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20/03/2002 | FRANCE | N°2001/00353

France | France, Cour d'appel de Lyon, 20 mars 2002, 2001/00353


COUR D'APPEL DE LYON 6ème Chambre ARRET du 20 MARS 2002 Décision déférée : JUGEMENT du TRIBUNAL D'INSTANCE de LYON en date du 30 Novembre 2000 (RG : 199901395)

N° RG Cour : 2001/00353

Nature du recours : DECL. D'APPEL Code affaire : 511 Avoués :

Parties : - SCP BAUFUME-SOURBE MONSIEUR DE X... Sergio demeurant : 29 Avenue Henri Barbusse 69100 VILLEURBANNE Avocat : Maître GIUDICELLI (TOQUE 668)

APPELANT

---------------- - SCP AGUIRAUD-NOUVELLET MONSIEUR Y... Eddy demeurant : 27 Rue Fénelon 69006 LYON Avocat : Maître CALLIES (TOQUE 146) >
INTIME

---------------- INSTRUCTION CLOTUREE le 23 Octobre 2001 DEBATS en audience pub...

COUR D'APPEL DE LYON 6ème Chambre ARRET du 20 MARS 2002 Décision déférée : JUGEMENT du TRIBUNAL D'INSTANCE de LYON en date du 30 Novembre 2000 (RG : 199901395)

N° RG Cour : 2001/00353

Nature du recours : DECL. D'APPEL Code affaire : 511 Avoués :

Parties : - SCP BAUFUME-SOURBE MONSIEUR DE X... Sergio demeurant : 29 Avenue Henri Barbusse 69100 VILLEURBANNE Avocat : Maître GIUDICELLI (TOQUE 668)

APPELANT

---------------- - SCP AGUIRAUD-NOUVELLET MONSIEUR Y... Eddy demeurant : 27 Rue Fénelon 69006 LYON Avocat : Maître CALLIES (TOQUE 146)

INTIME

---------------- INSTRUCTION CLOTUREE le 23 Octobre 2001 DEBATS en audience publique du 21 Février 2002 tenue par Monsieur VEBER, Président, et Monsieur SORNAY, Conseiller, rapporteurs, (sans opposition des avocats dûment avisés) qui en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistés lors des débats de Madame Z..., Greffier, COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : . Monsieur VEBER, Président . Madame DUMAS, Conseiller . Monsieur SORNAY, Conseiller a rendu l'ARRET contradictoire suivant prononcé à l'audience du 20 MARS 2002, par Monsieur VEBER, Président, qui a signé la minute avec le Greffier

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Selon un acte sous seing privé du 21 février 1991, Monsieur Eddy Y... a donné à bail à Monsieur Sergio DE X... un studio. En octobre 1998, Monsieur X... a saisi le Conciliateur du litige

l'opposant à son propriétaire et portant sur un arriéré de 19 mois de loyers impayés. Un accord était conclu le 21 octobre 1998 mais des difficultés ont surgi lors de la résiliation du bail en décembre 1998 notamment concernant l'état des lieux. Le Conciliateur a alors invité les parties à se réunir le 3 février 1999 pour élaborer une solution. Monsieur X... ne s'est pas rendu à cette tentative de conciliation et a adressé au Conciliateur le 4 février 1999 une lettre datée du 30 janvier 1999 dans laquelle, parlant de son propriétaire, il a écrit : "... Ce Monsieur est un provocateur, et lui, peut remercier Dieu de se trouver en chaise roulante, parce que se serait en prison ou une balle dans la tête...".

Par acte du 26 mars 1999, Monsieur Y... et la SCI GALLIENI, nouveau propriétaire du studio, ont fait assigner devant le Tribunal d'Instance de LYON Monsieur X... afin d'obtenir, d'une part, paiement d'une indemnité compensatrice de travaux de remise en état de 42.259,22 F outre 20.000 F au titre de l'impossibilité de vendre ou de relouer, d'autre part, une indemnité pour Monsieur Y... seul de 50.000 F en raison des propos injurieux ou menaçants.

Par jugement du 20 janvier 2000, le Tribunal d'Instance a :

- dit que Monsieur X... doit verser la SCI GALLIENI une indemnité compensatrice de 15.453,64 F de travaux de remise en état ;

- débouté la SCI GALLIENI des ses autres demandes ;

- avant de statuer sur la demande formée par Monsieur Y... pour obtenir l'indemnisation du préjudice occasionné par les allégations

diffamatoires contenues dans la lettre reçue par le conciliateur :

[* invite les parties à présenter leurs observations sur l'interruption du délai de prescription de trois mois imparti au demandeur par les dispositions de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;

*] renvoie l'affaire au 2 mars 2000.

Par un second jugement en date du 30 novembre 2000, le Tribunal d'Instance a :

- dit que l'action de Monsieur Y... est recevable sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil ;

- écarté les dispositions de la loi de 1881 sur la presse ;

- condamné Monsieur X... à verser à Monsieur Y... la somme de 25.000 F à titre de dommages et intérêts outre une somme de 1.500 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Appelant de ce dernier jugement, Monsieur X... soutient que la loi du 29 juillet 1881 devait recevoir application comme le jugement du 20 janvier 2000 l'avait retenu et que dans sa seconde décision le tribunal ne pouvait se contredire et, par son interprétation, écarter le caractère diffamatoire des propos pour retenir qu'il ne s'agissait que d'injures alors que celles-ci relèvent également de l'application de la loi de 1881. Il souligne, en conséquence, que l'assignation du 26 mars 1999 est nulle faute de respecter le formalisme de l'article

53, notamment quant à la qualification des faits et le visa des textes, qui s'impose également devant les juridictions civiles. Il fait en outre remarquer qu'une assignation concernant une diffamation ou une injure ne peut être fondée même à titre subsidiaire sur les dispositions de l'article 1382 du Code Civil et que seules les règles de forme et de fond de la loi de 1881 régissent la demande et notamment celle de l'article 65 qui prévoit un délai de prescription de trois mois qui en l'espèce se trouve réalisé.

A titre subsidiaire, Monsieur X... soutient que le courrier litigieux a visé à expliquer les raisons de son absence à la tentative de conciliation et que maîtrisant mal la langue française ses propos sont plus maladroits que fautifs. Il conclut à une réduction du montant des dommages et intérêts manifestement excessifs et sollicite une somme de 7.000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Y... réplique que le tribunal avait toute possibilité de statuer sur le fondement qu'il avait indiqué, la première décision étant avant-dire droit, que les allégations de Monsieur X... ne sont pas constitutives d'un délit de presse et peuvent constituer une faute civile. Il soutient que les propos tenus ne sont pas une attaque à la réputation ou à l'honneur mais font état de la réalité dans des termes dégradants. Il conteste le caractère de publicité compte tenu du caractère confidentiel du courrier. Il estime que les propos sont constitutifs d'une faute génératrice d'un préjudice moral qui est établi par le caractère volontairement vexatoire. Il sollicite la réformation du jugement déféré quant au montant de l'indemnité accordé en fixant celle-ci à la somme de 50.000 F outre une somme de 10.000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIFS

Attendu, aux termes de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 que toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ; que toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure ;

Que tant la diffamation que l'injure retenue par les dispositions de cette loi comme constitutive d'une infraction suppose un caractère de publicité ;

Attendu, en l'espèce, que dans le cadre d'un litige opposant Monsieur Y..., propriétaire, à Monsieur X..., preneur, ce dernier a adressé au conciliateur une lettre pour expliquer les raisons de son absence à la réunion projetée; que dans le corps de cette lettre Monsieur X..., parlant de Monsieur Y..., a écrit : "ce Monsieur est un provocateur, et lui, peux remercier Dieu de se trouver sur une chaise roulante, parce que se serait en prison ou une balle dans la tête" ;

Attendu qu'il ressort manifestement de ce texte aucune allégation ou imputation d'un fait précis ; qu'en revanche, la qualification employée de "provocateur" pour décrire Monsieur Y... constitue une injure et non une diffamation dès lors qu'elle ne contient l'imputation d'aucun fait précis ; que le reste de la phrase prend en compte une réalité, le handicap de Monsieur Y..., pour l'insérer dans un contexte menaçant et présenté de façon injurieuse pour Monsieur Y... dans la mesure où il lui est fait grief d'être dans l'état d'un handicapé ;

Attendu que ce texte n'était pas destiné à Monsieur Y... mais personnellement au conciliateur afin de lui exposer les raisons d'une impossibilité d'assister à la tentative de conciliation qui avait été prévue ;

Que les injures ou menaces contenues dans une lettre et concernant une personne autre que le destinataire ne sont susceptibles de recevoir une qualification pénale que s'il est établi que cette lettre a été adressée au tiers dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel ;

Qu'en l'espèce, il n'est pas démontré que la lettre adressée au conciliateur devait être divulguée ; que la connaissance qu'en a eu Monsieur Y... ne résulte que de l'initiative du conciliateur ;

Attendu que c'est donc à juste titre que le Premier Juge a écarté l'application des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil, Monsieur X... n'exclut pas que cette lettre ait dépassé sa pensée et que son contenu pouvait avoir un aspect choquant à l'égard de Monsieur Y... ; que s'il avance une mauvaise maîtrise de la langue française, son courrier démontre qu'il connaît suffisamment la langue pour exposer ses demandes et ses griefs quand bien même la transcription orthographique présenterait des incertitudes ;

Que l'évaluation faite par le Premier Juge apparaît ainsi satisfactoire et doit être confirmée ;

Attendu que l'équité commande d'élever à la somme de 500 Euros l'indemnité de procédure allouée par le Premier Juge au profit de Monsieur Y... ;

Attendu que Monsieur X... qui succombe supporte les dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Elève à la somme de 500 Euros l'indemnité allouée au profit de Monsieur Y... en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne Monsieur X... aux dépens d'appel et autorise la SCP AGUIRAUD etamp; NOUVELLET, Avoués, à les recouvrer aux formes et conditions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2001/00353
Date de la décision : 20/03/2002

Analyses

PRESSE - Abus de la liberté d'expression - Définition - Diffamation - Publicité - Eléments constitutifs

Aux termes de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ; toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure. Tant la diffamation que l'injure retenue par les dispositions de cette loi comme constitutive d'une infraction suppose un caractère de publicité. Les injures ou menaces contenues dans une lettre concernant une personne autre que le destinataire, ne sont susceptibles de recevoir une qualification pénale que s'il est établi que cette lettre a été adressée dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel. Tel n'est pas le cas d'une lettre adressée à un tiers qui n'avait pas vocation à être divulguée, cette divulgation ne résultant que de la volonté du seul destinataire de la lettre


Références :

Loi du 29 juillet 1881, article 29

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2002-03-20;2001.00353 ?
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