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23/10/2003 | FRANCE | N°1999/05971

France | France, Cour d'appel de Lyon, 23 octobre 2003, 1999/05971


DEBATS : audience publique du 09 SEPTEMBRE 2003, tenue par monsieur ROUX et madame BIOT, conseillers, rapporteurs, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés de madame KROLAK, greffier. COMPOSITION DE LA COUR, lors du délibéré : - monsieur JACQUET, président, - monsieur ROUX, conseiller, - madame BIOT, conseiller, ARRET : contradictoire prononcé à l'audience publique par monsieur JACQUET, président, en présence de madame JANKOV, greffier, qui ont signé la minute. EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte notarié en da

te du 25 février 1993 reçu par Maître Franck FABRY notaire à YSSINGEAU...

DEBATS : audience publique du 09 SEPTEMBRE 2003, tenue par monsieur ROUX et madame BIOT, conseillers, rapporteurs, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés de madame KROLAK, greffier. COMPOSITION DE LA COUR, lors du délibéré : - monsieur JACQUET, président, - monsieur ROUX, conseiller, - madame BIOT, conseiller, ARRET : contradictoire prononcé à l'audience publique par monsieur JACQUET, président, en présence de madame JANKOV, greffier, qui ont signé la minute. EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte notarié en date du 25 février 1993 reçu par Maître Franck FABRY notaire à YSSINGEAUX (Haute-Loire) Monsieur Joùl X... et son épouse née Simone Y... ont acquis de Madame Aline Z... épouse A... de Madame Mireille B... épouse C... sa cousine germaine et de Madame Rosa D... veuve B... un bâtiment à usage d'habitation d'une contenance de 150 m2 situé au lieudit LES BALAYES commune d'ARAULES (Haute-Loire) cadastré E... 1034. Cette vente a été conclue au prix de 70.000 francs.

Mesdames Z... et C... étaient propriétaires pour moitié chacune de cet immeuble sous réserve d'un droit d'usufruit dont bénéficiait Madame D... veuve B... mère de Madame C...

Ce bâtiment était séparé de la voie publique par une cour cadastrée 1036 d'une superficie de 288 m2, dont aux termes de l'acte Mesdames Z... et C... étaient propriétaires indivises à concurrence de la moitié chacune.

L'acte instituait au bénéfice de Monsieur et Madame X... : - une

servitude d'épandage sur la parcelle 1036 pour leur permettre d'évacuer leurs eaux usées, - une servitude de passage en tous temps et à tous usages sur cette même parcelle. - une servitude de stationnement devant le bâtiment acquis (1034).

Il était par ailleurs rappelé que le bâtiment vendu était grevé d'une servitude de mitoyenneté avec le bâtiment contigu restant la propriété de Madame C... cadastré 1035.

Par un acte du 12 octobre 1994 reçu par Maître FABRY Madame Aline Z... épouse E... a vendu à Monsieur et Madame X... la moitié indivise de la cour n° 1036 moyennant le prix de 100 francs. C... cet acte sont intervenues Mesdames Mireille B... épouse C... et D... veuve B... qui ont déclaré donner leur consentement en qualité de propriétaires indivis de l'autre moitié et ont autorisé les époux X... à faire toutes ouvertures sur la cour commune pour leur permettre de rénover le bâtiment cadastré 1034 acquis par l'acte du 25 février 1993.

Par un acte du 6 février 1994 Monsieur Pierre B... propriétaire d'un bâtiment contigu à celui des époux X... a assigné ces derniers et Madame C... devant le Tribunal de Grande Instance du PUY en demandant à cette juridiction de dire qu'il avait des droits indivis pour la moitié sur la parcelle 1036 ainsi que des droits privatifs sur une partie de cette parcelle constituée par un ancien montoir de grange.

Par un arrêt du 12 mars 1998 devenu définitif la Cour d'Appel de RIOM a jugé que Monsieur Pierre B... avait des droits indivis pour moitié sur la parcelle 1036 ainsi que des droits privatifs sur une partie de cette parcelle pour une superficie de 45 m2.

La Cour de RIOM a commis Monsieur F... géomètre-expert pour établir un document d'arpentage.

Selon ce document, non contesté par les parties, la portion de la parcelle 1036 appartenant exclusivement à Monsieur Pierre B... - portant maintenant le n° 2455 - couvre une partie de la cour située devant le bâtiment acquis par les époux X..., jusqu'au milieu de la porte-fenêtre de leur salle de séjour. Un arrêt subséquent en date du 27 mars 2003 est venu préciser que la portion privative de la cour appartenant à Monsieur Pierre B... correspondait à un rectangle de 9 mètres sur 5 dont l'une des longueurs (ligne ZF sur le document d'arpentage) longeait une partie du bâtiment des époux X... jusqu'au milieu de la porte-fenêtre.

C... la suite de la décision du 12 Mars 1998 Monsieur et Madame X... ont assigné Mesdames C... et A... ainsi que Madame D... veuve B... en résolution de la vente du 25 février 1993. Ils exposaient que l'existence de la propriété privative de la cour au profit de Monsieur Pierre B... même pour partie constituait pour eux un préjudice certain puisqu'elle remettait en cause l'existence des servitudes de passage, d'épandage et de stationnement sur la parcelle 1036.

Par un jugement en date du 25 août 1999 le Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE a relevé : - que l'arrêt du 12 mars 1998 ne remettait pas en cause l'existence des servitudes nées par l'acte du 25 février 1993, - que les époux X... ne démontraient nullement que Monsieur Pierre B... ait décidé de faire obstacle à l'exercice de ces servitudes.

Les époux X... déboutés de leurs demandes ont relevé appel de cette

décision et ont demandé devant la Cour la résolution de la vente du 12 octobre 1994 portant sur les droits de Madame A... sur la cour indivise.

Les consorts G... intimés ont appelé en cause Maître FABRY et Maître CHARRAS notaires "rédacteurs d'actes antérieurs" sans former de demande à leur égard.

Par un arrêt avant-dire-droit en date du 6 Juin 2002 la présente Cour d'Appel a relevé : - que l'éviction avait une importance limitée puisqu'elle ne portait que sur la parcelle 2455 de 45 m2 alors que la moitié de la cour indivise 1036 avait été vendue aux prix de 100 francs en 1994, - qu'il apparaissait opportun d'inviter Monsieur Pierre B... à prendre partie sur les servitudes instituées par l'acte du 25 février 1993 et les droits des époux X... sur la cour indivise.

La Cour invitait les époux X... et le consorts H... à conclure sur l'éviction et ordonnait aux époux X... d'appeler en cause Monsieur Pierre B... afin qu'il prenne partie sur les servitudes instituées par l'acte du 25 février 1993 et les droits des époux X... sur la cour indivise.

Madame veuve Pierre B..., Monsieur Christophe B... et Madame Catherine B... appelés en cause et venant aux droits de Monsieur Pierre B... décédé le 16 avril 1998 rappellent qu'ils sont propriétaires à titre privatif d'une superficie de 9 x 5 mètres prise sur l'ancienne parcelle 1036 en même temps que propriétaires indivis de la moitié de cette parcelle.

Ils demandent à la Cour de déclarer nulles les servitudes d'épandage,

de passage et de stationnement instituées en fraude des droits de leur auteur Monsieur Pierre B...

Ils sollicitent l'enlèvement de la fosse septique et des canalisations installées par les époux X... sous la cour commune, de même que l'enlèvement de la descente d'eau pluviale empiétant sur leur partie privative et du volet placé sur la porte-fenêtre s'ouvrant sur cette partie privative.

Ils demandent que ladite fenêtre soit remplacée par des verres dépolis ne permettant pas de vue droite sur leur fonds.

Ils demandent également l'enlèvement de la fenêtre à verre clair et du volet situés à l'arrière du bâtiment des époux X... donnant sur la parcelle 1032 qui leur appartient, et le remplacement de cette fenêtre par des pavés de verre.

Ils sollicitent la condamnation des époux X... à effectuer ces travaux sous peine d'astreinte de 153 euros par jour passé le délai d'un mois après la signification de l'arrêt à intervenir.

C... titre subsidiaire ils demandent la condamnation des époux X... à leur payer la somme de 38.200 euros sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil. En tout état de cause ils sollicitent leur condamnation à leur payer 1.520 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Madame Mireille B... épouse C..., Madame Aline Z... épouse c et Madame Anna D... veuve B... exposent qu'en l'état actuel des choses la cour 1036 appartient à Madame C... et aux époux X... pour 1/4 chacun et aux consorts

B... pour la moitié, tandis que les consorts B... possèdent une partie privative de 45 m2 venant devant la porte des époux X... I... estiment que la mise en cause des notaires est justifiée.

Elle font valoir qu'en 1993 et 1994 les droits de Monsieur Pierre B... sur la cour commune n'étaient pas établis.

Elle soutiennent que les demandes tendant à la suppression des servitudes doivent être rejetées comme constituant un abus de droit en raison du caractère nécessaire de l'indivision et de la nécessité d'apprécier l'usage des parties indivises selon le bien commun.

I... concluent au rejet de la demande de résolution de la vente et sollicitent la condamnation des époux X... à leur payer 15.250 euros à titre de dommages et intérêts et la condamnation des époux X..., des consorts B... ou Maîtres FABRY et CHARRAS à leur payer 10.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Les époux X... exposent que depuis l'arrêt de la Cour d'Appel de RIOM la chose qui leur a été livrée n'est pas conforme à celle qu'ils pensaient acquérir; que notamment les consorts B... sont désormais propriétaires d'une parcelle qui aboutit devant la porte de leur salle à manger ; qu'ils exigent la suppression des vues sur cette parcelle et qu'ils menacent de faire supprimer les servitudes d'épandage, de passage et de stationnement sur la cour commune. Ils rappellent que Monsieur Pierre B... a obtenu la suppression d'un mur de clôture qu'ils avaient édifié sur la parcelle 1036 dont ils se croyaient légitimement propriétaires indivis pour moitié.

Ils sollicitent la résolution des ventes du 25 février 1993 et 12 octobre 1994, la restitution du prix de vente et la condamnation des vendeurs à leur payer la somme de 76.225 euros à titre de dommages et intérêts pour les investissements et frais matériels réalisés dans les lieux outre 30.500 euros en réparation de leur préjudice moral et 7.623 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Subsidiairement pour le cas où l'annulation des ventes ne serait pas prononcée ils demandent la condamnation des vendeurs à leur payer les mêmes sommes à titre de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Plus subsidiairement ils sollicitent l'organisation d'une expertise pour chiffrer la plus-value qu'ils ont apportée à l'immeuble.

Maîtres FABRY et CHARRAS n'ont pas conclu après l'arrêt du 6 juin 2002. Avant ledit arrêt ils ont conclu à l'irrecevabilité et au mal fondé de l'appel en garantie diligenté contre eux par exploit du 30 octobre 2001 par Mesdames A..., C... et D... veuve B... et sollicité la condamnation de ces dernières à leur payer 10.000 francs à titre de dommages et intérêts et 7.500 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Monsieur le Procureur Général auquel l'affaire a été communiquée n'a pas présenté d'observations. DISCUSSION

Attendu, comme l'a précisé l'arrêt du 6 juin 2002, que les deux ventes du 25 février 1993 et du 12 octobre 1994 sont étroitement liées, la seconde n'ayant d'intérêt qu'en raison de la réalisation de

la première ; que dès lors la demande de résolution de la seconde vente est recevable même en cause d'appel dès lors qu'elle ne modifie pas les termes du litige ;

Attendu par contre que la mise en cause des notaires en cause d'appel n'est pas justifiée par l'évolution du litige et doit être déclarée irrecevable ;

Attendu que les époux X... ont par les ventes précitées acquis un bâtiment pour leur habitation et la moitié indivise de la cour cadastrée 1036 sur laquelle ils avaient déjà obtenu des servitudes de passage, d'épandage et de stationnement ; qu'ils ont en outre acquis le droit de pratiquer toutes ouvertures sur la cour pour rénover leur bâtiment ;

Attendu que depuis l'arrêt de la Cour de RIOM du 12 mars 1998 ils ne sont plus propriétaires que pour un quart de la cour indivise ; que cette cour est amputée d'une surface de 45 m2 appartenant aux ayants droit de Monsieur Pierre B... à titre privatif ; que cette surface de 45 m2 s'étend le long de leur bâtiment jusqu'au devant de la porte-fenêtre de leur salle de séjour ;

Attendu que les ayants-droit de Monsieur Pierre B... ont manifesté très clairement leur intention de faire valoir leurs droits privatifs en exigeant la suppression de la fenêtre et du volet de leur salle de séjour et de leur descente d'eau ; qu'ils ont par ailleurs nettement fait valoir leur intention de remettre en cause les servitudes de passage, d'épandage et de stationnement sur la cour commune, ce qui entraînerait notamment la suppression de la fosse septique ;

Attendu qu'il s'ensuit que les époux X... ne peuvent plus jouir de leur bien comme ils l'avaient espéré en passant les actes de 1993 et 1994, et se trouvent gravement évincés par suite des exigences d'un tiers, exigences confortées par l'arrêt définitif de la Cour d'Appel de RIOM;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence de prononcer la résolution des deux ventes en raison de l'éviction subie par les époux X..., éviction rendant la chose impropre à l'usage paisible qu'ils souhaitaient en faire ;

Attendu qu'en application des articles 1630 et suivants du Code Civil les époux X... sont en droit d'exiger de leurs vendeurs la restitution du prix du bien à la date de l'éviction et le remboursement de toutes les améliorations faites au fonds ;

Attendu que le prix des deux ventes s'élève à 70.100 francs ; qu'il n'est pas établi que ce prix ait augmenté depuis la vente ;

Attendu qu'au vu des éléments versés au débat les améliorations et réparations utiles peuvent être évaluées à 20.000 euros ;

Attendu que le préjudice moral des époux X... sera compensé par une indemnité de 12.000 euros ;

Attendu que l'équité commande d'allouer aux époux X... une indemnité de 3.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que les ayants droit de Monsieur Pierre B... sont nécessairement déboutés de leurs demandes de travaux dirigées contre les époux X... qui ne sont plus propriétaires;

Attendu que l'équité ne commande pas de faire application en leur faveur de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que Maîtres FABRY et CHARRAS ne démontrent pas avoir subi un préjudice justifiant les dommages et intérêts qu'ils sollicitent ;

Attendu que l'équité ne commande pas de faire application en leur faveur de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Déclare recevable la demande de résolution de la vente du 12 octobre 1994,

Déclare irrecevable l'appel en garantie de Maîtres FABRY et CHARRAS, Dit que Monsieur et Madame X... ont été évincés des biens qu'ils avaient acquis par actes des 25 février 1993 et 12 octobre 1994,

Vu les articles 1184, 1630 et 1634 du Code Civil,

Prononce la résolution des ventes susdites, et ordonne la restitution

des biens vendus,

Condamne in solidum Madame Aline Z... épouse A..., Madame Mireille B... épouse C... et Madame Rosa D... veuve B... à payer à Monsieur Joùl X... et à son épouse née Simone Y... : - l'équivalent en euros de la somme de SOIXANTE DIX MILLE CENT FRANCS (70.100 F) à titre de restitution du prix, - la somme de VINGT MILLE EUROS (20.000 EUROS) à titre de remboursement des réparations et améliorations utiles, - la somme de DOUZE MILLE EUROS (12.000 EUROS) en réparation de leur préjudice moral, - la somme de TROIS MILLE EUROS (3.000 EUROS) en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

Déboute Madame veuve Pierre B... née E..., Monsieur Christophe B... et Madame Catherine B... épouse J... de l'ensemble de leurs demandes,

Déboute Maîtres FABRY et CHARRAS de leurs demandes,

Condamne in solidum Madame Mireille B... épouse C..., Madame Aline Z... épouse Y... et Madame Anna D... veuve B... aux dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers droit de recouvrement direct au profit de Maître GUILLAUME et des Sociétés Civiles Professionnelles BRONDEL-TUDELA et AGUIRAUD-NOUVELLET, Sociétés d'avoués. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 1999/05971
Date de la décision : 23/10/2003

Analyses

VENTE

Doit-être prononcée la résolution d'une vente d'immeuble dès lors que l'acquéreur se trouve être évincé par suite des exigences d'un tiers, l'éviction rendant la chose impropre à l'usage paisible que l'acquéreur souhaitait faire


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2003-10-23;1999.05971 ?
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