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22/05/2003 | FRANCE | N°2000/05852

France | France, Cour d'appel de Lyon, 22 mai 2003, 2000/05852


COUR D'APPEL DE LYON

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 22 MAI 2003

Décision déférée : Jugement du Tribunal de Commerce LYON du 05 septembre 2000 - R.G.: 1997J/03766 N° R.G. Cour : 00/05852

Nature du recours : APPEL APPELANTE : SOCIÉTÉ RECTO VERSO SERVICE, SARL 13 Route de Valenciennes 59198 HASPRES représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour assistée de Me DEBACKER, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE : SOCIÉTÉ RISO FRANCE, SA 51 rue de la Cité 69441 LYON CEDEX 03 représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour a

ssistée de Me BERTRAND, avocat au barreau de LYON, Toque 667 Instruction clôturée le 10 Décem...

COUR D'APPEL DE LYON

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 22 MAI 2003

Décision déférée : Jugement du Tribunal de Commerce LYON du 05 septembre 2000 - R.G.: 1997J/03766 N° R.G. Cour : 00/05852

Nature du recours : APPEL APPELANTE : SOCIÉTÉ RECTO VERSO SERVICE, SARL 13 Route de Valenciennes 59198 HASPRES représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour assistée de Me DEBACKER, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE : SOCIÉTÉ RISO FRANCE, SA 51 rue de la Cité 69441 LYON CEDEX 03 représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de Me BERTRAND, avocat au barreau de LYON, Toque 667 Instruction clôturée le 10 Décembre 2002 Audience publique du 03 Avril 2003 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, DÉBATS en audience publique du 3 AVRIL 2003

tenue par Monsieur SIMON, Conseiller, et Monsieur KERRAUDREN, Conseiller, chargés de faire rapport, sans opposition des Avocats

dûment avisés, qui en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : Monsieur SIMON, Conseiller le plus ancien de la Chambre, faisant fonction de Président en vertu de l'ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de LYON en date du 10 décembre 2002 Monsieur SANTELLI, Conseiller, Monsieur KERRAUDREN, Conseiller, GREFFIER : Mademoiselle X..., lors des débats et du prononcé de l'arrêt, ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 22 MAI 2003 Par Monsieur SIMON, Conseiller faisant fonction de Président, qui a signé la minute avec Mademoiselle X..., Greffier. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La S.A.R.L. RECTO VERSO Services a commercialisé à compter de 1990 des duplicopieurs japonais de marque RISO et leurs "consommables", distribués en FRANCE par la société RELIGRAPH passée sous contrôle de la S.A. RISO FRANCE à compter du mois d'octobre 1993. Aucune convention écrite ne régissait les relations commerciales avant la signature, le 19 mai 1995, d'un contrat de distribution exclusive de duplicopieurs et de leurs fournitures, sur un territoire formé de quatre départements, pour une période débutant au jour de la signature du contrat et expirant le 31 mars de l'année suivante, soit le 31 mars 1996, sans renouvellement par tacite reconduction. Le 28 février 1996, la S.A. RISO FRANCE a proposé à la S.A.R.L. RECTO VERSO Services un contrat de distribution sélective pour l'exercice du 1er avril 1996 au 31 mars 1997 et l'a adressé à la S.A.R.L. RECTO VERSO Services, le 17 avril 1998. La S.A.R.L. RECTO VERSO Services n'a pas signé ledit contrat. Elle a dénoncé, le 7 février 1997, auprès de la Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du NORD, les agissements anticoncurrentiels de la S.A. RISO FRANCE et a engagé, par acte en date du 25 juillet 1997, une action contre la S.A. RISO FRANCE en dommages et intérêts pour

pratiques anticoncurrentielles.

Par jugement rendu le 5 septembre 2000, le Tribunal de Commerce de LYON, après un jugement de sursis à statuer du 2 février 1999 sur le fondement de l'article 4 du code de procédure pénale, a débouté la S.A.R.L. RECTO VERSO Services de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à payer à la S.A. RISO FRANCE la somme de 40.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La S.A.R.L. RECTO VERSO Services a régulièrement formé appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

Vu l'article 455 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret N° 98-1231 du 28 décembre 1998 ;

Vu les prétentions et les moyens développés par la S.A.R.L. RECTO VERSO Services dans ses "conclusions d'appel" en date du 8 octobre 2002 tendant à faire juger que la S.A. RISO FRANCE, "numéro" 1 ou "leader" mondial sur le segment de la vente des duplicopieurs a commis un abus de position dominante sur le marché spécifique de la vente des duplicopieurs en présentant à son agrément un contrat de distribution sélective comportant des conditions inacceptables qui ne pouvaient qu'être repoussées, ce qui réalise l'abus de position dominante, qu'elle se trouvait en état de dépendance économique vis-à-vis de la S.A. RISO FRANCE vu l'importance des relations d'affaires nouées avec son importateur et le poids de celui-ci dans la distribution des duplicopieurs, qu'elle ne disposait pas de solution équivalente pour s'approvisionner auprès d'autres fabricants ou importateurs, que la S.A. RISO FRANCE a, postérieurement à l'expiration du contrat de distribution exclusive, refusé de lui vendre des duplicopieurs et/ou pratiqué des conditions de vente discriminatoires visant à l'évincer en tant que distributeur au profit d'un réseau de vente directe, que le préjudice en résultant doit être fixé à 914.694 euros, le cas échéant après instauration

d'une mesure d'instruction, et que les conclusions de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes sont sans incidence sur la validité des pratiques commerciales de la S.A. RISO FRANCE ;

Vu les prétentions et les moyens développés par la S.A. RISO FRANCE dans ses conclusions récapitulatives en date du 15 janvier 2002 tendant à faire juger que la Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du NORD n'a relevé aucun manquement de sa part, qu'il n'existe aucun abus de position dominante eu égard au périmètre du marché pertinent incluant la

reprographie, à l'absence de position dominante sur le marché de la reprographie et au peu de notoriété de la marque RISO, que la S.A.R.L. RECTO VERSO Services n'était pas en situation de dépendance économique comme ne réalisant pas un chiffre d'affaires significatif avec son distributeur de duplicopieurs, comme ne s'étant pas vue imposer des modifications importantes des conditions de la collaboration commerciale (quota, zone "d'influence" concédée), qu'aucune pratique discriminatoire n'est avérée, que la S.A.R.L. RECTO VERSO Services s'est par contre livrée à des agissements contraires aux stipulations du contrat de distribution exclusive alors en vigueur et que ces manquements sont justiciables d'une réparation sous forme de dommages et intérêts d'un montant de 500.000 francs ;

MOTIFS ET DÉCISION

Attendu que l'absence de suites données par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ensuite de l'enquête à laquelle ses services du département du RHONE ont procédé auprès de la S.A. RISO FRANCE et qui a donné lieu à l'établissement de simples procès-verbaux, les 23 septembre 1997 et 6 novembre 1997, ne vaut pas "validation" ou approbation pure et simple

des pratiques commerciales de la S.A. RISO FRANCE dénoncées par la S.A.R.L. RECTO VERSO Services, n'empêche pas cette dernière d'engager soit l'action qui lui est ouverte par l'article L 442-6 II du code de commerce, ancienne rédaction applicable, en sa qualité de "personne justifiant d'un intérêt", soit toute

autre fondée sur les principes généraux de la responsabilité civile et ne fait pas présumer l'absence de comportement anticoncurrentiel de la part de la S.A. RISO FRANCE et son absence de toute responsabilité civile ;

Attendu que la S.A.R.L. RECTO VERSO Services fonde son action, outre sur l'article 1382 du code civil, sur l'article L 420-2 du code de commerce, ancienne rédaction, prohibant l'exploitation abusive par une entreprise :

- 1° d'une position dominante sur une partie substantielle du marché intérieur,

- 2 ° de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve, à son égard, une entreprise cliente qui ne dispose pas de solution équivalente, ces abus pouvant notamment consister en refus de vente, en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées ;

Attendu que le marché de référence pour l'examen de la position dominante imputée à la S.A. RISO FRANCE est celui des duplicopieurs, appareils qui ont une finalité spécifique comme répondant à des besoins particuliers d'une clientèle précise, et non celui plus vaste de la reprographie qui comprend des appareils n'ayant pas les mêmes fonctionnalités ; que les relations commerciales entre la S.A. RISO

FRANCE et la S.A.R.L. RECTO VERSO Services ne concernent que les duplicopieurs et leurs fournitures accessoires (consommables) ; que la S.A. RISO FRANCE définit, elle-même, un marché distinct pour ce type d'équipements destinés à une clientèle déterminée (4000 appareils par année pour 1995/1996) ; que la S.A. RISO FRANCE se présente sur tous ses documents commerciaux comme le N° 1 mondial ou le "leader" dans ce segment particulier, et encore dans une plainte pénale déposée entre les mains d'un juge d'instruction comme "la société leader sur le marché de la duplicopie (sic)" ; que dans le cadre de l'enquête de la Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, son dirigeant reconnaît que la S.A. RISO FRANCE représente 60 % du marché français ; que des articles de presse professionnelle gratifient pour 1997 la S.A. RISO FRANCE de la vente en FRANCE de 4.000 duplicopieurs sur un volume total vendu de 5.000 ;

Mais attendu que l'abus de la S.A. RISO FRANCE dans l'exploitation de sa position dominante sur le marché français de la distribution des duplicopieurs, pouvant résider dans le fait de tenter d'imposer à la S.A.R.L. RECTO VERSO Services la conclusion d'un contrat de distribution sélective comportant des conditions inacceptables, n'est pas avérée ; qu'en effet le contrat de distribution sélective proposé, faisant suite à un contrat de distribution exclusive à durée déterminée d'une année non reconductible, ne comporte pas de clauses révélant un abus de position dominante de la part de la S.A. RISO FRANCE qui aurait eu pour seul objectif de provoquer le refus de son partenaire et la rupture des relations commerciales ; que si le contrat de distribution sélective comportaient des conditions modifiant profondément l'économie du contrat précédent, en ce qui concernent la détermination d'une zone d'influence sans exclusivité garantie mais ne limitant pas le secteur d'intervention de la

S.A.R.L. RECTO VERSO Services à cette zone d'influence et les objectifs (engagements fixés à 30 ventes de duplicopieurs et non à 84 comme le soutient abusivement la S.A.R.L. RECTO VERSO Service au lieu de 70 l'année précédente), les modifications apportées ne procèdent pas d'un abus de position dominante ayant pour finalité de provoquer le refus de la S.A.R.L. RECTO VERSO Services et d'évincer ainsi un distributeur installé depuis 6 années de son secteur géographique ; que la S.A. RISO FRANCE qui réorganisait son système de vente a proposé en 1996 ce contrat type aux anciens distributeurs exclusifs ; que 39 d'entre eux sur les 63 existants soit 62 % ont accepté le contrat de distribution sélective ; que certains non-renouvellements ne résultent pas du refus d'anciens distributeurs exclusifs mais de causes étrangères (rachat ou disparition de certains de ces distributeurs ou non-atteinte de leurs objectifs afférents à l'exercice précédent pour d'autres); que les circonstances qui entourent la proposition du contrat de distribution sélective et le contenu dudit contrat ne sont pas révélateurs d'un abus de sa position dominante de la part de la S.A. RISO FRANCE ;

Attendu que la S.A.R.L. RECTO VERSO Services se trouvait effectivement dans un état de dépendance économique vis-à-vis la S.A. RISO FRANCE son fournisseur exclusif ; que l'activité de la S.A.R.L. RECTO VERSO Services était essentiellement axée sur la vente de duplicopieurs ; que la S.A. RISO FRANCE distribuait une grande part du marché français des duplicopieurs, ce qui empêchait la S.A.R.L. RECTO VERSO Services de disposer de solutions équivalentes pour s'approvisionner chez un autre fournisseur ; que cependant la S.A. RISO FRANCE la S.A. RISO FRANCE n'a pas proposé à la S.A.R.L. RECTO VERSO Services des conditions commerciales injustifiées en sollicitant la conclusion d'un contrat de distribution sélective, ainsi qu'il vient d'être exposé ; que, par ailleurs, les manquements

invoqués par la S.A.R.L. RECTO VERSO Services et postérieurs à l'expiration du contrat de distribution exclusive qui a pris fin le 31 mars 1996, (refus de vente et conditions de vente discriminatoires) ne sont pas avérés ; que la pièce (n° 100) alléguée par la S.A.R.L. RECTO VERSO Services comme constituant la preuve de ce refus de vente est précisément un courrier de la S.A. RISO FRANCE en date du 26 juin 1997 annonçant la livraison de matériels commandés par la S.A.R.L. RECTO VERSO Services et contenant une grille tarifaire pour de futures commandes de consommables ; que la pratique discriminatoire alléguée n'est pas constituée dès lors que la S.A.R.L. RECTO VERSO Services qui n'avait pas signé le contrat de distribution sélective avec la S.A. RISO FRANCE ne pouvait se prévaloir des tarifs appliqués aux distributeurs qui avaient signé un tel contrat ;

Attendu que le jugement mérite entière confirmation pour des motifs quelque peu différents ;

Attendu que la S.A. RISO FRANCE ne peut se plaindre présentement d'une violation de l'article 3.3 du contrat de distribution exclusive conclu entre les parties dès lors qu'après avoir fait grief à la S.A.R.L. RECTO VERSO Services de quelques manquements légers concernant "les fournitures pirates" (qui ne sont pas de marque RISO et auraient été, néanmoins commercialisées par la S.A.R.L. RECTO VERSO Services), elle a permis, par son courrier en date du 10 mai 1996, à cette dernière "dans un but d'apaisement" de régulariser la situation ; que la S.A. RISO FRANCE n'invoque aucun fait postérieur à cette lettre par laquelle elle avait absous les précédents manquements, au demeurant non caractérisés par des pièces pertinentes ; que la S.A. RISO FRANCE allègue encore que la S.A.R.L. RECTO VERSO Services aurait violé la clause du contrat de distribution exclusive sur un territoire déterminé en commercialisant des matériels hors de

ce territoire ; qu'elle ne produit aucune pièce à l'appui de cette allégation ; que la démarche déloyale ou "piègeuse" imputée à la S.A.R.L. RECTO VERSO Services n'est pas, non plus, démontrée par la S.A. RISO FRANCE ;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre la somme de 1.500 Euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Reçoit l'appel de la S.A.R.L. RECTO VERSO Services comme régulier en la forme,

Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Déboute les parties de leurs plus amples ou contraires conclusions.

Y ajoutant, condamne la S.A.R.L. RECTO VERSO Services à porter et payer à la S.A. RISO FRANCE la somme de 1.500 Euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Condamne la S.A.R.L. RECTO VERSO Services aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la S.C.P. d'Avoués Jacques AGUIRAUD etamp; Philippe NOUVELLET sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER,

LE CONSEILLER,

E. X...

R. SIMON.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2000/05852
Date de la décision : 22/05/2003

Analyses

CONCURRENCE - Pratique anticoncurrentielle - Sanctions

L'absence de suites données par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à une enquête relative à des pratiques anti-concurrentielles ne vaut pas validation ou approbation des pratiques commerciales, et n'empêche par conséquent pas une société concurrente d'engager soit l'action qui lui est ouverte par l'article L. 442-6, II, du Code de commerce, en sa qualité de "personne justifiant d'un intérêt", soit toute autre action fondée sur les principes généraux de la responsabilité civile.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2003-05-22;2000.05852 ?
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