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19/09/2002 | FRANCE | N°2000/5356

France | France, Cour d'appel de Lyon, 19 septembre 2002, 2000/5356


RG : 2000/5356
La première chambre de la cour d'appel de Lyon, composée, lors des débats et du délibéré de : Monsieur ROUX, conseiller le plus ancien de la chambre faisant fonction de président en vertu de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Lyon, en date du 6 décembre 2001, Madame BIOT, conseiller, Monsieur GOURD, conseiller, en présence, lors des débats en audience publique, de Madame KROLAK, greffier, a rendu l'arrêt contradictoire suivant,

EXPOSE DU LITIGE: Le 13 novembre 1993, Monsieur André X... a souscrit auprès de la SA Epargne de France, a

ux droits et obligations de laquelle se trouve la SA Abeille paix, un ...

RG : 2000/5356
La première chambre de la cour d'appel de Lyon, composée, lors des débats et du délibéré de : Monsieur ROUX, conseiller le plus ancien de la chambre faisant fonction de président en vertu de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Lyon, en date du 6 décembre 2001, Madame BIOT, conseiller, Monsieur GOURD, conseiller, en présence, lors des débats en audience publique, de Madame KROLAK, greffier, a rendu l'arrêt contradictoire suivant,

EXPOSE DU LITIGE: Le 13 novembre 1993, Monsieur André X... a souscrit auprès de la SA Epargne de France, aux droits et obligations de laquelle se trouve la SA Abeille paix, un contrat d'assurance vie, appelé " croissance libre ", dont la garantie était exprimée en unités de comptes, constituées de parts de SCI.
Monsieur André X... effectuait ainsi deux versements de 200.000 francs aux fins de s'assurer un complément de revenus lors de sa retraite. En 1997, il recevait un relevé de situation faisant apparaître une valeur disponible de 255.651 francs 77. Il demandait alors, par courrier recommandé du 28 septembre 1998, le remboursement de l'investissement initial de 400.000 francs outre intérêts, puis, le 29 octobre 1998, faisait assigner la SA Abeille paix devant le tribunal de grande instance de Lyon. Il demandait de déclarer nul le contrat souscrit le 1er décembre 1993, de condamner la SA Abeille paix à lui rembourser la somme de 400.000 francs outre intérêts de droit à compter de sa demande ainsi que la somme de 304.700 francs à titre de dommages et intérêts.

A titre subsidiaire, il sollicitait la résolution du contrat pour violation des dispositions légales, la condamnation de la SA Abeille paix à lui restituer la somme de 400.000 francs, outre intérêts de droit à compter de sa demande et 304.700 francs à titre de dommages et intérêts. Il demandait en outre l'exécution provisoire et une indemnité en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La SA Abeille paix s'est opposée à ces demandes.
Par jugement du 19 juillet 2000, le tribunal de grande instance de Lyon a :
- déclaré nul le contrat " croissance libre " souscrit le 13 novembre 1993 par Monsieur André X... auprès de l'Epargne de France,- condamné la SA Abeille paix venant aux droits et obligations de la SA Epargne France à rembourser à Monsieur André X... la somme de 400.000 francs qui portera intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 1998,- ordonné l'exécution provisoire de cette condamnation,- débouté Monsieur André X... du surplus de sa demande principale,- condamné la SA Abeille paix à payer la somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

La SA Abeille paix a relevé appel de cette décision. Elle demande d'infirmer le jugement critiqué en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat " croissance libre ", de débouter Monsieur André X... de sa demande subsidiaire de résolution dudit contrat, en conséquence, de le condamner à lui rembourser 64.6996 euros correspondant au montant des versements effectués sur le contrat " croissance libre ", majoré des intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 1998.

Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur André X... de sa demande en dommages et intérêts.

Elle demande, enfin, de dire n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de son adversaire et de condamner, en revanche, ce dernier à lui payer 2.286 euros 74 à ce titre ainsi que les entiers dépens.

Elle expose qu'elle n'a pas méconnu les dispositions de l'article L132-21 du code des assurances, concernant l'établissement d'un règlement général établissant les modalités de calcul de la valeur de rachat, qui résulte des conditions générales mêmes du contrat (articles 3, 5 et 7), et de l'article L 132-22 du même code, concernant l'information annuelle concernant la valeur des unités de compte et leur évolution, pour les années 1994 et 1995.

Elle ajoute que l'indication d'un risque de perte résulte des conditions générales du contrat, annoncé comme un " contrat à versements libres et à capital variable " et que le mécanisme du contrat était clair, Monsieur André X... ayant fait choix d'un support constitué par une SCI (société croissance pierre).
Elle fait valoir, au surplus, que l'article L 132-21 ne prévoit pas, en cas de méconnaissance de ses dispositions, la nullité du contrat correspondant. Elle affirme avoir bien envoyé, par courrier automatisé, les lettres d'information annuelles sur la valeur de rachat pour les années 1994, 1995 et 1996 et que la sanction du non-respect de cette obligation ne peut être la nullité mais l'octroi de dommages et intérêts.
Elle conclut que, au soutien de la demande de nullité, il ne peut être invoqué l'existence d'une cause illicite qui n'existe pas en l'espèce et que le dol invoqué n'est pas démontré.
Elle ajoute, également, que la demande de résolution du contrat pour manquement grave aux obligations contractuelles (défaut d'information, défaut de remboursement et montant de frais de gestion supérieurs à ceux prévus au contrat) n'est, en l'espèce, pas plus fondée, puisque cette information a été faite et que Monsieur André X... inclut à tort dans les frais de gestion l'indemnité de rachat contractuellement due.
Elle précise que, à juste titre en revanche, le tribunal a relevé que les versements trimestriels, que Monsieur André X... demande à titre de dommages et intérêts, ne correspondent qu'à des hypothèses, non contractuelles et non pas un engagement précis de payer ces sommes.
Monsieur André X... demande, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris sauf à condamner son adversaire à lui payer 304.700 francs de dommages et intérêts, et, à titre subsidiaire, de prononcer la résolution judiciaire du contrat et de condamner la SA Abeille paix à lui restituer 400.000 francs outre intérêts de droit à compter de la demande et 304.700 francs en réparation du préjudice subi.
Il demande en outre 25.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que la condamnation de son adversaire aux entiers dépens.
Il soutient que le contrat est nul comme contrevenant, d'abord, aux dispositions d'ordre public de la loi sur l'assurance vie et, en particulier, aux dispositions des articles L.132-21 (absence de règlement général) et L.132-22 (obligation d'information annuelle sur la valeur de rachat) du code des assurances, et, ensuite, pour réticence dolosive en application de l'article 1116 du code civil.
Il précise que la condamnation à restituer le capital placé outre intérêts doit être confirmée et qu'il doit être fait droit à sa demande de dommages et intérêts complémentaires pour perte d'une chance d'obtenir, par un autre placement, des revenus qu'il escomptait pour améliorer sa retraite.
Il conclut, à titre subsidiaire, à la résolution du contrat, la SA Abeille paix n'ayant pas respecté ses obligations concernant l'information de son contractant, son obligation de remboursement intégral et le montant des frais de gestion, dont il est faux de soutenir qu'ils aient été augmentés par le jeu d'une indemnité de rachat non conventionnellement prévue.
MOTIFS DE LA DECISION :Attendu que, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; que, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 7 juin 2002, les conclusions récapitulatives déposées le 11 juin 2002 par l'appelante doivent être écartées des débats ;

Attendu que, en application de l'article L.111-2 du code des assurances, il ne peut être dérogé conventionnellement aux obligations d'ordre public résultant notamment des articles L.132-21 et L.132-22 du même code et concernant l'assurance vie ;
que l'article L.132-21 exige l'existence d'un règlement général, document distinct de la police souscrite elle-même qui doit y faire référence, et précisant les modalités de calcul de la valeur de rachat ;
que cette exigence n'est pas satisfaite, en l'espèce, par les quelques informations imprécises résultant des conditions générales de la police elle-même ;
que, en application de l'article L.132-22 du code des assurances, l'entreprise d'assurance ou de capitalisation doit communiquer chaque année au contractant les montants respectifs de la valeur de rachat, le cas échéant de la valeur de réduction, des capitaux garantis et de la prime du contrat, ainsi que, pour les contrats dont les garanties sont exprimées en unités de compte, les valeurs de ces unités de compte et leur évolution annuelle à compter de la souscription du contrat ;
que la SA Abeille paix ne rapporte pas la preuve d'avoir rempli son obligation d'information à cet égard auprès de Monsieur André X... qui lui en fait grief, pour les années 1994, 1995 et 1996 ;
que ce défaut d'information est aggravé par l'opacité générale du contrat souscrit qui tend à masquer les risques de l'opération, l'article 7 du contrat garantissant, ainsi, un taux minimum de participation aux bénéfices de 2 %, qui ne concerne, en fait, que l'attribution minimum garantie de parts nouvelles, indépendamment de la baisse de la valeur de celles-ci ;
que les articles L.132-21 et L.132-22 ne sont pas prévus à peine de nullité du contrat lui-même et que, ce défaut d'information étant postérieur à la conclusion du contrat, Monsieur André X... ne peut invoquer le vice du consentement par réticence dolosive pour solliciter la nullité de celui-ci ;
que, cependant, les obligations légales d'information s'imposant en l'espèce, il convient de constater que la SA Abeille paix a gravement manqué à ses obligations ;
qu'il convient, réformant sur ce point, la décision critiquée, de prononcer la résolution du contrat en application de l'article 1184 du code civil ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'ordonner à la SA Abeille paix la restitution du capital qui lui a été confié, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure ;
attendu que Monsieur André X..., qui a choisi de souscrire un contrat pour percevoir une plus-value qu'il espérait importante, a pris des risques et ne peut pas solliciter, même au titre de la perte d'une chance qu'il ne démontre pas en l'espèce, des dommages intérêts correspondants aux revenus qu'il escomptait obtenir ;
qu'il convient de confirmer le jugement entrepris qui a débouté Monsieur André X... de sa demande de dommages et intérêts ;
qu'il y a lieu de condamner la SA Abeille paix au paiement de 1000 euros à Monsieur André X..., en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, pour la procédure d'appel ;

PAR CES MOTIFS : La cour,

Déclarant irrecevables les conclusions déposées par l'appelante après l'ordonnance de clôture,
Réforme partiellement la décision entreprise.
Prononce la résolution du contrat d'assurance vie " croissance libre " souscrit par Monsieur André X....
Confirme pour le reste.
Y ajoutant,

Condamne la SA Abeille paix au paiement de 1000 euros à Monsieur André X..., en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, pour la procédure d'appel.

Déboute chacune des parties de ses prétentions plus amples ou contraires.
Condamne la SA Abeille paix aux dépens d'appel et autorise l'avoué de son adversaire à recouvrer directement contre elle les dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.
Cet arrêt a été prononcé publiquement par le président, en présence du greffier, et a été signé par eux.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2000/5356
Date de la décision : 19/09/2002

Analyses

ASSURANCE DE PERSONNES - Assurance-vie - Contrat non dénoué - Droit personnel du souscripteur - Rachat du contrat ou désignation du bénéficiaire

Les dispositions d'ordre public de l'article L. 132-21 du code des assurances exige l'existence d'un règlement général en précisant les modalités de calcul de la valeur de rachat et nécessite de la part de la compagnie d'assurance de fournir un document distinct de la police souscrite, celle-ci devant faire référence à ce document. Cette exigence n'est donc pas satisfaite par les quelques informations imprécises résultant des conditions générales de la police d'assurance.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2002-09-19;2000.5356 ?
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