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15/01/2003 | FRANCE | N°2001/02903

France | France, Cour d'appel de Lyon, 15 janvier 2003, 2001/02903


COUR D'APPEL DE LYON

SIXIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 15 JANVIER 2003

Décision déférée : Décision du Tribunal de Grande Instance de MONTBRISON du 30 mars 2001 (R.G. : 199800532) N° R.G. Cour :

01/02903

Nature du recours : APPEL Affaire : Contentieux construction APPELANTE : COMPAGNIE CONTINENT ASSURANCES, représentée par son mandataire légal Monsieur Jean-Claude MAZOYER X... social : 16 et 14 rue du 11 novembre 42000 SAINT-ETIENNE représentée par Maître MOREL, Avoué assistée par Maître SADURNI, Avocat, (SAINT-ETIENNE) INTIMES : Monsieur Christian Y.

.. représenté par Maître VERRIERE, Avoué assisté par Maître GONIN, Avocat, (MONTBRISON) ...

COUR D'APPEL DE LYON

SIXIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 15 JANVIER 2003

Décision déférée : Décision du Tribunal de Grande Instance de MONTBRISON du 30 mars 2001 (R.G. : 199800532) N° R.G. Cour :

01/02903

Nature du recours : APPEL Affaire : Contentieux construction APPELANTE : COMPAGNIE CONTINENT ASSURANCES, représentée par son mandataire légal Monsieur Jean-Claude MAZOYER X... social : 16 et 14 rue du 11 novembre 42000 SAINT-ETIENNE représentée par Maître MOREL, Avoué assistée par Maître SADURNI, Avocat, (SAINT-ETIENNE) INTIMES : Monsieur Christian Y... représenté par Maître VERRIERE, Avoué assisté par Maître GONIN, Avocat, (MONTBRISON) Monsieur Z... représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, Avoués assisté par Maître PERRIER, Avocat, (MONTBRISON) MadameY représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, Avoués assistée par Maître PERRIER, Avocat, (MONTBRISON) Instruction clôturée le 18 Juin 2002 DEBATS en audience

publique du 05 Décembre 2002 tenue par Monsieur VEBER, Président, et Madame DUMAS, Conseiller, rapporteurs, (sans opposition des avocats dûment avisés) qui en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistés lors des débats de Madame A..., Greffier, COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : . Monsieur VEBER, Président . Madame DUMAS, Conseiller . Monsieur TAILLEBOT, Conseiller a rendu l'ARRET contradictoire prononcé à l'audience du 15 JANVIER 2003, par Monsieur VEBER, Président, qui a signé la minute avec Madame A..., Greffier EXPOSE DU LITIGE

Après exécution des plans par un dessinateur professionnel, les épouxY ont entrepris de faire construire leur maison d'habitation à SAVIGNEUX EN FOREZ. Ils ont confié à Monsieur Y..., entrepreneur exerçant sous l'enseigne "RENOVE", des travaux de maçonnerie, de plâtrerie et pose de tuiles.

Un procès-verbal de réception sans réserves a été signé le 29 octobre 1997.

Lors de la présentation de ses dernières factures, Monsieur Y... s'est heurté au refus de règlement des épouxY qui ont invoqué des malfaçons constatées dans le rapport de Monsieur B... du 5 janvier 1998.

Le 7 juillet 1998, Monsieur Y... a assigné Monsieur et MadameY en paiement des factures impayées.

Une expertise a été organisée par le Juge de la mise en état.

L'expert, Monsieur C... a déposé son rapport le 23 avril 1999.

Le 6 décembre 1999 Monsieur et MadameY ont appelé en cause la Compagnie LE CONTINENT, assureur de Monsieur Y...

Par jugement du 30 mars 2001, le Tribunal de Grande Instance de MONTBRISON a :

- condamné Monsieur et MadameY à verser à Monsieur Y... la somme de 23

238,41 F outre intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 1998 ;

- condamné in solidum Monsieur Y... et la Compagnie LE CONTINENT à verser à Monsieur et MadameY la somme de 73 363 F en réparation des désordres constatés et relevant de la garantie décennale ;

- condamné Monsieur Y... à payer à Monsieur et MadameY la somme de 9 821 F en réparation des autres désordres constatés ;

- dit que la Compagnie LE CONTINENT devra relever et garantir Monsieur Y... des condamnations prononcées contre lui au titre des désordres relevant de la garantie décennale ;

- débouté Monsieur et MadameY de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- condamné in solidum la Compagnie LE CONTINENT et Monsieur Y... à payer à Monsieur et MadameY la somme de 8 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile outre les entiers dépens.

* *

*

Appelante de cette décision, la Compagnie d'Assurances LE CONTINENT fait valoir que les désordres reprochés à Monsieur Y... étaient apparents lors de la réception, qu'ils ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage et qu'ils ne le rendent pas impropre à sa destination de sorte que la garantie décennale ne joue pas. Elle rappelle que les épouxY ont réceptionné les travaux sans réserves alors que les vices dont ils se plaignent sont apparents, même s'ils

en ont pris réellement conscience qu'après ladite réception, sachant que par souci d'économie ils se sont immiscés dans l'édification de leur villa en faisant le choix de se passer d'un maître d'oeuvre. Elle ajoute que l'expert judiciaire à retenu que tous les défauts étaient apparents lors de la réception. En conséquence, elle conclut à la réformation du jugement déféré et à l'octroi de la somme de 914,70 ä (6 000 F) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

* *

*

Monsieur Y... conclut également à la réformation du jugement déféré en faisant valoir, à titre principal, que les désordres n° 1, 2, 3, 4, 6, 7, 11 retenus par l'expert ne relèvent pas de la garantie décennale et que les désordres n° 5, 10, 16, 17, 18 et 19 ne peuvent pas relever de la garantie de parfait achèvement compte tenu du procès-verbal de réception signé sans réserves.

Concernant les factures n° 97040 et 97044, il sollicite la condamnation des épouxY au paiement de la somme de 3 542,67 ä (23 238,41 F) outre intérêts de droit à compter du jour de l'assignation, soit le 7 juillet 1998.

Subsidiairement, pour le cas où la garantie de parfait achèvement serait retenue, Monsieur Y... indique qu'il ne peut y avoir qu'une réparation en nature et qu'aucune somme ne pourrait être mise à sa charge.

Très subsidiairement, il demande a être relevé et garanti entièrement par la Compagnie LE CONTINENT auprès de laquelle il était assuré depuis un mois avant le début des travaux.

Enfin il sollicite la somme de 1 550 ä en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à la charge des épouxY.

* *

[*

Pour conclure à la confirmation du jugement déféré, sauf à ajouter la somme de 1 524,49 ä à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 1 524,49 ä au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Monsieur et MadameY répliquent que les désordres relèvent pour partie de la garantie décennale (défaut d'étanchéité des murs), pour partie de la garantie contractuelle de droit commun en raison de non conformité et également pour certains de la garantie de parfait achèvement. A cet égard, ils précisent que, profanes en matière de construction, les défauts se sont à eux révélés un peu moins de trois mois après la réception par l'intermédiaire du rapport B...

Ils ajoutent que le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur C... est bien opposable à la Compagnie d'Assurances LE CONTINENT.

*] [*

*]

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur la nature des désordres :

Attendu que l'expert retient qu'à l'exception du défaut n° 1 (remontée capillaire d'humidité) tous les autres défauts ont été repérés par Monsieur B... dans son rapport du 5 octobre 1998 et que tous ses défauts peuvent être considérés comme des vices apparents existant lors de la réception des travaux ;

Attendu, toutefois, que le caractère apparent ou caché d'un vice de construction ou d'un défaut de conformité doit s'apprécier au regard du maître de l'ouvrage lui-même ; qu'encore, le défaut apparent est un vice visible qui doit l'être dans toutes ses conséquences et son étendue pour un maître d'ouvrage profane ;

Attendu, en l'espèce, que les épouxY, bien qu'ils se soient privés

d'un maître d'oeuvre, ne sont pas des professionnels du bâtiment ;

Qu'il apparaît qu'ils ont pris conscience de l'existence de difficultés lors de la pose du crépi et des volets postérieurement à la réception des travaux sans réserves ;

Attendu qu'il convient d'examiner les désordres litigieux dans le détail ;

- Désordres relevant de la garantie décennale :

Attendu qu'aux termes de l'article 1792 du Code Civil, tout constructeur est responsable de plein droit envers le maître d'ouvrage des dommages même résultant d'un vice du sol qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses équipements, le rendent impropres à sa destination ;

Attendu, en l'espèce, que l'expert judiciaire a constaté les désordres suivants :

- n° 1 - remontée capillaire d'humidité sur les murs et moellons ras le sol avec apparition d'efflorescences avec salpêtre ;

- n° 2 - moellons coupés en certaines parties ;

- n° 3 - joints horizontaux et verticaux mal garnis ;

- n° 4 - jambages sur portes et fenêtres bâtis en décalé avec utilisation d'aggloméré lisse ;

- n° 5 - linteaux implantés trop bas rendant impossible l'apport du crépi ;

- n° 6 - verticalité des murs impropre aux règles de l'art ;

- n° 7 - jeu variable entre la maçonnerie et les dormants ;

Attendu que l'expert souligne que tous ses désordres, auxquels s'ajoutent les défauts des coudières et appuis des fenêtres (n° 11) ont pour cause une méconnaissance des règles de l'art et pour conséquences un manque de solidité des crépis qui ne tiendront jamais longtemps, un manque d'étanchéité des murs, l'apparition des ponts thermiques et le faux aplomb des murs (pages 13 et 18) ;

Attendu qu'au vu de ces éléments, le Tribunal a justement considéré que tous ces vices se sont révélés dans toute leur étendue lors de l'expertise de Monsieur B... et ressortissent de la garantie décennale dans la mesure où il ne s'agit pas de simples défauts esthétiques mais de vices affectant l'usage auquel l'ouvrage est destiné, à savoir une maison d'habitation comportant des murs étanches ;

Attendu que l'argumentation de la Compagnie d'Assurance s'avère inopérante ; qu'elle ne saurait utilement contester l'expertise à laquelle elle n'a pas assisté alors qu'elle a été en mesure de la critiquer dans ses conclusions dès le 28 novembre 2000 ; qu'enfin la franchise d'assurance n'est pas opposable aux tiers lésés en matière d'assurance obligatoire ;

Attendu, en conséquence, que c'est à bon droit que les Premiers Juges ont mis à la charge de Monsieur Y... et la Compagnie LE CONTINENT la somme de 73 363 F soit 11 184,42 ä en réparation des désordres relevant de la garantie décennale et fait droit à l'appel en garantie de Monsieur Y... contre son assureur en application des stipulations contractuelles de la police ;

- Sur les autres désordres :

Attendu que les désordres 5 et 10 (linteaux cintrés) mettent en évidence que Monsieur Y... a préparé les coffrages sans préalablement se renseigner auprès des épouxY sur le cintre des volets ;

Attendu que ce désordre n'était pas apparent lors de la réception dès lors que les volets n'avaient pas été installés ;

Attendu que ce désordre, dénoncé dans l'année de son apparition, doit être pris en compte dans le cadre de la garantie de parfait achèvement à hauteur de 50 % soit 6 512 F selon l'avis de l'expert à juste titre entériné par le Tribunal ;

Attendu, en revanche, que les autres désordres n° 16 (tuiles de rives plus grandes) n° 17 et 18 (défaut de plâtrerie intérieure) n° 19 (enduit mal exécuté dans le hall) doivent être considérés comme vices apparents s'agissant de défauts visibles lors de la réception ;

Qu'en outre, le défaut n° 12 (châssis d'éclairage) a été écarté par l'expert ;

Qu'en raison de la réception sans réserve, la garantie de parfait achèvement prévue par l'article 1792-6 du Code Civil n'est pas applicable ;

Attendu, par ailleurs, que même si ces désordres ont pour origine une non conformité, il ne peuvent donner lieu, à l'encontre des personnes tenues à la garantie légale, à une indemnisation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ;

Attendu que la Cour, réformant partiellement la décision déférée, ne mettra à la charge de Monsieur Y... que la somme de 992,75 ä (soit 6 512 F et non 9 821 F) ;

Attendu que compte tenu du litige, seule une réparation pécuniaire

sera retenue conformément à la décision de première instance ;

- Sur les autres demandes :

Attendu que les épouxY ne contestent pas être débiteurs de la somme de 23 238,41 F conformément à la décision du Tribunal entérinant le décompte de l'expert, soit 3 542,67 ä, outre intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 1998 ;

Attendu que l'attitude de Monsieur Y... et de la Compagnie LE CONTINENT n'apparaît pas empreinte d'un caractère abusif susceptible de donner lieu à des dommages et intérêts ;

Attendu que l'équité conduit à maintenir à la somme de 8 000 F soit 1 219,59 ä l'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit des épouxY ;

Attendu que les entiers dépens de première instance (y compris les frais de l'expertise judiciaire) et d'appel seront laissés à la charge de Monsieur Y... et la Compagnie d'Assurances LE CONTINENT qui succombent pour l'essentiel de leurs prétentions ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à ramener à la somme de 992,75 ä (6 512 F) le montant de la condamnation de Monsieur Y... en réparation des désordres ne relevant pas de la garantie décennale,

Déboute chacune des parties de leurs autres demandes contraires ou

plus amples,

Condamne solidairement Monsieur Y... et la Compagnie d'Assurances LE CONTINENT aux entiers dépens de première instance (y compris les frais d'expertise judiciaire) et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP AGUIRAUD etamp; NOUVELLET, Avoués conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2001/02903
Date de la décision : 15/01/2003

Analyses

ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Responsabilité - Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - Garanties légales

Le caractère apparent d'un vice de construction lors de la réception de l'ouvrage doit être apprécié au regard des compétences du maître de l'ouvrage procédant à la réception: s'agissant d'un profane, le vice ne peut être qualifié d'apparent que s'il était nettement visible dans toutes ses con- séquences et son étendue


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2003-01-15;2001.02903 ?
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