Instruction clôturée le 18 Février 2003 Audience de plaidoiries du 05 Juin 2003
LA SIXIEME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, composée lors des débats et du délibéré de :
. Monsieur VEBER, Président
. Madame DUMAS, Conseiller
. Monsieur BAUMET, Conseiller assistés lors des débats tenus en audience publique par Madame X..., Greffier, a rendu l'ARRET contradictoire suivant prononcé à l'audience publique du 10 SEPTEMBRE 2003, par Madame DUMAS, Conseiller faisant fonction de Président, en remplacement du Président légitimement empêché, qui a signé la minute avec Madame Y..., Greffier
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Z..., propriétaire d'un ensemble immobilier sis à AMBRONNAY à usage de garage qu'il a cessé d'exploiter, a conclu le 1er janvier 1995 un bail commercial avec la SARL DTLV moyennant un loyer annuel de 144 000 F payable par trimestre;
Le 21 mars 1996, Monsieur Z... a été mis en liquidation judiciaire, Maître BERMOND étant désigné comme liquidateur.
La Société DTLV a continué à occuper les locaux et à exercer son activité professionnelle postérieurement à la liquidation de Monsieur Z... sans verser les loyers entre les mains du liquidateur.
L'immeuble, objet du bail, a été vendu aux enchères publiques le 26 avril 1999 dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire sur les poursuites de Maître BERMOND.
L'amie de Monsieur Z..., Madame A..., qui est la gérante de la Société DTLV, s'est portée acquéreur de l'immeuble.
Par exploit du 27 janvier 2000, Maître BERMOND, ès qualités, a assigné la Société DTLV devant le Tribunal de Grande Instance de BELLEY, statuant commercialement, en paiement des loyers impayés d'avril 1996 au 26 avril 1999 soit la somme de 390 000 F.
La Société DTLV s'est opposée à cette demande et a sollicité une réduction du loyer à 6 000 F par mois (au lieu de 12 000 F) compte tenu de la réalisation d'une partie de l'actif mobilier compris dans le bail par le liquidateur.
Par jugement du 12 juillet 2001, le Tribunal de Grande Instance de BELLEY a fixé, à compter du 1er décembre 1996, à la somme de 11 000 F par mois, le loyer commercial ou indemnité d'occupation dû par la Société DTLV à Maître BERMOND, ès qualités de mandataire liquidateur de Monsieur Z..., et a condamné cette société à payer à ce dernier la somme de 332 209,17 F (50 644,96 ä) outre intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 1999.
* *
*
Appelante de cette décision, la Société DTLV fait valoir que la responsabilité du mandataire liquidateur est engagée en raison de sa carence dans la gestion du dossier de liquidation de Monsieur Z... B... précise que le mandataire liquidateur, parfaitement au fait de l'existence du bail, ne s'est pas préoccupé de faire rentrer les loyers pendant plus de trois ans et qu'en tout état de cause le bail initial n'est plus exécutable en sa forme initiale depuis le 16 décembre 1996 suite à l'accord réduisant le loyer mensuel à 6 000 F en raison de la réalisation d'une partie de l'actif compris dans le bail (cabine de peinture et matériel de chauffage). L'appelante conclut, à titre principal, au débouté de Maître BERMOND de toutes ses demandes, subsidiairement, au rejet de la demande de règlement des loyers postérieurs au 1er janvier 1997 et, très subsidiairement,
à la réduction des loyers dus à la somme de 914,69 ä par mois soit 10 976,39 ä par an et en paiement de la somme de 2 757,80 ä en remplacement du chauffage inexistant à compter du 16 décembre 1996. Enfin, l'appelante sollicite la condamnation de Maître BERMOND à lui fournir une facture correspondante à la somme de 6 675,87 ä des loyers de septembre 1998 à mars 1999, au paiement de la somme de 3 050 ä à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la carence du liquidateur et au paiement de la somme de 2 290 ä au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. * *
*
Maître BERMOND, ès qualités, réplique que la preuve des versements allégués n'est pas rapportée par la production de quittances en original, que de toutes façons Monsieur Z... n'avait aucune qualité tant pour recevoir les loyers que pour modifier le montant de la location compte tenu de la liquidation judiciaire entraînant son dessaisissement et qu'il appartenait au locataire de prendre contact avec le liquidateur aux fins de voir modifier le montant du loyer. Maître BERMOND relève que le locataire n'a pas déféré à la mise en demeure du 6 janvier 1999 et ne saurait donc, vu son attitude, se prévaloir d'une quelconque faute du liquidateur. Formant appel incident, Maître BERMOND, ès qualités, conteste la minoration de loyer opérée par le Tribunal (1 000 F par mois) et demande à la Cour de condamner la Société DTLV à lui payer la somme de 61 284,50 ä outre intérêts de droit à compter du 6 janvier 1999 au titre des loyers impayés, la somme de 2 000 ä à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et la somme de 2 000 ä au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu qu'en application de l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985, la liquidation judiciaire de Monsieur Z... emporte de plein droit à partir de sa date, soit le 21 mars 1996, son dessaisissement de l'administration et de la disposition de ses biens ;
Attendu que Monsieur Z... n'avait donc aucune qualité pour recevoir les loyers postérieurement à sa liquidation judiciaire qui auraient dû être réglées entre les mains du mandataire liquidation ; qu'il n'avait pas davantage qualité pour modifier le montant du loyer ;
Attendu que par l'effet du dessaisissement, les règlements de loyers qui ont pu intervenir directement entre les mains de Monsieur Z..., ainsi que la transaction alléguée du 16 décembre 1996, sont inopposables à la masse des créanciers de la liquidation judiciaire ; Attendu que la locataire, qui était parfaitement informée de la liquidation judiciaire de son bailleur au moins à partir du 16 décembre 1996, depuis la vente d'éléments d'actifs selon ses termes de sa propre lettre, aurait dû spontanément régler les loyers entre les mains du mandataire liquidateur, ce qu'elle n'a pas fait ;
Attendu cependant que pour s'affranchir du paiement des loyers réclamés par le mandataire liquidateur pour la période d'avril 1996 à avril 1999, la Société DTLV invoqué la carence du mandataire liquidateur qui ne pouvait ignorer l'existence d'un bail en cours ;
Mais attendu que le dessaisissement intervenant de plein droit, l'attitude fautive ou non du liquidateur dans la conduite de la procédure collective est sans incidence sur l'application d'un principe légal dont la mise en oeuvre est indépendante de toute
intervention de ce mandataire de justice ;
Attendu que Maître BERMOND, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur Z..., est parfaitement fondé à réclamer les loyers ou indemnités d'occupation impayés entre ses mains ;
Attendu, par ailleurs, qu'aux termes du bail commercial conclu le 31 mars 1995 pour un loyer annuel de 144 000 F, la Société DTLV avait la jouissance d'une cabine de peinture et d'une installation de chauffage ; que suite à la réalisation de ce matériel par le liquidateur, la société locataire a été privée de la jouissance de ce matériel compris dans le bail, et ce, même si cet équipement constituait un bien meuble ;
Attendu que la Cour, adoptant les motifs pertinents du Tribunal, confirme la réfaction opérée de 1 000 F par mois à compter du 1er décembre 1996 de l'indemnité d'occupation compte tenu des caractéristiques et de la surface des locaux ; que la demande de l'appelante tendant à une réduction par moitié n'est pas fondée ;
Attendu que la demande aux fins de remboursement du générateur de chauffage, qui ferait double emploi avec la diminution du loyer consentie en contrepartie de la disparition de cet équipement, doit être également rejetée ;
Attendu, en revanche, que la Société DTLV est fondée à obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par elle du fait de la carence de Maître BERMOND dans ses fonctions de mandataire liquidateur pour avoir tardé, pendant deux ans et demi, à s'inquiéter du sort des loyers ou indemnités d'occupation dus par la Société DTLV alors qu'il ne pouvait ignorer l'existence d'un bail conclu le 1er janvier 1995 à une époque où Monsieur Z... faisait l'objet d'un plan de continuation ;
Que le préjudice lié à ce manque de diligence doit être évalué à la
somme de 1 500 ä ;
Attendu que, dans ce contexte, la résistance de la Société DTLV au paiement des loyers entre les mains de Maître BERMOND ne peut être qualifiée d'abusive ; qu'il n'y a pas lieu à l'octroi de dommages et intérêts ;
Attendu que l'équité ne conduit pas à faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de l'une ou l'autre des parties ;
Attendu que les entiers dépens de première instance et d'appel seront supportés par la Société DTLV qui succombe pour l'essentiel de ses prétentions ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la Société DTLV à titre de dommages et intérêts,
Réforme le jugement déféré sur cet unique point,
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne Maître BERMOND, ès qualités de liquidateur de Monsieur Z..., à payer à la Société DTLV la somme de 1 500 ä à titre de dommages et intérêts,
Déboute chacune des parties de leurs autres demandes,
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne la SARL DTLV aux entiers dépens distraits au profit de la SCP BRONDEL etamp; TUDELA, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.