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28/02/2002 | FRANCE | N°2000/00306

France | France, Cour d'appel de Lyon, 28 février 2002, 2000/00306


COUR D'APPEL DE LYON 1ère Chambre ARRET du Décision déférée : JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de LYON en date du 06 Décembre 1999

(RG : 199714823 - Ch 10ème Ch)

N° RG Cour : 2000/00306

Nature du recours : APPEL Code affaire : 386 Avoués :

Parties : - ME B . MONSIEUR G J A demeurant 69 assisté par Monsieur J G pris en sa qualité de curateur demeurant Place de la Mairie Avocat : Maître G-P

APPELANT

---------------- -SCP A-N

Madame G divorcée G

J épouse F

demeurant :

69

assistée p

ar Madame G G

prise en sa qualité de curatrice

demeurant

69 LYON

Avocat : Maître G-L S

APPELANTE

--------------- - S...

COUR D'APPEL DE LYON 1ère Chambre ARRET du Décision déférée : JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de LYON en date du 06 Décembre 1999

(RG : 199714823 - Ch 10ème Ch)

N° RG Cour : 2000/00306

Nature du recours : APPEL Code affaire : 386 Avoués :

Parties : - ME B . MONSIEUR G J A demeurant 69 assisté par Monsieur J G pris en sa qualité de curateur demeurant Place de la Mairie Avocat : Maître G-P

APPELANT

---------------- -SCP A-N

Madame G divorcée G

J épouse F

demeurant :

69

assistée par Madame G G

prise en sa qualité de curatrice

demeurant

69 LYON

Avocat : Maître G-L S

APPELANTE

--------------- - SCP B-T . CRCAM C E venant aux droits de la CRCA de l'A dont le siège social est : 69 Représentée par ses dirigeants

légaux Avocat : Maître R-B P

INTIMEE

---------------- - SCP B-T . MAITRE A P dont le successeur est Maître M demeurant : 69 Avocat : Maître R J-J

INTIME

---------------- INSTRUCTION CLOTUREE le 08 Octobre 2001 DEBATS : en audience publique du 28 Novembre 2001 Les pièces de la procédure ont été régulièrement communiquées à monsieur le procureur général. COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : - monsieur LORIFERNE, président, - monsieur ROUX, conseiller, - madame BIOT, conseiller, assistés pendant les débats de Madame KROLAK, greffier. ARRET : contradictoire prononcé à l'audience publique du par Monsieur LORIFERNE, président, qui a signé la minute avec le greffier. FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur J G et son épouse J G épouse G ont acheté en 1987 un terrain situé à CORBAS et ont fait construire une maison individuelle.

Selon offre de prêt du 29 juin 1997 et suivant acte authentique reçu le 4 août 1987 par Maître A, notaire à V, LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT A M DE L'A a consenti aux époux G un prêt immobilier n°281909015 d'un montant de 586.800 francs pour une durée de vingt ans au T.E.G. de 11,023 %.

Par jugement du 4 novembre 1988, Monsieur G et son épouse ont été placés sous curatelle.

Par jugement du 8 octobre 1993, le Tribunal de Grande Instance de LYON a prononcé le divorce des époux G.

Par courriers du 11 juin 1996, la C.R.C.A.M. C E venant aux droits de la CRCAM de L'A a prononcé la déchéance du terme et réclamé la somme de 597.446,04 francs.

Par acte des 25 et 27 novembre 1997, Monsieur G assisté de son curateur, Monsieur J G et Madame J G divorcée G et épouse F, assistée

de sa curatrice, Madame G G ont fait citer la C.R.C.A.M. C E ainsi que Maître A aux fins de les voir déclarer responsables du préjudice des ex-époux G et de les voir condamner in solidum à leur payer la somme de 755.000 francs à titre de dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 6 décembre 1999, le Tribunal de Grande Instance de LYON, après avoir relevé que les défendeurs avaient commis une négligence fautive en laissant des personnes particulièrement vulnérables du fait de leur retard mental, contracter un prêt à mensualités progressives nécessitant la tenue d'un budget très rigoureux, les a condamnés in solidum à verser la somme de 50.000 francs aux demandeurs, avec intérêts légaux à compter du jugement, outre une indemnité de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Monsieur G et Madame G ont relevé appel de ce jugement dont ils demandant la confirmation en ce qu'il a retenu la responsabilité de la C.R.C.A.M. C E et de Maître A.

Madame G réclame au soutien de son recours, leur condamnation in solidum à lui payer à elle et à Monsieur G la somme de 341.348 francs au titre du préjudice subi du fait de la perte de l'apport personnel et des sommes remboursées en pure perte entre janvier 1988 et avril 1996. Celle de 700.000 francs au titre du préjudice subi du fait de la perte du patrimoine immobilier, et celle de 50.000 francs au titre du préjudice moral subi. Elle réclame également 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Elle explique qu'à compter de 1998, date de mise à la retraite de Monsieur G, ils auraient dû supporter des mensualités de 6.461 francs alors qu'ils disposaient de ressources s'élevant à 9.688 francs, qu'ils étaient ainsi dans l'incapacité de rembourser intégralement leur prêt et contraints à vendre leur maison. Elle fait valoir qu'elle est atteinte,à l'instar de son ex-mari d'une déficience

intellectuelle qui ne pouvait être ignorée, et que tous deux étaient en conséquence dans l'incapacité d'apprécier les conséquences financières d'un engagement à long terme comprenant des remboursements évolutifs.

De son côté, Monsieur G réclame la condamnation in solidum de la C.R.C.A..M C E et de Maître A à lui payer la somme de 755.000 francs de dommages et intérêts et celle de 20.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Il soutient d'une part, que la C.R.C.A.M. C E avait parfaite connaissance lors de la conclusion du prêt, de la situation financière des époux G, et savait qu'à la date de la retraite de Monsieur G ils ne pourraient plus honorer cette dette, qu'elle ne pouvait ignorer leurs troubles mentaux, et d'autre part, que Maître A aurait du remplir son obligation de conseil et d'information eu égard à l'inadéquation entre le prêt octroyé et leur capacité financière.

La C.R.C.A.M. C E sollicite le rejet des demandes formées par les appelants à son encontre, et par voie reconventionnelle, leur condamnation in solidum à lui verser la somme de 7.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Elle fait valoir que les époux G ont conclu un prêt conventionné à taux progressif remboursable sur une durée de vingt ans et que compte tenu de leurs revenus et des aides perçues par le couple, elle a estimé ne prendre aucun risque en consentant ce crédit, que d'ailleurs ils ont remboursé jusqu'en 1996. Elle ajoute que les époux G étaient parfaitement conscients de l'objet du contrat qu'ils signaient puisqu'ils souhaitaient devenir propriétaires d'une maison d'habitation qu'ils allaient faire construire, et qu'en outre, la curatelle est une protection légère du majeur protégé. Elle conteste l'existence d'un préjudice subi par les appelants.

Maître A conclut à la réformation du jugement et au rejet de

l'intégralité des prétentions développées par les appelants, et à titre subsidiaire, à la condamnation de la C.R.C.A.M. C E à le relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre.

Il sollicite également 10.000 francs de dommages et intérêts et 12.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Il conteste avoir failli à son devoir de conseil et explique que, lors de la souscription du contrat de prêt, les époux G avaient une parfaite capacité juridique, Il soutient que la mise sous curatelle ultérieure, pas plus que les expertises du Docteur S invoquées par les appelants révélant un niveau d'alphabétisation plutôt bas, ne sauraient établir leur incapacité.

Il précise aussi que son rôle a consisté à recevoir l'acte portant sur un prêt qui a été négocié et souscrit directement par les époux G.

Il estime également que le préjudice allégué n'est pas fondé et se trouve dépourvu du lien de causalité avec les griefs invoqués. MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que les époux G ne demandent pas à la Cour de prononcer la nullité du contrat de prêt pour vice ou absence de consentement, mais agissent en responsabilité contre l'organisme prêteur et le notaire auxquels ils reprochent une faute ;

Attendu que si le placement de chacun des deux époux G sous le régime de la curatelle (curatelle renforcée prévue par l'article 512 du Code Civil au moins en ce qui concerne J G) est postérieur à l'acte de prêt, il résulte clairement des certificats médicaux établis qu'en mai 1988 par le Docteur S, médecin spécialiste, que leur retard mental existait depuis l'enfance ;

Que notamment, Monsieur G présentait "un retard mental s'exprimant à

travers de grosses difficultés au plan de la numérotation et du calcul ainsi qu'une immaturité de jugement" et Madame G présentait "un retard mental avec limitation de ses capacités de numérotation et de calcul et immaturité au plan de l'affectivité et du jugement" ;

Que le médecin relève par ailleurs "qu'on ne comprend pas toujours très bien ce qu'il (Monsieur G) veut dire" et que Madame G "s'arrête sur chacun des mots qu'elle écrit" l'un et l'autre étant en outre incapables d'écrire un chiffre dicté ;

Que dans ces conditions le préposé de la banque qui a mis en place avec eux les modalités du prêt ne pouvait ignorer le handicap apparent des souscripteurs et se devait de les conseillers avec un discernement tout particulier compte tenu de leur état ;

Que s'il est manifeste que l'achat d'un bien immobilier pour se loger avec leurs enfants était de l'intérêt des époux G qui en formulaient la demande, encore faillait-il que la banque vérifie que leurs ressources étaient susceptibles de leur permettre de rembourser les mensualités du prêt pendant toute la durée de celui-ci et leur expliquer clairement la situation;

Or attendu que s'agissant d'un prêt à mensualités progressives sur vingt ans (4.365,54 francs en 1988 - 6.461,99 francs en 2007), il apparaissait dès l'origine que les modestes ressources des emprunteurs risquaient fort de ne pouvoir suivre cette progression alors que Monsieur G était susceptible de prendre sa retraite pendant la durée d'amortissement du prêt, que les enfants devenant majeurs, les emprunteurs devaient subir la perte des allocations et suppléments familiaux et que Madame G ne pouvant travailler percevait uniquement l'allocation aux adultes handicapés ;

Que d'ailleurs le remboursement du prêt n'a pu intervenir pendant neuf ans qu'au prix d'une gestion financière rigoureuse imposée par les curateurs ;

Que face à des personnes vulnérables, la situation financière devait être appréciée avec une particulière vigilance, et la banque a manqué à son devoir de Conseil en leur faisant souscrire sans précaution un prêt à mensualités progressives, nécessitant la tenue d'un budget rigoureux et prévisionnel, ce dont ils étaient incapables, et dont le remboursement jusqu'à son terme était pour le moins aléatoire ;

Attendu que cette faute du CREDIT A a conduit les époux G à souscrire sans discernement un prêt auquel ils ont été incapables de faire face jusqu'au bout, sans rechercher si d'autres modalités d'endettement étaient mieux adaptées ou si l'opération était viable ;

Que pour autant la défaillance des emprunteurs ne peut être entièrement imputée au prêteur, alors qu'elle est, pour une grande part, le résultat du divorce qui a conduit à la baisse des revenus du mari qui occupait seul les lieux, lesquels auraient pu alors être revendus pour apurer le crédit ;

Que le préjudice des ex-époux G imputable au CREDIT A peut être fixé à la somme globale de 200.000 francs ;

Attendu que le notaire n'est pas intervenu dans la négociation du prêt auquel il a ensuite donné une forme authentique ;

Que les époux G ont signé l'acte à une date à laquelle ils disposaient de leur pleine capacité juridique. Qu'ils n'ont d'ailleurs jamais contesté avoir réellement souhaité réaliser l'opération ;

Que l'existence d'une faute à l'encontre de Maître A n'est pas ainsi démontrée et que les demandes dirigées contre lui seront rejetées ;

Attendu qu'en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile il sera alloué à chacun des appelants à la charge du CREDIT A une somme de 765 euros pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande en dommages

et intérêts de Maître A en l'absence de démonstration d'un préjudice particulier. Que l'équité conduit à le débouter également de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Déclare les appels recevables,

Réforme le jugement déféré,

Condamne la CAISSE REGIONALE DE CREDIT A M (C.R.C.A.M.) à payer à Monsieur J G et à Madame J G ensemble la somme globale de DEUX CENTS MILLE FRANCS (200.000 F) à titre de dommages et intérêts, somme qui se compensera éventuellement avec les créances que le CREDIT A pourrait posséder à leur encontre,

Condamne également LE CREDIT A à payer à Monsieur G et à Madame G la somme de SEPT CENT SOIXANTE CINQ EUROS (765 EUROS) chacun au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT A M DE L'A aux dépens d'appel et autorise les avoués de ses adversaires à recouvrer directement contre elle les dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2000/00306
Date de la décision : 28/02/2002

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Prêt - Charge excessive au regard de la modicité des ressources de l'emprunteur - Absence de mise en garde

Face à des personnes vulnérables, la situation financière doit être appréciée avec une particulière vigilance. Une banque manque à son devoir de conseil en faisant souscrire, sans précaution à des époux, présentant chacun un re- tard mental apparent, un prêt à mensualités progressives nécessitant la tenue d'un budget rigoureux et prévisionnel, ce dont ils étaient incapables rendant le remboursement jusqu'à son terme pour le moins aléatoire, même si la défaill- ance des emprunteurs ne peut être entièrement imputée à la banque, résultant pour une grande part du divorce des co-débiteurs


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2002-02-28;2000.00306 ?
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