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05/03/2003 | FRANCE | N°2002/00978

France | France, Cour d'appel de Lyon, 05 mars 2003, 2002/00978


EXPOSE DU LITIGE

Depuis plusieurs années, la Société GIAT INDUSTRIES (Groupement Industriel des Armements Terrestres) verse à l'ASSEDIC DE ROANNE les cotisations mises à la charge des employeurs par l'article L 143-11-6 du Code du Travail pour financer l'assurance instituée par l'article L 143-11-1 du même Code destinée à garantir le paiement des créances salariales en cas d'insolvabilité de l'employeur.

Se prévalant de son statut particulier, la SA GIAT INDUSTRIES a assigné le 18 janvier 2001 l'ASSEDIC DE ROANNE en répétition d'une somme de 1 399 591 F.

Par jugement du 23 janvier 2002, le Tribunal de Grande Instance de ROANNE l'a dé...

EXPOSE DU LITIGE

Depuis plusieurs années, la Société GIAT INDUSTRIES (Groupement Industriel des Armements Terrestres) verse à l'ASSEDIC DE ROANNE les cotisations mises à la charge des employeurs par l'article L 143-11-6 du Code du Travail pour financer l'assurance instituée par l'article L 143-11-1 du même Code destinée à garantir le paiement des créances salariales en cas d'insolvabilité de l'employeur.

Se prévalant de son statut particulier, la SA GIAT INDUSTRIES a assigné le 18 janvier 2001 l'ASSEDIC DE ROANNE en répétition d'une somme de 1 399 591 F.

Par jugement du 23 janvier 2002, le Tribunal de Grande Instance de ROANNE l'a déboutée de ses demandes et condamnée à payer à l'ASSEDIC DES VALLEES DU RHONE ET DE LA LOIRE, l'UNEDIC et l'AGS la somme de 2 000 ä en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Appelante de cette décision, la SA GIAT INDUSTRIES soutient que l'ASSEDIC était sans titre pour liquider, réclamer et recouvrer les cotisations du régime d'assurance des créances des salariés dès lors qu'aucune convention prévue à l'article L 143-11-4 du Code du Travail n'est intervenue entre l'AGS et l'ASSEDIC. Elle estime que l'UNEDIC ne pouvait légalement se substituer aux ASSEDIC pour passer avec l'AGS la convention prévue par ce texte, sauf à obtenir des ASSEDIC concernées un mandat, ce qui n'a pas été le cas.

Elle conclut donc à la réformation du jugement entrepris au vu de ce premier moyen et sollicite le remboursement des cotisations versées. Subsidiairement, elle fait valoir que seules les entreprises qui relèvent des procédures collectives sont soumises à l'obligation d'assurance comme l'indiquent :

- les travaux préparatoires de la loi du 27 décembre 1973 excluant le secteur public ;

- le texte de l'article L 143-11-1 du Code du Travail faisant référence au règlement judiciaire et à la liquidation des biens, de même que le titre de la loi du 27 décembre 1973 et son article premier relatif au champ d'application ;

- la jurisprudence de la Cour de Cassation notamment dans les affaires AIR FRANCE, SEITA, SNCF, RADIO FRANCE, TF1, ANTENNE 2 et FR3, l'arrêt du 29 février 2000 TELEVISION DU SAVOIR n'ayant pas marqué de revirement véritable ;

- la directive européenne du 20 décembre 1980 selon l'interprétation donnée par l'arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes FRANCOVITIH du 9 novembre 1995, conforme à la position de la Cour de Cassation dans ses arrêts de 1987 à 1991.

L'appelante rappelle qu'elle est une entreprise du secteur public soumise à la loi du 2 juillet 1986 imposant un statut particulier avec une procédure spéciale de désintéressement collectif des salariés, incompatible avec l'application d'une procédure collective. Elle précise que le dispositif législatif relatif aux modalités de privatisations prévoit une autorisation donnée par la loi et que le Conseil Constitutionnel veillait au respect de la loi qui est incompatible avec celle relative à la procédure collective. Elle souligne qu'elle entre dans le champ de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, qui déroge au droit commun des sociétés commerciales, ce qui suffit à la placer hors du champ du régime d'assurance des créances des salariés. Elle ajoute

que faisant partie du service public de la défense nationale, le transfert au secteur public d'actifs de GIAT se heurterait à un obstacle constitutionnel.

Très subsidiairement, elle soutient que les cotisations au régime d'assurance des créances des salariés constituent des impositions au sens de l'article 34 de la Constitution dont l'assiette et le taux ne pourraient être fixés que par la loi et dont la perception est irrégulière.

Dans tous les cas, elle sollicite la répétition de l'indu après réévaluation, paiement des intérêts en application de l'article 1378 du Code Civil et capitalisation des intérêts à compter de la mise en demeure du 28 décembre 1999 et à nouveau des conclusions du 9 novembre 2001 puis celles prises devant la Cour.

Enfin, elle demande la somme de 3 000 ä en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

* *

*

Pour conclure à la confirmation du jugement déféré, sauf à ajouter la somme de 5000 ä sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, les intimées répliquent que le moyen tiré d'un prétendu défaut d'habilitation de l'ASSEDIC pour réclamer et percevoir les cotisations AGS est inopérant et que, sur le fond, la Cour de Cassation avait opéré le 29 février 2000 (TSFE) un revirement en se fondant sur la seule qualité de "personne morale de droit privé" pour décider de l'assujettissement aux cotisations de l'article L 143-11-1 du Code du Travail.

Elles passent en revue les diverses décisions rendues par les juridictions depuis cet arrêt et réfutent les moyens d'appel de la SA GIAT INDUSTRIES. Essentiellement, elles précisent que l'ouverture d'un redressement judiciaire, applicable à toutes les personnes

morales de droit privé sans exception, repose sur le constat par la juridiction saisie de l'état de cessation des paiements, autrement dit de l'insolvabilité, et qu'il n'importe pas de savoir si telle personne morale de droit privé est moins exposée que d'autres à la réalisation du risque de cessation des paiements du fait de ses liens avec l'Etat. Il faut et il suffit que ce risque ne soit pas, en droit, exclu, ce qui est le cas de la société appelante. Les intimées ajoutent que loin de conforter la thèse de l'appelante, le droit communautaire interprété par la CJCE impose l'obligation de contribuer au financement des institutions de garantie à tous les employeurs auxquels est applicable une procédure de désintéressement collectif des créanciers.

Par ailleurs, elles contestent le prétendu caractère d'imposition de la cotisation AGS, ainsi que l'application de l'article 1378 du Code Civil en présence d'un paiement volontaire.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur l'habilitation de l'ASSEDIC pour réclamer et percevoir les cotisations :

Attendu qu'aux termes de l'article L 143-11-4 du Code du Travail, l'association créée pour la mise en oeuvre du régime d'assurance des créances des salariés prévu par l'article L143- 11-1 du même Code, c'est à dire l'AGS, doit passer une convention de gestion avec les

institutions gestionnaires du régime d'assurance mentionné à la section I du chapitre I du titre V du livre III de la première partie du Code du Travail ;

Attendu que les institutions gestionnaires choisies sont, d'après la convention du 24 février 1984, l'UNEDIC, les ASSEDIC, le GARP et les GIA ;

Attendu que l'article 3 de cette convention prévoit que l'UNEDIC, qui fédère et coordonne les ASSEDIC, assure l'unicité de direction et gère tous les fonds d'aide aux travailleurs privés d'emploi ;

Que l'article 4 dispose que les attributions respectives de l'UNEDIC, des ASSEDIC, du GARP et des GIA sont fixées par leurs statuts ;

Attendu, à cet égard, que de par ses statuts, l'UNEDIC est investie d'un mandat général en vertu duquel elle a signé pour le compte des institutions gestionnaires du régime d'assurance chômage avec l'AGS, la convention prévue à l'article L 143-11 du Code du Travail ; que, d'autre part, les statuts de l'ASSEDIC lui donnent la mission de gérer toutes opérations financières pour l'exécution des missions qui lui sont imparties sur instruction de l'UNEDIC ;

Attendu que l'UNEDIC, investie aux termes de la convention signée avec l'AGS d'un mandat général de gestion du régime d'assurance des créances salariales, a, conformément aux conventions conclues avec l'AGS et aux statuts de l'UNEDIC et de l'ASSEDIC, valablement confié à l'ASSEDIC le recouvrement des cotisations du régime de garantie ; qu'ainsi, même en l'absence de convention directe entre l'AGS et l'ASSEDIC, cette dernière est parfaitement habilitée à recouvrir les cotisations ;

Attendu qu'à juste titre le Premier Juge a rejeté le moyen soulevé par la Société GIAT ;

- Sur le champ d'application de l'article L 143-11-1 du Code du

Travail :

Attendu que ce texte dispose que tout employeur ayant la qualité de personne morale de droit privé et occupant un ou plusieurs salariés doit assurer ses salariés contre le risque de non paiement, en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, des sommes qui leur sont dues en exécution de leur contrat de travail ;

Attendu que l'article 2 de la loi du 25 janvier 1985 (devenu l'article L 620-2 du Code du Commerce) rend applicable à toute personne morale du droit privé la procédure de redressement ou liquidation judiciaire ;

Attendu que la loi ne distingue pas selon que la personne morale de droit privé est soumise ou non à un statut particulier ou que son capital est ou non détenu par l'Etat ou encore selon l'effectivité du risque de cessation des paiements ;

Attendu qu'il résulte de ces dispositions présentant une identité de définition que "toute personne morale de droit privé" est susceptible de se voir, en droit, appliquer les règles des procédures collectives et, par conséquent, d'être soumise à l'obligation d'assurance définie à l'article L 141-11-1 du Code du Travail dès lors qu'elle occupe un ou plusieurs salariés ;

Attendu, en l'espèce, que les statuts de la Société GIAT INDUSTRIES précisent que la société est de forme anonyme, qu'elle est régie par les lois en vigueur sur les sociétés du 24 juillet 1966 et par les dispositions législatives et réglementaires la concernant en particulier la loi du 26 juillet 1983 modifiée sur la démocratisation du secteur public et du décret du 15 juin 1990, ainsi que par ses statuts ;

Attendu qu'il est constant que cette société est une personne morale de droit privé et qu'elle est donc susceptible, en droit, de faire

l'objet d'une procédure collective, peu important que le risque d'insolvabilité soit faible compte tenu du soutien de l'Etat ;

Attendu que si la soumission de la Société GIAT INDUSTRIES à la législation relative aux transferts de propriété du secteur public au secteur privé (loi n° 86-793 du 2 juillet 1986, modifiée par la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relatives aux modalités de privatisation) et à celle relative à la démocratisation du secteur public du 26 juillet 1983 peut paraître incompatible avec certaines dispositions particulières de la loi sur ses procédures collectives, tels le remplacement des dirigeants ou la cession forcée des actions ou des biens de l'entreprise, ces incompatibilités n'ont pas pour effet d'exclure, sur un plan général, la société du champ d'application de la loi sur les procédures collectives ;

Qu'en particulier, en sa qualité de société anonyme de droit privé, la Société GIAT peut faire l'objet de difficultés affectant sa solvabilité et susceptible en théorie de faire l'objet d'une procédure collective sous réserves d'aménagements ;

Attendu que l'argumentation avancée par la société appelante en raison d'une contrariété au droit communautaire s'avère dénuée de fondement puisque la Société GIAT peut être soumise à une procédure de désintéressement collectif et se trouver en état de cessation de paiement au sens donné par la directive communautaire du 20 octobre 1980, telle interprétée par l'arrêt CJCE du 9 novembre 1995. FRANCOVITCH ;

Attendu, en définitive, que la Société GIAT INDUSTRIES est, en sa qualité de personne morale de droit privé et, nonobstant son statut particulier, soumise à l'obligation de cotiser au régime d'assurance prévu par l'article L 143-11-1 du Code du Travail, en l'absence de toute exclusion ;

Attendu, par ailleurs, que la demande de requalification des

cotisations en impositions dont la perception aurait été irrégulière ne saurait être accueillie, l'article L 143-11-11 du Code du Travail imposant précisément l'obligation de cotiser en contrepartie de la prestation d'assurance même si le risque est très faible ;

Attendu qu'il convient de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de débouter la Société GIAT INDUSTRIES de ses demandes ;

Attendu qu'en cause d'appel, l'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile sera équitablement élevée à 3 000 ä au profit des intimés ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Reçoit en la forme l'appel,

Le dit non fondé,

Confirme le jugement déféré,

Elève à la somme de 3 000 ä l'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit des intimés,

Condamne la Société GIAT INDUSTRIES aux entiers dépens de première instance et d'appel. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2002/00978
Date de la décision : 05/03/2003

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Ouverture - Qualité

Il résulte de l'article L 620-2 du Code de commerce (ancien article 2 de la loi du 25 janvier 1985), que toute personne morale de droit privé est susceptible de se voir appliquer les règles des procédures collectives et est donc par conséquent soumise à l'obligation d'assurance définie à l'article L141-11-1 du Code du travail dès lors qu'elle occupe un ou plusieurs salariés, la loi ne distinguant pas selon que la personne morale de droit privé est soumise ou non à un statut particulier ou que son capital est ou non détenu par l'État ou encore selon l'effectivité du risque de cessation des paiements


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2003-03-05;2002.00978 ?
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