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02/10/2003 | FRANCE | N°2002/01586

France | France, Cour d'appel de Lyon, 02 octobre 2003, 2002/01586


EXPOSE DU LITIGE

Monsieur X... Y... est décédé "ab intestat" le 30 octobre 1992 laissant pour recueillir sa succession ses deux filles Mesdemoiselles Elisabeth et Isabelle Y... qui par une déclaration conjointe en date du 18 novembre 1992 ont renoncé expressément à la succession de leur père. La succession devenait vacante à défaut d'autres héritiers.

Monsieur X... Y... et ses deux filles étaient associés dans la S.A.R.L. LE BLUE BAYOU ayant pour objet l'exploitation d'un camping. Le capital de 50.000 francs était réparti, à raison de 60 % à Monsieur X... Y...

et 20 % à chacune de ses deux filles.

Cette Société a fait l'objet en 1997...

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur X... Y... est décédé "ab intestat" le 30 octobre 1992 laissant pour recueillir sa succession ses deux filles Mesdemoiselles Elisabeth et Isabelle Y... qui par une déclaration conjointe en date du 18 novembre 1992 ont renoncé expressément à la succession de leur père. La succession devenait vacante à défaut d'autres héritiers.

Monsieur X... Y... et ses deux filles étaient associés dans la S.A.R.L. LE BLUE BAYOU ayant pour objet l'exploitation d'un camping. Le capital de 50.000 francs était réparti, à raison de 60 % à Monsieur X... Y... et 20 % à chacune de ses deux filles.

Cette Société a fait l'objet en 1997 d'une vérification de comptabilité qui a fait apparaître l'existence d'un compte courant collectif d'associés. L'examen des mouvements de ce compte postérieur au décès a convaincu l'administration que Mesdemoiselles Y... Elisabeth et Isabelle avaient appréhendé la créance de Monsieur Y... X... (soit 1.792.293 francs au jour de son décès) par des mouvements financiers. L'administration fiscale, considérant que les deux héritières avaient appréhendé une partie de l'actif successoral malgré la renonciation du 18 novembre 1992, a considéré cette renonciation inopposable et a effectué une notification de redressements en date du 31 juillet 1997. Le solde créditeur du compte courant, soit 1.792.293 francs était porté à l'actif successoral qui était évalué à 2.170.657 francs.

Les droits de succession de chaque héritière étaient fixés à 126.581

francs.

Ces redressements ont été contestés. La Commission Départementale de Conciliation de l'Ain le 10 décembre 1998 a confirmé les modalités d'évaluation des droits de Monsieur X... Y... dans le compte courant d'associé et a émis l'avis qu'à la date de son décès le montant des apports du "de cujus" sur le compte courant collectif de la S.A.R.L. "LE BLUE BAYOU" n'était pas inférieur à 1.761.961,62 francs, après prise en compte des justificatifs admis.

Un avis de mise en recouvrement en date du 25 février a été adressé à Madame Elisabeth Y... seule pour 439.907,00 francs dont 246.792,00 francs au titre des droits de succession et 193.115,00 francs à titre de majorations.

Madame Elisabeth Y... a formé une réclamation qui a été rejetée.

Par exploit en date du 9 mai 2000 Mademoiselle Elisabeth Y... a assigné Monsieur le Directeur des Services Fiscaux de l'Ain aux fins d'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 25 février 1999.

Elle contestait les analyses de la commission départementale et exposait qu'un certain nombre d'apports au compte courant collectif d'associés correspondaient à des créances de sa soeur ou d'elle-même. Par décision en date du 14 décembre 2001 le Tribunal de Grande Instance de BELLEY a jugé : - que le montant des justificatifs admis par la Commission Départementale de Conciliation devait s'élever à 56.061,08 francs correspondant aux pièces démontrant un paiement par

l'une ou l'autre des deux héritières, - que s'agissant du principe de répartition des apports en compte courant collectif d'associés, il convenait de procéder à la répartition des sommes au prorata des droits sociaux détenus par chacun des associés, - que sur le principe du "compte courant collectif d'associés", il appartenait aux associés d'apporter la preuve du caractère individuel des apports ou prélèvements effectués sur le compte, - que sur le montant des sommes portées en compte courant, la demanderesse n'apportant aucun justificatif nouveau il convenait de la débouter de sa demande, - que s'agissant des sommes non portées en compte courant, et considérées comme des dettes du défunt à l'égard de ses filles, les conditions de l'article 773 du Code Général des Impôts (C.G.I.) permettant de les déduire de la succession n'étaient pas réunies de sorte qu'il y avait lieu de débouter la demanderesse de ce chef.

Concernant la pénalité et les intérêts de retard le Tribunal estimait : - que la preuve de la mauvaise foi n'étant pas rapportée les pénalités ne pouvaient lui être appliquées,

- que la différence entre le taux d'intérêt légal et celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du Code Général des Impôts (0,75 % par mois) constituait une sanction pénale qui devait être motivée, de sorte qu'il y avait lieu de limiter le taux de l'intérêt de retard à celui de l'intérêt légal.

Le Tribunal annulait l'avis de mise en recouvrement du 25 février 1999 dans la totalité de ses dispositions et jugeait que la mise en recouvrement devait être refaite sur le fondement de la motivation de la décision.

Les dépens étaient laissée à la charge de chacune des parties.

Par déclaration en date du 18 mars 2002 Monsieur le Directeur des Services Fiscaux de l'Ain a relevé appel de cette décision. Cet appel ne porte que sur les dispositions du jugement concernant les pénalités de mauvaise foi et les intérêts de retard.

L'appelant soutient que la mauvaise foi des héritières est établie dès lors qu'elles se sont appropriées la part que leur père dans le compte courant collectif d'associés de la S.A.R.L. BLUE BAYOU, leurs parts respectives dans ce même compte courant s'élevant à 753.889 francs. Il en déduit que Mesdemoiselles Y... se sont comportées en véritables héritières par captation d'un actif successoral alors qu'elles avaient donné l'apparence d'avoir renoncé à la succession de sorte que leur mauvaise foi est établie. Il fait valoir que Mesdemoiselles Y... n'ont jamais contesté valablement la vérification comptable.

Concernant les intérêts de retard il soutient qu'il ne s'agit pas d'une sanction mais d'une réparation du préjudice subi par l'administration du fait du retard apporté au paiement.

Il sollicite la réformation du jugement déféré sur ces deux points et demande la condamnation de Mademoiselle Elisabeth Y... aux dépens.

Mademoiselle Elisabeth Y... soutient qu'en rejetant les renonciations à succession l'administration a implicitement mais nécessairement voulu réprimer un abus de droit prévu par l'article L 64 du livre des procédures fiscales sans respecter la procédure prévue à cet effet

par l'article R 64-1 qui précise que la décision de mettre en oeuvre les dispositions prévues à l'article L 64 est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire.

Elle réfute par ailleurs les arguments de l'administration sur la pénalité de mauvaise foi et les intérêts de retard.

Elle demande à la Cour de recevoir son opposition à l'avis de mise en recouvrement du 25 février 1999, de le dire nul et de nul effet, et de condamner l'administration fiscale à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile. Subsidiairement elle sollicite la confirmation de la décision déféré en ce qu'elle a accordé la décharge de la pénalité de 40 % pour mauvaise foi et l'application aux intérêts de retard du taux légal.

Monsieur le Directeur des Services Fiscaux répond que la procédure de l'abus de droit prévue à l'article L 64 du Livre des Procédures Fiscales. n'est pas applicable en l'espèce. DISCUSSION

Attendu que l'article L 64 du Livre des Procédures Fiscales figurant sous le titre "procédure des abus de droit" précise : "Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : a) qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevée, b) ou qui déguisent soit une réalisation soit un transfert de bénéfices ou de revenus, c) ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement de

taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention".

Attendu que la procédure de l'abus de droit est applicable aux actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention ; que cette procédure a pour but de restituer sa véritable portée à un contrat ou une convention ;

Or attendu qu'en l'espèce l'administration considère comme non opposable une renonciation à succession qui n'est ni un contrat ni une convention mais un acte juridique unilatéral ; qu'il s'ensuit que l'article L 64 du Livre des Procédures Fiscales comme l'article R 64-1 sont inapplicables en l'espèce ;

Attendu que Madame Y... ne conteste pas dans ses écritures la matérialité des faits reprochés par l'administration, en l'espèce l'appropriation par les deux héritières, à raison de 753.889 francs chacune de la part que détenait le défunt dans le compte courant collectif d'associés de la S.A.R.L. malgré leur renonciation à succession, et ce par le biais d'écritures comptables ;

Attendu que le fait, non contesté, de s'être approprié la succession de leur père et de se dissimuler derrière leur renonciation à succession, fait qui n'est apparu qu'en 1997 par une vérification de comptabilité relève d'une mauvaise foi caractérisée justifiant l'application de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du Code Général des Impôts ; que cette majoration constitue certes une sanction pénale, mais que l'administration a motivé cette mesure dans sa notification de redressement du 31 juillet 1997 ainsi que dans sa réponse aux observations du contribuable en date du 16 octobre 1997 ;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence de réformer le jugement déféré en ce qu'il a dit que l'administration fiscale n'avait pas rapportée la preuve de la mauvaise foi de la demanderesse ;

Attendu que l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du Code Général des Impôts et dont le taux est de 0,75 % par mois ne présente pas le caractère d'une sanction mais d'une réparation ; qu'il s'ensuit que l'administration n'est pas tenue de motiver l'application de cet intérêt, même si le taux est supérieur au taux légal ; que sur ce point également le jugement déféré sera réformé ; Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile au bénéfice de l'administration fiscale ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il annule les majorations exclusives de bonne foi, et en ce qu'il atténue l'intérêt de retard effectivement dû,

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

Condamne Mademoiselle Elisabeth Y... aux dépens de première instance et

d'appel, avec pour ces derniers droit de recouvrement direct au profit de Maître LIGIER de MAUROY, avoué. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2002/01586
Date de la décision : 02/10/2003

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes).

La procédure de l'abus de droit limitée aux actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention n'est pas applicable aux actes juridiques unilatéraux, en l'espèce une renonciation à succession

IMPOTS ET TAXES - Recouvrement (règles communes) - Pénalités et sanctions.

Si la majoration de droits prévue par l'article 1729 du Code général des impôts constitue une sanction pénale nécessairement soumise à motivation, il n'en va pas de même de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 dudit Code qui présente le caractère d'une réparation dont l'application n'a pas à être motivée, même si ce taux est supérieur au taux d'intérêt légal


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2003-10-02;2002.01586 ?
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