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05/04/2002 | FRANCE | N°2000/01073

France | France, Cour d'appel de Lyon, 05 avril 2002, 2000/01073


Délibéré au 26 avril 2002. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La S.A. VITAL, conserverie alimentaire, a livré, le 6 octobre 1995, à la S.A. TOUTOLIVES, des denrées alimentaires faisant l'objet des deux factures pour 58.944,96 francs et 27.662,42 francs devant être payées par traites à effet au 6 décembre 1995 créées sur la Banque Populaire.

La S.A. VITAL a créé, le 18 décembre 1995, deux lettres de changes émises sur la S.A. TOUTOLIVES à effet au 6 décembre 1995 (ä) En paiement de ces livraisons, sans indication du nom du bénéficiaire. La S.A. TO

UTOLIVES a accepté ces lettres de change domiciliées auprès de la Société Lyonnais...

Délibéré au 26 avril 2002. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La S.A. VITAL, conserverie alimentaire, a livré, le 6 octobre 1995, à la S.A. TOUTOLIVES, des denrées alimentaires faisant l'objet des deux factures pour 58.944,96 francs et 27.662,42 francs devant être payées par traites à effet au 6 décembre 1995 créées sur la Banque Populaire.

La S.A. VITAL a créé, le 18 décembre 1995, deux lettres de changes émises sur la S.A. TOUTOLIVES à effet au 6 décembre 1995 (ä) En paiement de ces livraisons, sans indication du nom du bénéficiaire. La S.A. TOUTOLIVES a accepté ces lettres de change domiciliées auprès de la Société Lyonnaise de Banque S.A., son banquier. Non endossées et présentées au paiement auprès de cet établissement bancaire par la S.A. VITAL, le 2 janvier 1996, celui-ci les a rejetées pour défaut de provision suffisante et disponible, le 4 janvier 1996. Le dirigeant social de la S.A. VITAL a fait une déclaration de l'état de cessation des paiements, le 5 janvier 1996. Le compte bancaire de la S.A. TOUTOLIVES ouvert auprès de la Société Lyonnaise de Banque S.A. a fait l'objet, le 9 janvier 1995, d'une inscription en crédit d'environ 160.000 francs provenant de la mobilisation de créances de la loi dite "DAILLY" par virement d'un compte que la S.A. TOUTOLIVES détenait dans une filiale de la Société Lyonnaise de Banque S.A., la société LAVIOLETTE FINANCEMENT. La S.A. TOUTOLIVES a fait l'objet d'un redressement judiciaire, le 10 janvier 1996, Maître Bruno Y... étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire et Maître Bruno Z... en qualité de représentant des créanciers, le fonds de commerce de la S.A. TOUTOLIVES étant cédé en juillet 1996.

Par jugement rendu le 6 janvier 2000, le Tribunal de Commerce de LYON a condamné la Société Lyonnaise de Banque S.A. à payer à la S.A. VITAL la somme de 86.607,38 francs outre intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 1996, cette somme représentant le montant des deux lettres de change.

La Société Lyonnaise de Banque S.A. a régulièrement formé appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

La Société Lyonnaise de Banque S.A. excipe de la nullité d'ordre public des lettres de change sur lesquelles l'indication de leur bénéficiaire ne figure pas, observation étant faite qu'il ne peut être suppléé à l'omission de la mention obligatoire et qu'il ne lui appartenait pas, en sa qualité de banque domiciliataire, d'exécuter purement et simplement l'ordre de payer sans vérifier la régularité des effets de commerce présentés au paiement. Subsidiairement, la Société Lyonnaise de Banque S.A. soutient qu'à la date du rejet, le compte courant de la S.A. TOUTOLIVES présentait un solde débiteur justifiant le rejet du paiement et qu'aucune facilité de caisse n'était plus accordée à la S.A. TOUTOLIVES début janvier 1996, son P.D.G. par ailleurs caution de la société à hauteur de 250.000 francs voulant "niveler" le compte courant avant le dépôt de bilan annoncé. La Société Lyonnaise de Banque S.A., très subsidiairement, discute le montant de la condamnation en indiquant que la S.A. VITAL a reçu de Maître Bruno Y... , ès-qualités, une certaine somme dans le cadre du redressement judiciaire et "stigmatise" la négligence de la S.A. VITAL qui a différé la présentation des lettres de change à effet au 6 décembre 1995. L'appelante réclame une somme de 15.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une autre de 20.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure

civile.

La S.A. VITAL rappelle que le motif du rejet des lettres de change indiqué par la Société Lyonnaise de Banque S.A. est l'absence de provision suffisante et disponible et non la nullité des titres ; que les parties, bien que le nom du bénéficiaire des lettres de change n'ait pas été indiqué, étaient conscientes que le tireur était également le bénéficiaire ; qu'enfin la Société Lyonnaise de Banque S.A. n'a pas qualité pour se prévaloir de l'éventuelle nullité des titres cambiaires, en sa qualité de banque domiciliataire, chargé d'exécuter un ordre de payer de son mandant/client.

La S.A. VITAL indique qu'en raison des liens étroits entre les deux établissements bancaires, le virement de fonds provenant d'une cession dite " DAILLY " afin de constituer une provision suffisante, était "programmé" et annoncé à la Société Lyonnaise de Banque S.A. ; qu'au demeurant le compte-courant fonctionnait régulièrement en position débitrice au cours des années 1994 et 1995. La S.A. VITAL soutient que la Société Lyonnaise de Banque S.A. en rejetant les lettres de change a rompu abusivement l'ouverture de crédit consenti à la S.A. TOUTOLIVES. La S.A. VITAL sollicite la confirmation du jugement, outre l'allocation de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée et celle d'une somme de 12.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Maître Bruno Y..., ès-qualités, et Maître Bruno Z..., ès-qualités, estiment que les lettres de change, ne sont pas nulles

et qu'au demeurant la volonté du tiré de s'engager cambiairement ressort du fait qu'il les a acceptées. Les intimés font valoir l'ancienneté et l'importance (entre 50.000 et 400.000 francs) des facilités de caisse qui étaient consenties à la S.A. TOUTOLIVES , pour soutenir que la Société Lyonnaise de Banque S.A. a mis fin abusivement à cette ouverture de crédit, (la preuve d'un accord entre la Société Lyonnaise de Banque S.A. et la S.A. TOUTOLIVES sur la cessation de cette facilité de caisse n'étant pas rapportée). Enfin les intimés soutiennent que la Société Lyonnaise de Banque S.A. était informée que des fonds provenant d'une cession de créances dite cession loi "DAILLY" allait intervenir et permettre de faire face au paiement de ces deux lettres de change (le solde du compte-courant étant finalement créditeur de plus de 85.000 francs le 10 janvier 1996). Les intimés sollicitent la confirmation du jugement, outre l'application à leur profit de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile.

MOTIFS ET DÉCISION

Attendu qu'aux termes de l'article L 511-1 du code de commerce, la lettre de change qui ne contient pas l'indication du nom de celui auquel le paiement doit être fait (bénéficiaire), ne vaut pas comme lettre de change ; que si cette nullité est d'ordre public, le banquier domiciliataire qui n'a souscrit aucun engagement cambiaire et qui est totalement étranger à la relation juridique liant le tireur/porteur de la lettre de change et le tiré doit payer les lettres de change qui lui sont présentées, non pas au vu des mentions figurant sur les titres mais en vertu de l'ordre de payer donné par le tiré ; que le banquier domiciliataire ne peut invoquer la nullité des lettres de change pour omission de l'une des énonciations

obligatoires du titre, sauf pour le cas où le tiré, qui aurait pu soutenir lui-même ne pas être engagé par un titre incomplet n'ayant pas valeur de lettre de change, lui aurait donné, par son mandat, le soin de soulever pour son compte une telle exception ; que le banquier domiciliataire doit exécuter l'ordre de paiement donné hors de tous relations cambiaires par son client/tiré, sauf falsification grossière des lettres de change à lui présentées ; qu'en l'espèce, les lettres de change litigieuses, non régularisées a posteriori par la mention du nom d'un bénéficiaire ensuite de leur acceptation par le tiré, la S.A. TOUTOLIVES, et leur retour entre les mains du tireur, la S.A. VITAL, ont été présentées au paiement par le tiré auprès de la Société Lyonnaise de Banque S.A. ; que la S.A. TOUTOLIVES ne s'est pas opposée lors de l'acceptation des deux lettres de change, par une mention formelle sur les titres, à ce qu'ils soient destinés à être complétés et ne se plaint pas que la S.A. VITAL, en les présentant au paiement, a agi contrairement à sa volonté ; que la S.A. TOUTOLIVES, tiré accepteur a suffisamment et clairement manifesté par son acceptation sans réserves qu'elle entendait s'engager vis-à-vis de la S.A. VITAL selon le droit cambiaire, peu important que les lettres de change ne contenaient pas les mentions obligatoires, cette nullité ne pouvant pas être soulevée par la Société Lyonnaise de Banque S.A., tenue d'exécuter un ordre de paiement donné explicitement par la S.A. TOUTOLIVES au profit de celui qui se trouvait porteur des titres soit la S.A. VITAL ; qu'il convient d'ailleurs de souligner que la Société Lyonnaise de Banque S.A. n'a pas motivé son refus de payer les traites au moment de leur présentation au paiement, par l'omission d'une mention obligatoire pour leur validité mais les a rejetées en raison de l'absence de provision ;

Attendu que la Société Lyonnaise de Banque S.A. était tenue d'exécuter l'ordre de paiement qu'elle avait reçu de la S.A. TOUTOLIVES dès lors que la situation du compte-courant de la S.A. TOUTOLIVES permettait le paiement eu égard au montant du découvert usuellement autorisé ; qu'en effet il ressort de l'examen des relevés de compte de la S.A. TOUTOLIVES que celui-ci présentait un solde débiteur de manière quasi permanente au cours des deux dernières années de fonctionnement avant l'incident, variant entre 50.000 et 400.000 francs voire plus ; que la facilité de caisse consentie à la S.A. TOUTOLIVES n'a pas été résiliée d'un commun accord entre la S.A. TOUTOLIVES et la Société Lyonnaise de Banque S.A. ; que cette dernière se borne à faire état de la volonté d'une caution, par ailleurs P.D.G. de la S.A. TOUTOLIVES, de supprimer le découvert, sans justifier du prétendu accord, dénié de surcroît par les organes de la procédure ;

Attendu que la Société Lyonnaise de Banque S.A. reste donc redevable vis-à-vis de la S.A. VITAL de la contre-valeur des lettres de change litigieuses ;

Attendu que le jugement mérite entière confirmation ;

Attendu que l'exercice de la voie de recours n'a pas dégénéré en abus ; que les parties intimées seront déboutées de leur demande en paiement de dommages et intérêts présentée au titre d'une prétendue résistance abusive et injustifiée au paiement du montant de lettres

de change arguées de nullité ;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à la S.A. VITAL la somme de 1.200 Euros et celle de 400 Euros à chacun des organes de la procédure au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Reçoit l'appel de la Société Lyonnaise de Banque S.A. comme régulier en la forme,

Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant, condamne la Société Lyonnaise de Banque S.A. à porter et payer à la S.A. VITAL la somme de 1.200 Euros et séparément à Maître Bruno Y..., ès-qualités, et à Maître Bruno Z..., ès-qualités, celle de 400 Euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Condamne la Société Lyonnaise de Banque S.A. aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître X... et la S.C.P. JUNILLON etamp; WICKY, Avoués sur leur affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2000/01073
Date de la décision : 05/04/2002

Analyses

EFFET DE COMMERCE - Lettre de change - Paiement - Refus par la banque domiciliataire - Exception de nullité de l'effet - Mise en oeuvre - Condition - /

Bien qu'aux termes de l'article L. 511-1 du Code de commerce, la lettre de change qui ne contient pas l'indication du nom du bénéficiaire ne vaut pas comme lettre de change et que cette nullité soit d'ordre public, le banquier domiciliataire qui n'a souscrit aucun engagement cambiaire et qui est totalement étranger à la relation juridique liant le tireur de la lettre de change et le tiré, a l'obligation de payer les lettres en vertu de l'ordre de payer donné par le tiré et non au vu des mentions figurant sur les titres. Ainsi, le banquier domiciliataire ne peut invoquer la nullité des lettres de changes pour omission de l'une des énonciations obligatoires du titre sauf pour le cas où le tiré qui aurait pu soutenir lui-même ne pas être engagé par un titre incomplet n'ayant pas valeur de lettre de change lui aurait donné par son mandat, le pouvoir de soulever pour son compte une telle exception


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2002-04-05;2000.01073 ?
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