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19/09/2002 | FRANCE | N°2000/07631

France | France, Cour d'appel de Lyon, 19 septembre 2002, 2000/07631


COUR D'APPEL DE LYON

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2002

Décision déférée : Décision du Tribunal de Commerce LYON du 26 septembre 2000 - au fond (R.G. : 1999 / 04279) N° R.G. Cour :

00/07631

Nature du recours : APPEL Affaire : Demande relative à des contrats divers APPELANTE :

SOCIÉTÉ EXATOLE, S.A. 1 Boulevard Marcel Dassault ZI du Velin 69330 JONAGE représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de Me LLINAS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE : SOCIÉTÉ DES ETABLISSEMENTS ETIENNE BOFFET SEEB, S

.A. venant aux droits de la SOCIÉTÉ SABLI, SA, BOFFET LAJUGIE INDUSTRIE "LA BARDINIERE" 10 Route de Ch...

COUR D'APPEL DE LYON

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2002

Décision déférée : Décision du Tribunal de Commerce LYON du 26 septembre 2000 - au fond (R.G. : 1999 / 04279) N° R.G. Cour :

00/07631

Nature du recours : APPEL Affaire : Demande relative à des contrats divers APPELANTE :

SOCIÉTÉ EXATOLE, S.A. 1 Boulevard Marcel Dassault ZI du Velin 69330 JONAGE représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de Me LLINAS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE : SOCIÉTÉ DES ETABLISSEMENTS ETIENNE BOFFET SEEB, S.A. venant aux droits de la SOCIÉTÉ SABLI, SA, BOFFET LAJUGIE INDUSTRIE "LA BARDINIERE" 10 Route de Charlieu 71170 CHAUFFAILLES représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assistée par la SCP ARDUIN, avocats au barreau de LYON Instruction clôturée le 16 Octobre

2001 Audience de plaidoiries du 08 Mars 2002 COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur MOUSSA, Président, Monsieur KERRAUDREN, Conseiller, Monsieur SANTELLI, Conseiller, GREFFIER :Mme X... lors des débats seulement ARRÊT :

CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 19 SEPTEMBRE 2002 par Monsieur MOUSSA , Président qui a signé la minute avec Mademoiselle Y..., Greffier présent lors du prononcé.

EXPOSE DU LITIGE - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par déclaration du 28 février 2000, la société EXATOLE a relevé appel d'un jugement rendu le 26 septembre 2000 par le Tribunal de Commerce de Lyon qui, après avoir retenu que les rapports contractuels liant les parties étaient de nature commerciale et qu'ainsi la société SABLI bénéficiait du statut d'agent commercial lui donnant droit à des indemnités lors de la rupture du contrat du fait du mandant, a ordonné à la société EXATOLE de produire le chiffre d'affaires généré par la prestation de la société SABLI du 1er janvier 1998 au 30 juin 1999 et a réservé les autres demandes, ainsi que les dépens.

Elle sollicite la réformation du jugement déféré, affirmant que la société SABLI, société d'ingénierie industrielle, n'avait pas une mission de représentation commerciale pour autrui à titre de profession indépendante et de façon permanente à son égard, de sorte que les dispositions de la loi du 25 juin 1991, régissant la profession d'agent commercial, ne sont pas applicables.

Elle souligne que la société SABLI s'est bornée à exécuter une mission qu'elle lui avait confiée pour des prestations commerciales, précisant qu'il s'agit en réalité d'un contrat de sous-traitance, puisqu'elle exécutait des tâches définies sous sa propre

responsabilité et percevait en contre-partie une rémunération.

Elle considère ainsi que la rupture de la convention n'est pas abusive et qu'elle est justifiée par la situation concurrentielle des deux sociétés, sans donner droit au versement d'une quelconque indemnité de rupture, puisqu'elle n'a perçu que des frais pour ses diligences.

Elle réclame à titre reconventionnel le paiement d'une somme de 50.000 francs de dommages et intérêts. X X X

La société SEEB sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu que le contrat liant les parties était un contrat d'agence commerciale et que la société EXATOLE l'avait rompu abusivement.

Elle demande la condamnation de la société EXATOLE à lui payer 165.243 francs en réparation du préjudice pour rupture fautive avant l'échéance, ainsi que 520.000 francs en réparation du préjudice subi du fait du non-renouvellement du contrat, les intérêts au taux légal devant s'appliquer depuis le 28 janvier 1999 sur ces sommes.

Il convient de renvoyer aux dernières écritures de la société SEEB du 30 avril 2001 pour l'exposé des moyens qu'elle entend soutenir dans la présente instance à l'appui de ses prétentions. X X X

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 octobre 2001. MOTIFS ET DÉCISION

Attendu que le premier juge n'a pas statué sur les demandes, se contentant de retenir que les relations commerciales que la société SABLI, devenue la société SEEB, a entretenues avec la société EXATOLE, s'inscrivaient dans le cadre d'un contrat d'agence commerciale et que, de ce fait, la société SABLI avait droit à une indemnité de rupture, la société EXATOLE ayant mis fin aux relations contractuelles ;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence d'évoquer, afin de donner une

solution définitive à l'entier litige ;

I - Sur la nature des relations contractuelles

Attendu que c'est à la société SEEB, venant aux droits de la société SABLI, qui se prévaut de la qualité d'agent commercial de la société EXATOLE, de prouver que les relations qu'elle entretenait avec cette dernière remplissaient les conditions que pose la loi du 25 juin 1991 à l'application du statut des agents commerciaux (les dispositions de cette loi étant devenues les articles L 134-1 et suivants du Code de Commerce) ;

Attendu que l'agent commercial est un mandataire qui exerce une activité civile de manière indépendante et qui, à ce titre, est chargé de façon permanente de négocier et de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services au nom et pour le compte de son mandant ;

Attendu qu'il est constant que la société SABLI, devenue la société SEEB, qui avait une activité d'ingénierie industrielle, a acquis au mois de mars 1996, dans le cadre d'un plan de continuation, 60 % du capital de la société EXATOLE, qui était en redressement judiciaire depuis le 13 septembre 1995, et qu'à la suite d'une augmentation de capital intervenue à la fin de l'année 1997 sa participation dans cette société a été ramenée à 30 %, avant qu'elle ne cède tous ses droits le 1er janvier 1999 ;

Attendu qu'il résulte de ces circonstances, que la société SABLI, devenue la société SEEB, et la société EXATOLE ont, en conséquence, appartenu à un même groupe pendant la période du mois de mars 1996 à la fin du mois de décembre 1998 ;

Attendu que c'est à compter du 1er janvier 1998 que la société EXATOLE a chargé un des V.R.P. de la société SABLI de remplir une mission d'ordre commercial pour son compte ;

Attendu que le rôle assigné par la société EXATOLE à la société SABLI

résulte d'une résolution prise par le Conseil d'Administration de la société EXATOLE du 16 février 1998, qui prévoit explicitement que la société SABLI effectuera des prestations commerciales pour son compte à compter du 1er janvier 1998 et que le recours à l'intervention de cette équipe commerciale était prévu pour six mois ;

Attendu que cependant cette mission a été renouvelée aux termes d'une délibération du Conseil d'Administration de la société EXATOLE du 1er juin 1998 pour une durée de douze mois à compter de sa date, du fait des besoins qu'avait à cet égard la société EXATOLE ;

Attendu qu'à raison des liens qui existaient entre les sociétés SABLI et EXATOLE et notamment de la participation de la société SABLI dans le capital de la société EXATOLE, les accords intervenus entre elles constituaient une convention de l'article 101 de la loi du 24 juillet 1966 et ont fait l'objet d'une approbation en conséquence du Conseil d'Administration ;

Attendu qu'il était convenu expressément qu'il s'agissait bien d'une intervention de l'équipe commerciale de la société SABLI ;

Attendu qu'il résulte des statuts de la société SABLI que son objet social n'est pas l'agence commerciale et que c'est donc au titre de son activité d'ingénierie industrielle qu'elle a mis à la disposition de la société EXATOLE son propre service interne chargé des prestations commerciales ;

Attendu que ce service ne peut en rien se confondre avec une activité d'agent commercial qui serait exercée à titre principal pour le compte de tiers par la société SABLI au sens où l'entend la loi du 25 juin 1991 ;

Attendu que les relations qui ont existé entre les sociétés considérées ne peuvent caractériser le contrat d'agence commerciale qui exige une indépendance d'une société envers l'autre, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, à raison de la participation de la société

SABLI au capital de la société EXATOLE et qui implique encore que l'activité s'exerce à l'extérieur du groupe de sociétés, ce qui n'est pas démontré ;

Attendu qu'en qualifiant, dans un courrier qu'elle adressait le 28 janvier 1999 à la société EXATOLE pour lui réclamer le paiement des sommes dues au titre du contrat, son propre employé, Monsieur Z..., d'agent commercial "commun" et en lui faisant savoir qu'il convenait d'informer la clientèle "commune" de l'évolution des relations entre leurs sociétés, la société SABLI, qui à aucun moment ne fait état qu'elle ait agi comme son agent commercial, établit de ce seul fait que le statut d'agent commercial était étranger à leurs rapports (pièce n° 7 du dossier d'EXATOLE) ;

Attendu que le fait que la société SABLI ait perçu chaque mois une somme de 5.000 francs depuis le 1er janvier 1998, somme portée ensuite à 10.000 francs à compter du 1er juillet 1998, avec majoration de 2 % du chiffre d'affaires réalisé au titre de ses interventions ne permet pas de déduire de cette circonstance qu'il y ait eu un contrat d'agence commerciale avec la société EXATOLE ;

Attendu qu'il résulte des éléments du dossier que les rapports qui se sont noués entre les sociétés SABLI ET EXATOLE s'inscrivaient à l'intérieur du groupe constitué par les sociétés concernées et qu'ils doivent s'analyser comme une assistance commerciale que la société SABLI assurait pour le compte de la société EXATOLE en tant que la société SABLI était membre du même groupe de sociétés et du fait de sa participation au capital de la société EXATOLE ;

Attendu que les prestations accomplies par la société SABLI consistaient en définitive à assurer les démarches commerciales de la société EXATOLE auprès de la clientèle du groupe ;

Attendu que d'ailleurs la société SEEB, venant aux droits de la société SABLI, n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'elle a réalisé une opération pour le compte de la société EXATOLE, en dehors du groupe et à titre indépendant à son égard, ce qui aurait été le cas s'il s'était agi d'un contrat d'agence commerciale ;

Attendu que c'est en conséquence à tort que le premier juge a retenu que le contrat d'agence commerciale s'appliquait aux rapports que les sociétés SABLI et EXATOLE ont entretenus entre elles ;

Attendu qu'il y a lieu de réformer en conséquence le jugement déféré sur ce point ;

II - Sur la rupture du contrat et ses conséquences

Attendu que le contrat devait expirer le 30 juin 1999 pour avoir été reconduit pour une année à compter du 1er juillet 1998, selon la décision prise par le Conseil d'Administration de la société EXATOLE qui s'est tenu à cette date ;

Attendu que, de la sorte, la société EXATOLE ne pouvait le rompre avant son terme, sauf faute grave de la part de son cocontractant ;

Attendu que la société EXATOLE ne démontre pas l'existence d'une telle faute commise par la société SEEB au titre du contrat qui en aurait justifié de ce fait la rupture ;

Attendu qu'en conséquence c'est la société EXATOLE qui a fautivement rompu le contrat de sa seule initiative et sans motif légitime, de sorte que cette rupture doit donner lieu à indemnisation au profit de la société SEEB qui en a été victime ;

Attendu que la société SEEB réclame une indemnité au titre de l'article L 134-12 du Code de Commerce (article 12 de la loi du 25 juin 1991) qui n'est pas applicable en l'espèce, dès lors qu'il s'agit d'un contrat d'assistance commerciale qui est régi par les seules dispositions de la convention des parties, qui sont hors du champ d'application du statut d'agent commercial et qui exclut dont

toute indemnisation à ce titre ;

Attendu que la Cour doit, dans ces conditions, statuer en vertu du seul contrat ;

Attendu que le premier juge a ordonné que la société EXATOLE produise son chiffre d'affaires généré par la prestation de la société SABLI pour les 18 mois du contrat, sans que cette communication ne soit obtenue présentement devant la Cour, étant précisé toutefois qu'aucun chiffre d'affaires ne peut être donné pour la période du premier semestre de l'année 1999, faute qu'une activité ait été exercée ;

Attendu que la société SEEB demande que lui soient versées les commissions correspondant à la période du 1er janvier 1999 au 30 juin 1999, ce qui représente six mois à 10.000 francs par mois, soit 60.000 francs, majorées de 2 % du chiffre d'affaires qu'elle a réalisé avant le 1er janvier 1999 ;

Attendu qu'elle retient comme référence la période d'activité du 1er juillet 1998 au 31 décembre 1998 qui a généré un chiffre d'affaires de 3.500.000 francs ;

Attendu que la société SEEB en déduit qu'elle a subi un préjudice puisque, si le contrat s'était achevé à son terme, elle aurait eu droit à des commissions calculées avec le pourcentage de 2 % sur le chiffre d'affaires réalisé au premier semestre de l'année 1999 ;

Attendu qu'effectivement ce préjudice est incontestable ;

Attendu que, faute d'autres éléments, la Cour est en mesure d'évaluer ce préjudice au vu des pièces produites au dossier de la société SEEB et qu'ainsi l'indemnité due à la société SEEB peut être estimée à la somme de 15.250 euros, incluant les commissions de 9.146,94 euros (60.000 francs), représentant la rémunération fixe qui avait été prévue se rapportant à la période du 1er janvier 1999 au 30 juin 1999 ;

Attendu que les intérêts au taux légal s'appliqueront sur cette somme

à compter du présent arrêt, s'agissant d'une indemnité fixée par la Cour aux termes de cet arrêt et sans qu'il y ait lieu d'ordonner d'autres intérêts à titre compensatoire ;

Attendu que la société SEEB n'ayant aucun droit à un renouvellement du contrat à son terme, la société EXATOLE pouvait très légitimement y mettre fin et se passer de ses services à compter de cette date ;

Attendu que la société SEEB doit être déboutée de sa demande d'un montant de 79.273,48 euros (520.000 francs) à ce titre, cette prétention n'étant pas fondée ;

III - Sur les autres demandes

Attendu qu'il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts par année entière à compter du présent arrêt pour le cas où le paiement n'interviendrait pas dans l'année suivant cette date ;

Attendu que l'équité commande d'allouer à la société SEEB une somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu que la société EXATOLE, qui succombe, doit supporter les dépens de première instance et d'appel ; PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Vu le jugement du 26 septembre 2000,

Réforme le jugement déféré,

Evoque pour donner une solution à l'entier litige,

Et statuant ainsi sur le tout,

Dit que le contrat liant la société SEEB, venant aux droits de la société SABLI, à la société EXATOLE est un contrat d'assistance commerciale excluant le statut d'agent commercial régi par les articles L 314-1 et suivants du Code de Commerce (loi du 25 juin 1991),

Dit que la société SEEB a droit à une indemnité au titre de la rupture du contrat intervenu avant son terme,

Condamne en conséquence à titre d'indemnité, la société EXATOLE à payer à la société SEEB la somme de 15.250 euros à ce titre, tous préjudices confondus, à laquelle s'ajouteront les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière à compter du présent arrêt,

Condamne encore la société EXATOLE à payer à la société SEEB la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi que les dépens de première instance et d'appel, ces derniers recouvrés par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2000/07631
Date de la décision : 19/09/2002

Analyses

AGENT COMMERCIAL - Statut légal - Conditions

Le contrat d'agence commerciale exige l' indépendance des parties entr'elles. Tel n'est pas le cas lorsque les deux parties au contrat sont des sociétés dont l'une d'elle détient une participation dans le capital social de l'autre et que l'activité s'exerce à l'intérieur du groupe constitué par les sociétés concernées, les relations devant alors s'analyser comme une assistance commerciale entre les deux sociétés


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2002-09-19;2000.07631 ?
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