EXPOSE DU LITIGE Mademoiselle Suzanne Z... est décédée le 25 juillet 1996 laissant comme héritiers en vertu d'un testament sa nièce Madame Suzanne Z... épouse E... née le 19 mars 1946 pour la moitié ainsi que le frère et la soeur de cette dernière pour 1/4 chacun. Madame E... avait été adoptée par sa tante Madame Suzanne Z... en vertu d'un jugement d'adoption simple en date du 17 mai 1989. Dès lors pour le calcul des droits de succession Madame E... a appliqué le barème des droits de mutation en ligne directe conformément aux articles 777 et 770 du Code Général des Impôts (C.G.I), soit un abattement de 300.000 francs et un taux progressif détaillé dans le tableau 1 de l'article 777 du C.G.1. A la suite du contrôle de la déclaration de succession l'Administration Fiscale a adressé à Madame E... une notification de redressement dans laquelle il était indiqué qu'il convenait de calculer les droits de mutation par décès au taux de 55 % applicable entre collatéraux jusqu'au 4° degré avec un abattement de 10 % conformément à l'article 777 tableau 111 du C.G.I.. L'Administration demandait en conséquence à Madame E... le règlement de droits s'élevant à 1.216.108 francs au lieu de 367.880 payés. Le 30 septembre 1997 l'Administration Fiscale mettait en recouvrement direct la somme principale de 848.228,00 francs outre 25.447 francs au titre des intérêts de retard. A l'appui de sa notification de redressement l'Administration Fiscale invoquait les dispositions de l'article 786 du C.G.I. aux termes duquel :"pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il n'est pas tenu compte du lien de parenté résultant de l'adoption simple". Elle en déduisait que les droits de succession devaient être perçus selon le tarif applicable au lien de parenté naturel, soit en l'espèce un lien de parenté au 3° degré (tante-nièce). Madame E... adressait le 5 décembre 1997 à l'Administration Fiscale une réclamation dans laquelle elle invoquait
l'exception prévue à l'article 786 3° du C.G.I. aux termes duquel le principe d'exclusion fixé par l'article 786 reçoit exception dans le cas des transmissions faites en faveur "d'adoptés qui, soit dans leur minorité et pendant cinq ans au moins, soit dans leur minorité et leur majorité et pendant dix ans au moins, auront reçu de l'adoptant des secours et des soins non interrompus". Elle faisait valoir qu'en raison d'une grave maladie de sa mère elle avait été recueillie par la "de cujus" de l'âge de deux mois à l'âge de neuf ans à son domicile .... L'Administration rejetait la réclamation aux motifs suivants - l'adoptante Mademoiselle Z... était domiciliée chez ses parents (grands-parents de Madame E...), - son frère vivant près d'elle pouvait aussi s'occuper de Madame E... sa fille, - l'adoption a eu lieu plusieurs décennies après. Un dégrèvement partiel de 12.724 francs a été accordé à Madame E... au titre des intérêts de retard, ces intérêts ayant été calculés au taux de 3 % au lieu de 1,5 %. Par acte en date du 10 septembre 1998 Madame E... a assigné la Direction des Services Fiscaux devant le Tribunal de Grande Instance de LYON afin qu'il soit dit et jugé que la décision de la Direction des Services Fiscaux du Rhône était infondée, et que soient prononcées la restitution des droits en principal s'élevant à 848.228 francs et le déblocage des intérêts s'élevant à 17.723 francs. Elle demandait la condamnation de l'Administration aux dépens et l'attribution d'une somme de 8.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile. Par jugement en date du 13 septembre 2000 le Tribunal de Grande Instance de LYON a estimé que Madame E... n'apportait pas la preuve qui lui incombe de ce qu'elle avait reçu de la part de la "de cujus" les secours et soins non interrompus visés à l'article 786-3° du C.G.I. de sorte qu'elle ne pouvait bénéficier du tarif de taxation prévu pour les successions en ligne directe. Madame E... était en
conséquence déboutée de ses demandes. Par déclaration en date du 6 novembre 2000 Madame Suzanne E... a relevé appel de cette décision. Elle expose que sa tante Madame Z... lui a apporté une aide matérielle et morale au cours de sa petite enfance de 1946 à 1954 en raison de la maladie de sa mère qui devait décéder en 1960. Elle verse au débat des attestations tendant à établir qu'elle a reçu les soins et secours non interrompus visés l'article 786 alinéa 2 3° lui permettant de revendiquer l'application des droits de succession afférents à une succession en ligne directe. Elle réitère devant la Cour les demande contenues dans son exploit introductif d'instance. La Direction Générale des Impôts agissant par Monsieur D... des Services Fiscaux du Rhône soutient que les attestations produites sont rédigées en termes généraux et n'apportent pas la preuve d'une aide affective et matérielle de la part de Madame Z... à l'égard de Madame E.... Elle fait valoir - que le jugement d'adoption simple du 17 mai 1989 comporte pour toute précision que Madame Z... "a recueilli les trois enfants", ce qui ne suffit pas à démontrer les conditions de l'article 786 alinéa 2 3° du C.G.I., - que si le neveu et les deux nièces ont séjourné au domicile de Madame Z..., cette dernière vivait chez ses parents de sorte que les trois enfants vivaient en fait chez leurs grandsparents, - que si Madame Z... séjournait souvent avec son neveu et ses deux nièces àSAINTLAURENT-DE-MURE, il convient de préciser qu'ils vivaient dans la résidence de Monsieur DUPONT leur père, - que ce dernier avait la capacité financière de s'occuper de ses enfants, - que le jugement d'adoption a été prononcé en 1989 soit onze après le décès de Monsieur Z... survenu en 1978 alors que ses trois enfants étaient adultes, - que le frère et la soeur de Madame E... ont accepté le redressement, reconnaissant ainsi n'avoir jamais été à la charge financière de leur tante. Elle conclut à la confirmation du jugement
déféré. Aux arguments de l'Administration Madame LLINAS rétorque que l'article 786 alinéa 2 3° n'exige pas une prise en charge exclusive par le défunt, et ne fixe par de délai quant à la date de l'adoption. Elle soutient par ailleurs que la situation de son frère et de sa soeur vis à vis de la "de cujus" est différente, ces derniers étant plus jeunes et n'ayant hérité chacun que d'un quart de la succession. DISCUSSION Attendu qu'il appartient à Madame Suzanne E... d'apporter la preuve que durant sa minorité, et pendant cinq ans au moins elle a reçu de Madame Z... des secours et des soins non interrompus ; que s'agissant de la preuve d'un fait elle peut être apportée par tous moyens ; Attendu que Madame E... verse au débat cinq attestations émanant de Monsieur H... professeur à l'Université, Maître C... notaire, Monsieur et Madame B..., F... X... Y... d'école et Madame G... consine de Madame A...; Attendu qu'il ressort des dites attestations que Mademoiselle Suzanne Z... a assisté sa bellesoeur Madame Madeleine A... épouse Z... dans l'éducation de ses trois enfants durant sa maladie à partir de 1950 et l'a remplacée totalement auprès d'eux après son décès en 1960 ; que Maitre C... atteste qu'après le décès de leur mère elle leur a prodigué "secours, soins et éducation" ; Attendu que Monsieur et Madame B... précisent que l'assistance de Mademoiselle Z... est devenue de plus en plus réelle au fur et à mesure de l'aggravation de la maladie de la mère de ses neveux et qu'elle est devenue pour eux une seconde mère après son décès, ce qu'elle a voulu concrétiser par une adoption qui en a vraiment fait ses trois enfants; Attendu que les témoignages de Madame X... et de Monsieur et Madame G... corroborent les attestations précédentes ; Attendu que l'article 786 alinéa 2 3° exige pour son application l'existence de secours et de soins non interrompus ; que le terme de secours ne désigne pas nécessairement des secours financiers mais
peut correspondre à une aide et assistance en nature ; que la condition d'exclusivité n'est par ailleurs pas exigée ; que les soins non interrompus sont suffisamment établis par les pièces versées au débat ; Attendu qu'il résulte de ces éléments que Madame Suzanne E... rapporte la preuve qu'elle remplit les conditions fixées par l'article 786 alinéa 2 3° pour bénéficier du tarif de taxation prévu pour les successions en ligne directe ; qu'il y a donc lieu de réformer le jugement déféré et de faire droit à la demande principale de Madame E... ; Attendu que si aux termes de l'article R 202-2 du livre des procédures fiscales l'existence d'un avocat n'est pas obligatoire l'Administration Fiscale qui succombe doit néanmoins supporter les dépens, comme le prévoit l'article R 207-1 du livre des procédures fiscales ; que par ailleurs la représentation par un avoué étant obligatoire devant la Cour l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile relatif à la distraction des dépens est applicable au bénéfice de l'avoué pour les frais exposés en appel ; Attendu que l'équité commande d'allouer à Madame E... la somme de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS, LA COUR, Vu les articles 777 et 786 alinéa 2 3° du Code Général des Impôts, Réforme le jugement déféré, Déclare non fondée la décision de Monsieur D... des Services Fiscaux du Rhône en date du 9 juillet 1998, Prononce la décharge des droits en principal s'élevant à la somme de HUIT CENT QUARANTE HUIT MILLE DEUX CENTS VINGT HUIT FRANCS (848.228 F), Prononce la déchéance des intérêts de retard s'élevant à la somme de DOUZE MILLE SEPT CENT VINGT TROIS FRANCS (12.723 F), Condamne l'Administration Fiscale à verser à Madame Suzanne E... l'équivalent en euros de la somme de CINQ MILLE FRANCS (5.000 F) en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers droit de recouvrement
direct au profit de la Société Civile Professionnelle AGUIRAUDNOUVELLET, avoué. LE GREFFIER
LE PRESIDENT