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06/03/2002 | FRANCE | N°2000/06351

France | France, Cour d'appel de Lyon, 06 mars 2002, 2000/06351


COUR D'APPEL DE LYON 6ème Chambre ARRET du 06 MARS 2002 Décision déférée : JUGEMENT du TRIBUNAL D'INSTANCE de BELLEY en date du 10 Octobre 2000 (RG : 199900326) N° RG Cour :

2000/06351

Nature du recours : DECL. D'APPEL Code affaire : 531 Avoués :

Parties : - SCP JUNILLON-WICKY MONSIEUR X... Pierre demeurant : 2 rue Sainte Marie 01300 BELLEY Avocat : Maître HILBERT-THOMASSON (TOQUE 345)

APPELANT

---------------- - ME MOREL MONSIEUR Y... Max demeurant : 488 Route du Vieux Port 74290 MENTHON SAINT BERNARD Avocat : Maître FABBIAN (ANNECY)


INTIME

---------------- INSTRUCTION CLOTUREE le 31 Janvier 2002 DEBATS EN AUDIENCE PUB...

COUR D'APPEL DE LYON 6ème Chambre ARRET du 06 MARS 2002 Décision déférée : JUGEMENT du TRIBUNAL D'INSTANCE de BELLEY en date du 10 Octobre 2000 (RG : 199900326) N° RG Cour :

2000/06351

Nature du recours : DECL. D'APPEL Code affaire : 531 Avoués :

Parties : - SCP JUNILLON-WICKY MONSIEUR X... Pierre demeurant : 2 rue Sainte Marie 01300 BELLEY Avocat : Maître HILBERT-THOMASSON (TOQUE 345)

APPELANT

---------------- - ME MOREL MONSIEUR Y... Max demeurant : 488 Route du Vieux Port 74290 MENTHON SAINT BERNARD Avocat : Maître FABBIAN (ANNECY)

INTIME

---------------- INSTRUCTION CLOTUREE le 31 Janvier 2002 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE du 05 Février 2002 LA SIXIEME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, composée lors des débats et du délibéré de : . Monsieur VEBER, Président . Madame DUMAS, Conseiller . Monsieur SORNAY, Conseiller assistés lors des débats tenus en audience publique par Madame Z..., Greffier, a rendu l'ARRET contradictoire suivant prononcé à l'audience publique du 06 MARS 2002, par Monsieur VEBER, Président, qui a signé la minute avec le Greffier

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 20 décembre 1987, les époux Roger A... ont vendu à Monsieur Max Y... le mobilier meublant leur domicile sis 109 Grande Rue à OULLINS.

Cet acte précise un paiement du prix comptant de 20 000 F mais est muet sur la prise de possession des biens vendus.

Monsieur Roger A... est décédé le 7 août 1992 et son épouse Maria A..., née X..., le 3 avril 1998.

Par testament olographe en date du 14 novembre 1994, Madame Maria A... a institué comme légataire universel son neveu, Monsieur Pierre X..., ce testament rendant caduc le précédent testament du 28 août 1991 désignant comme légataire universel, Madame Annette X..., épouse Y....

Au décès de sa tante, Monsieur Pierre X... a pris juridiquement possession des biens dépendant de la succession.

Se prévalant de l'acte de vente des meubles datant de 1987, Monsieur Max Y... a assigné le 8 décembre 1999 Monsieur Pierre X... devant le Tribunal d'Instance de BELLEY aux fins de voir dire que les meubles sont sa propriété et doivent lui être restitués outre paiement de la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement du 8 décembre 1999, le Tribunal a :

- déclaré l'action intentée par Monsieur Max Y... recevable, écartant en cela la fin de non recevoir tirée de la prescription opposée par le défendeur ;

- condamné Monsieur Pierre X... à restituer à Monsieur Max Y... les objets mobiliers, objets du contrat de vente du 20 décembre 1987 suivant la liste annexée à ce contrat ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné Monsieur Pierre X... au paiement de la somme de 2 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

[*

Monsieur Pierre X... a interjeté appel de cette décision. Pour conclure à la réformation du jugement, il soulève la prescription de l'action fondée sur l'article 2279 du Code Civil depuis décembre 1990 dès lors que Monsieur Y... n'est plus en possession des biens litigieux depuis 1987 selon ses propres dires.

Subsidiairement, l'appelant soutient que l'article 2279 du Code Civil est inapplicable, les biens revendiqués n'ayant été ni perdus ni volés et alors même que le demandeurs ne prouve pas que, ces biens, facilement détériorables sur une dizaine d'années, se trouveraient à ce jour entre les mains du légataire universel.

Monsieur X... estime que l'action fondée sur l'article 2279 alinéa 2 est irrecevable dès lors qu'il ne possède plus les biens objets de la prétendue vente.

Il ajoute que Monsieur Y... ne justifie pas du paiement de la somme de 20 000 F prévue dans l'acte de vente du 20 décembre 1987 et qu'à titre subsidiaire il convient de constater la résolution de la vente pour inexécution.

L'appelant sollicite enfin la somme de 10 000 F (1 524,40 Euros) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

*] [*

*]

Monsieur Max Y... conclut à la confirmation du jugement en y ajoutant la condamnation de Monsieur Pierre X... à lui payer la somme de 20 000 F (3 048,98 Euros) prix de vente de ces meubles, outre intérêts au taux légal à compter du 3 avril 1998, date du décès de Madame Maria A... et date à laquelle Monsieur Max Y... aurait dû appréhender lesdits meubles.

Essentiellement, il réplique que le moyen tiré de la prescription

n'est pas fondé, le délai de trois ans commençant à courir à compter de la dépossession, soit le 3 avril 1998, jour de l'appréhension des biens par Monsieur X..., légataire universel.

Il ajoute que le délai de prescription est inapplicable au possesseur de mauvaise foi, ce qui est le cas puisque Monsieur X... n'ignorait rien de la vente intervenue le 20 décembre 1987.

Sur l'application de l'article 2279 du Code Civil, l'intimé fait sienne l'analyse du Tribunal retenant qu'il avait été dépossédé contre son gré.

S'agissant de la résolution de la vente, Monsieur Y... rétorque que le prix de 20 000 F a été payé comptant, comme mentionné sur l'acte. Il réfute par ailleurs toutes les insinuations adverses quant aux "dons manuels" considérés comme réguliers suite à une expertise judiciaire dans le cadre d'une affaire sans rapport avec le présent litige.

Sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Monsieur Y... sollicite la somme de 1 524,40 Euros (10 000 F).

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur la prescription de l'action :

Attendu que Monsieur Y... fonde son action sur l'article 2279 alinéa 2 du Code Civil qui dispose :

"Celui qui a perdu et auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol contre celui dans les mains duquel il la trouve" ;

Attendu que Monsieur X... soulève la prescription de cette action au motif qu'elle n'aurait pas été intentée dans le délai de trois ans

à compter de la vente invoquée de 1987 emportant dépossession des biens litigieux, selon la propre thèse adverse ;

Mais attendu que c'est à bon droit que le Tribunal a écarté la forclusion tirée du texte précité ;

Qu'en effet, s'il est exact que l'acte de vente de 1987 ne comporte aucune mention relative à un transfert de possession différé au décès des époux A..., il n'est cependant pas sérieusement contestable que tous les meubles meublants garnissant le domicile des époux A... ont été laissés volontairement sur place, ceci étant corroboré par un témoin ayant vu en 1992 l'appartement meublé comme il l'était auparavant ;

Qu'ainsi la "perte" de la chose ne remonte pas à la date de la vente mais au moment où Monsieur X... a appréhendé les biens de la succession de Madame A... en sa qualité de légataire universel, et ce, contre le gré de Monsieur Y... qui a réclamé les biens, objets de vente, à la suite du décès de Madame A... notamment par lettre du 1er avril 1999 ;

Que le point de départ du délai de trois ans est donc la date du décès de Madame A..., soit le 3 avril 1998, de sorte que l'action intentée le 8 décembre 1999 n'est pas tardive ;

Attendu qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable l'action ;

- Sur le fond :

Attendu que Monsieur X... soutient que l'article 2279 alinéa 2 du Code Civil est inapplicable en l'espèce au motif qu'il n'y a ni perte ni vol de la chose revendiquée, compte tenu du caractère volontaire de la dépossession ;

Mais attendu qu'il vient d'être retenu dans la discussion relative à la prescription que Monsieur Y... est fondé à se considérer comme

dépossédé contre son gré des biens mobiliers au moment du décès de Madame A... ;

Que la notion de "perte" de la chose, qui s'étend largement, s'applique ;

Attendu que Monsieur Y... produit un acte de vente sous seing privé en date du 20 décembre 1987 comportant la liste des objets mobiliers à lui vendus par les époux A... qui ont apposé la mention :

"Je soussigné Monsieur Roger A... et Madame déclare avoir vendu à Monsieur Max Y... les meubles et articles ci-dessous pour la somme de 20 000 F" ;

Qu'en dessous de la liste, il est mentionné "payé comptant" ; que cet acte est signé par les deux vendeurs ;

Attendu que cette vente est valable et la mention du versement du prix comptant suffit à établir le paiement ; qu'en conséquence Monsieur X... n'est pas fondé à soutenir que le prix n'a pas été payé ; que sa demande tendant à la résolution de la vente pour inexécution ne saurait prospérer ;

Attendu que Monsieur Y... produit une lettre adressée par son conseil le 1er avril 1999 à Monsieur X... dans laquelle il est fait état de l'acte de vente du 20 décembre 1987 et de plusieurs réclamations aux fins de restitution du mobilier au légitime propriétaire ;

Attendu que dès lors que Monsieur X... avait connaissance de l'acte de vente de 1987, la possession des biens mobiliers par ce dernier en sa qualité de légataire universel est entachée du vice d'équivoque faisant obstacle à la protection prévue par l'article 2279 alinéa 1 du Code Civil ;

Attendu que le droit de propriété invoqué par Monsieur Y... résultant d'un titre plus ancien prime sur la possession, comme l'a

exactement relevé le Premier Juge ;

Attendu cependant que Monsieur X... déclare qu'il est dans l'impossibilité de restituer les biens meubles qui ne sont plus en sa possession ;

Attendu qu'il est certain qu'au cours d'une si longue période de douze ans séparant la vente de 1987 et la revendication de 1999, la consistance des meubles a nécessairement subi des variations ; que certains biens sont détériorables (appareils ménagers, tourne-disques, radio, vaisselle...) ou consommables (bouteilles de champagne) ou objets de dons en remerciement de services rendus à une personne âgée (linge, petit mobilier) ;

Attendu par ailleurs qu'en acceptant une prise de possession différée, Monsieur Y... a pris délibérément le risque d'une détérioration et d'une dévaluation des meubles de facture modeste et courante qui ont été évalués au décès de Madame A... à une somme modique de 2 250 F ;

Attendu en définitive que la Cour, réformant en cela le jugement déféré, n'ordonnera pas la restitution en nature des biens mais accordera, au vu des éléments du dossier, une indemnisation forfaitaire à Monsieur Y... arbitrée à la somme de 762,25 Euros (5 000 F) ;

Attendu que l'équité conduit à faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de Monsieur Y... à hauteur de 457,35 Euros (3 000 F) pour toute la procédure de première instance et d'appel ;

Attendu que les entiers dépens seront laissés à la charge de Monsieur X... qui succombe pour l'essentiel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable comme non

forclose l'action fondée sur l'article 2279 alinéa 2 du Code Civil et en ce qu'il a déclaré la demande de Monsieur Y... fondée dans son principe,

Le réforme en ce qu'il a ordonné une restitution des biens en nature, Statuant à nouveau,

Condamne Monsieur X... à payer à Monsieur Y... la somme de 762,25 Euros en remboursement de la valeur des biens, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et la somme de 457,32 Euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne Monsieur X... aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître MOREL, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2000/06351
Date de la décision : 06/03/2002

Analyses

PROPRIETE - MEUBLES - Article 2279 du Code civil - PERTE OU VOL - REVENDICATION - DELAI.

En vertu de l'article 2279, alinéa 2, du Code civil, celui qui a perdu et auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol contre celui dans les mains duquel il la trouve. L'acte de vente de meubles ne comportant aucune mention relative à un transfert de possession différé au décès des vendeurs, il ne peut cependant être contesté sérieusement que tous les meubles ont été laissés volontairement sur place. Ainsi, la perte de la chose ne remonte pas à la date de la vente mais au moment où l'appelant a appréhendé les biens de la succession en sa qualité de légataire universel et ce, contre le gré de l'intimé qui les a réclamés. L'action n'est donc pas forclose, le point de départ du délai de trois ans étant la date du décès du vendeur

PROPRIETE - MEUBLES - Article 2279 du Code civil - Conditions d'application - Possession - CARACTERE NON EQUIVOQUE.

La notion de "perte" de la chose s'entend largement. L'acheteur des biens mobiliers est fondé à se considérer comme dépossédé contre son gré de ces biens au moment du décès du vendeur. Dès lors que l'appelant avait connaissance de cet acte de vente, la possession des biens mobiliers par ce dernier en sa qualité de légataire universel est entachée du vice d'équivoque faisant obstacle à la protection prévue par l'article 2279, alinéa 1, du Code civil


Références :

Code civil, article 2279

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2002-03-06;2000.06351 ?
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