La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/09/2003 | FRANCE | N°2002/00469

France | France, Cour d'appel de Lyon, 10 septembre 2003, 2002/00469


Instruction clôturée le 18 Mars 2003 Audience de plaidoiries du 03 Juin 2003

LA SIXIEME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, composée lors des débats et du délibéré de :

. Monsieur VEBER, Président

. Madame DUMAS, Conseiller

. Monsieur BAUMET, Conseiller assistés lors des débats tenus en audience publique par Madame X..., Greffier, a rendu l'ARRET contradictoire suivant prononcé à l'audience publique du 10 SEPTEMBRE 2003, par Madame DUMAS, Conseiller faisant fonction de Président, en remplacement du Président légitimement empêché, qui a signé la

minute avec Madame Y..., Greffier

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

A comp...

Instruction clôturée le 18 Mars 2003 Audience de plaidoiries du 03 Juin 2003

LA SIXIEME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, composée lors des débats et du délibéré de :

. Monsieur VEBER, Président

. Madame DUMAS, Conseiller

. Monsieur BAUMET, Conseiller assistés lors des débats tenus en audience publique par Madame X..., Greffier, a rendu l'ARRET contradictoire suivant prononcé à l'audience publique du 10 SEPTEMBRE 2003, par Madame DUMAS, Conseiller faisant fonction de Président, en remplacement du Président légitimement empêché, qui a signé la minute avec Madame Y..., Greffier

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

A compter du 1er avril 1982, Madame Marie Z..., née le 15 août 1905, veuve de Monsieur Fortuné Z..., a pris en location l'un des trente appartements de la résidence pour personnes âgées, "LA ROSERAIE", située dans l'AIN, à SAINT MAURICE DE BEYNOST.

A la suite de certains propos de Madame A... inquiété d'une diminution de ses ressources, une enquête révéla, en 1996, qu'elle avait, de janvier 1994 à novembre 1996, tiré 74 chèques au bénéfice de Madame Nadine B..., gardienne de la résidence, ou de ses proches, pour un montant total de 434 900 F.

Madame A... a, le 9 janvier 1997, fait l'objet d'une mesure de sauvegarde de justice, puis, le 26 juin 1997, d'un placement sous curatelle.

Elle est décédée le 28 août 2002.

Le 17 avril 1997, l'Association pour la Gestion de la Résidence "LA

ROSERAIE" a licencié Madame B..., pour faute grave, aux motifs qu'elle avait fait croire à Madame C... qu'elle risquait d'être renvoyée de l'établissement, en raison de son âge, et que, pour éviter cette mesure, elle dissimulait son dossier administratif, ainsi que pour avoir accepté d'importantes sommes d'argent de la part d'une pensionnaire, âgée de 91 ans, infraction à l'"éthique la plus élémentaire" de ses fonctions.

Par jugement définitivement rendu le 14 juin 2000, le Tribunal Correctionnel de BOURG-EN-BRESSE a déclaré Madame Nadine B... coupable d'avoir frauduleusement profité de la situation de faiblesse de Madame A..., a prononcé une peine et l'a condamnée au paiement d'une indemnité de 434 900 F.

Madame A..., puis ses héritiers recherchent la responsabilité de l'Association pour la Gestion de la Maison de Retraite "LA ROSERAIE", commettante de Madame Nadine B..., au temps de la remise des chèques.

Par jugement rendu le 23 novembre 2001, leur demande a été rejetée au motif que si l'abus de fonction a été commis sur le lieu de travail, la victime ne pouvait pas ignorer que Madame B... abusait de ses fonctions dès lors que la cause des remises de fonds était la rémunération du détournement de son dossier administratif, ce qui impliquait que Madame B... agissait pour son compte personnel, et non pour celui de son employeur.

Mesdames Pierrette A Juliette Z... et Jeanine GIRAUD, lesquelles ont repris l'instance, concluent à l'infirmation, à la condamnation de l'Association de Gestion de la Maison de Retraite "LA ROSERAIE" à leur verser une indemnité de 48 202,67 ä, en réparation de leur préjudice matériel, une autre de 1 500 ä, au titre du préjudice moral, ainsi que, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la somme de 2 000 ä.

L'Association pour la Gestion de la Maison de Retraite "LA ROSERAIE",

intimée, conclut à la confirmation et à la condamnation des intervenants à lui verser la somme de 2 000 ä, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; à titre subsidiaire, au débouté, faute de justification du préjudice.

SUR CE

Attendu que les héritières de Madame A... font valoir que Madame Nadine B..., préposée de l'Association en sa qualité de gardienne, a agi dans le cadre de ses fonctions pour se faire remettre des fonds, alors que leur parente n'avait plus toute sa raison, ce qui justifie la condamnation de l'employeur ;

Attendu que, pour résister à cette argumentation, l'employeur oppose que la responsabilité du commettant requiert, de façon cumulative, le lien de préposition, la faute du préposé et le rattachement de la faute aux fonctions du préposé ;

Qu'il soutient que les remises de fonds sont étrangères aux fonctions de Madame B... laquelle, gardienne de nuit, devait rester dans son appartement de fonction de 20 heures à 8 heures, sauf sur sollicitations des pensionnaires transmises aux services compétents ; Qu'elle en déduit que les rencontres entre Madame A... et Madame B... sont intervenues en dehors du temps de travail et des fonctions de garde de l'établissement ;

Qu'elle souligne que la soustraction du dossier administratif, à la vigilance de la direction, prétexte allégué par Madame B..., est étrangère aux fonctions de gardienne qui n'avait pas à connaître de la gestion administrative et révélait à Madame A... que Madame B... agissait nécessairement en dehors de ses fonctions ;

Mais attendu que, lors de son interrogatoire de première comparution, daté du 19 mars 1998, Madame B... a déclaré que le soir, entre 20 heures et 21 heures, elle donnait les médicaments aux pensionnaires et faisait quelques soins... que le matin, elle ouvrait les portes et à 7 heures 30, donnait les médicaments ;

Qu'ainsi, contrairement à ce que soutient l'employeur, les fonctions de Madame B... la mettaient régulièrement et quotidiennement au contact des pensionnaires, dans l'intimité de leurs chambres ;

Que Madame B... a donc pu ainsi à l'occasion de l'exercice de ses fonctions connaître l'incontinence nocturne dont souffrait Madame A... ; Attendu que Madame B... a fait naître chez Madame A... la crainte chimérique d'être renvoyée de la résidence, en raison de son trop grand âge et de son incontinence, et s'est attribuée le pouvoir imaginaire d'empêcher le départ de la pensionnaire afin d'obtenir d'elle le tirage de chèques à son profit ou à celui de son entourage ;

Attendu que la circonstance que ce pouvoir fallacieux aurait été exercé, au détriment de l'employeur, n'est pas de nature à faire de la tromperie dont les divers éléments sont indissociables un acte étranger à l'activité de Madame B... laquelle, grâce à ses fonctions, a été mise en relation avec la victime, a pu connaître ses faiblesses psychologiques et physiques, lui faire croire à son pouvoir d'assurer son maintien dans la résidence ;

Que, pour ces raisons, le jugement est infirmé et la responsabilité

de l'employeur retenue, le préjudice causé à Madame A... par les fautes de Madame B... ayant pour mesure le montant des chèques tirés ;

Attendu qu'à titre subsidiaire, l'employeur conteste la demande d'indemnisation, faute de justification des tentatives de recouvrement entrepris à l'encontre de Madame B... et d'indication des sommes déjà versées par elle ;

Mais attendu que le retard apporté par le curateur à recouvrer la somme consignée par Madame B..., dans le cadre de son contrôle judiciaire, n'est pas de nature à réduire le montant de la condamnation de l'employeur ;

Qu'il est déduit de la demande de condamnation (48 202,67 ä soit 316 188,78 F), la somme déjà perçue de Madame B..., tout versement ultérieur réduisant d'autant la dette indemnitaire exigible de l'employeur ;

Attendu que la responsabilité des commettants n'est pas subsidiaire à celle des préposés ;

Que les demandeurs n'ont, donc, pas l'obligation de justifier de poursuites premières à l'encontre de Madame B..., faute, pour le commettant, de disposer d'un privilège de discussion ;

Attendu que Madame A... a été hébergée pendant plus de quinze ans à la Résidence "LA ROSERAIE" ; que l'existence d'un préjudice moral, résultant de l'abus imputable à un préposé, est ainsi démontrée, en raison des relations de confiance instaurées au fil du temps, dans le cadre particulier constitué par un établissement pour personnes âgées ;

Qu'il serait inéquitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Dit que Madame Nadine B... a commis des fautes au préjudice de Madame Marie A..., en sa qualité de préposée et dans le cadre de ses fonctions de préposé de l'Association pour la Gestion de la Maison de Retraite "LA ROSERAIE",

Condamne l'Association pour la Gestion de la Maison de Retraite "LA ROSERAIE", en qualité de commettante de Madame Nadine B..., à verser à Mesdames Pierrette A, Juliette Z... et Jeanine B, la somme de 48 202,67 ä, en réparation de leur préjudice matériel, celle de 1 000 ä, en réparation de leur préjudice moral, et, en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, celle de 1 500 ä,

Condamne l'Association pour la Gestion de la Maison de Retraite "LA ROSERAIE" aux dépens de première instance et d'appel. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2002/00469
Date de la décision : 10/09/2003

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE

A agi dans le cadre de ses fonctions pour se faire remettre des fonds, le gardien de nuit d'une maison de retraite lorsqu'il est avéré que ses fonctions le mettaient régulièrement et quotidiennement au contact des pensionnaires dans l'intimité de leurs chambres. Dès lors, la responsabilité de la maison de retraite, employeur doit être retenue


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2003-09-10;2002.00469 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award