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17/07/2002 | FRANCE | N°2000/03177

France | France, Cour d'appel de Lyon, 17 juillet 2002, 2000/03177


COUR D'APPEL DE LYON

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 17 JUILLET 2002

Décision déférée : Décision du Tribunal de Commerce ROANNE du 12 avril 2000 - au fond (R.G. : 1997/00489) N° R.G. Cour : 00/03177

Nature du recours : APPEL Affaire : Demande en paiement du solde du compte bancaire APPELANTE : CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL LOIRE HAUTE-LOIRE 94 Rue Bergson 42007 SAINT-ETIENNE CEDEX 1 représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assistée de la SCP BOUFFERET-TOMAS, avocats au barreau de ROANNE

INTIMES : Monsieur X... Y... Le B

ois Z... 42720 POUILLY SOUS CHARLIEU représenté par Me BARRIQUAND, avoué à la Cour ass...

COUR D'APPEL DE LYON

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 17 JUILLET 2002

Décision déférée : Décision du Tribunal de Commerce ROANNE du 12 avril 2000 - au fond (R.G. : 1997/00489) N° R.G. Cour : 00/03177

Nature du recours : APPEL Affaire : Demande en paiement du solde du compte bancaire APPELANTE : CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL LOIRE HAUTE-LOIRE 94 Rue Bergson 42007 SAINT-ETIENNE CEDEX 1 représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assistée de la SCP BOUFFERET-TOMAS, avocats au barreau de ROANNE

INTIMES : Monsieur X... Y... Le Bois Z... 42720 POUILLY SOUS CHARLIEU représenté par Me BARRIQUAND, avoué à la Cour assisté de Me HILBERT-THOMASSON, avocat au barreau de LYON Monsieur Jean-Claude Y..., en qualité d'ayant droit de sa mère décédée, Madame Suzanne A..., épouse Y... Les B... 42720 VOUGY représenté par Me BARRIQUAND, avoué à la Cour assisté de Me HILBERT-THOMASSON, avocat au barreau de LYON Instruction clôturée le 15 Janvier 2002 Audience de plaidoiries du 13 Mars 2002 COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur MOUSSA, Président, Monsieur SIMON, Conseiller, Monsieur KERRAUDREN, Conseiller, GREFFIER : Monsieur

MIGNOT, lors des débats seulement, ARRET : CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 17 JUILLET 2002 par Monsieur MOUSSA , Président qui a signé la minute avec Mademoiselle C..., Greffier, présent lors du prononcé. EXPOSE DE L'AFFAIRE :

Selon acte sous seing privé du 26 janvier 1995, Monsieur et Madame Y... se sont portés cautions solidaires des engagements de la Société Y... envers la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire/Haute Loire à concurrence de 200.000 Francs en principal, outre intérêts, commissions, frais et accessoires. Par ailleurs, ils ont avalisé le 27 mars 1997 un billet à ordre d'un montant de 500.000 F impayé à l'échéance du 30 juin 1997.

A la suite du redressement judiciaire de la Société Y... ouvert par jugement du 30 juillet 1997, le Crédit Agricole a déclaré sa créance qui, au terme de la procédure de vérification des créances, a été admise par une ordonnance du 21 octobre 1998, pour un total de 923.538,28 F à titre chirographaire. La banque a également diligenté une saisie conservatoire sur des titres appartenant aux époux Y..., limitée à 500.000 F par une ordonnance de référé du 27 mars 1998.

N'ayant pu obtenir un paiement de la part des époux Y..., le Crédit Agricole les a assignés devant le Tribunal de Commerce aux fins d'obtenir leur condamnation, pour l'essentiel, au paiement des sommes de 200.000 F chacun au titre de leur cautionnement solidaire et de 500.000 F au titre de l'effet avalisé, outre intérêts, mais par un jugement du 12 avril 2000, la juridiction consulaire, estimant que le refus brutal de reconduire des facilités de caisse, jusqu'alors autorisées, devait être considéré comme une rupture abusive, entraînant pour la caution une perte de chance de ne pas être poursuivie, a :

- débouté le Crédit Agricole de toutes ses prétentions,

- condamné le Crédit Agricole à dégager les époux Y..., à titre de dommages et intérêts, de tous leurs engagements de cautions et avaliseurs,

- condamné le même à payer aux époux Y... 20.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné le Crédit Agricole aux dépens.

Le Crédit Agricole a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses dernières écritures en date du 19 novembre 2001, il prie la Cour de :

- réformer ledit jugement,

- faire droit à sa demande principale,

- rejeter les demandes reconventionnelles des consorts Y...,

- condamner solidairement Messieurs X... et Jean-Claude Y..., lesquels sont tenus aux droits de Madame Y..., décédée, à lui payer :

- 500.000 Francs, soit 76.224,51 Euros avec intérêts au taux légal depuis la date d'échéance de l'effet, soit le 30 juin 1997,

- 200.000 Francs, soit 30.489,80 Euros avec intérêts au taux légal à

compter de la mise en demeure, soit le 19 août 1997,

- 50.000 Francs, soit 7.622,45 Euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive,

- 30.000 Francs, soit 4.573,47 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- ordonner la capitalisation des intérêts. Les intimés, quant à eux, ont déposé des conclusions récapitulatives, le 19 novembre 2001, aux fins de confirmation, en son principe, du jugement attaqué, mais, par voie d'appel incident, ils réclament l'allocation de la somme de 2.800.000 Francs, soit 426.857,25 Euros, à titre de dommages intérêts, outre intérêts de droit à compter de l'arrêt, ainsi que la somme de 40.000 Francs, soit 6.097,96 Euros, par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées. DISCUSSION :

- Sur le billet à ordre :

Attendu que les consorts Y... reprochent à la banque de n'avoir pas discuté les biens du débiteur principal, la Société Y..., souscripteur du billet à ordre du 27 mars 1997 d'un montant de 500.000 Francs ;

Mais attendu que ce billet était à échéance du 30 juin 1997 et que la Société Y... a été placée en redressement judiciaire un mois plus tard ; que, dès lors, la banque ne pouvait que procéder à la déclaration de sa créance, ce qu'elle a fait dans le cadre de la procédure collective du débiteur principal ;

Attendu qu'en l'absence d'autre contestation, il convient d'admettre la demande du Crédit Agricole et de lui accorder les intérêts au taux légal sur la somme de 76.224,51 Euros à compter du 30 juin 1997 ;

- Sur le cautionnement :

Attendu que les Consorts Y... soutiennent que l'aval susvisé s'est substitué à l'engagement de caution du 26 janvier 1995, au motif que la banque n'a procédé à aucune information des cautions avant le 31 mars de chaque année ;

Attendu cependant que ce seul élément est insuffisant à caractériser une novation, laquelle ne se présume pas ;

Qu'en l'espèce, l'article 8 de l'acte de cautionnement initial stipule expressément qu'il s'ajoute à toutes garanties réelles ou personnelles qui ont pu ou qui pourront être fournies au profit de la banque par la caution ; que le billet à ordre contient la mention de l'aval de chacun des époux Y... sans autre précision, de sorte qu'il n'est nullement établi qu'il se soit substitué à la garantie offerte auparavant par les cautions ; que la demande de la banque, qui ne réclame plus qu'une seule fois la somme de 30.489,80 Euros, doit donc être retenue, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 août 1997 ;

Attendu qu'il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts échus à compter du 9 août 2000, date des conclusions contenant cette réclamation ;

- Sur la demande reconventionnelle des Consorts Y... :

Attendu que ceux-ci prétendent tout d'abord que la banque a manqué à son devoir de conseil pour ne s'intéresser qu'aux garanties dont elle pouvait disposer ; que la banque, pour sa part, soutient que Monsieur Y... était assisté de multiples conseils, qu'il ne lui appartenait pas de s'immiscer dans les affaires de la Société Y..., et que la défaillance de cette entreprise résulte de diverses causes financières et économiques ;

Attendu que les parties se réfèrent expressément, sans le contester, au rapport de Monsieur D..., Expert Judiciaire, désigné par le juge commissaire le 16 novembre 1999 dans le cadre de la procédure

collective de la Société Y... ;

Attendu qu'aux termes de ses investigations, l'expert, qui n'avait pas pour mission de se prononcer sur la responsabilité des partenaires en présence, a retracé l'évolution de la Société Y... depuis 1991 ; qu'il a relevé qu'après l'incendie de 1994, la situation avait été redressée et que l'équilibre d'exploitation était atteint au quatrième trimestre 1996, sans toutefois d'assise financière ; qu'il indique qu'un schéma de sauvetage a été trouvé en 1997 mais n'a pas été mis en oeuvre, sans qu'il puisse en donner l'explication ; Qu'il précise, s'agissant du Crédit Agricole que celui-ci a piloté l'ensemble de la vie financière de la Société Y... depuis l'incendie de novembre 1994 et qu'il était son banquier privilégié ; Qu'il a mis en place les crédits qui lui avaient été demandés en 1994, sans risque du fait des garanties exigées ; que l'expert s'interroge toutefois sur le point de savoir si la banque n'aurait pas dû inciter Monsieur Y..., au début de 1995, à adopter un système de financement plus réaliste et, en mai-juin 1997, montrer plus de ténacité pour l'aider à mettre en place un plan de sauvetage qui semblait à portée de main ; qu'il fait état de la passivité de cette même banque lors du montage du plan en 94/95 et lors du dénouement en juin-juillet 1997 ; qu'il ajoute que la banque a admis et facilité par l'intervention d'UNICOM, filiale de la Caisse Nationale du Crédit Agricole, la séparation de l'immobilier dans la S.C.I BELUZE, ce qui ne semblait pas de nature à favoriser la Société Y... ; que l'expert s'est notamment fondé sur les déclarations de Monsieur E..., ancien responsable des engagements de la banque, qui a admis que celle-ci était tenue au courant au jour le jour de l'évolution de la société, mais qu'elle n'avait pas joué le rôle de conseil, Monsieur Y... restant maître de ses choix et décisions ;

Attendu qu'il ressort de ces éléments que la banque a failli à son

devoir de conseil pour la période de 1994 à 1997, notamment en s'abstenant du moindre conseil au moment où la société en avait besoin ;

Qu'à tout le moins, elle ne justifie pas y avoir satisfait, sous réserve de ce qui sera développé ci-après sur les conséquences de cette faute ; qu'il importe peu, à cet égard, que les dirigeants de la Société Y... aient bénéficié d'autres conseils ou aient été compétents en matière économique, ces circonstances n'étant pas de nature à délier la banque de ses obligations ;

Attendu, sur la rupture abusive de crédit, qu'il résulte du rapport précité et de la lecture des lettres adressées par le Crédit Agricole à la Société Y... les 30 octobre 1996 et 30 mai 1997, que cette Société bénéficiait d'une autorisation de découvert de 1.200.000 Francs ;

Attendu qu'aux termes de la première des lettres précitées, la banque a dénoncé les dépassements du découvert par la Société Y... et lui a accordé un préavis de deux mois pour se retrouver dans la limite autorisée ;

Attendu que l'examen des relevés du compte bancaire de la Société révèle que le solde débiteur a effectivement été réduit par la suite à un montant inférieur au plafond fixé, et ce jusqu'au mois de mai 1997 ;

Qu'ensuite, par lettre du 30 mai 1997, la banque a dénoncé les dépassements de l'autorisation accordée (débit de 2.287.054 F au 30 mai 1997) et invité la Société Y... à régulariser son compte dans le délai de huit jours à compter de cette lettre ;

Attendu que la banque considère qu'eu égard à l'avertissement donné sept mois auparavant, elle était en droit de rejeter toute demande en paiement au-delà du plafond contractuel ; qu'elle estime aussi avoir respecté un délai convenable de prévenance ;

Mais attendu qu'eu égard au délai écoulé depuis la première mise en demeure suivie de régularisation et au fait que le découvert excédait le plafond depuis le début du mois de mai 1997, il appartenait au Crédit Agricole de laisser à sa cliente un délai suffisant pour lui permettre de respecter ses obligations contractuelles à la suite de la nouvelle injonction de régulariser, étant observé que le dépassement était très important, comme rappelé ci-dessus ;

Attendu qu'en réalité les intimés justifient de ce que la banque n'a même pas respecté le délai de huit jours qu'elle avait imparti à la Société pour réduire le solde débiteur puisqu'elle a rejeté une traite de 133.127,50 Francs, ainsi que l'indique un client de la Société, Monsieur F..., dans une lettre du 2 juin 1997 ; qu'en outre, la Société SEGUY indique également, dans une lettre du 31 mars 1999, que ses impayés bancaires ont concerné les échéances des 30 mai, 5 et 10 juin 1997 ; que, selon l'expert, la banque a refoulé 360.000 F de traites à l'échéance ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments que la banque a aussi commis une faute en mettant fin brusquement, dans les conditions relatées, au dépassement du découvert autorisé ;

Attendu que les intimés soutiennent que les fautes de la banque ont provoqué sa paralysie et fait échec aux opérations de cession qu'ils envisageaient, plus intéressantes que celle finalement retenue par le Tribunal dans son jugement du 24 septembre 1997 ;

Attendu que, pour expliquer le dépôt de bilan de la Société et sa cession, Monsieur D..., dans le rapport précité, relève notamment, outre diverses causes d'ordre économique, qu'une subvention de 1,2 millions de francs n'a pas été accordée, malgré les efforts de Monsieur Y..., que celui-ci n'a apporté en compte courant que 259.000 Francs au lieu de 1,2 million de Francs comme prévu, alors qu'il disposait de plus de deux millions de Francs à titre

personnel , et qu'une indemnité sur l'immobilier n'a pas été versée par l'assureur Groupama ; qu'il retient aussi à la charge du Crédit Agricole, les divers éléments relevés ci-dessus par la Cour comme constitutifs d'un manquement de la banque à son devoir de conseil ;

Attendu que cette faute et celle constituée par la rupture abusive du découvert ne sont que pour partie à l'origine de la production du passif qui s'élève à plus de six millions de Francs selon le rapport, et de la cession de l'entreprise Y..., intervenue dans un délai très court, à des conditions moins favorables pour elle que celles prévues ;

Que doit aussi être pris en compte le comportement du dirigeant, Monsieur Y..., comme relevé ci-dessus ; qu'il s'ensuit que les cautions ont seulement été privées d'une chance de ne pas être inquiétées ;

Que ce préjudice sera réparé par l'allocation de la somme de 45.000 Euros à titre de dommages intérêts et le jugement réformé de ce chef ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

- Sur les dommages et intérêts et les frais :

Attendu que la demande reconventionnelle des consorts Y... a été partiellement admise, si bien que sa résistance ne présentait aucun caractère abusif ; que la réclamation aux fins d'allocation de dommages intérêts formée par l'appelante sera rejetée ;

Attendu, enfin, qu'il n'est pas contraire à l'équité que chaque partie supporte ses frais irrépétibles de procédure ; PAR CES MOTIFS ET CEUX NON CONTRAIRES DU TRIBUNAL ;

LA COUR ;

Réformant le jugement entrepris ;

Condamne solidairement Messieurs X... et Jean-Claude Y... à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Loire et Haute

Loire :

- la somme de 76.224,51 Euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 1997,

- la somme de 30.489,80 Euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 août 1997,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus par année entière à compter du 9 août 2000, et ce conformément à l'article 1154 du Code Civil,

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Loire et Haute Loire à payer aux Consorts Y... la somme de 45.000 Euros à titre de dommages intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute les parties de toutes demandes contraires ou plus amples,

Dit que chacune d'elles gardera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2000/03177
Date de la décision : 17/07/2002

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Compte - Ouverture et fonctionnement

La banque commet une faute en mettant fin brusquement au dépassement du découvert autorisé dès lors qu'elle ne respecte pas le délai qu'elle avait imparti à la société débitrice pour réduire le solde débiteur et que par ailleurs le délai imparti doit permettre au débiteur de respecter les obligations contractuelles notamment lorsque le dépassement se révèle très important


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2002-07-17;2000.03177 ?
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