., les 3.999 autres étant détenues par Monsieur Y... Z... nommé gérant de la société ; que cette société avait pour objet l'import-export dont l'achat-vente de produits et de composants de décoration et d'agencement ;

Attendu que Maître SAPIN, ès qualités d'administrateur judiciaire, nommé le 10 avril 2001 aux fonctions de mandataire ad hoc de la société "EUROCOMPONENTI FRANCE", nouvelle dénomination de la société "Z... DIFFUSION" depuis que la société EUROCOMPONENTI ITALIE en a pris le contrôle en acquérant 3.999 parts et Monsieur A..., désigné aux fonctions de gérant, la quatre millième part, et Maître REVERDY, ès qualités de représentant des créanciers depuis le 13 juin 2000, date à laquelle cette société a été mise en redressement judiciaire par un jugement du Tribunal de Commerce de LYON soutiennent que Monsieur X... Z... s'est comporté dans la société comme un gérant de fait ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites aux débats :

- que Monsieur X... Z... a négocié seul le sort de la société Z... DIFFUSION lors de son rachat par la société EUROCOMPONENTI ITALIE, comme le montre la lecture d'un courrier du 24 novembre 1999 que cette dernière société adressait à Monsieur X... Z... ainsi que d'un

courrier du 24 décembre 1999 que Monsieur X... Z... faisait parvenir à Monsieur B..., conseil du repreneur, dont l'objet était les conditions de la reprise de la société Z... DIFFUSION,

- que Monsieur X... Z... s'est présenté auprès des partenaires de la société EUROCOMPONENTI ITALIE comme le représentant de la société Z... DIFFUSION au moment où cette dernière cédait son contrôle à la société italienne ;

Attendu qu'il se déduit de ces faits que Monsieur X... Z... a manifestement excédé les fonctions de directeur commercial qu'il avait dans la société ; qu'en effet les pourparlers qu'il a entretenus avec la société EUROCOMPONENTI ITALIE et en particulier l'un de ses dirigeants, Monsieur A..., avaient pour but la reprise par celle-ci de la société Z... DIFFUSION ; que mener de telles négociations pour le compte de la société Z... DIFFUSION ne peut être le fait que d'une personne ayant des responsabilités en son sein ; qu'ainsi est caractérisée la qualité de gérant de fait de Monsieur X... Z... ; que le fait de s'être porté caution à concurrence de 100.000 francs d'un prêt de 400.000 francs affecté à la constitution du capital de la société Z... DIFFUSION est un élément supplémentaire qui corrobore la situation privilégiée de responsable de Monsieur X... Z... dans cette société qui n'était pas celle d'un simple associé ;

Attendu que Monsieur X... Z... s'est manifestement comporté comme un gérant de fait dans la société Z... DIFFUSION ;

Attendu que c'est en conséquence par une exacte appréciation que le premier juge a retenu la qualification de dirigeant de fait ;

II/ Sur les fautes de gestion reprochées aux consorts Z... :

Attendu que les intimés font grief à Messieurs Y... et X... Z..., respectivement gérant de droit et de fait de la société EUROCOMPONENTI FRANCE, d'avoir, par des fautes de gestion répétées commises au préjudice de la société, été à l'origine de la cessation

des paiements de ladite société et de l'insuffisance d'actif qui a été constatée à cette occasion ;

Attendu qu'il résulte des comptes arrêtés au 30 novembre 1999 :

- que la perte comptable enregistrée de 210.101,27 euros (1.378.174 F) correspondait à 43,95 % du chiffre d'affaires réalisé et que la situation financière ait négative de 149.121 euros,

- que le montant des créances "clients" était de 532.400 euros pour un chiffre d'affaires de 477.958 euros,

- que les dirigeants percevaient chacun mensuellement une rémunération de 3.811,23 euros (25.000 F),

- que la masse salariale comprenant les salaires et les charges (183.255 euros) des seuls dirigeants représentait 38 % du chiffre d'affaires.

Attendu que les deux premiers mois et demi d'exploitation ont fait ainsi apparaître une activité très fortement déficitaire - que les éléments rapportés ci-avant caractérisent notamment l'insuffisance des règlements des clients par rapport au chiffre d'affaires - charge salariale des dirigeants était manifestement excessive compte tenu de l'activité déployée ;

Attendu qu'en conséquence Messieurs Y... et X... Z... ont non seulement poursuivi une exploitation qu'ils savaient particulièrement obérée postérieurement à la clôture du premier bilan le 30 novembre 1999, mais encore ont continué à percevoir une rémunération dans les proportions démesurées, puisqu'elle était supérieure à la marge commerciale (128 % de la marge dégagée) alors que la situation financière de la société était dès cette date irrémédiablement compromise ;

Attendu que le comportement des dirigeants caractérise leurs fautes de gestion ; qu'il résulte de ces éléments qu'ils ont continué l'exploitation dans un dessein personnel à leur seul profit ;

Attendu qu'encore convient-il pour apprécier cette situation de tenir compte de l'absence de provision des loyers dont la société était redevable à la société BROC MARCHE pour onze mois d'occupation de 57.168,38 euros (375.000 F) contribuant ainsi à faire apparaître un résultat comptable moins défavorable ;

Attendu qu'en minorant dans ces conditions les pertes comptables, les dirigeants ont contribué à faire perdre toute crédibilité à la comptabilité ; que cette manoeuvre est constitutive d'une faute manifeste de gestion ;

Attendu que le passif de la société EUROCOMPONENTI FRANCE admis définitivement est de 792.620,36 euros (5.199.248,81 F) dont une créance "fournisseurs" de 552.690,14 euros (3.625.409,69 F) ; que les appelants ne s'expliquent pas sur l'importance de ce passif, notamment au regard du chiffre d'affaires ;

Attendu que les appelants ne peuvent prétendre qu'une grande partie du passif déclaré de la société EUROCOMPONENTI FRANCE résulte des commandes passées par Monsieur A... à la société EUROCOMPONENTI ITALIE, puisque celles-ci ont été faites pour les trois quarts de leur montant par eux-mêmes pendant la période où ils dirigeaient la société du 14 avril 1999 au 21 décembre 1999 ;

Attendu que l'abandon de créances de la société EUROCOMPONENTI ITALIE n'a pas causé de préjudice à la société EUROCOMPONENTI FRANCE puisqu'il a eu pour effet de constituer un profit en sa faveur, les dettes de cette dernière ayant été de ce fait diminuées d'autant ;

Attendu que le comportement fautif de Messieurs Y... et X... Z... caractérisé par les éléments évoqués est manifestement la cause des difficultés rencontrées par la société EUROCOMPONENTI FRANCE dans son exploitation qui l'ont contrainte au dépôt de bilan à raison de l'impossibilité pour la société de payer ses dettes exigibles avec son actif disponible, les créances clients se révélant pour la

plupart irrecouvrables ;

Attendu qu'il ne peut être contesté par quiconque qu'une entreprise - qui ne dégage pas de marge ou dont la marge est négative - est vouée inexorablement à sa perte - que la perte pour la période d'exploitation considérée a été en l'espèce égale au montant du chiffre d'affaires ; que tout redressement de l'entreprise se révélait impossible ;

Attendu que l'insuffisance d'actif qui résulte des comptes est entièrement imputable à Messieurs Y... et X... Z... du fait de leur gestion calamiteuse ;

Attendu que les intimés ne peuvent toutefois réclamer que les appelants rapportent 100 % de cette insuffisance sans la chiffrer ; qu'il apparaît en revanche que le premier juge, en retenant l'insuffisance telle qu'elle a été constatée au 30 novembre 1999 pour un montant de 121.960 euros (978.174 F), a fait, compte tenu des éléments du dossier, une exacte appréciation de la réparation du préjudice que les créanciers de la société ont subi ;

Attendu qu'il convient dans ces conditions de condamner solidairement Messieurs Y... et X... Z... à payer à Maître SAPIN et à Maître REVERDY, en leurs qualités respectives, la somme de 121.960 euros au titre du comblement de passif sur le fondement de l'article L 624-3 du Code de Commerce, confirmant de ce chef le jugement déféré ;

III/ Sur les autres demandes :

Attendu qu'il serait inéquitable que Maître SAPIN et Maître REVERDY, ès qualités, supportent leurs frais irrépétibles et qu'il y a lieu ainsi de leur allouer ensemble une somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à la charge in solidum des appelants, qui s'ajoutera à celle accordée par le premier juge ;

Attendu que les appelants, qui succombent, doivent être condamnés in

solidum aux dépens ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Vu les conclusions prises par le Parquet général près la Cour d'Appel de LYON du 12 mai 2003,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum Messieurs Y... et X... Z... à payer à Maître SAPIN et Maître REVERDY, en leur qualité respective, la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi que les dépens qui seront recouvrés par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2002/02851
Date de la décision : 23/10/2003

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Responsabilité - Dirigeant social - Action en comblement - Domaine d'application - Dirigeant de fait - Notion

Le directeur commercial qui mène des négociations relatives au rachat de la société qui l'emploie et qui se porte caution pour une fraction du prêt affecté à la constitution du capital de la société en cours de rachat, excède ses pouvoirs qui sont normalement les siens et doit donc être qualifié de dirigeant de fait, son comportement étant celui d'une personne ayant des responsabilités au sein de cette société


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2003-10-23;2002.02851 ?
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