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23/10/2003 | FRANCE | N°2002/00685

France | France, Cour d'appel de Lyon, 23 octobre 2003, 2002/00685


EXPOSE DU LITIGE - PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par déclaration du 1er février 2002, la BANQUE CENTRALE DE GENÈVE a relevé appel d'un jugement rendu le 10 janvier 2002 par le Tribunal de Commerce de VILLEFRANCHE-TARARE qui a dit que le remboursement anticipé du prêt par la société Ets BONNETERIE MC X... était irrégulier et par conséquent nul, qui a condamné la société financière de la BANQUE CENTRALE DE GENÈVE à rembourser à Maître CHARRIERE, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Ets BONNETERIE MC X..., la somme de 91.469,41 euros (600.0

00 F) avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 1998, qui a rejeté les ...

EXPOSE DU LITIGE - PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par déclaration du 1er février 2002, la BANQUE CENTRALE DE GENÈVE a relevé appel d'un jugement rendu le 10 janvier 2002 par le Tribunal de Commerce de VILLEFRANCHE-TARARE qui a dit que le remboursement anticipé du prêt par la société Ets BONNETERIE MC X... était irrégulier et par conséquent nul, qui a condamné la société financière de la BANQUE CENTRALE DE GENÈVE à rembourser à Maître CHARRIERE, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Ets BONNETERIE MC X..., la somme de 91.469,41 euros (600.000 F) avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 1998, qui a rejeté les demandes reconventionnelles de la société financière de la BANQUE CENTRALE DE GENÈVE, qui a dit que la décision était opposable à Monsieur Charles X..., qui a rejeté la demande en dommages et intérêts de Maître CHARRIERE, ès qualités, faute d'établir un préjudice distinct.

Vu l'article 455 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 1998 ;

Vu les prétentions et les moyens développés par la société financière de la BANQUE CENTRALE DE GENÈVE dans ses conclusions du 13 novembre 2002 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faire juger que la dette correspondant au prêt qu'elle avait accordé à la société Ets BONNETERIE MC X... était échue, de sorte que l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985 n'était pas applicable et qu'il ne peut être invoqué à son encontre l'article 108 qui exige que le demandeur démontre que le créancier a eu connaissance de l'état de cessation des paiements, ce qu'il ne fait pas, de sorte que sa prétention à réclamer le remboursement de la

somme de 600.000 francs n'est pas fondée ; qu'au cas où il serait fait droit à cette demande, que la compensation avec sa propre créance admise pour 700.000 francs soit prononcée ; qu'en conséquence le jugement déféré soit réformé ;

Vu les prétentions et les moyens développés par Maître CHARRIERE, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Ets BONNETERIE MC X..., dans ses conclusions du 18 septembre 2002 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faire juger que le prêt consenti n'était pas échu ; qu'en conséquence la demande de remboursement était irrégulière ; que dans le cas où la dette serait échu, le remboursement est annulable si le créancier avait connaissance de la situation de cessation des paiements du débiteur ; que tel est le cas en l'espèce, l'appelante ayant été informé notamment au moyen des bilans qu'elle avait reçus ; que dans ces conditions sa demande est fondée ; que le jugement qui a condamné la banque à la restitution doit être confirmé ; que des dommages et intérêts doivent lui être accordés ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2003.

MOTIFS ET DÉCISION :

I/ Sur la demande de restitution d'un paiement faite par Maître CHARRIERE, ès qualités, à la société BANQUE CENTRALE DE GENÈVE :

Attendu que Maître CHARRIERE, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Ets BONNETERIE MC X..., conteste le paiement de 600.000 francs que la société qu'il représente a effectué le 7 avril 1998 à la société financière de la BANQUE CENTRALE DE GENÈVE en remboursement d'une partie du prêt de 1.300.000 francs que celle-ci lui a consenti le 27 septembre 1994 pour une durée de 8 ans et en demande la restitution pour avoir été fait dans des conditions irrégulières ;

Attendu qu'aux termes de l'article 10 du contrat de prêt, le

remboursement anticipé ne pouvait intervenir, s'agissant d'un prêt in fine dont le terme était convenu au 27 février 2002, qu'à la condition de respecter un délai de 15 jours après une mise en demeure ; que cette mise en demeure a fait l'objet d'un courrier que la société Ets BONNETERIE MC X... a reçu le 23 mars 1998 ; que le règlement qui a eu lieu le 7 avril 1998 l'a ainsi été à une date où le prêt n'était pas encore exigible ; qu'il est en conséquence irrégulier ; que l'on ne peut cependant pas en conclure pour autant qu'il s'agit d'une dette non échue, puisque la mise en demeure avait pour objet de mettre un terme au contrat du prêt pour en réclamer le remboursement ; que l'exigibilité du prêt était en effet acquise à l'issue du délai de 15 jours suivant la mise en demeure restée sans effet ;

Attendu que c'est en conséquence à bon droit que l'appelante soutient que l'article L 621-107 du Code de Commerce (ancien article 107 de la loi du 25 janvier 1985) n'est pas applicable en l'espèce ;

Attendu que Maître CHARRIERE, ès qualités, invoque les dispositions de l'article L 621-108 du Code de Commerce (ancien article 108) qui prévoient que le paiement est annulable, lorsqu'il est intervenu à une date où le créancier connaissait la situation de cessation des paiements du débiteur ;

Attendu qu'il résulte du rapport établi par le Cabinet Christian BAILLY à l a requête de la société Ets BONNETERIE MC X... qu'à la date du 15 avril 1998 le montant des impayés s'élevait à 2.341.166,43 francs ;

Attendu que la situation très obérée de cette société est confirmée par le Cabinet DBO GENDROT, désigné comme expert par ordonnance du juge-commissaire en date du 28 mai 1998 pour procéder à une analyse financière de la société, qui indique en page 8 de son rapport que la société Ets BONNETERIE MC X... était "économiquement" en état de

cessation des paiements à la clôture de l'exercice au 30 novembre 1997 ;

Attendu que la société financière de la BANQUE CENTRALE DE GENÈVE reconnaît dans ses écritures qu'elle a reçu le 12 mars 1998 le bilan de la société Ets BONNETERIE MC X... arrêté au 30 novembre 1997 et "qu'il faisait apparaître une situation économique et financière particulièrement dégradée" ; qu'elle ajoute que c'est dans ces conditions qu'elle a fait connaître à la société Ets BONNETERIE MC X... son intention de se prévaloir de la clause d'exigibilité anticipée du prêt, conformément à l'article 11-3 du contrat ;

Attendu que l'appelante ne peut ainsi sérieusement prétendre, contre toute vraisemblance, qu'elle ignorait la situation financière exacte de la société ; qu'en effet contrairement à ce qu'elle affirme la lecture du bilan permettait parfaitement de connaître l'état de trésorerie de cette entreprise, l'importance de son endettement par rapport à son actif liquide et disponible résultant de la comparaison des éléments y figurant ; que la notion de cessation des paiements ne se confond pas avec celle de solvabilité de l'entreprise qui résulte de l'existence d'actifs immobilisés et qui n'a pas à être pris en compte ; que le fait qu'elle n'ait exigé qu'un paiement partiel de sa dette démontre qu'elle connaissait les possibilités financières de son débiteur ; que sans cette information, elle n'aurait pas sollicité immédiatement le remboursement anticipé du prêt ;

Attendu qu'il était dans ces conditions constant qu'à la date du paiement, la société Etablissements BONNETERIE MC X... ne pouvait faire face à ses obligations ;

Attendu qu'il est vraisemblable que Monsieur Y..., PDG de la société Ets BONNETERIE MC X..., en remboursant de préférence à d'autres créanciers une partie importante des sommes dont la société était redevable envers la banque, a souhaité se décharger de l'engagement

de caution qu'il avait donné à celle-ci au titre du prêt consenti à la société appelante ;

Attendu qu'il convient en conséquence d'annuler sur le fondement de l'article L 621-108 du Code de Commerce le paiement de la somme de 91.469,41 euros, soit 600.000 francs, faite par la société Ets BONNETERIE MC X... au profit de la société financière de la BANQUE CENTRALE DE GENÈVE et de condamner ainsi la banque à payer cette somme à titre de restitution à Maître CHARRIERE, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Ets BONNETERIE MC X..., majorée des intérêts au taux légal à compter du jour où le règlement litigieux est intervenu le 7 avril 1998 ;

Attendu que la société appelante ne peut invoquer la connexité pour réclamer qu'il soit fait compensation entre la somme qu'elle serait condamnée à payer à la liquidation judiciaire et celle de 700.000 francs dont elle se déclare créancière à l'égard de la société Ets BONNETERIE MC X..., alors qu'elle n'a plus de créance sur la société depuis que Monsieur Charles X... a payée ce qu'elle lui devait en exécution de la caution qu'il lui avait donnée en garantie du prêt ; que cette demande doit être en conséquence rejetée faute de fondement ;

Attendu qu'il convient de confirmer dans ces conditions le jugement déféré en ce qu'il a annulé le paiement litigieux de 600.000 francs fait par la société Ets BONNETERIE MC X... au profit de la banque, en ce qu'il a condamné la société financière de la BANQUE CENTRALE DE GENÈVE à restituer cette somme à Maître CHARRIERE, ès qualités, et en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la société financière de la BANQUE CENTRALE DE GENÈVE au titre de la compensation ;

II/ Sur la demande de Maître CHARRIERE, ès qualités, à titre de dommages et intérêts :

Attendu que Maître CHARRIERE, ès qualités, ne justifie pas de l'existence d'un préjudice indemnisable qui ne serait pas compensé par les intérêts de retard qui lui ont été alloués sur le montant de la condamnation ;

Attendu qu'il doit être en conséquence débouté de cette prétention, confirmant de ce chef le jugement déféré ;

III/ Sur les autres demandes :

Attendu qu'il serait inéquitable que Maître CHARRIERE, ès qualités, supporte ses frais irrépétibles et qu'il y a lieu ainsi de lui allouer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu que la société appelante, qui succombe, doit être condamnée aux dépens ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société financière de la BANQUE CENTRALE DE GENÈVE à payer à Maître CHARRIERE, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Ets BONNETERIE MC X..., la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi que les dépens qui seront recouvrés par la SCP DUTRIEVOZ, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2002/00685
Date de la décision : 23/10/2003

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Redressement judiciaire - Patrimoine - Période suspecte - Nullité facultative - Paiement pour dettes échues

Une banque ne peut sérieusement prétendre qu'elle ignorait la situation financière d'une société dès lors que la lecture du bilan permet parfaitement de connaître l'état de la trésorerie de cette entreprise, l'importance de son endettement par rapport à son actif liquide et disponible résultant de la comparaison des éléments y figurant. Dès lors, il résulte de l'article L. 621-108 du code commerce que le paiement effectué au profit de la banque encourt la nullité


Références :

Code de commerce, article L. 621-108

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2003-10-23;2002.00685 ?
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