La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/04/2003 | FRANCE | N°2002/06347

France | France, Cour d'appel de Lyon, 03 avril 2003, 2002/06347


EXPOSE DE L'AFFAIRE :

Selon contrat du 4 août 2000, les consorts X..., tous actionnaires de la société Financière du Fier (S.F.F.), se sont engagés à céder à Monsieur Y..., agissant en qualité de P.D.G. de la société S.G.P.A., avec factulté pour celle ci de se substituer la société à constituer G2 Finances, les 23 000 actions de leur société (elle-même détenant 2 994 actions de la Société de marquage industriel (S.M.I.) et six actions de S.M.I. leur appartenant.

L'acte prévoyait que Monsieur Z... demeurerait P.D.G. de la société S.M.I. et que Monsieur J.

M. A... (ou tout substitué) et les époux Z... participeraient au capital de G2 Fin...

EXPOSE DE L'AFFAIRE :

Selon contrat du 4 août 2000, les consorts X..., tous actionnaires de la société Financière du Fier (S.F.F.), se sont engagés à céder à Monsieur Y..., agissant en qualité de P.D.G. de la société S.G.P.A., avec factulté pour celle ci de se substituer la société à constituer G2 Finances, les 23 000 actions de leur société (elle-même détenant 2 994 actions de la Société de marquage industriel (S.M.I.) et six actions de S.M.I. leur appartenant.

L'acte prévoyait que Monsieur Z... demeurerait P.D.G. de la société S.M.I. et que Monsieur J. M. A... (ou tout substitué) et les époux Z... participeraient au capital de G2 Finances.

Des conditions suspensives étaient prévues et notamment la non-révélation par l'audit que devaient effectuer les acquéreurs d'éléments significatifs de nature à avoir un impact important et non prévu sur les comptes et résultats des sociétés, ainsi que l'obtention d'un prêt bancaire par G2 Finances.

Le prix de cession des actions était de 50 002 000 francs pour celles de la S.F.F.

A la suite de l'audit de S.M.I. effectué en septembre 2000, et de l'obtention de prêts par la société G2F, les actions ont été acquises le 14 novembre 2000. Le même jour, une convention de garantie d'actif et de passif a été régularisée entre les parties. A la même date est intervenu un engagement de blocage de compte courant des associés de la société G2F jusqu'au complet remboursement par celle-ci de son emprunt bancaire.

Faisant valoir que les vendeurs leur avaient dissimulé le prochain départ de la société GEMPLUS, principal client de la société S.M.I., et s'étaient rendus coupables d'un dol, les sociétés G2F et SGPA ont saisi le Tribunal de Commerce de LYON d'une action tendant à obtenir l'annulation du contrat de cession et des cessions de titres, avec

toutes les conséquences de droit, outre divers dommages et intérêts mais, par un jugement du 24 octobre 2002, la juridiction consulaire, après avoir rejeté la demande de sursis à statuer présentée par les défendeurs, a :

- débouté les sociétés G2F et SGPA de toutes leurs prétentions,

- condamné solidairement la société G2F et la société S.G.P.A. à rembourser les comptes courants de :

* Monsieur Z... pour 111 851,54 euros,

* Madame Z... pour 111 851,54 euros,

* la Société FINENCRE pour 223 673,49 euros assortis d'un intérêt au taux annuel de 4,5 % à compter du 4 novembre 2000,

- rejeté les demandes des époux Z..., des époux A..., des sociétés ENCRE, CHOCO et FINENCRE,

- ordonné l'exécution provisoire,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamné solidairement les sociétés G2F et S.G.P.A. aux dépens.

Les sociétés G2F et S.G.P.A. ont relevé appel de ce jugement dont elles ont obtenu l'arrêt de l'exécution provisoire. Autorisées par ordonnance du 13 novembre 2002, elles ont assigné à jour fixe l'ensemble des défendeurs initiaux devant cette Cour.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives, en date du 10 février 2003, elles prient la Cour de :

-débouter les intimés de l'intégralité de leurs prétentions,

- confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les Consorts A... de leurs demandes de sursis à statuer,

- l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :

- dire et juger que les intimés ont commis un dol et constater la nullité du contrat de cession en tout ce qu'il comporte, dont les cessions de titres G2F effectuées le 14 novembre 2000 par S.G.P.A. au profit de la société FINENCRE et des époux Z..., de même que la nullité des conventions de comptes courants conclues par G2F avec ces derniers,

- condamner solidairement les intimés, à l'exception de la société FINENCRE (qui n'était pas cédante), à payer à G2F à titre de restitution du prix la somme de 7 622 755,76 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 14 novembre 2000 conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation,

- donner acte à G2F de ce qu'elle s'engage, simultanément à la restitution susmentionnée du prix de cession, à restituer aux intimés, à l'exception de la société FINENCRE, 23 000 actions SFF et 6 actions SMI,

- donner acte à SGPA de ce qu'elle s'engage, aux mêmes conditions, à restituer à la société FINENCRE et aux époux Z... les sommes qu'ils lui ont versées (prix de souscription) lors des cessions de titres G2F, entachées de nullité, intervenues le 14 novembre 2000,

- donner acte à G2F de ce qu'elle s'engage, aux mêmes conditions, à reverser aux époux Z... et à la société FINENCRE les sommes qu'ils lui ont versées en compte courants, étant entendu qu'en ce qui concerne les époux Z... le montant des sommes correspondantes s'imputera sur celles dont ils seront redevables envers G2F au titre de la restitution du prix à eux versé pour l'acquisition de leurs actions SFF et des dommages et intérêts auxquels ils seront condamnés,

- donner acte à G2F de ce qu'elle s'engage, simultanément à la restitution du prix de cession par les intimés, à reverser à SFF l'intégralité des dividendes qu'elle aura reçus de cette dernière, dont le montant sera dûment attesté par son commissaire aux comptes,

- donner acte à G2F de ce qu'elle s'engage, simultanément à la restitution du prix de cession par les intimés, à reverser à SFF et/ou SMI l'intégralité des sommes reçues de ces dernières, majorées des intérêts contractuellement dus, au titre de la convention de trésorerie conclue entre G2F, SFF et SMI, toutes sommes dont le montant sera dûment attesté par son commissaire aux comptes,

- condamner solidairement les intimés, à l'exception de la société FINENCRE, à payer à G2F la somme de 1 069 524,70 euros (correspondant aux frais et coûts d'acquisition ou d'emprunts exposés ou supportés par G2F pour acquérir SFF) augmentée des intérêts légaux à compter du 23 novembre 2001,

- subsidiairement sur ce seul point, limiter ladite condamnation à la somme de 820 947,01 euros, correspondant aux mêmes frais et coûts à l'exception de coûts internes de SGPA contestés par les intimés,

A titre infiniment subsidiaire sur le dol :

- dire et juger que les intimés, à l'exception de la société FINENCRE, ont commis un dol et les condamner, en application des articles 1116 et 1382 du Code Civil, à réparer le préjudice qui en est résulté pour les concluantes,

- les condamner en conséquence solidairement, à l'exception de la société FINENCRE, à payer à G2F la somme de 3 811 225,43 euros, égale à 50 % du prix d'acquisition de SFF, augmentée des intérêts légaux à compter du 14 novembre 2000,

- les condamner solidairement à payer à G2F la somme de 534 762,35 euros (correspondant à 50 % des frais et coûts d'acquisition ou d'emprunts exposés ou supportés pour acquérir SFF) augmentée des intérêts légaux à compter du 23 novembre 2001, ou plus subsidiairement encore, à celle de 410 473,50 euros, correspondant aux mêmes frais et coûts à l'exception des coûts internes de SGPA

contestés par les intimés,

En tout état de cause :

- condamner solidairement les intimés à verser à chacune des sociétés G2F et SGPA la somme de 75 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en raison des frais irrépétibles par elles exposés devant les premiers juges et devant la Cour,

- condamner solidairement les intimés aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Monsieur Jean-Marc A..., Madame Emilienne A..., Monsieur Michel Z..., Madame Laurence Z..., la société ENCRE, la société CHOCO et la société FINENCRE, pour leur part, ont conclu en réponse en dernier lieu le 12 février 2003 en demandant à la Cour de :

1/ Vu l'article 4 du Code de Procédure Pénale,

Vu le dépôt de plainte avec constitution de partie civile,

Vu la consignation auprès du Juge d'Instruction,

Vu la plainte déposée par la société SMI,

- réformer la décision des Premiers Juges,

- surseoir à statuer jusqu'à l'issue des décisions rendues par les Juges d'Instruction de NANTERRE et de LYON,

2/ Vu l'article 1116 du Code Civil,

Vu l'article 1134 du Code Civil et la convention des parties,

Vu la jurisprudence applicable,

Vu l'absence de démonstration de manoeuvres dolosives,

- confirmer la décision des Premiers Juges et débouter les sociétés G2F et SGPA de leurs demandes que ce soit au titre d'une annulation ou d'une diminution de prix,

3/ A titre infiniment subsidiaire, en cas de dol prononcé :

- repousser purement et simplement toutes demandes de frais formulées par les sociétés G2F et SGPA pour le montant de 2 613 260 francs, soit 398 388,91 euros ou 982 696,75 francs soit 149 811,15 euros

comme correspondant au coût d'audit juridique DELOITTE etamp; TOUCHE, à ICARE, et aux coûts internes de SGPA, largement contestés devant le Juge d'Instruction,

- écarter ces mêmes frais dans l'hypothèse d'une seule diminution du prix,

- condamner a minima la société G2F à restituer les dividendes à la société SFF pour 21 907 146 francs soit 3 339 722,80 euros, sauf à parfaire,

- condamner la société G2F et SGPA à justifier de ces dividendes et de tous les prélèvements effectués par la société SFF ou la société SMI, à leur bénéfice depuis la cession du 14 novembre 2000, celles-ci devant produire l'intégralité de leurs pièces comptables justificatives,

- condamner la société SGPA à rembourser les sommes de 13 119,14 francs soit 2 000 euros à Monsieur Z..., 13 119,14 francs soit 2 000 euros à Madame Z... et 26 238,28 francs soit 4 000 euros à la société FINENCRE,

- condamner la société G2F à rembourser les comptes courants, outre intérêts à 4,5 % depuis le 4 novembre 2000, à Monsieur Z... pour 733 698 francs soit 111 851,54 euros, à Madame Z... 733 698 francs soit 111 851,54 euros, à la société FINENCRE pour 1 467 201,90 francs soit 223 673,49 euros,

4/ En tout état de cause :

- confirmer la décision des Premiers Juges condamnant solidairement les sociétés G2F et SGPA à rembourser les comptes courants de Monsieur Z... pour un montant de 111 851,54 euros, de Madame Z... pour un montant de 111 851,54 euros, de la société FINENCRE pour un montant de 223 673,49 euros, assortis d'un intérêt au taux annuel de 4,5 % à compter du 4 novembre 2000,

- condamner les sociétés SGPA et G2F solidairement à verser aux

concluants la somme de 22 867,35 euros (150 000 francs) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de Première Instance et d'Appel.

Les autres intimés, à savoir Monsieur Jean François A..., Messieurs B... et William A, Messieurs C... et Gilbert B, quoique régulièrement assignés et réassignés, n'ont pas comparu. Le présent arrêt sera donc réputé contradictoire.

La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

MOTIFS :

Sur le sursis à statuer :

Attendu que la société FINENCRE, la société ENCRE, Monsieur A... et les époux Z... ont déposé plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE le 18 février 2002 en visant des délits de présentation de comptes annuels infidèles, abus de biens sociaux et escroquerie ; qu'il n'appartient évidemment pas à la Cour de se prononcer sur la recevabilité ou le bien-fondé de cette plainte ; qu'il suffit de constater que, comme l'admettent les intimés eux-mêmes, cette action ne peut avoir une influence sur le présent litige qu'en ce qui concerne partie du préjudice réclamé par les appelantes puisqu'il est soutenu, devant la juridiction d'instruction, que les actionnaires du groupe Y... ont fait supporter par la société G2F coûts qui n'auraient dû l'être que par la société SGPA, pour 2 000 000 francs H.T., à savoir des honoraires et des frais externes divers ;

Attendu que la plainte n'a donc pas d'incidence sur la validité de la cession d'actions faisant l'objet du présent litige mais seulement sur la détermination du montant que la société G2F peut réclamer au principal, que contestent les intimés, et du débiteur de cette somme ; que, quelle que soit ensuite leur qualité d'actionnaires ou non de

la société G2F, ils sont bien concernés par la question de déterminer quelle est la créancière de la somme qui leur est réclamée, contrairement à ce que soutiennent les appelantes ;

Attendu que le seul fait que l'action civile ait pu, éventuellement, être engagée "en réplique" à l'annonce d'une plainte pénale est sans rapport avec l'incidence de la procédure pénale sur le présent litige, et ne concerne que le comportement procédural des parties, non le bien-fondé de leurs prétentions qui ne résulte pas de la seule chronologie de leurs initiatives ;

Attendu, s'agissant de la plainte de la société SMI également avec constitution de partie civile, déposée le 24 juin 2002 devant le doyen des juges d'instruction du Tribunal de Grande Instance de LYON, qu'elle a pour objet un vol et recel visant les pièces de première instance, numéros 60 à 63, des consorts A... ; que, cependant, les appelantes ne contestent pas leur authenticité et ne demandent pas qu'elles soient écartées des débats, de sorte que l'issue de la procédure pénale diligentée du chef des délits précités n'est pas susceptible d'exercer la moindre influence sur le présent litige ;

Attendu, en définitive, que le sursis à statuer ne sera que très partiel, comme précisé au dispositif du présent arrêt ;

Sur le dol :

Attendu que les appelantes soutiennent que les consorts A... leur ont dissimulé l'information dont ils disposaient, depuis le mois d'avril 1999, relative au développement par le principal client de la société SMI, la société GEMPLUS, d'une nouvelle technologie qui devait supprimer par la suite la prestation de dépose d'anneau effectuée par la société SMI ;

Attendu qu'il convient d'examiner les documents produits par les appelantes au soutien de leurs prétentions et de rechercher leur valeur probante, au regard notamment des critiques des intimés ;

Attendu que, dans une télécopie du 17 septembre 2001 adressée en réponse à une lettre de Monsieur Y..., P.D.G. de la société SMI, du 20 juillet 2001, la société GEMPLUS expose qu'elle a lancé son projet de nouvelle technologie début 1999 et qu'elle a informé SMI de façon informelle dès le début et régulièrement, en particulier lors de l'audit qualité effectué le 21 mars 2000 ; qu'elle ajoute avoir fait part à SMI de sa décision de mise en production lorsqu'elle a été mise au point, soit lors d'une réunion du 6 décembre 2000 ;

Attendu que les intimés, qui contestent l'objectivité de ce document, n'établissent pas que la société GEMPLUS aurait obtenu une quelconque contrepartie pour l'établir ; qu'en outre, le risque de grief de rupture abusive de relations contractuelles est surprenant puisque précisément la société GEMPLUS avait annoncé son départ depuis plusieurs mois ;

Attendu en effet que, par télécopie du 18 décembre 2000, la société GEMPLUS précisait qu'elle était en phase finale de développement de la nouvelle technologie (Dam et Fill) et qu'elle avait décidé d'en avertir au plus tôt son partenaire ; que le texte de ce document n'est pas du tout incompatible avec le précédent en ce qu'il se rapporte à la phase finale de développement de la technologie, ce qui n'exclut pas une information antérieure sur ses premières recherches et perspectives ;

Attendu que plusieurs attestants confirment que la société SMI et ses salariés étaient informés au plus tard en avril 1999, du développement d'une nouvelle technologie par la société GEMPLUS ; que cela résulte tout d'abord de la déclaration de M. D... qui affirme avoir reçu un appel téléphonique de Monsieur. C, de la société GEMPLUS, en février 1999 et en avoir avisé Monsieur Z..., lequel aurait organisé une réunion d'information du personnel de la société SMI à son retour de vacances ;

Attendu que plusieurs ancien salariés de SM.I (Derouzier, Poex) ont confirmé cette version, sous réserve de quelques divergences quant à la date de l'information initiale qui, en toute hypothèse, aurait été donnée en 1999 ; que des salariés exerçant actuellement leur activité au sein de la société SMI ont aussi attesté dans le même sens (Pedat, Pinto, Petel, Foucher, Revel, Besson) ;

Attendu que la réunion du personnel est admise par les intimés qui font état de questions relatives à un client Salomon sans le moindre élément à cet égard, alors que les appelantes leur objectent, sans être contredites, que le chiffre d'affaires réalisé avec cette société avait déjà baissé depuis 1997 et qu'une annonce en 1999 n'était plus d'actualité ;

Attendu que les déclarations précitées sont concordantes et n'ont pas été arguées de faux devant une juridiction pénale ; que, si certaines émanent de salariés actuels de la société SMI, elles ne sont pas pour autant nécessairement mensongères, eu égard notamment aux autres éléments qui les confortent, et alors que les intimés ne versent aux débats aucun témoignage en sens contraire ;

Attendu que Monsieur E..., expert comptable de la société SMI, a également relaté (lettre du 28 septembre 2001, complétée le 22 mai 2002) que les salariés de l'entreprise avaient appelé le P.D.G. en vacances, au premier semestre 1999, pour lui dire que la société GEMPLUS allait partir ;

Attendu qu'un compte rendu de CODIQ du 5 mai 1999 contient la mention selon laquelle GEMPLUS allait changer de technologie, alors que Monsieur Z... est noté comme présent à ce comité ;

Attendu que la véracité de ces mentions est contestée par les intimés, alors pourtant que Monsieur F... confirme qu'elles sont exactes et qu'il n'est pas prétendu qu'il ait eu des relations conflictuelles avec SMI dont il est toujours consultant ; qu'en outre, aucune

incohérence n'apparaît entre les divers comptes rendus versés aux débats ; que, notamment, il n'est pas étonnant que le procès-verbal du 28 avril 2000 ne fasse plus état du départ de GEMPLUS puisque celui-ci avait été annoncé auparavant et les mesures prises en conséquence ;

Attendu que l'argument des intimés selon lequel un investissement relatif à une nouvelle ligne de production ne s'expliquerait pas en cas de départ de GEMPLUS, outre qu'il n'est pas de nature à combattre le contenu des attestations et documents précités, n'est pas pertinent en ce que cet investissement pouvait fort bien répondre à un besoin à court terme, pendant une période transitoire, ainsi que le soulignent les appelantes et que l'amortissement devait être rapide (septembre 2001 ou décembre 2002 selon l'annexe à la lettre de Monsieur Z... du 19 mai 2000) ;

Attendu, en conséquence, qu'il est suffisamment établi que les consorts A... ont commis une réticence dolosive en ne révélant pas la prochaine mise en oeuvre d'une nouvelle technologie par le principal client de la société SMI et la perte corrélative d'un marché avec celui-ci ;

Attendu qu'il convient d'ajouter que, dans le rapport de présentation aux banques du 25 septembre 2000, figure l'indication selon laquelle le management de SMI souligne que la relation avec GEMPLUS s'inscrit dans la durée et que cette relation commerciale est en forte progression, ce qui était manifestement contraire aux informations dont disposait la direction de SMI ; qu'est de même mensongère l'affirmation contenue dans la convention de garantie conclue entre les parties selon laquelle (art.11-6), à la connaissance du cédant, aucun client de la société n'a l'intention de modifier ou d'arrêter ses relations commerciales avec cette dernière "notamment du fait de la cession au cessionnaire des actions de cette dernière" ; qu'en

effet, le libellé de la clause est clair et ne réduit pas son application aux incidences de la cession sur les contrats en cours, contrairement à ce que prétendent les intimés, et ce même s'il est certain qu'il n'existait pas de contrats écrits avec les clients (art. 11-1 de la même convention) ;

Attendu qu'il convient de rechercher si la réticence et le mensonge ont été déterminants du consentement des appelantes ;

Attendu qu'il résulte du rapport d'investigation financière établi à la demande des acquéreurs que la société GEMPLUS était le principal client de la société SMI avec un chiffre d'affaires pour celle-ci de 16.604.000 francs, au 30 juin 2000, pour un chiffre d'affaires total de 40.681.000 francs, soit 40,8 % ; qu'en outre, selon ce qu'indiquait le PDG aux auteurs de l'audit, à partir d'octobre 2000, le chiffre d'affaires développé avec la société GEMPLUS devait augmenter de 0,5 M.F. et la marge brute passer de 87 à 95 % ; qu'il importe peu, dès lors, qu'aucune stipulation particulière n'ait été prévue pour ce client alors qu'il apparaissait nettement que son importance était un élément essentiel de la valorisation de la société SMI, et ce même si l'évolution de cette société pouvait l'amener à diversifier ses activités et ses clients, ce qui ne signifie pas pour autant qu'elle souhaitait remplacer la société GEMPLUS par d'autres clients, mais accroître son activité ; que le rapport de présentation aux banques fait en effet état d'une relation avec la société GEMPLUS inscrite "dans la durée" et en forte progression, et de projets significatifs de nouveaux clients ;

Attendu, certes, que les clients n'avaient pas souscrit de contrat écrit avec la société SMI ; qu'il ne s'agit cependant pas, en l'espèce, du départ non annoncé ou non prévisible d'un client mais bien d'un départ prévu et indiqué aux dirigeants de la société SMI, et même à tout le personnel de celle-ci, comme indiqué plus haut,

avant la cession ;

Attendu que les intimés contestent la réalité de ce départ ; que les appelantes versent aux débats des éléments justifiant au moins de ce que le chiffre d'affaires se rapportant à l'activité de la société SMI avec la société GEMPLUS est passé à 21,22 % en 2002, ce qui n'est pas discuté ; que cette baisse du chiffre d'affaires est bien liée au développement d'une nouvelle technologie par la société GEMPLUS, ainsi que le révèlent les télécopies adressées par cette société à la société SMI les 27 février 2002 et 23 mai 2002 ;

Attendu que l'argument tiré de la chute de la téléphonie ne peut être retenu en ce qu'il n'est pas soutenu par la production de pièces applicables au cas d'espèce et dans la mesure où Monsieur Z... lui-même, dans son compte rendu de la réunion du 6 décembre 2000, établissait un lien entre l'abandon de la technique de dépose des anneaux par la société GEMPLUS et la perte du marché par la société SMI, sans aucune mention de la conjoncture économique ;

Attendu en conséquence que le dol a bien été déterminant du consentement des appelantes, contrairement à ce que soutiennent les intimés ;

Attendu que ceux-ci invoquent enfin l'erreur inexcusable des cessionnaires ;

Attendu que celle-ci est exclue en ces de simple réticence dolosive, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque la Cour a également retenu le dol par commission dont excipent les appelantes ;

Attendu que les cessionnaires, professionnels dont la compétence est reconnue par les cédants, ont fait procéder à un audit dont les auteurs ont eu pour principal interlocuteur Monsieur Z..., ainsi que le commissaire aux comptes et la responsable comptable (lettre du Cabinet DELOITTE-TOUCHE-TOHMATSU du 31 mai 2002) ; qu'il ne saurait leur être reproché de n'avoir pas procédé à des contrôles plus

approfondis de toutes les déclarations qui ont pu leur être faites, dans le cadre d'une opération de cession d'actions, n'ayant pas à mettre systématiquement en doute les renseignements fournis par leurs cocontractants, eux-mêmes présumés de bonne foi ;

Attendu que, si les acquéreurs pouvaient accepter le risque de départs ultérieurs de clients non connus au moment de la cession, il ne s'en déduit pas pour autant qu'ils ont accepté de perdre un client déterminé dont le départ était connu avant la cession et inévitable ; Attendu, s'agissant du prix de cession, que celui-ci a été fixé à 50.000.000 francs dans le contrat du 4 août 2000, soit bien avant l'évaluation à 75.000.000 francs dont font état les intimés et qui ressort d'une lettre du 22 septembre 2000, du Cabinet précité ; que cette dernière est d'ailleurs dépourvue de pertinence puisque suivie d'une autre, le même jour, pour un montant de 40,2 millions de francs, de sorte qu'il n'est pas établi que la société SMI ait été acquise pour un montant inférieur à son prix normal ;

Attendu en définitive qu'il convient d'admettre que, si les acquéreurs avaient connu la perte annoncée comme prochaine et certaine du principal client de la société SMI, ils n'auraient pas contracté ou l'auraient fait à des conditions différentes ; que leur consentement a bien été vicié et que le jugement sera réformé de ce chef ;

Sur les conséquences du dol :

Attendu que l'annulation concerne la cession d'actions mais aussi la cession des titres de la société G2F et la convention de compte courant qui en sont le corollaire indissociable ; qu'il ressort en effet des explications des parties et des conventions signées par elles que la société G2F a été spécialement constituée pour acquérir les actions et que la prise de participation dans cette société des

époux Z... et de Monsieur A... (ou toute société de son groupe) a été prévue par le contrat de cession ; que, d'ailleurs, les intimés ne discutent pas précisément cette indivisibilité ;

Attendu par ailleurs, s'agissant de la SCI MARKA, qu'il n'est pas démontré qu'elle ne soit plus propriétaire du bâtiment qu'elle détenait lors de la cession, alors que les appelantes affirment qu'aucun engagement de cession n'a été consenti sur celui-ci ou sur les parts de cette société ;

Attendu qu'il convient d'ordonner la restitution du prix, avec intérêts au taux légal à compter de son versement, soit le 14 novembre 2000, et ce à la charge des cédants, soit les intimés à l'exception de la société FINENCRE qui n'était pas cédante ;

Attendu qu'il sera donné acte aux société G2F et SGPA de leurs engagements correspondants de restitution ; qu'il convient cependant, dès à présent, de condamner la société G2F à restituer les dividendes à la société SFF pour 3.339.722,80 euros, conformément à la demande non contestée et sous réserve d'actualisation sur justification ; qu'il y a également lieu à remboursement des sommes non discutées réclamées par les époux Z... et la société FINENCRE, soit deux fois 2.000 euros et 4.000 euros ;

Attendu, sur les frais d'audit, d'assistance et de montage, que cette demande dépend de l'issue d'une procédure pénale, comme exposé plus haut ; qu'il sera donc sursis à statuer en ce qui la concerne, étant observé qu'elle est contestée en totalité ;

Attendu que ne sont pas discutés les droits d'enregistrement, les intérêts sur prêts bancaires, les frais de dossier, les frais de garantie de ligne de crédit, les intérêts versés par la société G2F à la société SMI, les frais d'assurance "homme clé", les frais de sortie d'intégration fiscale, soit au total 4.402.362,70 francs (671.135,87 euros) somme qui portera intérêts au taux légal à compter

de la date non contestée du 23 novembre 2001 ;

Attendu, sur les comptes courants d'actionnaires de la société G2F, qu'il convient d'ordonner leur remboursement à chacun des intéressés au taux de 4,5 % prévu dans la convention de blocage du 14 novembre 2000, et à compter de cette date, sauf à ce que s'imputent les sommes dues par eux à la société G2F, conformément à la demande de celle-ci ;

Attendu que, comme le réclament à juste titre les intimés, s'agissant de la restitution des sommes reçues par la société SFF et/ou la société SMI, que la société G2F devra l'effectuer au vu de ses éléments comptables eux-mêmes et non seulement sur une attestation de son commissaire aux comptes ;

Sur les frais :

Attendu enfin qu'il est équitable d'indemniser les appelantes pour leurs frais irrépétibles de procédure en allouant à chacune la somme de 10.000 euros ; qu'au contraire les intimés, qui succombent pour l'essentiel, seront déboutés de ce chef de réclamation ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Réformant le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Constate la nullité du contrat de cession du 4 août 2000, des cessions de titres de la société G2F effectuées le 14 novembre 2000 par la société SGPA au profit de la société FINENCRE et des époux Z..., et des conventions de comptes courants conclues entre ces derniers et la société G2F,

Condamne solidairement les intimés, à l'exception de la et la société G2F,

Condamne solidairement les intimés, à l'exception de la société FINENCRE, à payer à la société G2F, à titre de restitution du prix, la somme de 7.622.755,76 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2000,

Donne acte à la société G2F de ce qu'elle s'engage, simultanément à la restitution du prix de cession, à restituer aux intimés, à l'exception de la société FINENCRE, 23.000 actions SFF et 6 actions SMI,

Condamne la société SGPA à rembourser la somme de 2.000 euros à Monsieur Z..., celle de 2.000 euros à Madame Z... et celle de 4.000 euros à la société FINENCRE,

Condamne la société G2F à rembourser aux époux Z... et à la société FINENCRE les sommes versées par eux en comptes courants, soit respectivement 111.851,54 euros à Monsieur Z..., 111.851,54 euros à Madame Z... et 223.673,49 euros à la société FINENCRE, avec intérêts au taux de 4,5 % à compter du 14 novembre 2000,

Dit qu'en ce qui concerne les époux Z..., le montant des sommes allouées de ce chef s'imputera sur celles dont ils sont redevables envers la société G2F au titre de la restitution du prix correspondant aux actions SFF et des dommages et intérêts auxquels ils sont condamnés, Condamne la société G2F à restituer simultanément à la restitution du prix de cession, les dividendes à la société SFF pour 3.339.722,80 euros, sauf à parfaire sur production de pièces comptables justificatives,

Donne acte à la société G2F de ce qu'elle s'engage, simultanément à la restitution du prix de cession, à reverser à la société SFF et/ou

SMI l'intégralité des sommes reçues de ces dernières, majorées des intérêts contractuellement dus, au titre de la convention de trésorerie conclue entre les sociétés G2F, SFF et SMI, et dit que ce reversement s'effectuera sur production de pièces comptables justificatives,

Condamne solidairement les intimés, à l'exception de la société FINENCRE, à payer à la société G2F la somme de 671.135,87 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2001,

Sursoit à statuer sur la demande de la société G2F relative aux frais d'audit juridique et comptable et aux frais d'assistance et de montage jusqu'à l'issue définitive de la plainte avec constitution de partie civile déposée le 18 février 2002 par les sociétés FINENCRE, ENCRE, Monsieur A... et les époux Z...,

Condamne in solidum les intimés à verser à chacune des appelantes la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Déboute les parties de toutes demandes contraires ou plus amples,

Condamne in solidum les intimés aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct, pour ces derniers, au profit de la SCP BRONDEL etamp; TUDELA, avoués, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER,

LE CONSEILLER,

F... MATIAS

R. SIMON.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2002/06347
Date de la décision : 03/04/2003

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Consentement - Dol - Réticence - Vente d'actions

Est constitutif d'une réticence dolosive, le fait de ne pas révéler la prochaine mise en oeuvre d'une nouvelle technologie par le principal client d'une société et la perte corrélative d'un marché avec celui-ci


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2003-04-03;2002.06347 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award