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06/06/2002 | FRANCE | N°1999/07371

France | France, Cour d'appel de Lyon, 06 juin 2002, 1999/07371


COUR D'APPEL DE LYON 1ère Chambre ARRET du Décision déférée : JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de LYON en date du 09 Septembre 1999

(RG : 199805373 - Ch 10ème Ch)

N° RG Cour : 1999/07371

Nature du recours : APPEL Code affaire : 509 Avoués :

Parties : - ME MOREL . SA SECARLY dont le siège social est : 81 avenue Galline 69100 VILLEURBANNE Représenté par son Président Directeur Général Monsieur Marc Antoine Geoffroy CHATEAU X... : Maître CHAUPLANNAZ

APPELANTE

---------------- - SCP BRONDEL-TUDELA . SCI RONSARD dont le si

ège social est : 13 rue des Emeraudes 69006 LYON Représenté par sa Gérante la Société EDIFICE X......

COUR D'APPEL DE LYON 1ère Chambre ARRET du Décision déférée : JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de LYON en date du 09 Septembre 1999

(RG : 199805373 - Ch 10ème Ch)

N° RG Cour : 1999/07371

Nature du recours : APPEL Code affaire : 509 Avoués :

Parties : - ME MOREL . SA SECARLY dont le siège social est : 81 avenue Galline 69100 VILLEURBANNE Représenté par son Président Directeur Général Monsieur Marc Antoine Geoffroy CHATEAU X... : Maître CHAUPLANNAZ

APPELANTE

---------------- - SCP BRONDEL-TUDELA . SCI RONSARD dont le siège social est : 13 rue des Emeraudes 69006 LYON Représenté par sa Gérante la Société EDIFICE X... : SCP BOUSCAMBERT

INTIMEE

---------------- INSTRUCTION CLOTUREE le 11 Juin 2001 DEBATS : en audience publique du 21 Février 2002 COMPOSITION DE LA COUR,lors des débats et du délibéré : - monsieur JACQUET, président, - monsieur ROUX, conseiller, - madame BIOT, conseiller, assistés pendant les débats de Madame KROLAK, greffier. ARRET : contradictoire prononcé à l'audience publique du par Monsieur JACQUET, président, qui a signé la minute avec Madame KROLAK, greffier. FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 25 juillet 1996 un compromis de vente

sous diverses conditions suspensives, notamment l'obtention d'un permis de construire conforme au P.O.S. au plus tard le 30 novembre 1996 et l'obtention d'un prêt bancaire de 3.000.000 francs, a été conclu entre la S.C.I. RONSARD représentée par sa gérante la Société Anonyme EDIFICE et la Société Anonyme SECARLY pour un terrain à bâtir situé cours Emile Zola à VILLEURBANNE au prix de 1.350.000 francs.

Le permis de construire ayant été refusé, les parties sont convenues d'un nouveau projet et leurs notaires respectifs devaient établir un autre compromis.

La Société EDIFICE lui ayant fait savoir le 23 décembre 1997 qu'elle avait finalement vendu ce terrain à un tiers le 4 décembre 1997, la Société SECARLY a fait assigner cette Société devant le Tribunal de Grande Instance de LYON en invoquant au principal la non exécution d'un accord de volonté intervenu le 12 décembre 1997 et subsidiairement la rupture abusive de pourparlers.

Par jugement du 9 septembre 1999, le tribunal, considérant que l'offre du 20 novembre 1997 n'était pas assortie d'un délai précis d'acceptation et que la S.C.I. RONSARD qui était en pourparlers avec la Société SECARLY depuis de nombreux mois ne pouvait se rétracter sans engager sa responsabilité a rendu la décision suivante : "- condamne la S.C.I. RONSARD dont la gérante est la Société EDIFICE à payer à la Société SECARLY la somme de SOIXANTE SEPT MILLE QUATRE CENT QUINZE FRANCS QUARANTE (67.415,40 F) avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement à titre de dommages et intérêts ; - ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ; - condamne la S.C.I RONSARD dont la gérante est la Société EDIFICE à payer à la Société SECARLY la somme de DIX MILLE FRANCS (10.000 F) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ; - débouté les parties du surplus de leurs demandes

; - condamné la S.C.I. RONSARD dont la gérante est la Société EDIFICE aux dépens de l'instance".

La Société SECARLY a relevé appel de ce jugement en concluant à sa réformation sur le montant du préjudice. Elle demande de condamner la S.C.I. RONSARD à lui payer la somme de 1.630.000 francs outre une indemnité de 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

La société appelante insiste sur son manque à gagner alors que l'acquisition de ce terrain devait permettre la construction d'un magasin "FEU VERT" dont les résultats commerciaux excellents lui permettaient d'espérer un chiffre d'affaires de 8.529.359 francs dès la première année .

La S.C.I. RONSARD conclut à l'infirmation du jugement et prie la Cour de dire qu'elle n'a pas rompu abusivement les pourparlers, de rejeter les prétentions de la Société SECARLY et de condamner cette Société à lui payer la somme de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts. Subsidiairement, elle conteste tout préjudice en lien avec la rupture en cause.

L'intimée prétend qu'elle avait la réelle volonté de contracter avec la Société SECARLY à laquelle elle avait transmis en septembre 1997 et non en novembre 1997 comme celle-ci le soutient, un projet de compromis valant offre de vente qui n'a pas été accepté tout de suite sous le prétexte de difficultés d'obtention de financement alors que la SECARLY retardait sa décision en annulant un rendez-vous fixé chez Maître GINON, notaire, le 19 novembre 1997.

La S.C.I. RONSARD insiste sur la situation d'impasse dans laquelle elle se trouvait alors que depuis 1996 la Société SECARLY tergiversait.

Elle indique surtout qu'elle avait averti le dirigeant de la SECARLY

de l'existence d'un nouvel acquéreur le 3 décembre 1997, soit avant la signature du compromis conclu avec celui-ci le 4 décembre 1997.

Elle fait valoir enfin que l'acceptation donnée le 18 décembre 1997 par acte d'huissier était sans portée puisque la SECARLY n'était pas en mesure à cette date de justifier de l'obtention d'un prêt et considère qu'il s'agissait en réalité d'une manoeuvre en vue de préparer la présente action judiciaire. MOTIFS ET DECISION

Attendu que la liberté de contracter qui a pour corollaire la liberté de rompre des négociations trouve sa limite dans le devoir de bonne foi et de loyauté de chacun des interlocuteurs ;

Attendu qu'en l'espèce la S.C.I. RONSARD et la Société SECARLY qui avaient signé un compromis de vente sous conditions suspensives le 25 Juillet 1996 ont chacune repris leur liberté à la suite du refus de permis de construire opposé par le Maire de VILLEURBANNE le 12 novembre 1996 et de la non obtention par la Société SECARLY des prêts sollicités auprès du CREDIT MUTUEL et de la SOCIETE GENERALE ;

Mais attendu que la S.C.I. RONSARD pressée de vendre ce terrain acquis en sa qualité de marchand de biens a repris en août 1997 des pourparlers avec la Société SECARLY en appuyant auprès de la Mairie de VILLEURBANNE le projet de construction proposé par l'architecte de cette Société ;

Qu'en septembre 1997 Maître GINON son notaire a rédigé un projet de compromis de vente au prix de 1.200.000 francs sous la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire mais sans condition d'obtention d'un prêt par l'acquéreur ;

Que dès réception de ce projet la Société SECARLY par l'intermédiaire de son notaire et de son conseil à indiqué qu'elle ne signerait pas avant que "le dossier de financement et les accords de prêt soient acquis", ce qui démontrait son impossibilité d'accord immédiat ;

Attendu que la S.C.I. a en conséquence modifié son projet de

compromis en y incluant la condition suspensive relative au prêt tout en limitant sa réalisation dans un délai de deux mois avec obligation de demande de prêt au 30 septembre 1997 ;

Attendu qu'ainsi en soumettant à la Société SECARLY des projets de compromis destinés à lui faciliter l'acquisition, la S.C.I. RONSARD maintenait fermement une offre de vente qu'elle réitérait en confirmant un rendez-vous le 19 novembre 1997 chez Maître GINON, notaire, et en adressant un dernier projet de compromis à Maître CHAPUIS notaire de la SECARLY le 20 novembre 1997 malgré l'échec de la réunion fixée à la veille ;

Attendu que dans ces conditions, en signant le 4 décembre 1997 un compromis de vente avec un autre acquéreur sans avoir au préalable mis en demeure la Société SECARLY d'avoir à accepter cette offre dans un délai déterminé alors que celle-ci n'était pas tenue par une stipulation quelconque et pouvait légitimement considérer que l'insistance manifestée par la venderesse lui conférait une priorité sinon une exclusivité et qu'elle pouvait organiser au mieux le financement de cette opération, la S.C.I. RONSARD a manqué de loyauté ;

Qu'il appartenait en effet à cette Société à tout le moins de signaler l'existence d'un autre acquéreur éventuel et d'avertir la Société SECARLY de la date fixée pour la signature du compromis, indications qu'elle ne démontre pas avoir données contrairement à ce qu'elle affirme ;

Attendu que le premier juge a donc justement décidé que la Société RONSARD avait commis une faute dans la rupture de ses pourparlers avec la Société SECARLY et qu'elle devait réparer le préjudice causé ;

Attendu que ce préjudice a été exactement évalué aux frais engagés

correspondant aux honoraires d'architecte et à la facture d'étude goélogique, peu important que cette étude ait été réalisée lors des premières négociations de 1996 dès lors qu'elle était nécessaire pour la prise de décision de la Société SECARLY ;

Attendu qu'il y a lieu d'y ajouter la perte de chance de disposer d'un terrain bien situé pour installer ce magasin "FEU VERT" dont l'étude de faisabilité démontre qu'il pouvait procurer dès la première année un résultat d'exploitation d'environ 400.000 francs ; Que toutefois en raison de la courte durée des nouveaux pourparlers (4 mois) et compte tenu de l'absence de fourniture par la Société SECARLY d'éléments sur les possibilités du marché des terrains constructibles à VILLEURBANNE, cette perte de chance doit être limitée à la somme de 15.000 euros ) ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la société appelante la charge de l'intégralité de ses frais irrépétibles ; qu'il lui sera alloué une indemnité de 1.520 euros ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Réforme le jugement sur le montant des dommages-intérêts,

Statuant à nouveau,

Condamne la Société RONSARD à payer à la Société SECARLY la somme de VINGT CINQ MILLE DEUX CENT SOIXANTE DIX SEPT EUROS QUARANTE ET UN CENTS (25.277,41 EUROS) en réparation du préjudice causé par la rupture fautive de pourparlers,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la Société RONSARD à payer à la Société SECARLY une indemnité complémentaire de MILLE CINQ VINGT EUROS (1.520 EUROS) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

La condamne aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître MOREL, avoué. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 1999/07371
Date de la décision : 06/06/2002

Analyses

VENTE

En soumettant à la société appelante des projets de compromis de vente destinés à lui faciliter l'acquisition de l'immeuble, la SCI intimée maintenait fermement une offre de vente qu'elle réitérait en confirmant un rendez-vous chez son notaire et en adressant un dernier projet de compromis au notaire de l'appelant.Dans ses conditions, en signant un compromis de vente avec un autre acquéreur sans signaler l'existence de celui-ci à l'appelant, ni l'avertir de la date fixée pour signature et sans l'avoir au préalable mis en demeure d'accepter l'offre dans un délai déterminé alors que la société appelante n'était pas tenue par une stipulation quelconque et pouvait légitimement considérer que l'insistance manifestée par la venderesse lui conférait une priorité sinon une exclusivité et qu'elle pouvait organiser au mieux le financement de cette opération, la SCI intimée a manqué de loyauté et a commis une faute dans la rupture des pourparlers avec la société appelante.Elle doit réparer le préjudice causé ainsi que la perte d'une chance de disposer du terrain bien situé pour installer le magasin


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2002-06-06;1999.07371 ?
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